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4.1 Une ingénierie du discours : le programme logiciste et le format Scientific Constructs

4.1.2 La mise en forme du raisonnement soumis à une forme logico-mathématique

Les « schématisations » jouent ensuite un rôle important dans l’élaboration du

format multimédia SCD : elles sont échafaudées et utilisées à diverses étapes. Elles sont les

pivots et la représentation de la « construction ». Plusieurs processus complexes

s’enchaînent : la « table des matières » est transformée en un autre type de plan, puis

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On pourra voir une page d’écran où trouver une « proposition » et son « commentaire » : voir

ANNEXE FORMAT SCD : un écran de Boileau 2005 avec une proposition et son commentaire

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on pourra en voir des exemples en ANNEXE FORMAT SCD

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transposée en des écrans de lecture organisés pour faire voir les « données ». Le support

cédérom et les quatre écrans ont aussi pour effet d’éclater les « colonnes » et les

« opérations » formées au départ, telles que nous les avons vues exprimées un peu plus haut.

J.-C. Gardin développe dans Une archéologie théorique les différentes modalités

par lesquelles on effectue le passage de M (les matériaux) à P (les propositions, c’est-à-dire

les commentaires, les hypothèses et les théories)631. Les propositions (que nous avons mises

en italique dans ce qui suit) peuvent être de différents ordres. Elles sont issues de quatre

formes d’opérations :

(1) le catalogage permet d’obtenir desdescriptions par le biais de la représentation ;

(2) la classification permet de dégager destypes, des séries, etc. par le biais de l’ordination ;

(3) la reconnaissance des formes produit des structures grâce à l’identification ;

(4) les inférences permettent d’isoler des événements, des fonctions au travers de l’explication.

Nous notons au passage que nous voyons très nettement les trois types de logique à

l’œuvre. Dans les parties (1) et (2), nous voyons se dégager la logique classificatoire. Elle

consiste à nommer très précisément les objets grâce au catalogage, qui emploie un système

sémiotique déterminé : cela permet d’avoir des « concepts » clairs et sans ambiguïté. La

partie (2) n’appelle aucun commentaire car elle est explicite par elle-même. Nous voyons

ensuite dans les parties (3) et (4) l’action de la « formalisation » sous forme de « structures »

et ensuite jouer des opérations grâce aux inférences632. Ces processus peuvent être

modélisés de plusieurs manières par V. Roux qui montre la reproduction d’un

organigramme logiciste d’une étude de A. Gallay et G. De Ceunink (1997) :

631

Gardin 1979Une archéologie théorique, p. 21

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L’archéologue procède à l’une ou l’autre des macro-opérations suivantes : la « représentation » ;

l’« ordination » ; l’« explication » de faits matériels. Ensuite, à ces opérations, on ajoute une « boîte noire » qui

effectue un travail sur l’ensemble des macro-opérations, ce qui assure la transformation des états Ei vers

Ej ».in Une archéologie théorique 1979

Figure 1. Schématisation logiciste d'une étude de A. Gallay et G. De Ceunink (1997) par J.-C. Gardin (1999b, Figure 1). Courbe A Mariages des potières Courbe B Acquisition des poteries Transmission des poteries lors des mariages Préférences ethniques Transmission et abandon des poteries Diffusion des poteries richement décorées Diffusion des poteries communes Auto-consommation ethnique générale Courbe A1 Mariages en général Courbe B1 Poteries richement décorées Courbe B2 Poteries de mariage Equivalence courbes A et B

Aire d’approvisionnement d’une concession

Comportement spatial des poteries richement décorées (A à D))

Comportement spatial des poteries communes (E,F) Structure spatiale générale et délimitation de l’ethnie P16 (P14,P15) P15 (P12) P14 (P10, P11) P10 (P3,P4,P5,P9) COMPORTEMENT REGIONAL ET SIGNIFICATION ETHNIQUE APPROVISIONNEMENT DES CONCESSIONS EN POTERIES RICHEMENT DECOREES P9 (P6,P8) P6 (P1) P8 (P7) P7 (P2) P1 P2 P3 P4 P5 P11 P12 P13 POTERIES RICHEMENT DECOREES AUTRES POTERIES

On peut aussi présenter le travail de A. Gallay et G. De Ceunink autrement, selon un

ordre horizontal et lister, dans une colonne de gauche, les propositions successives, et, dans

une colonne de droite, les propositions ou faits qui leur sont antérieurs, ou encore sur

lesquels elles s’appuient. Les propositions initiales sont issues de faits d’observation,

appelées « donnéesn » dans la figure suivante.

Observation

(poteries richement décorées, autres poteries)

P1 Données P1

P2 Données P2

P3 Données P3

P4 Données P4

P5 Données P5

P11 Données P11

P12 Données P12

P13 Données P13

Ordination

(approvisionnement des concessions en poteries richement décorées)

P6 P1

P7 P2

P8 P7

P9 P6, P8

P10 P3, P4, P5, P9

Interprétation

(comportement régional et signification ethnique)

P14 P10, P11

P15 P12

P16 P14, P15, P13

Dans la deuxième figure, chaque groupe de propositions est titré en fonction de

l’opération intellectuelle pratiquée (description, ordination, interprétation) et du contenu

sémantique de l’opération. Ces « opérations » peuvent donc être représentées de diverses

manières pour organiser la « schématisation » de la construction. Elles sont les principales

« étapes » selon lesquelles s’organise la construction. Si l’on liste ces étapes sous une

colonne distincte, et si l’on nomme « Arguments » les faits et/ou propositions dont sont

issues les propositions listées sur la gauche, on obtient alors une figure à trois colonnes qui

distinguent entre « Etapes », « Propositions » et « Arguments »633.

ETAPES PROPOSITIO

NS

« ARGUMENTS

»

Observation

Poteries richement décorées P1 Données P1

P2 Données P2

P3 Données P3

P4 Données P4

P5 Données P5

P11 Données P11

Autres poteries P12 Données P12

P13 Données P13

Ordination

Approvisionnement des

concessions en poteries richement

décorées

P6 P1

P7 P2

P8 P7

P9 P6, P8

P10 P3, P4, P5, P9

Interprétation

Comportement régional et

signification ethnique

P14 P10, P11

P15 P12

P16 P14, P15, P13

Expression sur trois colonnes de la schématisation logiciste tirée de Gardin 1999b

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Nous voyons ici que l’analyse et le programme logicistes utilisent des formes de

plans différents les uns des autres et effectuent en permanence des passages d’un type de

plan à un autre. Ceux-ci sont ensuite utilisés en fonction du support employé et de

l’emplacement sur un support ou sur un autre.

J.-C. Gardin propose un plan type, une structure figée, comme modèle auquel doit se

conformer tout discours pour être « scientifique ». Il l’a exprimé clairement : « il semble

possible de ramener à un schéma unique l’architecture de toute monographie635 ». Il en

donne les « règles possibles : 1) le discours sera ordonné en parties ou blocs constitutifs

toujours définis et nommés de la même façon 2) le premier des blocs donnera la justification

du discours 3) le bloc identification fera appel à un nombre fini de caractéristiques

intrinsèques et extrinsèques 4) l’Etat des connaissances sera présenté sous une forme

compacte et non dispersée 5) la description sera conçue comme une suite de traits

distinctifs, avec une présentation dans un ordre systématique 6) l’Interprétation sera

présentée sous la forme d’un « calcul » appliqué aux éléments de la description ; les outils

633

Valentine Roux http://www.arkeotek.org

634

Valentine Roux http://www.arkeotek.org

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de calcul devront être explicitement définis 7) la Validation sera considérée comme un

élargissement de la base empirique qui soutient l’interprétation636 ».

Concrètement de quoi s’agit-il ? « L’analyse logiciste consiste à distinguer

l’ensemble des données de base (archéologiques et autres) et la suite des inférences

effectuées pour fonder l’hypothèse [finale annoncée]637. On considère que les Données

sont : toutes propositions énoncées et admises comme telles sans antécédents explicites ou

démonstrations (cf. axiomes, principes) ». Pour élaborer la structure d’un « schéma

logiciste » : il s’agit de transposer le contenu des travaux issus d’un chercheur

en « propositions de départ », « propositions intermédiaires » et « propositions finales ».

Il faut donc aller chercher des composantes dans le texte initial (thèse de doctorat,

article scientifique ou travail de recherche) que sont les données brutes, les données brutes

d’observation (description d’objets) la description des contextes (d’ordre qualitatif, d’ordre

quantitatif), les données de comparaison (autres objets, analogies, parallèles, différences),

les données de référence (arguments). Toutes ces « données » doivent toujours être

organisées en quatre « blocs » :

BLOC 1, BLOC 2, BLOC 3, BLOC 4 sur lesquelles on applique les opérations qui donnent

des étages intermédiaires P1/ Premières inférences, P2 /Deuxièmes inférences, P3 /

Troisièmes inférences jusqu’à la P4 / conclusions.

Que sont ces propositions ? Les propositions sont représentées par les symboles

« Px/x ». Les « propositions intermédiaires » seront des P1/x, des P2/x et des P3/x car elles

seront situées sur les étages 2 et 3. Les « propositions finales » seront des P4/x : elle est

considérée comme l’hypothèse finale, tout en haut du schéma logiciste global pour

représenter la totalité du « raisonnement » de l’auteur. L’emploi des symboles ajoutés aux

propositions apparaît sur le troisième cédérom et permet au lecteur de s’orienter638. En bas

de tout schéma logiciste, il doit toujours y avoir les « données » réparties en quatre

« Blocs » sur lesquels sont ensuite effectuées les « opérations d’inférence ». Nous pouvons

constater, dans ce qui est appelé « ré-écriture », une forme connotation technique : le sens

de la « ré-écriutre » signifie « transformer en une suite d’algorithmes » sur un système

informatisé.

Pour comprendre plus précisément ce que sont les « données brutes, d’observation »,

les « descriptions de contextes », les « données de comparaison », les « données de

référence », il est nécessaire de parcourir les explications qui sont données sur le site

arkeotek639 et que nous pouvons lire en annexe640.

Un schéma logiciste est proposé par J.-C. Gardin lui-même sur le site arkeotek, en

illustration au discours explicatif de « ré-écriture »641. Nous pouvons voir apparaître la

structure et le principe de la schématisation. On voit en bas les quatre « blocs » de données

et on voit que les « propositions » doivent être redistribuées ensuite en quatre étages

636

Gardin 1975 : 99-100-101

637

site www.arkeotek.org

638

on pourra en voir un exemple en ANNEXE FORMAT SCD : propositions numérotées

639

Gardin, 2005Comment récrire ou écrire directement un article d’archéologie dans la perspective

d’Arkeotek ? Exemple à partir d’un article de 1985.

voirhttp://www.epistemes.net/arkeotek/ReecritureGARDIN-fr.pdf

Gardin, 2005Exemple de réécriture d’un article au format SCD :

voirhttp://www.epistemes.net/arkeotek/MedBactriaGARDIN-fr.pdf

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Voir ANNEXES FORMAT SCD : site arkeotok, discours d’accompagnement

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successifs (les « niveaux » ou « étapes »), pour aboutir à l’énoncé final de la publication

scientifique qui est ici un article paru dans une revue d’archéologie. C’est de cette manière

qu’est modélisée la structure figée du nouveau plan élaboré par J.-C. Gardin en réponse à ce

qu’il considère comme « la crise des publications scientifiques » et qui est une solution pour

réformer les mauvaises conditions de publication dues à la « rhétorique » et à son plan.

Toutes ces mises au point méthodologiques ont permis de mettre en évidence les

processus nécessaires pour la phase de reformulation au format logiciste, idéalement il

faudrait faire en sorte qu’il ne s’agisse plus que d’un « transfert de données ». On note que

l’intervention de « tuteurs », comme V. Roux, B. Barthélémy de Saizieu et P. Blasco qui ont

étudié les opérations qui constituent la « ré-écritre » et les conditons de leur transposition

sur un logiciel éditeur, est absolument nécessaire. Le « tuteur » doit intervenir uniquement

pour la reformulation strictement logiciste. Il est ainsi considéré pour chaque ouvrage qu’

« une seule construction devrait être recevable, dans la mesure où, au départ, l’auteur a

produit un nombre fini d’ « opérations logico-sémantiques » et les a utilisées dans un ordre

déterminé avec des données particulières ».

Le programme logiciste considère avoir isolé le fait que, en sciences humaines, les

« opérations logico-sémantiques » étaient en nombre fini et étaient répétables. Dans ce point

de vue s’exprime encore la vision d’un plan-type, un plan comme une structure figée qu’il

faut remplir et qui s’impose comme modèle à tous les domaines de la recherche. Nous

retrouvons l’opposition entre le plan-créatif et le plan-structure, problématiques qui

remontent à la création même des techniques rhétoriques et qui parcourent ensuite

l’élaboration des discours des siècles durant et exposées par [Barthes 1970].