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Mettre fin, sans délai, aux pratiques qui verrouillent les marchés

Dans l’affaire 04-MC-02 du 9 décembre 2004, les mesures conservatoi- res enjointes à Orange Caraïbe par le Conseil visaient à corriger les effets cumulés de plusieurs pratiques d’exclusivité ou d’engagements de longues durées, imposées aux opérateurs ou consommateurs situés aux différents niveaux de la chaîne de valeur des services téléphoniques mobiles. En aval, Orange Caraïbe imposait aux consommateurs de se réengager pour une durée de deux ans lorsqu’ils décidaient d’acquérir un nouveau terminal grâce à leurs points de fidélité. Cette pratique de fidélisation introduisait un « switching cost » artificiel, qui réduisait les incitations des consomma- teurs à changer d’opérateur et contribuait à rigidifier les parts de marché. En amont, Orange Caraïbe imposait la distribution exclusive de ses produits et services à de nombreux détaillants indépendants. Ce contrat de distribu- tion exclusive était de plus assorti d’une clause de non-concurrence, préci- sant que le détaillant s’interdisait de commercialiser des produits et services concurrents pendant deux années après sa résiliation. À cette obligation d’exclusivité exigée des distributeurs, s’ajoutait celle imposée à l’unique

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réparateur agréé de terminaux mobiles de la région des Antilles de n’ac- corder ses prestations qu’aux clients d’Orange Caraïbe.

Les pratiques de l’opérateur dominant avaient pour conséquence d’une part, de restreindre l’accès de son concurrent au réseau de distribution et d’autre part, d’accroître les coûts de son rival en l’empêchant d’accéder au marché connexe des services de réparation de la région. En effet, ne pou- vant faire appel au seul prestataire agréé de la région, Bouygues Télécom Caraïbe était dans l’obligation d’envoyer les terminaux mobiles défectueux de ses clients en métropole, occasionnant des frais supplémentaires et des délais d’attente importants. Finalement, les pratiques constatées avaient pour effet de limiter l’intérêt des consommateurs à changer d’opérateur, le seul concurrent ayant moins de points de distribution et ne pouvant pro- poser le même service après-vente.

Le Conseil a considéré que l’ensemble de ces pratiques constituait « la cause

directe et certaine de l’atteinte à l’unique concurrent et, à travers lui, au secteur, à l’économie et au consommateur », et a enjoint à Orange Caraïbe

de supprimer toute obligation d’exclusivité de ses contrats avec les distri- buteurs et avec le réparateur agréé, ainsi que de proposer des modalités d’utilisation des points de fidélité qui ne prolongent pas l’engagement des consommateurs avec l’opérateur.

Dans l’affaire 02-MC-06, le Conseil a examiné certaines pratiques visant à limiter l’usage de droits exclusifs de retransmission d’événements sportifs. En l’espèce, RMC Info, qui ne couvre que 30 % du territoire français, avait acquis les droits exclusifs de retransmission radiophonique des matches de la coupe du monde de football 2002. Son contrat d’exclusivité avec le vendeur stipulait qu’elle devait s’assurer que leur diffusion serait étendue à tout le territoire grâce à des accords de sous-licence avec d’autres radios. Quelques jours après que RMC Info eût conclu son contrat avec le vendeur, les principales radios généralistes françaises avaient créé un GIE qui avait pour mission de négocier en exclusivité leur politique d’achat de droits spor- tifs. Mais une fois constitué, le GIE avait refusé de négocier un accord de sous-licence avec RMC Info, cette dernière se trouvant dans l’incapacité de négocier avec chaque membre du GIE séparément, puisque cela leur était interdit par le contrat constitutif du groupement. Le Conseil a estimé que le refus de négociation observé risquait de priver tout ou partie de l’audi- toire de la retransmission des matches de la coupe du monde de football, et a enjoint au GIE, à titre conservatoire, de suspendre l’exclusivité qu’il s’était conféré à négocier les droits sportifs pour ses membres.

De même, dans l’affaire COMP/A. 39 116/B2, la Commission avait fait part à la société The Coca-Cola Company des préoccupations relatives à des pra- tiques sur le marché des boissons gazeuses non alcoolisées (BGNA), en particulier des obligations d’approvisionnement exclusif, certaines étant liées à l’installation chez les détaillants d’équipements tels que des réfri- gérateurs et des distributeurs de boissons. La Commission avait estimé que Coca-Cola et ses filiales d’embouteillement détenaient une position dominante sur le marché des BGNA, compte tenu de ses parts de mar- ché supérieures à 40 % dans de nombreux pays de l’espace économique européen, et étant donné les barrières que constituent les coûts irrécupé- rables en dépenses publicitaires nécessaires à une entrée significative sur

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ce marché. Elle avait relevé plusieurs pratiques conduisant à l’exclusivité d’achat : certains contrats entre le groupe et les détaillants prévoyaient l’ex- clusivité de façon explicite ou tacite, d’autres convenaient d’un prêt rem- boursé grâce à l’achat de quantités fixées de BGNA du groupe, et d’autres encore imposaient l’exclusivité d’achat en contrepartie du prêt à titre gratuit de réfrigérateurs ou de distributeurs de boissons (type fontaine à soda). La Commission considérait que ces obligations conduisaient au verrouillage du marché et réduisaient la diversité des produits offerts chez les détaillants au détriment des consommateurs.

La décision de la Commission du 22 juin 2005 a rendu contraignants les engagements pris par Coca-Cola en réponse à ces préoccupations de concur- rence. L’objectif de ces engagements était de limiter la portée et la durée de ces exclusivités, de manière à réduire leurs effets de cloisonnement du mar- ché. En l’espèce, ces engagements ont consisté à : supprimer des contrats toute obligation d’exclusivité d’achat ou offre de remises conditionnelles conduisant le détaillant à s’approvisionner pour une grande partie de ses besoins en BGNA du groupe Coca-Cola, lorsqu’il n’y a aucune contrepartie de la part du groupe ; limiter la durée des accords d’approvisionnement en contrepartie d’un financement ou d’un prêt gratuit d’un réfrigérateur à un maximum de cinq ans (trois ans pour une fontaine à soda), en laissant la possibilité au détaillant, sans pénalité, de rembourser le prêt et de rompre ou renégocier le contrat ; en n’imposant pas de quotas d’achat de produits du groupe en contrepartie d’un financement ; en permettant aux détaillants qui ne possèdent pas de réfrigérateur libre de tout engagement avec Coca- Cola de disposer d’au moins 20 % de la capacité du réfrigérateur pour pro- poser des produits concurrents.

Dans sa décision du 11 octobre 2007 (COMP/B-1/37966), la Commission approuve les engagements pris par Distrigas, opérateur dominant sur le marché belge de la fourniture de gaz aux consommateurs industriels. Ses préoccupations initiales, ayant donné lieu à notification de griefs, concer- naient les effets de cloisonnement du marché induits par les contrats de long terme signés par Distrigas. Plus précisément, la Commission craignait que ces contrats n’empêchent les acheteurs de changer de fournisseur et limitent ainsi les possibilités d’entrée sur le marché par des fournisseurs concurrents. En l’espèce, Distrigas détenait un portefeuille de contrats avec ses clients de durées variées, imposant à ces derniers des volumes de gaz à acquérir. Certains contrats comprenaient des clauses de reconduction tacite, d’autres ne précisaient aucune date d’expiration, si bien qu’ils pou- vaient être considérés comme étant de durée indéterminée. De plus, la Commission avait constaté que la plupart des acheteurs ne s’adressaient qu’à un seul fournisseur : « With very few exceptions, customers only have one

gas supplier. The market investigation suggested that only the very largest customers, with an annual consumption of over 500 GWh of gas, could in practice be supplied by more than one supplier. Customers with an annual consumption below this threshold were therefore considered to be de facto obliged to purchase all their gas from their supplier until they terminated their contract [...]. » Elle a estimé la proportion du marché en cause liée à

Distrigas par les contrats en question : au 1erjanvier 2005, plus de 50 % des

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les six mois suivants, de 35 à 45 % lui étaient lié pour une durée d’un an, de 30 à 40 % pour les 18 mois à venir, et de 20 à 30 % pour des périodes supérieures à deux ans. Dans ces circonstances, la Commission a consi- déré que la conjugaison des caractéristiques temporelles et quantitatives des contrats de Distrigas induisait un effet de verrouillage.

Le principal engagement proposé par Distrigas consiste en la remise sur le marché chaque année d’un volume déterminé de gaz. De plus, Distrigas s’engage à ne pas conclure des contrats avec les revendeurs de gaz d’une durée supérieure à deux ans ; cette durée maximale est portée à cinq ans pour les clients industriels et les producteurs d’électricité. Ces engagements assurent qu’en moyenne, 70 % des volumes de gaz offerts par Distrigaz retournent sur le marché chaque année. Ils visent à garantir que les clients de Distrigas ne lui seront pas liés pour une trop longue période et à amé- liorer la contestabilité du marché, en permettant aux opérateurs alternatifs de faire des offres plus fréquentes et ainsi de prendre pied plus rapidement sur le marché. La Commission a ainsi pu considérer que ces engagements étaient suffisants pour supprimer les préoccupations de concurrence qu’elle avait soulevées, et qu’il n’y avait donc plus lieu de poursuivre la procé- dure. Elle a souligné que la limitation de la durée des contrats prévue par les engagements ne s’applique pas pour les clients qui investissent dans de nouvelles installations de génération d’électricité d’une capacité supé- rieure à 10 MW. Cette exception vise à garantir à ces opérateurs la visibilité nécessaire à leur décision d’investissement, en termes de sécurité d’appro- visionnement et de prévisibilité des prix futurs.

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