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Section 2 : Caractére du droit disciplinaire de la fonction publique

B- Les fondements et les limites de la théorie des principes généraux de droit

2- Les modalités d’application

Toute personne menacée d’une sanction a le droit d’être mise à même de discuter les griefs qui seront retenus contre elle. Ce droit implique que tout intéressé soit avisé en temps utile qu’une sanction est envisagée, qu’il puisse avoir connaissance de l’essentiel des reproches qu’on entend retenir contre lui, qu’il ait la possibilité de présenter sa défense à l’autorité compétente. La jurisprudence a développé ces trois propositions qui, d’ailleurs, ne sont pas dissociables ; elle censure par des annulations toutes les décisions intervenues en méconnaissance des droits de la défense.

a- L’initiative administrative.

L’Administration doit prendre l’initiative d’aviser l’intéressé de son intention de lui infliger une sanction ; mais la jurisprudence n’est pas formaliste ; elle admet certaines équivalences dès lors que les droits de la défense n’en pâtissent pas ; la notification d’un arrêté motivé de suspension vaut avertissement qu’une sanction est envisagée(5)

Les circonstances elles-mêmes peuvent être réputées comporter un avertissement de ce genre si l’intéressé, ayant su que des poursuites administratives allaient être engagées contre lui(6), a spontanément répondu aux griefs qui lui étaient faits(7).

1-La solution de l’arrêt Grivel est encore plus audacieuse qu’elle peut le paraître à première vue, le moyen tiré de la remise en vigueur de l’article 65 n’était pas invoqué par le requérant; il a été soulevé d’office par le conseil d’Etat.

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-17/6/1936, Gauthier, p, 659.

3-On citera à titre d’exemple; les arrêts du 17/1/1930, Ribeyrolles, p.76; 8/7/1936, dame veuve Hoarau, p.743; 21/7/1937, Duvauchelle,p.747; 28/4/1937, Hartwig, p.446; 9/7/1937,Fustier,p.680; 12/7/1944,Varenne,p.202; 29/7/1943, Solus et autres,p. 211; 5/5/1944, dame veuve trompier gravier sus cité.

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-14/2/1951, Geoffroy,p. 91 et dame Helaine,p.93.

5-Voir par exemple, 31/10/1952, Ligue pour la protection des mères abandonnées, in Gazette du palais, 1952,2. 429.

6-24/7/1946, Neveu, p, 211.

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L’avertissement portant l’intention de l’Administration d’infliger une sanction au fonctionnaire doit parvenir au fonctionnaire à la diligence de l’Administration à laquelle incombent les démarches nécessaires pour retrouver la trace de celui-ci s’il a changé de résidence(1), ou s’il est interné(2), ou hospitalisé(3).

L’Administration ne peut se fonder sur la difficulté de faire parvenir cet avis à son destinataire que si ce dernier s’est volontairement soustrait aux recherches (4), par exemple en quittant son dernier logement connu sans laisser d’adresse(5).

b- L’utilité de l’information disciplinaire.

Cette information donnée à la victime probable d’une sanction est destinée à lui permettre de se défendre, une défense utile implique la connaissance précise des griefs articulés. Une fois avisés des intentions administratives, les intéressés sont à même de demander communication de ces griefs; s’ils ne forment pas cette demande, l’Administration n’a pas à leur donner d’office communication des griefs (6), mais la communication demandée ne peut être refusée, aussi les fonctionnaires doivent recevoir connaissance de tous les griefs ayant un caractère déterminant(7). En particulier, si l’Administration vient à disposer d’éléments nouveaux après que l’intéressé se soit défendu, elle doit les lui communiquer pour qu’il puisse s’expliquer à leur sujet(8).

Toutes ces formalités ont un seul objet : mettre les intéressés en mesure de présenter leur défense aux autorités qualifiées pour donner un avis sur l’affaire et pour prendre la décision relative à la sanction envisagée.

Alors qu’en est-il de la fonction publique algérienne ? Comment est né le principe des droits de la défense dans l’Administration publique ? Pour répondre à ces questions on doit remonter à la période coloniale.

Conclusion du chapitre premier.

Nous avons présenté le droit disciplinaire de la fonction publique comme un droit répressif et comme un droit autonome.

Certes , le droit disciplinaire de la fonction publique n’est pas une langue bien faite. mais cette faiblesse est sans grande signification, car elle n’entrave pas l’action administrative, notamment, le respect des garanties disciplinaires et des droits de la défense dans la mise en œuvre du processus disciplinaire.

Même si la doctrine trouve des difficultés à asseoir une définition du droit disciplinaire de la fonction publique et même si les caractères de ce droit accusent des faiblesses et de nombreuses imperfections, ceci n’occultera pas le fait que les droits de la défense sont comptés parmi les principes généraux du droit qui trouvent leurs inspirations dans les grands principes de la justice. Les garanties disciplinaires n’ont-elles pas eu reconnaissance divine par Dieu lui-même et par la conduite des apôtres ?

Mais la conception doctrinale et le sacrement divin des garanties disciplinaires dans la fonction publique auront- ils gain de cause de la pratique des hommes qui gouvernent ?

On commencera notre étude pratique du respect de ces garanties disciplinaires dans la fonction publique algérienne par la période coloniale. Car cette période a laissé des traces dans l’Administration de l’Algérie indépendante, de ce fait, elle mérite qu’on lui apporte une certaine attention.

1-C.E.F, 22/1/1947, demoiselle Grenier, p, 24.

2-C.E.F, 19/11/1947, Drieu de la forte, p, 428.

3-C.E.F, 5/3/1948, Bigot, p, 114.

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-C.E.F, 31/7/1948, Miginiac, p, 375.

5-C.E.F, 28/5/1948, demoiselle Roussillon, p, 239.

6-C.E.F, 10/7/ 1935, Perfettini, p, 793.

7-C.E.F, 6/11/1946, Dumesnil, p, 256; 26/7/1947, Duprat,p, 358.

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Chapitre second : La période coloniale, des garanties disciplinaires au compte-gouttes.

Il est utile, pour mieux cerner certains aspects liés au régime disciplinaire de la République algérienne, de remonter dans le temps à la période coloniale (1), où nous allons étudier l’aspect disciplinaire dans la gestion administrative des communes mixtes et des communes de plein exercice, des instances judiciaires, notamment, le régime disciplinaire des juges de paix, ainsi que des Administrations Centrales, institutions dans lesquelles le droit disciplinaire a pris naissance et, où la genèse du principe des droits de la défense s’est manifestée.

La période coloniale française en Algérie est passée par plusieurs étapes, que nous résumerons en trois (3) périodes(2);la première appelée période d’organisation (1830-1900); la deuxième période d’association (1900-1956), et la dernière période d’intégration (1956-1962).

Les garanties disciplinaires accordées aux fonctionnaires et agents publics algériens n’étaient pas les mêmes que ceux accordées aux fonctionnaires français. Cette ségrégation dont étés victime les algériens trouvait terrain d’application dans les communes mixtes et au niveau des juges de paix.

Nous exposerons seulement les faits et actes ayants une relation avec notre sujet de recherche, c’est pourquoi, nous optons pour une méthode analytique indexée aux textes de l’époque.

Section 1 : L’instauration du régime de l’indigénat.

La loi de 1881 consacra en Algérie le régime pénal connu sous le nom de code de l’indigénat (3), a pu symboliser aux yeux des Algériens le système colonial lui-même. Un autre projet de code «d’algériens»fut proposé par l’amiral de Gueydon ; s’ensuivait alors un arrêté du 26 février 1882 qui supprimait les commissions disciplinaires de subdivision et instituait des commissions disciplinaires cantonales à trois juges présidées par le chef de circonscription(4).

Cette période se caractérisa par la séparation dans le territoire civil, entre communes mixtes soumises aux pouvoirs disciplinaires des administrateurs et communes de plein exercice où les infractions à l’indigénat demeuraient sous la juridiction des juges de paix(5). Ces magistrats avaient leur propre statut juridique.

1-Plusieurs auteurs ont traité des périodes d’avant la colonisation française, on citera ; KHARCHI. DJ.

Colonisation et politique d’assimilation en Algérie. 1830-1962. édition CASBAH. Alger. 2004; MILLIOT. L.

et d’autres. L’œuvre législative de la France en Algérie. Édit librairie Félix ALCAN. Paris. 1930 ; MELIA. J.

Le triste sort des algériens Musulmans d’Algérie. Imprimeur R-BUSSIERE. Paris. 5éme édition. 1935 ; NORES. E. L’œuvre de la France en Algérie, la justice. Librairie Félix ALCAN. Paris. 1930 ; ROTH. R. La

réforme des pouvoirs publics en Algérie, les éditions Domat –Montchrestien. Paris. 1936. Cette littérature

politique échappe à notre étude.

2-Nous nous sommes inspiré de cet ouvrage comme repère historique, qui nous semble plus objectif et précis que d’autres, pour situer notre thème dans les différentes étapes de la colonisation française. Collot. C. Les

institutions de l’Algérie durant la période coloniale. 1830-1962. Préface de MAHIOU. A. et HENRY. J-R.

O.P.U. Alger. 1987. Pp. 07-20.

3- Lequel, disparu seulement en 1944. AGERON. C. R, note en bas de la page 172 de son livre intitulé Les

Algériens Musulmans et la France. op.cit,que l’expression de code de l’indigénat est juridiquement inexacte; il

n’y eut jamais de code de l’indigénat, c’était une expression d’usage courant.

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-L’amiral de Gueydon. Gouverneur général d’Algérie 1871-1873, dota les commissions disciplinaires d’un code de police d’algériens (code de l’indigène algérien), sous forme de conseils de justice de cercles formés de trois (3) juges. Deux (2) militaires et un (1) juge de paix. Ce code plus draconien que celui de la monarchie de juillet punissait de mort tout fait d’insurrection, le port d’armes de six (6) à deux (2) ans d’emprisonnement, la mendicité était interdite. AGERON. C. R. Les Algériens Musulmans et la France. op cit. P, 168. Le général Chanzy; qui lui succéda en juin 1873 continua d'accroître cet arbitraire.

5-Cette dualité du régime de l’indigénat maintenue pendant plus de quarante-cinq ans, allait finir par recréer la distinction qu’on avait voulu abolir entre territoires civils et territoires militaires, CHARPENTIER. L. Précis de

Sous-section 1 :Statut disciplinaire des agents algériens des communes, une protection moindre que les français.

Quant à l’Administration des communes de plein exercice et des communes mixtes(1), il avait été jugé que l’article 75 de la constitution du 22 frimaire an VIII sur la garantie des fonctionnaires était applicable en Algérie (2). «L’Administration qui régit les algériens dans les territoires militaires de l’Algérie et dont les Bureaux Arabes font partie, est une administration publique» (3).

Mais cette garantie ne s’étendait pas aux chefs algériens (4) qui n’étaient pas considérés comme autorité publique dans le sens de la loi du 25 mars 1822, ils étaient de simples agents de l’autorité française, et ne bénéficiaient pas en conséquences de la même protection juridique que les fonctionnaires français(5).

Cette situation n’échappait pas à certaines critiques, émanant même d’intellectuels français, qui reprochaient à l’organisation politique de l’Algérie son retard –du point de vue de l’exercice du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif – sur le progrès des libertés publiques, et sa défectuosité –au point de vue de l’exercice du pouvoir réglementaire–(6).

Cette politique d’assimilation demeurait limitée à l’élément européen et aux israélites déclarés citoyens par le décret Crémieux d’octobre 1870. Les Algériens musulmans qui gardèrent leur statut personnel demeurèrent sujets, ils étaient donc privés des droits politiques, ils étaient ainsi soumis au régime exorbitant de l’indigénat (7). C’est ainsi, que loi du 28 juin 1881 institua des infractions spéciales, des peines et une juridiction spéciales (8). Mais les magistrats avaient un statut différent de celui des communaux.

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-Un aperçu historique succinct sur la création et l’évolution des communes de plein exercice et, des communes mixtes a été bien exposé dans l’ouvrage de Collot. C. op.cit, Pp. 93-113.

2-Arrêté du 18 mai 1864. NARBONNE. H. Répertoire de jurisprudence, Librairie A. Jourdain. Alger. 1877,p.251, et GOUVERNEMENT GĖNĖRAL DE L’ALGERIE.Lois, décrets et arrêtées concernant les

réformes algériens. Imprimerie orientale. FONTANA Frères. ALGER. 1919, Pp. 5-57. 3-Arrêtés du 8 et 21 septembre 1868. NARBONNE. H. Idem, Pp. 251-252.

4-Les chefs algériens appelés aussi les Kaïds étaient affilés à l’administration française. DESSOLIERS. F.

Organisation politique de l’Algérie, exposé, critiques et réformes. Edit. Augustin CHALLAMEL. Paris. 1894. 5

-Arrêté du 22 octobre 1864. Les chefs algériens n’avaient pas la même protection juridique que les fonctionnaires français, c’est seulement sur plainte personnelle et pour des faits individuels que les écrits dans lesquels ils se prétendent attaqués peuvent être poursuivis délit de presse pour excitation au mépris et à la haine des citoyens des uns contre les autres. NARBONNE. H. Idem,p.360.

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-DESSOLIERS. F. Organisation politique de l’Algérie, exposé, critiques et réformes,op,cit. P, 149 et suiv. En 1890-91, sur 18. 630 condamnations prononcées par les administrateurs en vertu de leurs pouvoirs disciplinaires, 148 seulement ont fait appel, et en 1891-92 sur 16992 condamnations, 88 seulement ont étés frappées d’appel. Les motifs de cette rareté de l’appel sont dus –d’après Dessoliers-à ce que le juge d’Appel– préfet ou sous préfet_ est généralement très éloigné du domicile du condamné; ce dernier serait donc exposé par l’exercice de cette voie de recours à une perte de temps, et à des dépenses égales ou supérieures au montant de la condamnation, le délit d’Appel reste pour lui inutile et inutilisable. Idem,p, 154. ROTH. R. La réforme des

pouvoirs publics en Algérie, les éditions Domat –Montchrestien. Paris. 1936 s’étonnait de découvrir dans ses

études et recherches sur l’Algérie, de se trouver en présence d’organismes bien différents de ceux qui participent en France à l’exercice du Gouvernement, des institutions originales, survivances de régimes périmés ou, fruits de la nécessité coloniale,p.36. DUCLOS. M. Contribution à l’étude de la réforme administrative de l’Algérie. Thèse pour le doctorat. Alger. 1921. a soulevé les mêmes dysfonctionnements et a proposé des remèdes et des solutions a certains d’entres eux.

7-Même quand la loi du premier avril 1923 réduisit à 18 mois le service militaire, les Algériens furent exclus de son bénéfice. Le général BUGEAUD. 1840-1847. pensait que seule l’autorité militaire est capable d’organiser un pays conquis, il installa par ordonnance du 15 avril 1845, un directeur général des affaires civiles placé sous les ordres du Gouverneur, et voulu s’accaparer les terres arches pour lesquelles on ne pourrait produire un titre antérieur à 1830.

8-Celle des administrateurs de communes mixtes pour les Musulmans des communes mixtes. Aussi, sur le plan fiscal, on a maintenu les impôts Arabes, perçus uniquement sur les Musulmans non citoyens. COLLOT. C.

Sous-section 2 : Le statut disciplinaire des magistrats.

La discipline des juges relevait de la métropole, aussi, un système croissant des sanctions était instauré.

A– Un pouvoir disciplinaire centralisé.

La loi du 30 août 1883(1)plaça le juge de paix en matière disciplinaire, sous la juridiction de la cour de cassation et du garde des sceaux. Ce dernier exerçait un droit de surveillance, il pouvait leur adresser une réprimande, mais cette loi n’était pas applicable en Algérie, c’est donc la loi du 20 avril 1810 qui constitua le code disciplinaire des juges de paix(2).

L’article 40 de cette loi conféra au premier président et aux présidents des tribunaux la mission d’avertir d’office, ou sur le réquisitoire du ministère public, tout juge qui compromet la dignité de son caractère, une instruction du garde des sceaux du 4 juillet 1821 décida que cet article n’établissait aucune distinction entre les actes de la vie privée et, ceux qui étaient relatifs aux fonctions, l’obligation de réserve était appliqué à son sens le plus large.

B - Echelle croissante des sanctions.

Si l’avertissement demeure sans effet, le juge était alors traduit devant le tribunal de l’arrondissement qui peut, sur les réquisitions du procureur de la République, prononcer l’une des peines suivantes : la censure simple, la censure avec réprimande qui comporte privation de traitement pendant un (1) mois, la suspension provisoire, privation de traitement pendant sa durée (article 50). Le garde des sceaux avait le droit d’annuler la sanction, de la modifier ou de l’approuver (art 56).

Mais cette situation devait être changée, ou du moins amélioré, non pas par souci d’égalité des garanties disciplinaires entre agents publics français et adjoints algériens, mais pour retenir les fonctionnaires et agents de la métropole, détachés pour assurer la continuité des services centraux d’Alger, désormais décentralisées.

Section 2 : Un Statut nouveau pour l’Algérie sans pertinence sur les garanties