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La faute disciplinaire est le fait susceptible de mettre en jeu la responsabilité disciplinaire(3). Même si quelques textes(4) donnent une énumération légale des fautes disciplinaires susceptibles d’être commises par un fonctionnaire, ces fautes ne sont pas recensées dans un seul texte législatif ou réglementaire. C’est ainsi que de nombreux textes énumèrent-ils les obligations des fonctionnaires, de telle sorte qu’un manquement à ces obligations est une faute disciplinaire, mais cela n’a rien de limitatif.

Il appartient à l’autorité disciplinaire, sous le contrôle du juge administratif, d’apprécier l’existence éventuelle d’une faute disciplinaire.

Ainsi, la définition de la faute disciplinaire passe par la clarification de sa notion; sa situation dans les textes de la fonction publique; et la distinction entre la faute personnelle qui implique la responsabilité seule du fonctionnaire, la faute de service qui s’attache à l’Administration et la faute pénale qui est sanctionnée pénalement et administrativement.

Sous-section1 : La faute disciplinaire, notion élargie.

La faute disciplinaire est un manquement caractérisé d’un fonctionnaire à ses obligations professionnelles fixées par le statut général, le statut particulier, la charte de déontologie, le code de conduite, le règlement intérieur, ou tout autre texte législatif ou réglementaire. Cette notion est élargie à toute action menée par un fonctionnaire qui est susceptible de porter atteinte à sa fonction.

1-Nous verrons –infra, p.314- que le C.E.A a considéré que les sanctions du C.S.M peuvent être annulées, mais a reconsidéré sa jurisprudence, actuellement ces sanctions peuvent faire l’objet d’un recours en cassation seulement, c’est-à-dire la décision du C.S.M n’est pas annulée par le C.E.A mais renvoyée au C.S.M pour être réétudiée. Lire au sujet de ce revirement EL Khabar du 28/5/2007, page 2. Également, GHANAI.R,. La position

du C.E.A sur le contrôle des décisions disciplinaires du C.S.M, in Revue du conseil d’Etat, n°6 de 2005,p.32

et s.

2-Le C.E.F a reconnu cette qualité au C.S.M (français) dans son arrêt L’étang, 12/7/1969. in A.J.D.A. 1969, p.388. Voir également R.D.P 1970,page. 387, note M. Waline.

3-J-M Auby et R, Ducos-Ader; Droit administratif, 7éédition. Dalloz. -Paris-. 1986, p. 234.

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Cette notion élargie, englobe à la fois, les fautes liées directement au service; c’est-à-dire la faute commise par le fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et les infractions de droit commun, telles que, le trafic d’influence, abus de pouvoir, corruption, concussion, ainsi que le non-respect des règles jurisprudentielles telle que l’obligation de réserve.

L’article 160 du nouveau S.G.F.P promulgué par l’ordonnance n°06-03 du 15 juillet 2006, définit la faute disciplinaire (1).: «

Tout manquement aux obligations professionnelles, toute atteinte à la discipline, toute faute ou irrégularité commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions constitue une faute professionnelle et expose son auteur à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, de poursuites pénales.».

On peut donc considérer qu’elle présente un caractère purement fonctionnel. Elle se trouve constituée par tout manquement aux obligations du fonctionnaire imposées en vue d’assurer la bonne marche du service(2).

Le bon fonctionnement du service peut être compromisnon seulement par la violation de ses règles techniques entendues au sens large, mais encore par tout acte commis dans le service ou en dehors du service, de nature à porter atteinte à la considération dont un fonctionnaire doit jouir auprès des administrations et, par conséquent, de ternir l’image du service public auquel il collabore(3).

L’appréciation de la qualification des faits, c'est-à-dire s’ils constituent des fautes disciplinaires répréhensibles ou non, relève -comme nous le verrons plus loin- du pouvoir de l’Administration.

Cette appréciation est cependant commandée par deux grands principes :

- Le premier est que le comportement incriminé doit être réellement fautif. C'est-à-dire que les faits reprochés à l’agent doivent s’être réellement produits(4), et être de nature à justifier une sanction disciplinaire(5), on peut ainsi punir un comportement général fautif, mais aussi des faits précis. En tout cas, saisie des faits précis, l’autorité disciplinaire peut tenir compte de l’ensemble des circonstances pour apprécier l’existence et la gravité de la faute (6), elle est même tenue d’examiner l’ensemble du comportement professionnel(7).

Dans le même esprit, la jurisprudence française n’admet pas que soient considérés comme fautifs des actes dont l’agent ne peut être tenu pour responsable soit parce qu’il a agi sous la contrainte(8), par force majeure(9), ou sous l’empire de la démence(1). De même l’insuffisance

1-On remarquera que l’ordonnance du 28/2/2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman portait aussi le n°06-03. J.O.R.A.D.P n°12. Et comme elle a été signée en février 2006, donc avant celle relative au nouveau S.G.F.P, on peut en déduire que cette dernière porte un numéro erroné. Nous avons attiré l’attention des concepteurs de cette ordonnance sur cette anomalie. Nous pensons que l’ordonnance portant le S.G.F.P était fin prête dès le début de l’année 2006, et que sa signature a été retardé par la maladie du Président de la République, et par un calendrier politique chargé d’événements; la démission du Gouvernement Ouyahia et la nomination de celui de Belkhadem. La preuve, un rectificatif a été inséré dans le J.O.R.A.D.P n°54 du 3 septembre 2006, page. 13. Mais au lieu de changer le numéro d’ordre de l’ordonnance suivante, relative au S.G.F.P, l’ordonnance fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman a été rectifiée en conséquence. Elle porte désormais le numéro 06-02 bis. Sur les motifs de la publication de cette ordonnance lire, BELAIZ.T, La réforme de la justice en Algérie, l’exploit défi (en langue arabe), édit Dar el Kasba. Alger. 2008, p.83 et ss.

2-C’est nous qui soulignons.

3-C.E.A, 9/4/2001; Direction de l’Education de la Wilaya de Guelma c/B.T , in Revue du Conseil d’Etat, n°1. 2002, p.51 et ss.

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-C.E.F, 16/6/1965, Morin, Rec,p.355.

5-C.E.F, 10/1/1958, Dlle Carreras, Rec,p.23.Le fait d’obtenir des congés trop nombreux, mais selon une

procédure régulière, n’est pas une faute. C.E.F,18/5/1973, Massot, Rec,p.359; in A.J.D.A. 1973,p.353, chron. Léger et Boyon; D. 1974,p,482,note Blumann,n’est pas fautif le fait, pour un officier, de discuter de questions statutaires avec des collègues dès lors qu’avait été exprimé la volonté de respecter la discipline militaire.

6-Art 161 de l’ordonnance n°06-03 précitée.

7-Voir C.E.F, 8/6/1956, Dardenne, Rec,p,239.

8-Voir C.E.F, 7/3/1947, DlleChaminade, Rec,p,99. 9

l’insuffisance professionnelle, qui est par ailleurs susceptible de décisions prises dans l’intérêt du service ne sauraient justifier une sanction disciplinaire(2).

- Le second principe est que la faute doit revêtir un caractère professionnel. C’est évidemment la faute commise dans le service (3), à condition qu’elle nuise au bon fonctionnement du service. Ce peut être aussi le cas de fautes commises par un agent avant son entrée dans la fonction publique(4), après sa sortie du service(5), ou encore commises par un agent en cours de service mais en dehors de l’Administration (6); il y a faute disciplinaire chaque fois que le comportement d’un fonctionnaire entrave le bon fonctionnement du service ou porte atteinte à la considération du service dans le public.

L’application de ce principe comporte cependant deux tempéraments :

- Un fait antérieur à l’entrée au service peut donner lieu à sanction à la double condition que ce fait ne soit pas conciliable avec l’exercice de la fonction et que l’Administration l’ait ignoré lors du recrutement de l’agent(7);

- Une faute commise dans la vie privée peut constituer une faute disciplinaire si elle entache gravement l’honneur et la considération du fonctionnaire(8).

Mais l’Administration ne peut se contenter d’une faute présumée(9), ou du fait qu’une information judiciaire est ouverte contre un fonctionnaire(10).

Ainsi, il convient de distinguer la faute disciplinaire des notions voisines.

Sous-section 2 : La faute personnelle et la faute de service à travers la jurisprudence.

Une rétrospective de l’évolution de la jurisprudence permet de montrer l’élargissement de la notion de la responsabilité de l’Administration. Pour distinguer entre faute personnelle et faute de service, il convient de relever les faits de quelques arrêts de principe jugés par le Tribunal des Conflits (T.C) et le C.E.F.

A –La compétence; un critére de distinction.

Dans l’arrêt Pelletier du 30 juillet 1873, le Tribunal des Conflits (11), a donné une conception qui fait de la distinction des deux fautes un problème de compétence qui a laissé de nombreuses traces en droit positif.

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-C.E.F,8/10/1966, Fayout, Rec,p.380; D,1967,p.129, note Mourgeon; C.E.F,28/2/1980, Pruvot, Rec,p.297.

2-C.E.F, 28/2/1962, Léandri, in A.J.D.A, 1962. P, 632; C.E.F.25/2/1972, Farrugia, Rec,p,167.

3-L’article 160 de l’ordonnance n°06-03 énonce : «Tout manquement aux obligations professionnelles, toute atteinte à la discipline, toute faute ou irrégularité commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions constitue une faute professionnelle et expose son auteur à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, de poursuites pénales.».

4-A condition que le fait soit incompatible avec l’exercice d’une fonction publique et inconnu de l’Administration au moment du recrutement; C.E.F,10/2/1961, Chabran, Rec,p,106, concl. Heumann.

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-L’Administration peut poursuivre un fonctionnaire qui a cessé ses fonctions après qu’elle ait découvert une faute qu’il a commis avant la cessation des fonctions, l’éventualité de la déchéance des droits à pension en cas d’activités privées interdites par exemple à l’agent diplomatique ou consulaire (art 78 du décret présidentiel n°96-142). Mais l’Administration ne pourrait infliger une sanction à un fonctionnaire décédé; C.E.F,5/12/1954, Dame

Holweg, in Rec,p.632.

6-C.E.F,22/12/1965,Sieur V…, in A.J.D.A,1966,p.373, habitudes d’intempérance d’un instituteur. C.E.F,5/12/1980, Bluteau, Rec, p, 777, accident causé par un policier conduisant en état d’ivresse sa voiture personnelle.

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-C.E.F, 5/12/1930, Sarrail, D. 1931. III. 58, concl, Rivert; 10/2/1961, Chabran, Rec. 106, concl. Heumann.

8-Par exemple, habitudes d’intempérance d’un instituteur, C.E.F,4/11/1965, Vialle, AJ.1966. 373; faits de proxénétisme, C.E.F, 9/12/1970, Beauville, op.cit.; fréquentations douteuses d’un agent de police, C.E.F, 20/10/1961, Dutot, AJ. 1962. II. 188; fait de percevoir sciemment et indûment une allocation de salaire unique, C.E.F, 8/2/1967, P…, D. 1968. 123, note Glelé; fraude fiscale commise par un inspecteur des impôts, C.E.F, 6/10/1982, Navas; participation d’un douanier à une opération de contrebande, C.E.F, 24/3/1971, Vhart, p, 1091.

9-C.E.F, 7/9/1945, Horrie, Rec. 187.

10-C.E.F, 22/7/1955, Nicolas,Rec. 732.

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Selon l’arrêt, la faute personnelle est conçue comme celle, qui se détache assez complètement du service, pour que le juge judiciaire puisse en faire la constatation sans porter pour autant une appréciation sur la marche même de l’Administration.

Les faits montrent que l’autorité militaire ayant fait saisir, en vertu des pouvoirs qu’elle exerce en état de siège, le premier numéro d’un journal dont la publication avait été entreprise par le sieur Pelletier, celui-ci assigna devant le tribunal civil le général commandant l’état de siège dans le département, le préfet de l’Oise et le commissaire de police en vue de faire prononcer la nullité de la saisie et ordonner la restitution des exemplaires saisis, et d’obtenir des dommages-intérêts.

L’article 75 de la constitution française de l’an 8 instituait «la garantie des fonctionnaires». En vertu de ce dernier texte, un particulier ne pouvait poursuivre un fonctionnaire devant les tribunaux judiciaires qu’avec l’autorisation du Conseil d’Etat, qui n’était accordée que très exceptionnellement(1).

L’article 75 avait pour but d’éviter l’immixtion des juges dans le fonctionnement de l’Administration, mais privait les particuliers de toute réparation, le principe de l’irresponsabilité de la puissance publique étant encore en vigueur.

C’est la raison pour laquelle,le Gouvernement français de la défense nationale abrogea l’article 75, en ajoutant : «

sont abrogées toutes autres dispositions des lois générales ou spéciales ayant pour objet d’entraver les poursuites dirigées contre des fonctionnaires publics de tout ordre».

Le décret du 19 septembre 1870 enlevait ainsi aux fonctionnaires toute garantie contre d’éventuelles poursuites et les soumettait au droit commun et aux tribunaux ordinaires, rapprochant ainsi leur situation de celle des fonctionnaires anglo-saxons. Les tribunaux judiciaires l’entendaient d’ailleurs ainsi.

Le Tribunal des Conflits allait cependant donner à ce texte clair une interprétation très restrictive, en estimant que, loin de déroger aux lois révolutionnaires sur la séparation des autorités administratives et judiciaires, il devait être combiné avec elles.

Le commissaire du Gouvernement soutint en effet, que la doctrine des tribunaux judiciaires qui déniait à l’autorité administrative en application du décret de 1870, le droit d’élever le conflit dans les instances à fin civile contre des fonctionnaires pour des faits relatifs à leurs fonctions même si ces faits constituaient des actes administratifs, anéantissait le principe même de la séparation des pouvoirs(2).

Il montra que ce que l’on appelait communément la «garantie des fonctionnaires» couvrait deux notions très différentes. L’une est une «garantie personnelle aux fonctionnaires publics… pour les protéger contre les animosités ou l’esprit de parti, en soumettant la poursuite à l’autorisation de l’autorité supérieure»; c’était une simple règle de procédure(3), et c’est elle que le

1-Au sujet du C.E.F, voir PEISER.G. Contentieux administratif, 10éédition.Dalloz.1997,p.142 et ss, du meme auteur, Droit administratif, 18é édition.Dalloz.1996,p.169 et ss, et VINCENT.J et autres. Institutions

judiciaires, organismes, juridictions et gens de justice.5é édition.Dalloz.1999,p.472 et ss. Pour comparaison, lire BOUDIAF.A. La justice administrative en Algérie entre l’unicité et la dualité. 1962-2000. Dar raihana. Alger. 2000,p.5 et ss et p.52 et ss.

2-La séparation des pouvoirs est un principe dégagé par John Locke dans son«second traité du Gouvernement Civil»(Two Treatises of Government en anglais) (1690) qui, reprenant une distinction classique des pouvoirs politiques, recommande leur séparation entre plusieurs personnes, car la tentation de porter la main sur le pouvoir serait trop grande si les mêmes personnes qui ont le pouvoir de faire les lois avaient aussi entre les mains le pouvoir de les faire exécuter. Elle est donc un principe de répartition des différentes fonctions de l'Etat, qui sont confiées à différentes composantes de ce dernier. On retient le plus souvent la classification de Montesquieu, appelée Trias Politica : le pouvoir législatif confié au Parlement le pouvoir exécutif confié au Gouvernement à la tête duquel se trouve un Chef d'État et / ou un Chef de gouvernement et le pouvoir judiciaire confié au Juge.

3-La circulaire interministérielle signée le 19 septembre 1970, par les ministres de l’intérieur et de la justice aller dans le ce sens, dans la mesure où, aucune poursuite n’était engagée sans avoir au préalable informé le Wali territorialement compétent. En effet les autorités de police judiciaire étaient enjoint de saisir au préalable, avant toute arrestation d’un chef d’exécutif communal, mis en cause dans l’exercice de ses fonctions –en dehors du flagrant délit–, le procureur général et le Wali territorialement compétent, qui saisira à son tour selon le degré de gravité de l’affaire, le ministère de l’intérieur.

le décret de 1870 avait entendu abroger. L’autre est une «

garantie réelle, établie en faveur de l’Administration, pour défendre contre l’ingérence des tribunaux les actes qui, revêtus de son caractère et de son autorité, lui appartiennent en propre», c’est une règle de compétence, dont la sanction est réservée au tribunal des conflits, et que le décret de 1870 n’a pu abroger.

De cette interprétation découle la célèbre distinction entre la faute personnelle et la faute de service. Elle comporte deux aspects.

1 – En premier lieu, elle se situe sur le plan de la répartition des compétences administratives et judiciaires. La faute personnelle est conçue comme celle qui se détache assez complètement du service pour que le juge administratif puise en faire la constatation sans porter pour autant une appréciation sur la marche même de l’Administration.

La faute de service, au contraire, est le fait de l’agent qui est tellement lié au service que son appréciation par le juge judiciaire implique nécessairement une appréciation sur le fonctionnement du service.

2 – La distinction de deux fautes est apparue également comme entraînant un partage des responsabilités au fond entre la personne publique et son agent. La faute personnelle est alors celle qu’il convient, dans le cadre d’une bonne politique jurisprudentielle, de laisser à la charge de son auteur, la faute de service étant celle qu’il serait inopportun ou injuste de lui faire supporter personnellement.

A ces préoccupations répondent les formules classiques de Laferrière, dans ses conclusions sur la décision Laumonnier-Carriol (1), il y a faute de service «si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur plus ou moins sujet à erreur»; il y a faute personnelle s’il révèle «l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences …»,

«

si … la personnalité de l’agent se révèle par des fautes de droit commun, par un dol, alors la faute est imputable au fonctionnaire, non à la fonction».

Elle procède d’un comportement excessif, d’une intention délibérée de nuire ou de la commission d’une gravité particulière(2). Une telle faute se détache du service et l’appréciation de la responsabilité qu’elle engendre ne nécessite pas que soit recherchée la responsabilité du service public(3).

B – Faute personnelle; notion restreinte.

C’est sur ce plan également que se situe toute l’évolution de la jurisprudence depuis 1873. Elle est marquée par une dissociation entre la responsabilité personnelle des agents vis-à-vis des victimes et leur responsabilité personnelle vis-à-vis-à-vis-à-vis de l’Administration.

En premier lieu, pour protéger à la fois la victime contre l’insolvabilité des agents publics et les agents eux-mêmes contre des poursuites abusives, la jurisprudence a restreint la notion même de la faute personnelle et, conséquemment, la responsabilité personnelle des agents.

La jurisprudence considère que la faute commise en dehors de la fonction, par exemple l’accident causé par un militaire utilisant sa voiture personnelle pour aller de son domicile à la caserne est une faute personnelle (4), celle commise dans le service mais révélant, de la part de l’agent, l’intention de nuire, une animosité personnelle; les propos diffamatoires d’un directeur d’hôpital à l’égard d’un médecin dudit hôpital (5), le geste d’animosité à l’égard d’un subordonné non justifié au regard des pratiques administratives normales(6).

1-TC, 5/5/1877. Rec, page437.

2-Essaïd Taïb, Droit de la fonction publique. op cit, page 324.

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-C.E.F 27/2/1969, Ministre des Armées c / Périco, R, 126; T.C, 12/6/1961 Picot c/ Lachèze, R, 1170; T.C, 12/6/1961 Dordet c / Bayerse,Rec,1170, Tc 14/1/1980 MmeTecher, Rec,504,in R.D.P,1981,page 253.

4-Arrêt, Ministre des Armées c / Périco,précité.

5-Arrêt Picot c/ Lachèze, précité; et Dordet c / Bayerse, précité.

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Aussi, une faute mettant en évidence une négligence ou une imprudence extrêmement grave du fonctionnaire ; agent confiant à un enfant son pistolet de service(1), agent conduisant en état d’ivresse le véhicule d’un automobiliste hospitalisé(2).

Enfin constitue également une faute personnelle, détachable des fonctions, la conduite d’un véhicule administratif par un agent en état d’ivresse(3).

La responsabilité personnelle du fonctionnaire est donc liée à sa seule faute personnelle, si le fonctionnaire est personnellement poursuivi pour une faute de service et si l’Administration n’a pas élevé le conflit, elle doit le couvrir des condamnations civiles portées contre lui(4).

Mais en cas de faute personnelle, l’Administration ne doit pas en principe élever le conflit, il est par ailleurs possible que ce soit l’Administration elle-même qui soit victime d’un dommage engendré par la faute personnelle d’un agent ; dans ce cas l’Administration demandera à l’agent, devant le juge administratif, réparation, selon les règles du droit administratif du préjudice subi; action d’un hôpital contre un médecin ayant endommagé du matériel radiologique(5). Il en est de même lorsque l’Administration a indemnisé la victime d’une faute personnelle d’un agent(6).

C’est pourquoi la jurisprudence a admis, par l’arrêt du 28 juillet 1951, Laruelle, la responsabilité personnelle des agents vis-à-vis de l’Administration lorsqu’elle-même a indemnisé les victimes pour les fautes personnelles commises par eux.

Elle a voulu obtenir cette «moralisation»de la fonction publique que la jurisprudence antérieure avait négligée au profit des intérêts des victimes et des agents publics; mais, en passant du plan des relations entre l’Administration et ses agents avec les victimes à celui des rapports entre la collectivité et ses agents, la distinction des deux fautes prend un sens nouveau par rapport à celui de la jurisprudence Pelletier.

D’une part, la faute personnelle que l’Administration peut reprocher à son agent n’est