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Etude du stade initial du frittage des oxydes d’uranium

5. Frittage en condition oxydante

5.1. Modification de la morphologie des grains

Le suivi de l’évolution microstructurale d’une microsphère polycristalline de dioxyde d’uranium isolée, d’environ 500 nm de diamètre, a par la suite été réalisé au cours de traitements thermiques in situ par MEBE-HT menés sous atmosphère oxydante. Pour cela, les traitements thermiques ont été, dans un premier temps, réalisés sous vide jusqu’à environ 800 °C, température de calcination du précurseur UO2.3H2O synthétisé, puis environ 200 Pa d’air (soit

40 Pa d’O2) ont été injectés dans la chambre du microscope afin d’oxyder l’U(IV). La séquence

d’images montrant les différentes étapes de cette expérience sont rapportées à la Figure 91. Les images enregistrées au cours de la conversion thermique de ces microsphères mettent en évidence une diminution progressive de la taille des grains lors de la déshydratation du précurseur UO2.3H2O. En effet, une diminution moyenne d’environ 7 % du diamètre initial des

microsphères a été observée après obtention du dioxyde d’uranium anhydre à 800 °C (Figure 91- a). Le passage sous air, à une pression d’environ 200 Pa au cours du palier isotherme réalisé à 800 °C, a par la suite conduit à la modification soudaine de la morphologie sphérique des grains

(Figure 91-b). En effet, les grains obtenus après oxydation ont, dans certains cas, une forme ovale. Cette modification morphologique est induite par une déformation plastique des grains lors de l’oxydation de l’U(IV), qui conduit, dans ces conditions, à la formation d’U3O8 [21]. Cette

modification morphologique est donc la signature de l’oxydation de l’U(IV) en U(V) et U(VI) et est probablement en partie favorisée par la modification des coefficients de diffusion de l’uranium au sein de l’oxyde d’uranium.

Figure 91 : Suivi in situ par MEBE-HT de la calcination d’une microsphère d’oxyde d’uranium sous vide (a) 25 °C, (b) 800 °C et (c) modification morphologique après passage sous air (200 Pa).

5.2. Frittage des microsphères d’UO

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sous atmosphère oxydante

Par la suite, de premières observations, visant à mettre en évidence l’influence de la pO2 sur les

cinétiques d’élaboration du pont lors de la première étape du frittage, ont été réalisées. Ces observations ont été effectuées de la même manière que précédemment, la montée en température étant réalisée sous vide jusqu’à la température de travail souhaitée avant passage sous environ 40 Pa d’O2 (200 Pa d’air) en mode environnemental. Dans ces conditions

d’atmosphère, une gamme de températures moins élevée a été utilisée pour le frittage de ces microsphères. En effet, différentes études expérimentales ont précédemment montré que la température de frittage d’UO2 diminue lorsque le rapport O/U augmente [22,23]. Comme le

montre les diffractogrammes de rayons X présentés à la Figure 92, dans notre cas, l’oxydation de l’oxyde d’uranium réalisée en utilisant un protocole expérimental comparable à celui utilisé dans le MEBE (poudre d’UO2 calcinée sous air suivant la procédure ex situ), conduit à

l’obtention d’U3O8. La température la plus basse à laquelle l’élaboration du pont a été observée

avec une cinétique adaptée aux observations in situ par MEBE-HT se situe autour de 800 °C. De ce fait, une gamme de température comprise entre 800 °C et 1000 °C a été retenue pour réaliser les expériences in situ dans la chambre du MEBE.

Figure 92 : Diffractogrammes de rayons X enregistrés après calcination des microsphères d’UO2 à

Lors du frittage de deux microsphères en contact, une modification de la morphologie sphérique des grains, qui deviennent légèrement ovales, a été observée après le passage sous air. De plus, comme attendu, la formation et la croissance du pont entre les microsphères après oxydation s’opère plus rapidement et à plus basse température que dans le cas précédent (sous atmosphère réductrice). En effet, la comparaison des images MEBE enregistrées dans les deux cas montre clairement que dans le cas d’UO2 la taille du pont est d’environ 140 nm après 30 min à 1200

°C et environ 150 nm après 30 min à 1000 °C après oxydation de l’uranium (Figure 87) (Figure 93). Cette modification des cinétiques pourrait s’expliquer par le fait que l’uranium diffuse plus vite dans U3O8 que dans UO2[21,24].

Figure 93 : Observation in situ par MEBE-HT du frittage de deux microsphères polycristallines d’oxyde d’uranium sur un support en alumine à 1000 °C sous 200 Pa d’air.

L’exploitation des images enregistrées a ensuite permis de représenter l’évolution de différents paramètres d’intérêt en fonction du temps de maintien en température. L’évolution générale de ces paramètres, au cours du traitement thermique, est similaire à celle observée précédemment dans le cas d’UO2(Figure 94).

Figure 94 : Evolution de différents paramètres d’intérêt durant le frittage des microsphères polycristallines d’oxyde d’uranium à 1000 °C sous 200 Pa d’air : (a) taille du pont, (b) angles dièdres,

(c) rayon des grains et (d) distance entre les centres des grains.

L’évolution du paramètre d’avancement du frittage a également été déterminée pour toutes les températures de traitement thermique étudiées. Les courbes obtenues mettent en évidence l’augmentation progressive de la valeur de x/r jusqu’à ce qu’elle atteigne une valeur quasi constante. A titre d’exemple, la courbe obtenue lors d’un traitement thermique à 1000 °C est présentée à la Figure 95. Dans ce cas, une valeur de x/r quasi constante d’environ 0,3 est atteinte après 30 min de traitement thermique. De même que la taille du pont, l’avancement du frittage est plus rapide après oxydation de l’uranium (IV). En effet, la courbe présentée à la Figure 95-a

montre que lors du frittage à 1000 °C sous air, l’avancement du frittage est similaire à celui obtenu à 1200 °C sous vide. La corrélation entre ces résultats indique que l’oxydation de l’uranium (IV) permet d’obtenir des données similaires à celles obtenues sous vide pour des températures de traitement thermique plus faibles. L’état redox de l’uranium a donc une influence importante sur le degré d’avancement du frittage ainsi que sur les cinétiques associées.

Figure 95 : Evolution de l’avancement du frittage (λ = x/r) durant le traitement thermique de deux microsphères polycristallines d’oxyde d’uranium ;(a) sous vide à 1200 °C et sous 200 Pa d’air à 1000 °C

et (b) ajustement mathématique réalisé à l’aide d’une loi exponentielle de premier ordre.

Les courbes d’avancement du frittage (x/r) ont ensuite été exploitées en utilisant la loi exponentielle (19) précédemment utilisée pour décrire le frittage de grains d’UO2 polycristallins

sous vide [13]. L’ajustement mathématique de ces courbes à partir de cette loi a permis de déterminer les valeurs des constantes de vitesse k à chacune des températures étudiées (Tableau 15).

Tableau 15 : Valeurs des constantes de vitesse obtenues durant le frittage des microsphères d’oxyde d’uranium sous air (200 Pa) en utilisant une loi exponentielle (~ = ƒq. uvw(z{) + ~q).

Température (°C) Grains polycristallins k ln(k) 800 0,010 ± 0,001 -4,4 ± 0,5 900 0,030 ± 0,005 -3,3 ± 0,4 1000 0,090 ± 0,009 -2,3 ± 0,2

Une énergie d’activation d’environ 120 ± 10 kJ.mol-1 a ensuite été déterminée en utilisant la

représentation d’Arrhenius (Figure 96). Cette valeur est plus faible que celle précédemment déterminée lors du frittage des microsphères d’UO2 sous vide (335 ± 116 kJ.mol-1). La

différence entre ces deux valeurs peut s’expliquer par le fait que le coefficient de diffusion de l’uranium augmente avec l’augmentation du rapport O / U [25], ce qui conduit à une augmentation des cinétiques de frittage. Ce phénomène a été précédemment mis en évidence lors de diverses études portant sur l’influence de l’oxydation et / ou de la sur-stœchiométrie en oxygène sur les cinétiques de frittage des compacts de UO2[26,27]. Dans la littérature, certains

auteurs ont, par exemple, démontré que le coefficient de diffusion de l’uranium peut être jusqu’à trois fois plus élevé lors du passage de UO2 stœchiométrique à UO2,2 pour des températures

comprises entre 1400 °C et 1600 °C[24,28,29]. De même, lors d’une étude réalisée par Gao et

étant égal à de 3,77.10-18 m2.s-1, augmente jusqu’à 1,86.10-15 m2.s-1 après formation de UO 2,1 à

environ 1500 °C. Ces études permettent donc d’observer que la stœchiométrie de l’oxyde d’uranium impacte son comportement lors du frittage. Dans le cas de cette étude, l’oxyde obtenu après oxydation de l’uranium (IV) étant U3O8, le coefficient de diffusion de l’uranium

au sein de cet oxyde est probablement supérieur à celui mesuré dans UO2 stœchiométrique.

Cette augmentation du coefficient de diffusion de l’uranium permet d’expliquer la détermination d’une énergie d’activation plus faible dans ces conditions de traitement thermique [24,26].

Figure 96 : Diagramme d’Arrhenius déterminé après frittage des microsphères d’oxyde d’uranium entre 800 °C et 1000 °C sous 200 Pa d’air (soit 40 Pa environ d’oxygène) avec des grains polycristallins.

Ces résultats préliminaires montrent donc que l’oxydation de l’uranium lors du frittage, influence fortement l’évolution globale du système, même à une échelle microscopique, ce qui permet d’obtenir des oxydes plus denses à basse température [26,30]. Ce comportement à précédemment été mis à profit pour diminuer la température de frittage du dioxyde d’uranium en utilisant U3O8[30] comme dopant ou encore en oxydant l’uranium au cours du frittage de

UO2[31]. En effet, Harada [31] a observé, lors de l’étude du frittage des pastilles de UO2, que

l’oxydation de l’uranium (IV) au cours de la densification permettait d’augmenter la croissance granulaire ainsi que la densité finale des compacts frittés.

Les premières observations du stade initial du frittage des microsphères polycristallines de dioxyde d’uranium ont été réalisées in situ par MEBE-HT en travaillant sous vide dans la chambre du microscope avec un support en alumine. Ces conditions expérimentales ont permis de suivre le frittage des microsphères de UO2, en s’affranchissant d’une réaction entre

les microsphères et le support.

Les résultats préliminaires obtenus ont permis de démontrer la faisabilité d’une telle étude expérimentale, à partir d’un oxyde d’actinide ayant un comportement chimique complexe, notamment en terme de redox. Au cours de cette étude, l’élaboration d’un pont entre les microsphères de UO2 a été observée pour la première fois de manière expérimentale. Le

traitement d’images MEBE a ensuite permis de quantifier les modifications morphologiques observées en déterminant l’évolution des paramètres d’intérêt. L’exploitation des courbes obtenues, en utilisant une loi exponentielle (λ = a0.exp(k.t)+ λ0), a ensuite permis de

déterminer une énergie d’activation d’environ 335 ± 116 kJ.mol-1 qui est associée à des mécanismes de diffusion de matière lors de l’élaboration du pont [17,18]. Contrairement au cas de ThO2, l’évolution microstructurale de ces microsphères et l’allure des courbes

obtenues sont assez similaires à celles décrites lors de la modélisation de ce stade du frittage

[14,15] et précédemment observées lors du frittage de CeO2 [11]. Cette différence peut

s’expliquer par la différence entre les précurseurs synthétisés dans les deux cas, ThO2.2H2O

et UO2.3H2O, qui conduit à l’obtention de microsphères de porosités différentes après

conversion thermique en oxyde.

En travaillant ensuite sous atmosphère oxydante (200 Pa d’air, soit 40 Pa d’O2), l’influence

de l’oxydation sur le frittage d’UO2 a pu être observée. Lors de cette étude, l’oxydation de

l’uranium (IV) a conduit à une modification de la morphologie des microsphères, qui tend vers une forme plus ovale. Les résultats préliminaires obtenus ont montré d’une part que l’oxydation de l’uranium (IV) conduit à une diminution de la température de frittage, par exemple de 1200 °C sous vide à 1000 °C sous air pour atteindre le même degré d’avancement. D’autre part que la vitesse de formation et de croissance du pont augmente de manière significative après oxydation. L’énergie d’activation déterminée dans ces conditions, d’environ 120 ± 10 kJ.mol-1, est plus faible que celle d’UO2. La pression partielle en oxygène

peut donc permettre de moduler la densification des échantillons d’UO2 lors du frittage [26,31].

Références

1 G.I. Nkou Bouala, N. Clavier, S. Martin, J. Léchelle, J. Favrichon, H. P. Brau, N. Dacheux, and R. Podor, From in Situ HT-ESEM Observations to Simulation: How Does polycrystallinity Affects the Sintering of CeO2 Microspheres?, Journal of Physical Chemistry C, 120, 386–395 (2016).

2 G. I. Nkou Bouala, N. Clavier, J. Léchelle, J. Monnier, C. Ricolleau, N. Dacheux, and R. Podor, High- temperature electron microscopy study of ThO2 microspheres sintering, Journal of the European

Ceramic Society, 37, 727-738 (2017).

3 Z. Yang, L. Liu, H. Liang, H. Yang and Y. Yang, One-pot hydrothermal synthesis of CeO2 hollow microspheres, Journal of Crystal Growth, 312, 426–430 (2010).

4 G.I. Nkou Bouala, N. Clavier, R. Podor, J. Cambedouzou, A. Mesbah, H.P. Brau , J. Lechelle and N. Dacheux, Preparation and characterisation of uranium oxides with spherical shape and hierarchical structure, CrystEngComm, 16, 6944-6954 (2014).

5 M. Iwasaki, T. Sakurai, N. Ishikawa and Y. Kobayashi, Oxidation of UO2 Pellets in Air: Effect of