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Comme le lecteur attentif l’a peut-être noté, les objets que constituent les documents écrits et les cartes sont étroitement associés, non seulement à des dispositifs qui rendent possible leur diffusion (les moyens de communication) mais aussi à des dispositifs qui permettent aux partenaires du développement local, dans le débat, de les construire, de les discuter, de les évaluer et de les modifier. Ces dispositifs tels que les réunions, les

groupes, les équipes (d’animation, de projet, techniques, pilote, etc.), les ateliers prospective463, etc. organisent la rencontre et le dialogue entre acteurs liés au projet (élus, experts, forces vives, etc.) ainsi que l’émergence et l’expression de nouveaux partenaires. Ils servent de cadre au débat. Ces dispositifs d’animation, basés sur la coprésence (la rencontre entre acteurs) qui permet l’échange et la négociation, doivent être multipliés : « Dans un soucis d’efficacité, pour aboutir à des décisions partagées, les moyens d’animation seront diversifiés et croisés : rencontres individuelles, en petits

groupes, réunions par catégories d’acteurs, forum, grand débat public, etc… »464. La

réunion apparaît comme un dispositif central de cette grammaire dans la mesure où elle

rassemble des acteurs différents qui d’ordinaire s’ignorent ou ne se rencontrent pas et qu’elle permet à tous de s’exprimer et de révéler l’importance de leur apport pour le projet. « Les réunions publiques sont un moyen […] très utile pour diffuser l’information sur un projet, tout en offrant le cadre d’un débat ouvert à toute la collectivité. […] Il est important qu’au cours de ces réunions, tous ceux qui le

souhaitent puissent exprimer leur opinion »465. La réunion type de la Grammaire du

Développement Territorial a donc peu de choses à voir avec une réunion classique :

« La forme traditionnelle de la réunion de travail (on s’assoit466 sérieusement pour

463 Ces dispositifs fonctionnent comme des lieux d’échange, de rencontre, de coopération, de débat. 464

Source : Mazel (O.), Vazard (P.), Werner (K.), Op. Cit., p. 13.

465 Source : LEADER, Op. Cit., 1993, p. 16. Le poste de président ou d’animateur de la réunion devient dans la GDT une position stratégique qui doit être réservée à quelqu’un ayant le profil d’un grand (ouvert,

indépendant, expérimenté, sachant inspirer respect et confiance, etc.) selon les critères de cette

grammaire. Ainsi, il faut « confier la présidence [de la réunion] à une personne capable de fermeté mais aussi d’ouverture, de préférence une personnalité respectée, expérimentée et indépendante » (Ibid., p. 16). 466 Les conditions de l’échange doivent favoriser l’interaction et l’expression. Ainsi l’aménagement de la salle de réunion et l’adoption de la station debout contribuent à favoriser la rupture avec la réunion classique : « le travail sur les cartes est particulièrement interactif. Dans cette démarche, la réunion a

décider) est bouleversée dans une formule qui facilite l’interaction et l’expression [...] Les formes d’expression et d’échanges sont plus ouvertes. Cette formule facilite effectivement l’expression de nouveaux acteurs. On est, par exemple, frappé par la contribution de jeunes femmes et de jeunes agriculteurs qui ne s’imposent pas aisément dans les cadres traditionnels de réunion. La pertinence de leurs interventions est souvent remarquée et reconnue, ce qui laisse présager une association plus étroite aux réflexions

ultérieures »467. La réunion exerce ici plusieurs fonctions : elle permet dans un premier

temps aux différents acteurs du territoire de se rencontrer dans un même lieu pour débattre du projet, elle encourage le débat et l’échange souvent autour d’objets comme les cartes ou les diagnostics, elle favorise enfin l’émergence et l’expression de nouveaux partenaires à même de contribuer au projet (« les réunions de confrontation doivent donc aussi favoriser l’émergence d’animateurs des groupes projets, d’animateurs des

commissions et de porteurs de projets… »468).

Un exemple de dispositif d’animation basé sur la réunion et la coprésence particulièrement pur469 est développé par G. Logié quand il évoque les journées

d’accueil mises en place par les consultants de Mairie-Conseil : « Les journées d’accueil se pratiquent depuis dix ans. [Les] méthodes [pratiquées lors de cette journée] provoquent une décentration, une rupture par rapport aux conditions habituelles de travail d’élu. Cette rupture qui associe extraction, concentration et (ré)appropriation, se rapporte simultanément à plusieurs plans : les lieux et les temps, la gestion et la

délibération, le partenariat et l’expertise470. L’animation table, dans un premier temps,

sur une extraction du cadre local et une réunion des élus dans un lieu neutre. Cette extraction est importante à plusieurs égards. Elle permet une distanciation des problèmes locaux, leur mise en perspective et une reformulation de la situation, des projets et des motivations des participants. Elle ouvre la voie à une confrontation amicale avec d’autres élus : le fait d’échanger avec d’autres élus casse le rapport élus-

normalement lieu dans une grande salle où les fonds de carte sont affichés. La disposition classique des tables est bannie : on est généralement debout pour travailler sur les cartes. Cela suppose des déplacement incessants, et l’apport des uns et des autres se traduit matériellement par la multiplication des éléments affichés » (source : Moquay (P.), Op. Cit.).

467 Source : Moquay (P.), Op. Cit. 468

Source : Mazel (O.), Vazard (P.), Werner (K.), Op. Cit., p. 50. 469 Selon, bien sûr, la description-justification qu’en fait l’auteur.

470 Les frontières que le dispositif transcende sont justement celles liées aux temps différents des acteurs ainsi qu’à leur localisation, celles également entre les experts et les élus, et enfin celles qui séparent le mode gestionnaire de prise de décision et le mode délibératif vers lequel il faut tendre.

experts dans lequel se situent originellement les participants aux journées d’accueil. A l’issue de la journée, l’objectif, largement atteint, est d’élargir les questionnements des élus, de les faire sortir de la stricte définition du problème sur laquelle ils se sont décidés, afin de prendre en compte d’autres aspects. Enfin, ces journées d’accueil contribuent incidemment à la construction ou à la consolidation d’une communauté d’action : ils font le trajet ensemble ; les discussions renforcent la cohésion du groupe […] La seconde rupture par rapport aux conditions habituelles du travail de l’élu réside dans le temps laissé à la discussion et à la réflexion et surtout à l’examen approfondi

d’un thème ou d’une question »471.

Ce dispositif est construit pour rapprocher des acteurs : 1) rapprocher les élus d’un même territoire souvent séparés car attachés à des lieux, enfermés dans des visions locales des problèmes et l’urgence du temps de la gestion ; 2) rapprocher ces élus des experts. La réunion dans un lieu neutre qui permet le détachement (et ainsi le rapprochement des acteurs autour d’une même perspective distanciée), le voyage ensemble qui permet de nouer des relations, le temps consacré aux questions, l’association des élus aux réflexions des experts sont les éléments principaux du dispositif. Ces éléments sont censés contribuer à la mise en place ou à la revivification d’un partenariat, à l’établissement de connexions qui permettent l’échange amical (i.e. sans conflit), le débat qui enrichit la démarche, la circulation d’informations entre acteurs séparés par des champs d’activité ou des visions localisées.

Le Conseil de développement, dispositif propre à la politique de pays remplit la même fonction de rapprochement, de médiation472, de création d’une confiance

mutuelle dans l’ouverture et la concertation : « Outre les rapports entre élus et société civile, entre acteurs publics et privé, le conseil de développement doit faciliter l’interconnaissance et la compréhension mutuelle entre représentants d’activités diverses. Il peut ainsi devenir une instance de régulation de certains conflits d’usage (par exemple entre professionnels du tourisme et exploitants agricoles, entre associations environnementales et fédérations de chasse…), un cadre de dialogue social territorialisé (entre représentants patronaux et syndicats de salariés), un lieu

471

Logié (G.), Op. Cit., p. 219.

472 Dans la logique de la GDT, « leur légitimité [celle des Conseils de Développement] toute entière repose sur la qualité de la concertation et de l’ouverture qui préside à leurs travaux. La valeur ajoutée du pays est elle-même largement tributaire des nouvelles pratiques participatives qu’il est susceptible de consacrer » (in Portier (N.), Op. Cit., p. 36).

d’intermédiation pour nouer des partenariats (entre entreprises et établissements éducatifs par exemple). Au-delà de ces fonctions d’échange, le conseil doit faciliter le développement d’actions communes, transversales, combinant les initiatives sectorielles au sein d’une démarche intégrée. Nombre d’acteurs locaux témoignent ainsi de la valeur ajoutée que porte le travail de diagnostic partagé et de mise en lien d’acteurs qui s’ignoraient jusque là »473.

Sous-section 4