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Liens entre instruction du rapporteur et instruction pénale

Compatibilité de l’article L. 463-5 du Code de commerce avec l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme

Dans la décision 07-D-15, le Conseil a rappelé les dispositions de l’article L. 463-5 du Code de commerce selon lesquelles les « juridictions d’instruc-

tion et de jugement peuvent communiquer au Conseil de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux ou rapports d’enquête ayant un lien direct avec des faits dont le Conseil est saisi [...] ». Il a cité en outre l’ar-

rêt du 30 janvier 2007, SA Le Foll TP12, dans lequel la cour d’appel de Paris

a approuvé le Conseil qui avait « exactement relevé que, dès lors qu’il se

bornait à transmettre une demande émanant du rapporteur qui sollicitait, au regard du déroulement de l’instruction, des pièces du dossier en cours d’instruction et alors, de surcroît, que le magistrat instructeur avait déjà de son côté obtenu la communication d’éléments détenus par le Conseil, la demande de communication de pièces critiquée, effectuée en application de ces dispositions, ne constituait pas une décision par laquelle il aurait été conduit, dans des conditions incompatibles avec les exigences inhérentes au droit à un procès équitable, à formuler une accusation ou encore à pré- juger de l’affaire au fond ».

Secret de l’instruction (article 11 du Code de procédure pénale)

Dans la même décision, le Conseil a écarté le moyen tiré de la violation du secret de l’instruction qui aurait résulté de ce que des éléments du dossier pénal sans rapport avec les pratiques d’entente auraient été illégalement portés à la connaissance de personnes extérieures à la procédure pénale. C’était bien dans le cadre légal défini à l’article L. 463-5 du Code de com- merce que le Conseil avait obtenu les documents d’instruction. Les docu- ments et pièces du dossier pénal avaient été portés à la connaissance des parties dont la mise en cause devant le Conseil était fondée sur l’exis- tence des pratiques également qualifiées par le juge pénal, sur le fonde- ment de l’article L. 420-6 du Code de commerce. Par ailleurs, les parties n’expliquaient pas quelles pièces, non directement liées aux faits dont le Conseil était saisi et transmises par le juge, leur auraient fait grief et sur quel fondement.

Régularité de la demande de communication de pièces effectuée par la commission permanente du Conseil auprès du juge sur le fondement de l’article L. 463-5 du Code de commerce

Dans la décision 07-D-15, le Conseil a estimé que les demandes de commu-

nication de pièces adressées par le Conseil à l’institution judiciaire étaient régulières. Aucune irrégularité ne pouvait résulter de ce que la demande éma- nait de la commission permanente du Conseil composée du président et de seulement deux vice-présidents. Aucun texte n’impose, en effet, que la com- mission permanente, « composée du président et de trois vice-présidents »

12. Confirmé par la Cour de cassation, 15 janvier 2008, société Colas Île-de-France Normandie.

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selon l’article 4 de l’ordonnance du 1erdécembre 1986 modifié par la loi

du 1erjuillet 1996 (devenu L. 461-3 du Code de commerce), réunisse tous

ses membres pour délibérer valablement. La règle de quorum, non modi- fiée en 1996, prévue par l’article 6 du décret du 29 décembre 1986 alors en vigueur, exige seulement la présence de trois membres de la commission, condition satisfaite en l’espèce (voir, en ce sens, 06-D-07 bis).

Accès par le rapporteur aux pièces de la procédure pénale / Modalités de la transmission du dossier pénal

Étendue de la transmission

Dans la décision 07-D-15, le Conseil a écarté le moyen par lequel il était pré- tendu que le rapporteur ne pouvait, sans violer le principe de loyauté dans l’administration de la preuve, recevoir l’intégralité du dossier d’instruction. Le dossier pénal n’avait pas été communiqué au rapporteur dans son inté- gralité. En outre, il existait un lien direct entre les faits dont le Conseil était saisi et l’information pénale qui portait sur la participation déterminante de personnes physiques à des pratiques anticoncurrentielles, sur le fonde-

ment de l’article 17 de l’ordonnance du 1erdécembre 1986 (devenu L. 420-6

du Code de commerce). Enfin, le rapporteur avait transmis aux parties l’en- semble des éléments et documents communiqués par le juge lors des deux notifications de griefs et du rapport et, en ces trois occasions, il avait indiqué les documents extraits de la procédure pénale sur lesquels il appuyait ses griefs. Comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2007 (SA Le Foll), « la communication de certaines piè-

ces du dossier d’instruction, obtenues conformément aux dispositions de l’article L. 463-5 du Code de commerce, n’a de toute façon pas fait grief aux

[sociétés], qui n’avaient acquis la qualité de partie qu’à compter de la noti-

fication des griefs, en observant, notamment, que les griefs retenus par le rapporteur sont fondés sur des pièces dont il a été dressé un inventaire, qui ont été citées, versées au dossier, proposées à la consultation et soumises à la contradiction des [entreprises], qui disposaient alors de la faculté de pro- duire tous éléments à décharge » (voir en ce sens, 06-D-07 bis).

Auteur de la transmission

Dans la même décision, le Conseil a écarté le moyen par lequel il était pré- tendu que le dossier d’instruction avait été transmis par le ministère public en violation des dispositions de l’article L. 463-5 du Code de commerce qui réserve cette transmission au seul juge d’instruction. Le rapporteur général avait bien adressé sa demande au juge d’instruction. Si les pièces deman- dées avaient effectivement été transmises par le parquet, la lettre de trans- mission du procureur était accompagnée d’un soit-transmis émanant du juge d’instruction et revêtu de son timbre qui attestait que la transmission des pièces au vice-procureur pour remise au Conseil de la concurrence était intervenue à la demande du juge d’instruction, conformément aux dispo- sitions de l’article L. 463-5 du Code de commerce.

Liens informels entre le rapporteur et le juge d’instruction

Dans la même décision, le Conseil a écarté le moyen par lequel étaient contes- tés, comme contraires aux articles L. 462-3, L. 462-6 et L. 463-5 du Code de

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Analyse de la jurisprudence

commerce et violant le principe de loyauté de l’instruction découlant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, les contacts informels intervenus entre le rapporteur et le magistrat instructeur. Aucun texte légal n’interdit au rapporteur de s’entretenir avec le juge d’instruction, que cet entretien ait lieu à la demande du juge ou du rapporteur. En l’es- pèce, l’objet de ces entretiens était clairement identifié : « se tenir mutuel-

lement informés directement des informations qu’ils doivent conduire l’un et l’autre et de régler les problèmes qui pourraient se présenter ». Enfin,

les parties n’exposaient pas en quoi ces entretiens qui avaient eu pour but d’organiser la transmission des seuls éléments du dossier pénal nécessai- res à la procédure devant le Conseil avaient pu leur faire grief, étant rap- pelé qu’elles avaient pu consulter l’ensemble des éléments réunis dans le dossier du Conseil (voir aussi sur ces questions, 05-D-69).

Opposabilité du dossier pénal

Dans la décision 07-D-15, le Conseil a rappelé les conditions selon lesquel- les les pièces tirées du dossier pénal sont opposables aux parties lors d’une procédure devant le Conseil (voir en ce sens, 06-D-07 bis).

L’article L. 463-5 du Code de commerce prévoit que la juridiction d’instruc- tion peut transmettre au Conseil de la concurrence des procès-verbaux établis, sous l’empire du Code de procédure pénale par le juge d’instruc- tion, les officiers de police judiciaire ou les agents de la DGCCRF spéciale- ment habilités. L’article L. 463-5 du Code de commerce ne prévoit aucune restriction dans l’utilisation des pièces pénales communiquées au Conseil. Ces pièces peuvent donc fonder les griefs de la même façon que les pièces issues d’une enquête administrative. De même que le rapporteur peut fon- der son analyse des griefs sur le rapport d’enquête administrative qui lui est transmis par le ministre chargé de l’Économie sans procéder lui-même à des actes d’instruction, il peut procéder à cette analyse à partir des docu- ments et pièces de la procédure pénale qui lui ont été communiqués et qui sont de nature à caractériser les griefs, sans procéder à des actes d’investi- gation complémentaires, s’il estime les poursuites suffisamment fondées par ces documents et pièces. Le dossier de la procédure devant le Conseil peut donc n’être constitué que par les seuls documents et pièces transmis par le juge d’instruction, dès lors qu’il est ouvert à la consultation des par- ties qui sont appelées à en discuter le contenu en présentant leurs pro- pres moyens et pièces. Ces documents et pièces extraits de la procédure pénale sont nécessairement des copies, l’original figurant au dossier de l’information pénale (cf. 06-D-07, 95-D-86, 99-D-50, 05-D-59 et cour d’appel de Paris 28 janvier 1997).

L’utilisation d’une pièce issue d’une procédure pénale dans une procédure de concurrence a été contestée devant le juge communautaire, au motif que les garanties procédurales prévues par le droit communautaire et sur- tout le principe de non-auto-incrimination (cf. arrêt Orkem/Commission), ne seraient pas assurés dans les procédures pénales où la personne entendue ne peut refuser de répondre aux interrogations. Dans un arrêt du 27 sep- tembre 2006 (Archer Daniels Midland Co), le Tribunal de première instance des communautés européennes a jugé que la Commission avait pu uti- liser, pour établir le rôle de meneur d’une société dans une entente, les

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déclarations du responsable de cette société devant le FBI dans le cadre d’une procédure pénale, qui lui avaient été communiquées par une autre partie. Il a souligné que la Commission peut utiliser des pièces provenant d’autres juridictions dans sa propre procédure sous réserve qu’elle vérifie que la pièce a été recueillie régulièrement et a été soumise au contradic- toire dans sa procédure.

Au surplus, l’article L. 420-6 du Code de commerce punit pénalement les personnes physiques qui prennent « frauduleusement une part personnelle

et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en œuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 ». Pour caractériser l’incri-

mination de l’article L. 420-6, il faut donc démontrer la participation à une entente ou un abus de position dominante selon les cas. En l’espèce, les personnes physiques entendues dans la procédure pénale ne pouvaient donc se méprendre sur l’objet de leur audition.

Enfin, les constatations effectuées dans le rapport d’enquête, établies sur commission rogatoire par la DNEC, font foi jusqu’à preuve contraire.

La durée de la procédure (justification de la longueur de la procédure,

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