• Aucun résultat trouvé

Les êtres qui s’impliquent dans le partenariat confrontent leur différence278, échangent leurs points de vue, leurs analyses afin d’établir un projet commun : « La conception du projet [passe] par [la] confrontation des représentations des différents acteurs : les acteurs impliqués dans le développement local ont des représentations du contexte et du projet qui sont par nature différentes. Ils sont porteurs d’intérêts antagonistes, complémentaires ou en synergie. Les objectifs et les finalités de leur action sont distincts et différents. Le but est l’émergence, à partir du débat et de la confrontation d’idées, d’une représentation commune du projet partagée par les acteurs, chacun prenant une part active à sa définition et ses orientations générales. La représentation qui en résulte ne peut être une simple juxtaposition ou superposition des représentations

de départ. Le processus d’échange est à l’œuvre »279. Le territoire devient alors

« l’espace où les acteurs se confrontent, définissent les objectifs et le rôle de chacun

dans la mobilisation des moyens, où les acteurs s’engagent »280. Les mots clefs sont

donc confrontation, concertation et négociation. En effet la logique de projet implique pour les partenaires « [La] confrontation de leurs aspirations et valeurs, vers des objectifs et orientations partagés, afin de construire un projet de développement concerté »281. La négociation qui permet l’établissement de compromis et de consensus s’oppose dans la logique de la GDT aux conflits qui font des gagnants et des perdants : « La négociation est souvent comparée à un jeu. Pour qu’elle réussisse, il faut que personne ne perde la face, mais que tout le monde gagne quelque chose : c’est un jeu à

somme non-nulle »282. Quand le dialogue ou le débat n’existe pas, il s’agit de

278 Le surgissement de ces différences est naturel et légitime dans la GDT. En effet, « les partenaires représentent des intérêts différents, et la pratique du partenariat risque de révéler une série de différences de vue. Ils peuvent avoir des besoins contradictoires, des capacités inégales de contribution au projet, des degrés différents d’engagement. Des divergences peuvent survenir à tout moment, et l’équipe [d’animation] doit se tenir prête à les arbitrer ». Pour ce faire, elle doit mobiliser « les facteurs susceptibles de favoriser la synergie au sein du réseau de partenaires » (Source : LEADER, Op. Cit. (1994, 2), p. 22).

279 Source : Logié (G.), Op. Cit., p. 239.

280 Source : Gorgeu (Y.), Jenkins (C.), Op. Cit., p. 30.

281 Source : Mazel (O.), Vazard (P.), Werner (K.), Op. Cit., p. 7. 282

l’instaurer (par exemple, instaurer un dialogue entre les différentes commissions

chargées du projet).

L’émergence du projet commun dans la confrontation et la négociation n’est possible que parce que les partenaires se font confiance, reconnaissent et comprennent

leurs différences, échangent, communiquent entre eux et ainsi trouvent des compromis,

identifient des projets fédérateurs et des solutions consensuelles, hiérarchisent les objectifs. En effet, « de bonnes relations interpersonnelles, un esprit d’équipe et de

travail en commun283 sont des facteurs de cohésion. La connaissance et la

compréhension mutuelle favorisent la transparence des comportements. L’estime et la confiance réciproques sont propices à l’expression spontanée, à la formulation d’idées neuves comme de désaccords. Dans ce contexte, chaque divergence peut être traitée de

façon constructive »284 . Les partenaires doivent, dans cette logique, faire tomber les

barrières de méfiance et d’incompréhension et les cloisons institutionnelles qui les

empêchaient de débattre et de s’ouvrir aux autres. Le dialogue leur permet d’accéder à un point de vue partagé sur le bien commun à poursuivre, i.e. le projet, et d’identifier (et de s’identifier à) un territoire. « Sur le plan de l’animation, la prise en compte des différences favorise la reconnaissance mutuelle et la concertation entre des acteurs d’origines variées qui n’ont pas souvent l’occasion de dialoguer sur leur perception du territoire. C’est de cette façon qu’on peut faire tomber les barrières d’incompréhension

et de méfiance et aboutir à une meilleure appropriation autour d’un projet commun ».285

L’échange entre partenaires donne ou plutôt révèle le sens de l’action collective : « La participation et la concertation des partenaires intéressés est indispensable à toutes les phases de la démarche. Elle doit permettre les échanges sur les idées, les analyses, les points de vue sur la situation, sur ce qu’il faut faire, comment le faire, et sur les décisions à prendre. Qu’il s’agisse des élus, des habitants, des gestionnaires de l’espace, des usagers, des responsables économiques, du secteur associatif et de nombreux partenaires administratifs et professionnels, tous d’une façon ou d’une autre doivent être mobilisés pour se sentir partie prenante du projet de territoire. L’enjeu est que les

283 L’esprit d’équipe repose sur le partage de certaines valeurs propres à la GDT (la volonté d’agir avec

les autres, l’initiative) : « un réseau de partenaires, une équipe acquièrent leur identité propre à travers des

valeurs partagées, des règles et modes de conduites communs. Dans un programme à caractère démonstratif comme LEADER, il est important de développer et d’illustrer cette « culture du projet », faite d’esprit d’initiative et de volonté d’aboutir » (Source : LEADER, Op. Cit., 1994 (2), p. 22).

284 Source: LEADER, Op. Cit., 1994, (2), p. 22 285

échanges interactifs entraînent la révélation d’une identification et d’une appréciation collective et partagée de l’espace, les acteurs et les citoyens d’un territoire projettent un

avenir commun »286. Les réunions, les assemblées donnent l’occasion aux partenaires de

se rencontrer et de parler et ainsi dans le dialogue, de prendre en compte les points de

vue différents et de les rapprocher, de mettre en évidence les éléments de cohérence, de rechercher le consensus ou les compromis287 en évitant les situations conflictuelles et, en déployant des stratégies de contournement des conflits, de fédérer les projets individuels et sectoriels en un projet de territoire. Ainsi, par exemple, « la participation conjointe des représentants de plusieurs groupes de professions » permet, dans cette logique, « de tenir compte d’intérêts divers et parfois concurrents » et « aboutit à des

décisions consensuelles et équilibrées »288.

La confrontation et la négociation entre partenaires ne doit pas s’arrêter, dans cette logique, aux frontières du territoire : les partenaires extérieurs289 impliqués dans le projet sont aussi amenés à débattre en particulier à travers les dispositifs de

contractualisation qui vont « permettre [aux acteurs locaux] de négocier avec toutes les administrations nationales, régionales ou départementales pour inventer des systèmes

adaptés aux situations locales »290. Les acteurs du territoire, réunis par et pour le projet,

peuvent se livrer, de manière tout à fait légitime du point de vue de la GDT, à la pratique du lobbying auprès des institutions (Département, Région, Etat, Europe) susceptibles de financer le projet.

286 Source : Logié (G.), Op. Cit., p. 239.

287 Le compromis est alors « le résultat d’une négociation qui engage chaque partenaire présent». (Source : Mazel (O.), Vazard (P.), Werner (K.), Op. Cit., p. 54.)

288

Source : Leurquin (B.), Op. Cit., p. 68.

289 « Le partenariat, caractéristique essentielle de LEADER, ne se limite pas au fonctionnement du GAL [Groupe d’Action Locale]. Il s’agit également de veiller à établir des partenariats verticaux efficaces, incluant les divers niveaux de collectivités territoriales, les agences nationales ou régionales de développement, les ministères, l’Union Européenne. La mise en réseau au niveau européen, le cas échéant également au niveau régional ou national, a pour objectif de favoriser les échanges d’expérience et de savoir-faire et d’encourager les coopérations dans la poursuite de l’objectif commun de développement des zones rurales » (source : LEADER, Op. Cit., 1994 (2), p. 5).

290

Sous-section 4