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Chapitre I : Etat de l’art

2. Simulation numérique du stade initial du frittage

2.2. Application à l’étude du frittage de deux grains

Les études par simulation numérique ont permis de prédire l’évolution de différents systèmes au cours de la première étape du frittage, en tenant compte de la taille des grains, de la composition chimique et dans certains cas, du nombre de coordination des grains [52]. Dans la majorité des cas, quelques simplifications du système modélisé peuvent être nécessaires pour pouvoir facilement converger vers un résultat lors de la simulation.

Pour cela, certains auteurs ont tout d’abord considéré que seuls deux mécanismes de diffusion interviennent au cours du frittage : la diffusion aux joints de grains et la diffusion en surface. En faisant cette simplification, Zhang et Schneibel ont pu prédire l’évolution d’un système composé de deux particules sphériques en contact (de composition non définie dans le modèle car constante) durant le frittage, en prenant comme paramètres d’entrée le vecteur de surface, le temps, la courbure des grains et la position initiale du joint de grains. Ce modèle leur a permis d’observer entres autres la diminution progressive de la taille du système et le rapprochement des centres des grains au cours du traitement thermique .

Le rapprochement des centres des grains étant lié à la densification du système, des études similaires ont démontré que dans ces conditions de simulation, la densification peut être le résultat de deux phénomènes : le mouvement des particules et le déplacement des centres des grains [33]. En effet, les centres des grains vont se déplacer progressivement suite à une redistribution de la matière qui conduit à une modification de la forme des grains, qui ne sera alors plus totalement sphérique. Le système va atteindre un état d’équilibre. La vitesse de mise en équilibre du système dépendra de l’état du contact initial entre les grains, et donc du gradient de courbure des grains : plus ce gradient sera élevé plus l’équilibre sera atteint rapidement [54] (Figure 11).

Figure 11 : (a) Evolution du système constitué de deux sphères jusqu’à un état d’équilibre [54].

Dans le but de simuler le comportement d’un matériau donné, d’autres modèles ont permis de prendre en compte la nature chimique du matériau ainsi que l’influence de différents paramètres sur la vitesse d’équilibre du système [53]. Raut et al. [39], par exemple ont simulé par dynamique moléculaire, le frittage de deux nanoparticules d’aluminium (monocristallines) de taille équivalente et étudié l’effet de la température, de la taille des particules, mais aussi de l’orientation des plans cristallins sur l’avancement du frittage. Cette étude a pu mettre en évidence, comme démontré par la loi de Herring [27], que la cinétique de croissance du pont va fortement dépendre de la taille initiale des particules simulées. En effet, pour des systèmes de tailles différentes, la formation du pont débute en même temps mais l’état d’équilibre sera plus rapidement atteint pour le système constitué des particules de plus petites tailles. Le temps nécessaire pour que les systèmes atteignent un même degré d’avancement (y = x/r) sera donc plus long pour le système constitué du plus grand nombre d’atomes [39] (Figure 12).

Figure 12 : Frittage de deux nanoparticules d’aluminium de tailles différentes (a) 2439 atomes et (b) 1014 atomes modélisés par dynamique moléculaire à une température de 300K et pour un même temps

De même, la cinétique de croissance du pont entre les grains va fortement dépendre de la température de traitement thermique : plus la température est élevée, plus la croissance du pont et la densification du système (rapprochement des centres des grains) seront rapides. En effet, à haute température, la mobilité des atomes dans les particules étant plus grande, la diffusion de matière vers le joint de grain sera plus rapide qu’à basse température [39].

Enfin, l’influence de l’orientation des plans cristallins sur l’évolution du système a été examinée. Il ressort de cette étude que ce paramètre va fortement influencer l’évolution de la taille du pont entre les grains. Suivant l’orientation des particules les unes par rapport aux autres, la diffusion de matière sera plus ou moins rapide et le gradient de courbure entre les grains plus ou moins grand.

Les simulations numériques réalisées en utilisant le modèle à deux grains sphériques de tailles équivalentes aident donc à prédire l’évolution de différents paramètres au cours du frittage, en prenant en compte les conditions rencontrées expérimentalement. Toutefois, lors du frittage d’un compact, la poudre est généralement constituée de grains de tailles différentes, ce qui va également influencer l’évolution du système au cours du stade initial du frittage [56,57]. De ce fait, il est important de prendre en compte cette différence pour développer des modèles plus représentatifs du comportement expérimental d’un matériau [58,59].

En intégrant la différence de taille entre les grains dans leur modèle, Pan et al. [60] ont observé qu’elle n’affecte pas le retrait relatif au cours du frittage si elle est inférieure à 50%. En effet, pour un rapport 0,5 < r1/r2 < 2, la densification induite par le rapprochement des centres des

grains et la formation du pont entre les grains se fera de la même manière que pour un système constitué de grains de tailles équivalentes. Dans tous les cas, lorsque les grains sont de tailles différentes, la matière utilisée lors de la formation du pont proviendra en grande partie du grain le plus petit, cela notamment par diffusion en surface au début du traitement thermique. Par la suite, d’autres mécanismes vont induire une redistribution de la matière conduisant au rapprochement des centres des grains.

Figure 13 : Modélisation du frittage de deux grains de tailles différentes : (a) rapport des rayons égal à 0,5, (b) rapport des rayons égal à 0,1 [60].

migrer progressivement vers le plus petit grain puis disparaitre lorsque le système aura atteint un état d’équilibre (obtention d’un seul grain). Plus cette différence sera faible, plus le grain le plus gros va perdre sa forme sphérique afin de favoriser la migration du joint de grains vers le grain le plus petit (Figure 13) [54].

Cette migration peut, dans certains cas, être induite par le réarrangement progressif, au niveau du joint de grain, des atomes constituant le petit grain dans le même plan que ceux constituant le gros grain. Ce phénomène se produit si la migration du joint de grains conduit à une réduction de l’énergie libre du système et que les atomes ont une mobilité suffisante au sein de la particule. La mobilité des atomes étant en partie contrôlée par la température de frittage, la migration du joint de grains sera donc plus facilement observable à haute température [61].

Les différentes études de simulation numérique, présentées précédemment à travers quelques exemples, ont permis d’obtenir des informations sur le comportement général des matériaux durant le stade initial du frittage. Le développement des outils de calcul permet aujourd’hui de développer des modèles plus complexes pouvant prendre en compte plusieurs paramètres capables d’influencer l’avancement du frittage (nature chimique, taille des grains, nombre de coordination des grains, …). Parmi ces paramètres, l’influence du nombre de coordination des grains a été largement étudiée par simulation numérique [62,63]. En effet, pour aller au-delà du modèle à deux grains et se rapprocher des conditions au sein d’un compact cru, des modèles à plusieurs grains, de même taille ou de tailles différentes, ont été développés. La particularité de ces modèles est qu’ils vont permettre de simuler l’évolution de la porosité ouverte présente entre les grains et de comprendre l’influence du nombre de grains en contact sur les mécanismes

mis en jeu durant cette étape du frittage [64].

Toutefois, la modélisation présente des limites lors de la description des phénomènes mis en jeu dans le cas particulier du stade initial du frittage de matériaux céramiques. En effet, de manière générale les matériaux céramiques sont élaborés à partir de poudres composées de grains polycristallins, ce qui n’est pas le cas des grains généralement modélisés toujours considérés comme étant monocristallins. Ce paramètre n’est donc actuellement pas pris en compte lors de la simulation à cause de la complexité que représente le développement de modèles à deux grains sphériques et polycristallins (grains constitués de plusieurs particules d’orientations cristallographiques différentes). De plus, dans le cas des céramiques d’intérêt pour le domaine nucléaire, certains paramètres relatifs à la chimie des actinides (notamment le comportement redox) doivent être pris en compte lors du développement des modèles pour

prédire l’évolution des systèmes durant le stade initial du frittage.