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Chapitre I : Etat de l’art

1.2. Aspect cinétique du frittage en phase solide

Le transport de matière pendant le frittage est directement relié aux courbures des surfaces qui génèrent des contraintes à l’intérieur des grains. Ces contraintes s’expriment par la loi de Laplace (2). En effet, si le solide est divisé en grains sphériques de rayon r, la pression à l’intérieur du solide est donnée par la relation suivante [15] :

P4= P5+ 2γr (2)

Avec γ (J.m-2) la tension superficielle pour une interface donnée, Pi (Pa) la pression dans la phase solide et P5(Pa) la pression dans la phase vapeur.

Dans le cas plus général de grains non sphériques, la contrainte locale à la surface du grain dépend des rayons de courbures principaux. La différence de pression subie par la matière, sous la surface courbe (P1), par rapport à celle qu’elle subirait sous une surface plane (P∞), est définie

par [16] :

∆P = P#− P5= γ89:r1 #+

1

r$; (3)

Avec r1 et r2 les principaux rayons de courbures.

Lorsque le centre de courbure est placé dans la phase solide, la différence de pression est positive ce qui traduit l’existence de forces de compression à laquelle est soumise la surface convexe du grain sphérique. Sous la surface convexe (à l’intérieur du grain) la matière est en compression par rapport à un milieu infini [16] (Figure 4).

Par contre, lorsque le centre de courbure est placé dans la phase gazeuse, la différence de pression est négative ce qui traduit l’existence de forces de tension à laquelle sera soumise la

surface concave. Sous cette surface, qui correspond à celle d’un pont formé entre deux grains sphériques (ou d’un pore dans le cas d’un compact), la matière sera donc en tension [16] (Figure 4).

Figure 4 : Types de contraintes suivant la nature de la courbure du grain [3].

Sous l’action de ces deux forces, la matière aura tendance à converger vers la surface du pont. Le transport de matière se fera de la surface en compression et du centre du joint de grain vers la surface en tension (du grain vers le pont entre les grains) par différents chemins de diffusion

[17,18] :

¾ A partir de la surface du grain : la matière peut diffuser par trois chemins différents pour arriver à la surface du pont. Cette diffusion peut se faire à partir de la couche superficielle du matériau par diffusion en surface (1), au travers du volume du grain par diffusion en volume (2) et par voie gazeuse suite à un processus d’évaporation-

condensation (3) [19](Figure 5).

¾ A partir du centre du joint de grain : la matière peut cheminer le long du joint de grain et arriver à sa surface, cette diffusion est dite aux joints de grains (4) ou diffusion de type Coble.Ce mécanisme est souvent prépondérant car dans la majorité des cas, le coefficient de diffusion aux joints de grains est plus élevé que le coefficient de diffusion en volume. La matière peut également passer par l’intérieur du grain, ce qui correspond à une diffusion en volume (5, 6) ou diffusion de type Nabarro-Herring [6,19] (Figure 5).

Figure 5 : Chemins de diffusion entre la surface des grains et le pont entre les grains au cours du frittage de deux sphères [20].

Selon la source de la matière (et le chemin de diffusion), l’évolution microstructurale de l’échantillon sera différente. En effet, si la matière provient de la surface du grain (chemins (1),

(2) et (3)), le matériau se consolide (formation du pont) sans densification (sans retrait

important), ce phénomène est alors qualifié de coalescence à densité constante. Si, par contre, la source de la matière est le centre du joint de grains ou le volume du grain (chemins (4), (5)

et (6)), la cohésion du matériau va induire le rapprochement des centres des grains, et donc sa densification [20,21].

Dans tous les cas, il est possible de déterminer la vitesse d’élaboration du pont en suivant l’évolution d’un paramètre adimensionnel : λ = x/r (avec x le rayon du pont et r le rayon du grain). Pour cela, on considère un système constitué de deux grains sphériques en contact et on fait l’hypothèse simplificatrice qu’un seul mécanisme de diffusion de matière intervient au cours du traitement thermique [22](Figure 6).

Figure 6 : Schéma représentant le rayon du grain (r) et le rayon du pont entre deux sphères en contact [11].

Si l’on considère la diffusion aux joints de grains comme mécanisme prépondérant au cours du frittage, la loi de croissance du pont peut s’écrire sous la forme [23,24] :

dV>

?@ = jB A Ω (4)

Avec Vp = πx4/8r le volume du pont entre les grains, A = 2πδj l’aire de la surface par laquelle

le flux de matière pénètre, Ω le volume molaire du matériau et ji (mol.m-2.s-1) la densité de flux

de matière arrivant au niveau du pont. Cette densité (ji) peut être quantifiée en utilisant la

première loi de Fick :

j4 = −RT grad σ (5)D4

Avec D4 = D"4e3IK/LM (m2.s-1) le coefficient de diffusion, R (8,31 J.mol-1.K-1) la constante des gaz parfait, T (K) la température et grad σ = γsv/αx (J.m-4) le gradient de contrainte (ou de

pression gazeuse).

En utilisant les équations (4) et (5) il vient : dV>

dt = −

2π δBγ8SDBΩ

RT αx (6)

Après intégration et en tenant compte des relations décrites précédemment (Vp = πx4/8r et α = x2/4r), la loi de vitesse correspondant à la diffusion aux joint de grains peut alors être déterminée.

XxrYZ =48 δRT rBDBγ\8SΩ t (7)

A chaque mécanisme de diffusion va donc correspondre une loi de croissance du pont qui peut se mettre sous la forme générale [25] :

XxrY& = k4 rD'4 t (8)

Les valeurs des exposants n et m dépendent ainsi du mécanisme de diffusion mis en jeu au cours du frittage et sont présentées dans le Tableau 2[23].

Tableau 2 : Valeurs des exposants n et m de la loi de croissance du pont [25].

Mécanisme de diffusion Valeur de n Valeur de m

Diffusion en surface 7 4

Evaporation – Condensation 3 2

Diffusion en volume 4 3

Diffusion aux joints de grains 6 4

Toutefois, il est important de préciser que d’un point de vue cinétique, ces mécanismes de diffusion peuvent intervenir simultanément et être prépondérants à différents stades du

traitement thermique [15 26, ].

De plus, le taux d’avancement du frittage λ = x/r va fortement dépendre, pour un mécanisme donné, de la taille initiale des grains. Si l’on considère deux systèmes constitués de grains de morphologie identique mais de taille différente (rayons r1 et r2) et traités thermiquement dans

des conditions similaires, le temps nécessaire pour atteindre le même degré d’avancement sera différent pour les deux systèmes (plus lent pour les grains les plus gros). Ce phénomène est décrit par la loi de similitude de Herring (9) [27,28](Figure 7).

t# t$ = : r# r$; ' (9)

L’avancement relatif du frittage peut également être décrit via la loi de retrait yn.rm = k.t pour

laquelle y = ΔL/L0 (où L0 est la taille de l’échantillon à t0 et L la taille de l’échantillon à un

temps t). Cette loi est généralement utilisée à l’échelle macroscopique pour décrire le retrait linéaire lors de la densification d’un compact au cours du frittage. L’application de la loi de retrait, dans le domaine des matériaux céramiques, permet d’identifier les mécanismes de diffusion mis en jeu lors du frittage et de déterminer des données cinétiques en réalisant des mesures macroscopiques. Par exemple, la méthode de Dorn, basée sur l’utilisation de mesures dilatométriques, est probablement l’une des approches les plus courantes utilisant ce type de loi pour la détermination de données cinétiques et mécanistiques lors du frittage d’un compact

[29,30,31]. Dans le cas du frittage de deux grains, l’évolution de ce paramètre peut être déterminée à partir de l’évolution du paramètre h/r (avec h la distance entre les centres des grains et r le rayon moyen des grains).

Les lois détaillées précédemment sont soumises à de nombreuses hypothèses, notamment sur la forme des grains (grains sphériques), la forme du pont et la nature du mécanisme de diffusion. Lors de leur exploitation pour la détermination des mécanismes de frittage, les données obtenues seront donc fortement dépendantes de ces différentes hypothèses.