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L’interprétation des règles propres aux mesures conservatoires

Le premier élément permettant au Conseil d’intervenir rapidement dans des contextes économiques variés consiste à apprécier souplement les règles applicables à la procédure d’urgence. La caractérisation des pratiques à l’origine de l’atteinte et l’existence de l’atteinte justifiant l’octroi de mesu- res conservatoires répondent ainsi à ce mode d’appréciation.

L’examen de la caractérisation des pratiques

On pourrait certes s’interroger sur la nécessité pour le Conseil de caracté- riser les pratiques à l’origine de l’atteinte justifiant le prononcé de mesures conservatoires. Le second alinéa de l’article L. 464-1 du Code de commerce dispose en effet de façon laconique que « les mesures conservatoires ne

peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate, à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs, ou à l’entreprise plaignante ». L’article n’exige donc

pas, pour l’octroi de mesures conservatoires, de caractériser les pratiques, ni a fortiori l’existence d’un trouble « manifestement illicite », comme cela peut être le cas en matière de référé civil44.

La lecture de l’article L. 464-1 ne peut cependant se faire sans celle des arti- cles relatifs à la compétence du Conseil et au caractère accessoire de la demande de mesures conservatoires. Le Conseil, précise l’article L. 462-6 du Code de commerce, examine en effet « si les pratiques dont il est saisi

entrent dans le champ des articles L. 420-1, L. 420-2 ou L. 420-5, ou peuvent se trouver justifiées par l’application de l’article L. 420-4 », à défaut de quoi

44. Article 809 du Code de procédure civile : « Le président peut toujours, même en présence

d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trou- ble manifestement illicite. »

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il peut déclarer la saisine irrecevable45. L’une des premières décisions de

mesures conservatoires prise par le Conseil précise ainsi que « les dispo-

sitions de l’article 12 de l’ordonnance no86-1243 ne sont applicables que si les pratiques visées par la demande sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de ses articles 7 et 846».

Le Conseil peut en outre simplement rejeter la saisine « lorsqu’il estime

que les faits invoqués ne sont pas appuyés d’éléments suffisamment probants47».

L’application de ces dispositions aux demandes de mesures conservatoi- res est d’autant plus justifiée que cette demande, depuis le décret du 2 mai 1988, « ne peut être formée qu’accessoirement à une saisine au fond du

Conseil de la concurrence48». La demande de mesures conservatoires est

donc dépendante de la recevabilité de l’action au fond49. Ainsi, selon une

formule consacrée par le Conseil, « une demande de mesures conservatoi-

res ne peut être examinée que pour autant que la saisine au fond est rece- vable et n’est pas rejetée faute d’éléments suffisamment probants50».

L’évolution de la jurisprudence

Le caractère accessoire de la procédure d’urgence à l’égard de la procé- dure au fond a été à l’origine d’incertitudes jurisprudentielles relatives à la nature et à la portée de la caractérisation des pratiques.

D’un point de vue procédural, la question est de savoir si l’exigence de caractérisation s’analyse comme un élément nécessaire au bien-fondé des mesures conservatoires octroyées, ou simplement un élément de receva- bilité de la demande de mesures conservatoires.

Se pose en filigrane la question, dépendante du droit substantiel, de la détermination du standard de preuve exigé pour caractériser l’illicéité de la pratique. Dans le cas d’un standard de preuve élevé, la caractérisation s’apparente à une préqualification des pratiques qui permet d’apprécier le bien-fondé des mesures en elles-mêmes. Inversement, le simple examen du respect du champ de compétence du Conseil ou du caractère suffisam- ment étayé de la saisine relègue la condition de la caractérisation à une condition de recevabilité.

Or, plus l’appréciation du caractère illicite des pratiques doit être stricte et circonstanciée, moins le Conseil peut répondre facilement à l’impératif d’urgence que lui imposent certaines espèces.

La difficulté pour les juridictions était de définir des conditions propres aux mesures conservatoires prononcées par le Conseil. Certains arrêts mon- trent en effet que le « référé-concurrence » de l’article L. 464-1 a pu être assimilé au référé de droit commun ou aux mesures provisoires du droit communautaire.

45. Premier alinéa de l’article L. 462-8. 46. Décision 87-MC-01.

47. Second alinéa de l’article L. 462-8. 48. Article R. 464-1 du Code de commerce.

49. En ce sens : C cass, 4 février 1997, Béton de France. 50. Voir par exemple les décisions 07-D-10 ; 06-D-14 ; 05-D-60.

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La cour d’appel de Paris51, puis la Cour de cassation se sont tout d’abord

reportées aux notions qui leur étaient familières en matière de référé. Dans un arrêt du 7 avril 1992, la chambre commerciale a approuvé la cour d’appel d’avoir rejeté la demande de mesures conservatoires, en raison de « l’absence de justifications du caractère évident de l’illicéité des pratiques

litigieuses », les griefs étant « sérieusement discutés » par la société mise

en cause52. Selon cet arrêt, les mesures conservatoires interviendraient

ainsi dans une situation d’évidence, qui ne se heurterait à aucune contes- tation sérieuse, à l’instar de ce que prévoit l’article 808 du Code de procé- dure civile en matière de référé53.

Dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation approuve également le rejet de mesures conservatoires, les moyens de défense invoqués par la société mise en cause s’opposant à « ce que les clauses litigieuses soient

tenues pour manifestement illicites54». La rédaction de l’arrêt s’inspire cette

fois de l’article 809 du Code de procédure civile, selon lequel le référé peut intervenir « pour faire cesser un trouble manifestement illicite ».

De façon encore plus nette, la cour d’appel dans un arrêt du 26 juin 2002 a

fait application des règles du droit communautaire55.

Cette affaire concernait des exportations parallèles de médicaments et avait été examinée par le Conseil sur le fondement du droit communautaire. Rappelant le principe d’application directe de ce droit tel que visé par l’ar- ticle L. 470-6 du Code de commerce, la cour en a déduit que les conditions de fond d’octroi des mesures conservatoires devaient être celles du droit communautaire. Or, la Commission ne dispose pas des mêmes moyens que le Conseil pour résoudre une situation d’urgence. À l’époque où la cour sta- tue, la possibilité pour la Commission d’adopter des mesures provisoires résulte de l’ordonnance de la Cour de justice des communautés européen- nes du 17 janvier 198056, complétée par un arrêt du 28 février 198457.

La cour d’appel interprète la jurisprudence communautaire en ce sens que « si l’autorité compétente n’est pas tenue de constater une infraction prima facie avec le même degré de certitude que celui requis pour la décision

finale, elle doit être convaincue de l’existence d’une présomption d’infrac- tion raisonnablement forte ».

Cette condition figure aujourd’hui au 1 de l’article 8 du règlement 1/2003 du 16 décembre 2002 : la Commission peut ordonner des mesures provi- soires « sur la base d’un constat prima facie d’infraction ».

51. CA Paris, 19 octobre 1987, Sony. 52. C cass, 7 avril 1992, société Sony France.

53. « Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner

en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

54. C cass, 7 avril 1992, JVC Vidéo. 55. CA Paris, 26 juin 2002, Pharmalab. 56. CJCE, 17 janvier 1980, Camera care. 57. CJCE, 28 février 1984, Ford.

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Cette démarche a été confirmée par la cour d’appel dans un arrêt ultérieur

du 16 juillet 200258, relatif au même secteur d’exportation de médicaments

pour lequel seul le droit communautaire était invoqué.

Cet alignement des conditions des mesures conservatoires octroyées par le Conseil à celles prévues en cas de référé ou de demandes de mesures provisoires à la Commission a eu pour conséquence d’imposer un standard de preuve élevé, et d’ajouter une condition de fond, non prévue à l’article L. 464-1, au prononcé des mesures.

Cette exigence, si elle avait été maintenue, aurait modifié la fonction des mesures conservatoires. Prévues dans le souci de préserver l’efficacité d’une décision future, elles auraient en réalité servi de réponse à des pratiques manifestement illicites. Dans ces conditions, le caractère accessoire de la procédure d’urgence n’aurait plus eu directement de raison d’être. En trois étapes successives, la chambre commerciale de la Cour de cassa- tion est revenue sur cette jurisprudence.

Dans un premier arrêt du 18 avril 2000, Numéricâble, la Cour a rompu avec sa jurisprudence qui subordonnait le prononcé de mesures conser- vatoires à la constatation préalable de faits manifestement illicites. Après avoir relevé dans un premier attendu la compétence du Conseil pour pré- venir un risque d’exploitation abusive d’un état de dépendance économi- que, la Cour précise ensuite que des mesures conservatoires peuvent être octroyées « même sans constatation préalable de pratiques manifestement

illicites au regard des articles 7, 8, ou 10-1 de l’ordonnance du 1erdécembre 1986, dès lors que les faits dénoncés, et visés par l’instruction dans la pro- cédure au fond, sont suffisamment caractérisés pour être tenus comme la cause directe et certaine de l’atteinte relevée ».

Dans un arrêt du 14 décembre 2004, Pharmalab, la Cour a ensuite censuré, pour violation du principe d’autonomie procédurale, l’alignement opéré par la cour d’appel de Paris des conditions d’octroi des mesures conservatoi- res sur celles des mesures provisoires du droit communautaire. Ce prin- cipe « commande à l’autorité nationale de concurrence, qui applique les

articles 81 ou 82 du traité CE, de mettre en œuvre les règles de procédure interne, sauf si ce principe conduit à rendre impossible ou excessivement difficile l’application du droit communautaire de la concurrence ».

Commentant cette jurisprudence, le rapport annuel de la Cour de cassation pour 2004 précise ainsi que le Conseil n’a pas « à être convaincu, à la dif-

férence de la Commission, d’une présomption d’atteinte raisonnablement forte aux règles de la concurrence, pour prononcer des mesures conser- vatoires, l’obligation qui lui est faite résidant seulement dans la nécessité de constater un lien de causalité entre les faits dénoncés, lesquels doivent être établis, et l’atteinte alléguée, qui doit en outre répondre aux conditions édictées par l’article L. 464-1 alinéa 2 du Code de commerce59».

La Cour de cassation constate que les outils procéduraux mis à la disposi- tion du Conseil pour la mise en œuvre du droit communautaire sont plus

58. CA Paris, 16 juillet 2002, Pharmajet.

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faciles à mettre en œuvre que ceux mis à la disposition de la Commission elle-même : « Ainsi, de façon peut-être paradoxale, mais en raison du prin-

cipe d’autonomie procédurale, et dès lors qu’elle doit mettre en œuvre, en application de l’article L. 470-6 du Code de commerce, les pouvoirs qui lui sont conférés en droit interne, l’autorité interne de concurrence dispose, en ce qui concerne le prononcé de mesures conservatoires, de pouvoirs plus souplement interprétés et de nature à faciliter le prononcé de mesu- res conservatoires pour assurer l’effectivité du droit communautaire de la concurrence, que ceux conférés à l’autorité communautaire également chargée de l’application de ce droit ».

Rappelons à ce propos qu’une procédure engagée par la Commission euro- péenne à l’encontre de pratiques visées par les articles 81 et 82 n’empê- che pas le Conseil d’adopter des mesures conservatoires, dès lors que ces mesures présentent un caractère temporaire et ne préjugent pas de l’ap- préciation des pratiques sur le fond60. Cette possibilité n’est pas que théori-

que : elle pourrait présenter un intérêt pratique puisque la Commission est soumise à un standard de preuve plus élevé que le Conseil, et ne dispose donc pas de la même faculté que le Conseil pour résoudre une atteinte à la concurrence dans l’urgence.

L’évolution a enfin été parachevée par un arrêt du 8 novembre 2005, qui énonce que des mesures conservatoires peuvent être décidées « dès lors

que les faits dénoncés, et visés par l’instruction dans la procédure au fond, apparaissent susceptibles, en l’état des éléments produits aux débats, de constituer une pratique contraire aux articles L. 420-1 ou L. 420-2 du Code de commerce [...]61».

L’appréciation actuelle

Aujourd’hui, le Conseil examine donc si les faits qui lui sont soumis sont « susceptibles » d’être prohibés par les dispositions interdisant les prati- ques anticoncurrentielles, cette analyse étant présentée dans les décisions indépendamment de celle relative au bien-fondé de l’octroi des mesures

conservatoires62. C’est ainsi que l’examen des conditions d’exemption

prévues par l’article L. 420-4 du Code de commerce, qui suppose préala- blement la qualification de pratiques anticoncurrentielles, relève d’une ins- truction au fond et ne peut être effectué dans le cadre d’une demande de

mesures conservatoires63.

La stabilisation de la jurisprudence dans le sens d’une lecture plus sou- ple des articles du Code de commerce a tout d’abord permis au Conseil de répondre favorablement à des demandes de mesures conservatoires

de façon plus fréquente en 200664, et surtout en 200765, par rapport aux

années précédentes66.

60. Décision 02-D-38.

61. C cass, 8 novembre 2005, TPS.

62. Voir par exemple : décisions 07-MC-01 ; 07-MC-02 ; 07-MC-05. 63. Décision 97-MC-04.

64. Trois décisions accordent des mesures conservatoires (sur 15 saisines). 65. Six décisions accordent des mesures conservatoires (sur 13 saisines).

66. Aucune décision n’accorde de mesures conservatoires en 2005 (sur 14 saisines), et deux

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La jurisprudence de la chambre commerciale assigne par ailleurs aux mesu- res conservatoires leur fonction propre, celle d’assurer l’efficacité d’une future décision sur le fond. Lorsque la procédure des mesures conserva- toires est accessoire à celle du fond, celles-ci n’ont en effet pas pour fonc- tion principale d’intervenir en cas d’illicéité flagrante, mais de répondre à une situation d’urgence. On peut à cet égard mentionner l’article 54 de la nouvelle loi espagnole sur la concurrence du 15 juin 2007 (ley de Defensa

de la Competencia), qui n’impose aucune condition particulière pour l’oc-

troi de mesures conservatoires, dans la mesure où elles interviennent « afin

d’assurer l’efficacité d’une future décision ».

En droit français, les conditions légales existent, elles constituent une garan- tie pour les justiciables, mais elles sont appréciées souplement. C’est le cas, nous l’avons vu, pour l’appréciation de la caractérisation des pratiques, mais c’est également le cas pour l’appréciation de la gravité de l’atteinte.

L’appréciation de l’atteinte aux intérêts protégés

L’article L. 464-1 du Code de commerce fait explicitement référence à l’exis- tence d’une atteinte « grave et immédiate, à l’économie générale, à celle

du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs, ou à l’entreprise plai- gnante » justifiant l’intervention de mesures conservatoires.

On constate que cette condition est appréciée souplement, aussi bien dans sa mise en œuvre procédurale que sur le fond.

Mise en œuvre procédurale

La vérification de l’existence d’une atteinte par le Conseil est adaptée à chaque cas.

Ainsi, même dans le cas où aucune atteinte grave et immédiate aux entre- prises saisissantes ou au secteur n’est établie, une nouvelle saisine peut être envisagée en cas de survenance d’éléments nouveaux. Le Conseil prend ainsi en compte le caractère évolutif de certaines situations et rappelle par là l’appréciation concrète que nécessite toute situation d’urgence67.

L’article L. 464-1 du Code de commerce fait par ailleurs référence à différents types d’intérêts. Il vise les atteintes « à l’économie générale, à celle du sec-

teur intéressé, à l’intérêt des consommateurs, ou à l’entreprise plaignante ».

Cette rédaction est large si on établit une comparaison avec d’autres dis- positions applicables en Europe : l’article 8 du règlement 1/200368 ou l’ar-

ticle 32 a de la loi allemande sur les restrictions de concurrence69 ne font

par exemple référence qu’aux atteintes causées à la concurrence.

En droit national, le fait que plusieurs types d’atteintes puissent justifier l’octroi de mesures conservatoires permet une mise en œuvre procédurale

67. Voir la décision 00-MC-13 : les conditions exigées pour le prononcé de mesures conserva-

toires sont rejetées, « sans préjudice de la faculté ouverte [...] de saisir le Conseil de la concur-

rence de nouvelles demandes de mesures conservatoires en cas de survenance d’éléments nouveaux ».

68. « Dans les cas d’urgence justifiés par le fait qu’un préjudice grave et irréparable risque d’être

causé à la concurrence, la commission, agissant d’office, peut, par voie de décision, et sur la base d’un constat prima facie d’infraction, ordonner des mesures provisoires. »

69. « Dans les cas d’urgence, l’autorité des cartels doit ordonner des mesures provisoires d’of-

fice s’il existe une risque de préjudice grave et irréparable à la concurrence. » M

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adaptée à l’impératif d’urgence s’imposant au Conseil. On constate ainsi que lorsque la demande de mesures conservatoires a été formée par une entreprise pour atteinte à ses intérêts, le Conseil peut prononcer des mesu- res conservatoires, alors même que la pratique dénoncée ne porte pas direc- tement atteinte à l’entreprise plaignante. Le Conseil n’est donc pas lié par le fondement de la demande de l’entreprise, et peut intervenir en cas d’at- teinte plus générale au secteur ou à l’économie.

Dans l’affaire KalibraXE70, l’atteinte grave et immédiate aux intérêts de l’en-

treprise plaignante n’a ainsi pas été retenue, mais des mesures conservatoi- res ont néanmoins été accordées sur le fondement de l’atteinte à l’exercice

de la concurrence sur un marché en voie d’ouverture71.

Dans une autre affaire récente, société Arrow Génériques72, le Conseil a

estimé qu’il n’était pas nécessaire de « rechercher dans quelle mesure la

situation personnelle de la société saisissante a été atteinte par les prati- ques dénoncées », l’analyse montrant que les pratiques entravant le déve-

loppement de médicaments génériques sur un marché avaient empêché toute concurrence significative, et pénalisé l’assurance-maladie dans la mesure où l’introduction des génériques, moins chers que les médicaments de marque, permet une baisse du prix moyen du médicament.

Cette possibilité procédurale complète la faculté octroyée par l’article L. 464-1 selon laquelle le Conseil peut accorder « les mesures conservatoires qui

lui apparaissent nécessaires », indépendamment de celles demandées par

les parties. Le Conseil n’est en effet lié ni par l’objet, ni par le fondement de la demande. Il peut ainsi intervenir rapidement en cas d’atteinte, quelle qu’en soit la nature.

Cette faculté révèle également la fonction du Conseil, qui est celle de proté- ger l’ordre public économique. En ce sens, la demande de mesures conser- vatoires ne fait pas valoir de droit subjectif préconstitué, elle permet de faire respecter le droit économique, et non seulement de répondre à une atteinte individuelle.

Appréciation sur le fond

L’atteinte à l’origine des mesures conservatoires doit être, selon l’article L. 464-1, immédiate. Lue strictement, cette condition paraît restrictive. À la différence de l’article 809 du Code de procédure civile régissant les mesu- res conservatoires prises en référé, il n’est pas fait référence à un simple « dommage imminent », sur le point de se produire. L’immédiateté renvoie à un dommage actuel, contemporain des pratiques dénoncées qui en sont la cause. Elle suppose donc une atteinte établie.

Faut-il en conclure que les pratiques dénoncées doivent avoir produit leurs effets pour que le Conseil puisse intervenir ?

La réponse ne peut être positive : certaines situations imposent une intervention préventive, sans laquelle le marché peut être affecté irrémédiablement.

70. Ayant donné lieu à la décision 07-MC-01. 71. Voir également la décision 98-MC-07. 72. Décision 07-MC-06.

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La pratique décisionnelle et la jurisprudence montrent ainsi qu’une marge d’aléa est compatible avec le caractère immédiat de l’atteinte, dès lors que celle-ci existe en puissance et que toutes les conditions de sa réalisation sont réunies. En d’autres termes, le Conseil n’intervient pas seulement pour éviter l’aggravation d’une atteinte établie73, il est également fondé à inter-

venir pour éviter la réalisation d’une atteinte irrémédiable à venir.

Cette appréciation de l’immédiateté de l’atteinte est particulièrement utile

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