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Les marchés

35. Cons conc., décision 92-MC-08.

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Par conséquent, le Conseil a enjoint à l’association de suspendre l’appli- cation de l’avenant jusqu’à la décision au fond ou jusqu’à la suppression effective de l’avenant dans les formes légales. Il a également demandé à l’association de rendre compte de la situation des contrats de travail de ses salariés dans un délai d’un mois.

Cette décision n’est pas sans rappeler l’arrêt du 29 juin 1998 par lequel la cour d’appel de Paris a prononcé des mesures conservatoires à l’encontre

de la société Suez-Lyonnaise des Eaux36.

Dans cette affaire, la société mise en cause refusait de communiquer à ses concurrents les conditions de vente d’un produit qu’elle était seule à déte- nir et qui était indispensable pour candidater à l’obtention de délégations de service public de distribution d’eau.

La cour a considéré que cette pratique mise en œuvre par une entreprise en position dominante et disposant de ressources essentielles était sus- ceptible de constituer un abus.

Elle a indiqué qu’en raison de sa nature même, le refus de la société Suez- Lyonnaise des Eaux portait une atteinte grave et immédiate à l’économie en général et à celle du secteur intéressé. En effet, d’une part, il empêchait les concurrents d’élaborer des offres utiles et d’autre part, il dissuadait les candidats potentiels de concourir, en raison des difficultés rencontrées pour obtenir les données nécessaires.

Estimant que la proximité des dates auxquelles de nouveaux contrats devai- ent être conclus caractérisait une situation d’urgence, la cour a enjoint à la société Suez-Lyonnaise des Eaux de communiquer son prix de vente en gros d’eau potable dans des conditions permettant une réelle information de ses concurrents sur le coût d’accès au produit indispensable.

Dans une seconde décision 06-MC-03, le Conseil a prononcé des mesu- res conservatoires à l’encontre de la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) en raison de pratiques mises en œuvre lors du renou- vellement de la délégation de service public de transport maritime entre la Corse et Marseille.

Délégataire sortant, la SNCM avait proposé une offre globale et indivisible pour répondre à l’appel d’offres organisé par l’Office des transports de la Corse. Le Conseil a estimé qu’une telle offre ne pouvait, par nature, être consi- dérée comme susceptible de constituer un abus de position dominante. Cependant, en l’espèce, le recours à la SNCM était incontournable, faute pour les autres candidats de pouvoir formuler des offres portant sur l’en- semble des lignes. En outre, le refus de la SNCM de s’engager de manière ferme sur le montant de la subvention ligne par ligne empêchait l’autorité organisatrice de comparer les résultats de la compétition. Le Conseil a donc considéré que l’offre de la SNCM était susceptible d’évincer les concurrents et risquait de ne laisser d’autre choix à l’autorité organisatrice que la SNCM pour assurer la gestion du service public.

36. CA Paris, 29 juin 1998, Suez-Lyonnaise des Eaux, confirmé par C cass, 3 mai 2000, Suez-

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Études thématiques

Le Conseil a indiqué que ce comportement risquait de porter une atteinte grave et immédiate aux intérêts des consommateurs. En effet, la signature du contrat était imminente. Or, l’attribution d’un contrat de six ans à l’issue d’une mise en concurrence faussée n’offrait ni à l’autorité organisatrice ni aux contribuables, payeurs en dernier ressort de la subvention, la garan- tie d’un choix économique éclairé.

La situation d’urgence était d’autant plus caractérisée que la signature du contrat aurait entraîné une situation difficilement réversible et aurait ainsi fait obstacle à l’effet utile de l’ouverture à la concurrence du service public de transport maritime reliant la Corse au continent.

Pour cette raison, le Conseil a enjoint à la SNCM dans les 48 heures : – d’indiquer à l’Office des transports de la Corse le montant de subvention

exigé pour chaque ligne ;

– de faire droit à toute demande de l’Office permettant à ce dernier d’éva- luer le montant demandé pour les offres groupées qu’il souhaiterait étudier ;

– de préciser explicitement à l’Office ne s’opposer ni à un examen par ce dernier de son offre ligne par ligne ou regroupée ni à la possibilité d’at- tribution partielle de la délégation de service public.

Le Conseil a également demandé à la SNCM de s’abstenir de signer tout projet de convention qui lui serait proposé avant d’avoir justifié au Conseil de l’exécution de l’injonction prononcée ci-dessus.

En 2007, le Conseil a, de nouveau, été saisi de pratiques mises en œuvre par la SNCM lors du renouvellement de la délégation de service public de transport maritime entre la Corse et le port de Marseille37. Mais, cette fois,

il a rejeté la demande de mesures conservatoires, considérée comme non fondée et non pertinente, et décidé de poursuivre l’instruction au fond. Ces deux décisions s’inscrivent dans une saga juridique qui a également vu intervenir le juge administratif38. À cet égard, elles sont une nouvelle illus-

tration du partage des compétences entre le Conseil de la concurrence et le juge administratif, l’un statuant sur les pratiques des entreprises, l’autre sur les actes de l’administration39.

Aussi, dans sa première décision relative aux mesures conservatoires demandées à l’encontre de la SNCM, le Conseil a-t-il refusé d’examiner la prétendue entente anticoncurrentielle entre la collectivité territoriale de Corse, l’Office des transports de la Corse et la SNCM au motif que cette pra- tique était indissociable de l’acte de puissance publique qu’était le règle- ment particulier de l’appel d’offres40.

Il a, en revanche, considéré que les abus de position dominante reprochés à la SNCM étaient détachables de l’appréciation de la légalité du règlement particulier d’appel d’offres et relevaient de sa compétence41.

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