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Mode d’expression du jugement : identifier les acteurs à associer

Dans chaque cité, le jugement sur les sujets, leurs actions et les objets, qui intervient en général à la fin d’une épreuve, est exprimé d’une manière différente. C’est dans ces jugements qu’est manifesté, sous une forme particulière à chaque grammaire, le principe supérieur commun qui permet de faire équivalence entre les êtres.

Dans la grammaire du projet de territoire, c’est en associant un acteur ou une institution à un projet que l’on manifeste sa valeur. En effet, un jugement positif est exprimé sur un sujet ou un collectif quand on cherche à l’impliquer, à l’associer, à le

faire participer à la démarche, au partenariat. Pour comprendre cela, il est nécessaire de

revenir sur le concept de participation, déjà évoqué supra.

Comme nous l’avons vu en décrivant le rapport de grandeur propre à la GDT, c’est en impliquant et en faisant participer les petits que le grand les aide à se réaliser (c’est-à-dire dans cette logique à devenir des partenaires à part entière du projet de développement, à passer de la passivité à l’action, à s’ouvrir aux autres, à accroître leurs compétences par des formations, etc.) et à s’élever. L’action du grand ou animateur du développement rejaillit donc sur les petits qu’il associe au projet, contribuant au bien de tous ceux qui y participent.

Mais les grands ne sont pas obligés, dans cette logique, d’associer l’ensemble de la population d’un territoire au projet. En effet, « la participation entière et fructueuse de l’ensemble d’une population à des projets de développement local est un objectif

extrêmement difficile à atteindre, voire utopique »336 ne serait-ce que parce que

l’engagement que présuppose (selon la norme en vigueur dans la GDT) le projet est

durable et exigeant337 (et rebute beaucoup de petits qui rechignent à faire sacrifice de

336 Source : LEADER, Op. Cit., 1993, p. 8.

337 « Participer à de tels projets présuppose un engagement durable et exigeant » (source : LEADER, Op.

leur temps pour se rendre disponibles). Pour cette raison, et afin de préserver les conditions d’un échange constructif en évitant toute cacophonie338, la participation doit connaître certaines limites, même si, bien sûr, elle doit être la plus large possible. Le nombre d’acteurs associés et impliqués dans la démarche (surtout dans le noyau dur) ne doit pas être trop important, ce qui pousse les animateurs et autres leaders de projet à faire des choix. De toute manière, plus que leur nombre, c’est comme on l’a vu plus haut la diversité des acteurs impliqués qui est importante dans cette grammaire.

De fait, au niveau local, les initiateurs d’une démarche de développement local doivent identifier des acteurs ou des groupes d’acteurs à mobiliser et à associer : « Il convient d’identifier un éventail aussi large que possible de groupes d’intérêts couvrant tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle, de cerner leurs attentes et leurs motivations, et de les impliquer en focalisant leur attention sur les éléments et les phases du projet qui revêtent pour eux le plus d’importance et de

signification »339. En identifiant ces acteurs et en les associant à la démarche de projet,

leur offrant ainsi la possibilité de s’élever par le biais du mécanisme de la participation, les animateurs manifestent la valeur et l’importance de ces acteurs pour ce projet. Dans la GDT, où la grandeur passe par l’engagement dans un projet de territoire, le fait que l’on cherche à vous associer ou à vous impliquer dans une démarche de développement manifeste de façon claire votre grandeur ou plutôt le jugement positif qui est porté sur vous. A contrario, ceux qu’aucun partenaire ne cherche à associer sont de fait exclus de la démarche, ce qui équivaut à la manifestation d’une sentence négative dans la GDT. Ce que nous venons de dire pour les acteurs locaux est bien sûr valide pour les partenaires extérieurs dont la recherche de l’association sous forme de contrats (pour la Région, le département, l’Etat) ou de mission (les consultants extérieurs, experts, chargés de mission) traduit l’importance.

Pour récapituler, on peut donc dire que, dans cette grammaire, est évalué positivement l’acteur (ou l’institution) dont les partenaires et animateurs du développement local recherchent le contact, l’acteur (où l’institution) avec lequel ils

338 Les auteurs des manuels conseillent de limiter la participation à un nombre plus ou moins restreint d’acteurs locaux, afin de préserver à la démarche une certaine efficacité en évitant la cacophonie, les surcharges d’information et les redondances. Les limites fixées à la participation varient d’un auteur à un autre. Pour B. Rigaldies, par exemple : « la participation la plus opérationnelle et la plus efficace se situe au plan des leaders, qu’ils soient légitimes (élus locaux, élus consulaires, fonctionnaires en mission de représentation, présidents d’associations) ou seulement reconnus (par leur expérience, leur compétence ou leur rayonnement) » (Source : Rigaldies, (B.), Op. Cit., p. 57).

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souhaitent développer des alliances, monter un partenariat, créer et entretenir des liens. C’est précisément cette recherche qui vise à impliquer un être qui exprime le jugement porté sur lui. Au contraire, l’absence de toute tentative d’association montre le peu d’intérêt que suscite l’être (sujet individuel ou acteur collectif, partenaire local ou

extérieur), exclu de fait du partenariat. Cependant, afin de mieux éclairer le mode

d’expression du jugement propre à la GDT, il convient de s’intéresser aux critères (ou preuves) qui permettent de fonder ce jugement.

Section 8

La forme de la preuve : les ressources évidentes