• Aucun résultat trouvé

Impartialité du rapporteur / Instruction à charge et à décharge / Loyauté

Participation d’un même rapporteur à plusieurs procédures dans la même affaire (instruction d’une affaire classée, saisine d’office, instruction au fond de la saisine d’office)

Dans la décision 07-D-03, le Conseil a écarté le moyen tiré de la partialité du rapporteur résultant de ce que ce dernier avait participé successivement à l’instruction d’une procédure antérieure concernant le même secteur et ayant abouti à un classement, puis au délibéré d’une décision de saisine d’office, et enfin à l’instruction de l’affaire ayant conduit à la décision au fond. En effet, la présence successive d’un rapporteur au délibéré d’une saisine d’office, puis à l’instruction au fond de l’affaire a été validée par la cour d’appel de Paris (27 novembre 2001, Caisse nationale du Crédit agri- cole14). Par ailleurs, le Conseil a estimé que le fait que le même rapporteur

ait instruit l’affaire classée et ait été ultérieurement désigné pour instruire

14. Pour la cour d’appel, la décision par laquelle le Conseil se saisit d’office a « pour seul objet

d’ouvrir la procédure devant le Conseil de la concurrence afin que puissent être conduites les investigations pouvant servir de base à la notification ultérieure de griefs, sans qu’à ce stade aucun fait ne puisse être qualifié ni aucune pratique anticoncurrentielle imputée à quiconque », et

aucun texte ne fait obstacle à ce que le Conseil demande à un rapporteur permanent de rassem- bler des éléments lui permettant d’apprécier l’intérêt qu’il pourrait y avoir à se saisir d’office de la situation de la concurrence dans un secteur déterminé et à ce que ce rapporteur présente des observations orales devant la commission permanente appelée à se prononcer sur ce point.

M

168

l’affaire à la suite de la saisine d’office n’était pas davantage contraire au principe d’impartialité, dès lors qu’aucune décision au fond n’avait été ren- due dans la procédure initiale (voir aussi en ce sens, 06-D-04 bis).

Instruction à charge / Déloyauté dans la conduite de l’instruction

Dans la décision 07-D-08, le Conseil a repoussé le moyen tiré de la partia- lité du rapporteur, accusé d’avoir instruit à charge. Il a rappelé la jurispru- dence constante (notamment, Cour de cassation, 26 novembre 2003, TF1) selon laquelle « l’audition de témoins est une faculté laissée à l’apprécia-

tion du rapporteur ou du Conseil de la concurrence, eu égard au contenu du dossier ».

Plusieurs moyens tirés du manquement par le rapporteur à son devoir d’im- partialité ont été écartés dans la décision 07-D-09. Il était reproché au rappor- teur d’avoir envoyé une première demande d’enquête à la DGCCRF avant la notification de la décision du Conseil statuant sur les mesures conservatoi- res demandées. En effet, dans la mesure où le Conseil était régulièrement saisi d’une plainte sur le fond, aucun texte ni aucun principe n’interdisaient au rapporteur, régulièrement nommé pour instruire cette saisine au fond, de rédiger et de transmettre à la DGCCRF une demande d’enquête, sans attendre la notification de la décision du Conseil sur la demande de mesu- res conservatoires. Était par ailleurs dénoncé le fait que le rapporteur se serait écarté des conclusions du rapport d’enquête sur plusieurs points qui auraient été favorables à l’entreprise en cause. Mais le rapporteur n’est nul- lement tenu par les positions prises par le rapport d’enquête, dès lors que les pièces sur lesquelles il se fonde sont soumises au débat contradictoire, dans des conditions permettant à l’entreprise d’exercer ses droits de la défense. Était également critiquée l’intervention – à la demande du rappor- teur, pour donner un avis sur une étude citée par la société mise en cause – d’un économiste tiers à la procédure et dont la partialité aurait résulté de ses publications antérieures sur le secteur concerné. Toutefois, il n’était pas démontré en quoi cet économiste, dont le travail s’était limité à don- ner un avis sur une étude publique, sans commenter en aucune manière les pièces du dossier auxquelles il n’avait pas eu accès, se serait immiscé dans la procédure. Cette contestation était d’autant moins recevable que la société en cause avait insisté elle-même sur la disponibilité publique de ce document non lié au dossier pour en minimiser la portée.

Dans la décision 07-D-49, le Conseil, pour écarter le grief tiré d’une instruc- tion menée à charge, a rappelé que, selon une jurisprudence constante, le rapporteur fonde la notification de griefs sur les faits qui lui paraissent de nature à en établir le bien-fondé et dispose d’un pouvoir d’apprécia- tion quant à la conduite de ses investigations. Le fait que la notification de griefs puis le rapport n’aient pas cité tous les faits et documents qui n’ont pas été retenus comme indices des pratiques anticoncurrentielles ne peut faire grief aux entreprises dès lors que celles-ci ont eu accès à l’ensemble de la procédure. Il ne pouvait être soutenu, par ailleurs, que le rapporteur avait dénaturé les documents ou déclarations figurant au dossier, dès lors qu’il était admis que ceux-ci étaient sujets à interprétation et que les par- ties avaient pu faire valoir, tout au long de la procédure, leurs moyens de défense sur l’interprétation qui en était donnée par le rapporteur, le Conseil

169

Analyse de la jurisprudence

étant en mesure par la suite de faire un nouvel examen des éléments de preuve ainsi produits (cf. 06-D-09).

La même solution a été reprise dans la décision 07-D-50.

Impartialité du Conseil

Renvoi à l’instruction pour certaines entreprises et procès équitable

Dans la décision 07-D-03, le Conseil a écarté le moyen par lequel la société Clarins SA soutenait que le fait qu’elle soit poursuivie, à l’issue d’un ren- voi à l’instruction, devant le Conseil qui s’était déjà prononcé sur l’affaire en prononçant des sanctions à l’encontre des autres entreprises mises en cause (cf. décision 06-D-04 bis) constituerait une atteinte grave au prin- cipe du droit à un procès équitable. Mais, l’article 33 de l’ancien décret du 30 avril 2002 dispose que : « Lorsqu’il estime que l’instruction est incom-

plète, le Conseil de la concurrence peut décider de renvoyer l’affaire en tout ou partie à l’instruction ». Le Conseil dispose donc de la faculté de renvoyer

à l’instruction une partie seulement de l’affaire, ce qui signifie qu’il dis- pose aussi de la faculté de se prononcer sur l’autre partie de l’affaire ren- voyée à l’instruction. Le principe d’impartialité ne s’oppose pas à ce que le même juge connaisse d’une affaire avant le jugement au fond de celle- ci à condition que ce faisant, il ne se soit pas forgé une opinion sur la solu- tion à apporter à cette affaire (Cour de cassation, 9 octobre 2001, Unibéton). Or, en l’espèce, en prenant la décision de surseoir à statuer sur les prati- ques imputables à la marque Clarins en raison de l’incertitude pesant sur l’identité de la société du groupe qui devait être mise en cause, le Conseil n’avait pas procédé à un préjugement de la partie de la procédure qui avait fait l’objet d’un complément d’instruction. Au surplus, la seconde décision n’avait pas été rendue par la même formation.

Régularité des demandes d’enquête effectuées par le Conseil (commission permanente)

Dans la décision 07-D-15, le Conseil a rejeté le moyen tiré de l’irrégularité des demandes d’enquêtes formulées par la commission permanente qui aurait, ce faisant, dépassé le cadre de simples actes d’instruction sommai- res et violé le principe de séparation des instances d’instruction et de déci- sion. En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi NRE du 15 mai 2001, la mise en œuvre des visites et saisies pouvait être déclenchée par le ministre de l’Économie ou le Conseil de la concurrence (article 48 de l’ordonnance 86-1243 en vigueur à l’époque). Le Conseil prenait la décision de recourir à cette procédure en commission permanente, sur la base des orientations d’enquête fixées par le rapporteur. Dès lors qu’elle se bornait à permettre le déclenchement de la procédure de visites et saisies, à la demande du rapporteur, et à reprendre les orientations de l’enquête définies par celui- ci, la décision par laquelle la commission permanente décidait de recourir

à l’article 48 de l’ordonnance du 1erdécembre 1986, alors en vigueur, ne

constituait pas une décision par laquelle le Conseil aurait été conduit, dans des conditions incompatibles avec les exigences inhérentes au droit à un procès équitable, à formuler une accusation ou encore à préjuger de l’af- faire au fond (CA d’appel de Paris, 30 janvier 2007, SA Le Foll15, à propos

15. Confirmé par la Cour de cassation, 15 janvier 2008, société Colas Île-de-France Normandie.

170

des décisions de la commission permanente demandant communication de pièces au juge, sur le fondement de l’article L. 463-5 du Code de com- merce). Au demeurant, en l’espèce, aucun des membres du Conseil ayant siégé lors des commissions permanentes incriminées n’avait pris part au délibéré de la décision au fond.

Étendue de l’accès au dossier et du contradictoire dans les procédures

Documents relatifs