• Aucun résultat trouvé

Chapitre 5 : Internet et les pratiques culturelles au Québec : effet d’ouverture ou de

5.7. Les mesures d’adéquation des modèles

Pour bien saisir l’effet des variables indépendantes relatives à Internet dans la prédiction de la diversité et de l’intensité des visites des lieux culturels et de la diversité et de l’intensité des sorties au spectacle, nous avons refait chacun des modèles linéaires généralisés pour chaque région sans inclure ces variables (nous n’avons alors inclus que les variables sociodémographiques). Le tableau 11 présente les différences à l’aide du coefficient de détermination R2 qui, dans notre utilisation du modèle linéaire généralisé,

peut être perçu comme un indice du pourcentage d’explication des modèles. Cette mesure doit cependant être considérée à titre indicatif car, dans le cadre du modèle linéaire généralisé, le R2 peut être légèrement surestimé. Elle permet tout de même de comparer les

modèles. Dans le tableau 11, les lignes débutant par « avec » présentent les R2 pour les

modèles qui comprennent les variables relatives à Internet, tandis que les lignes débutant par « sans » incluent seulement les variables sociodémographiques.

160 Tableau 11. Mesures d’adéquation des modèles (R2)

Source : Enquête sur les pratiques culturelles au Québec, 2009

Dans tous les cas, l’utilisation de l’information tirée d’Internet permet d’augmenter le R2

du modèle par rapport à un modèle qui n’inclut pas ces variables. Dans les régions centrales, la différence varie de 2 à 6% (5 ou 6% dans trois comparaisons sur quatre). Dans les régions périphériques, elle varie de 5 à 8%, dans les régions intermédiaires, de 4 à 11% et dans les régions éloignées, de 3 à 6%. Les modèles de diversité et d’intensité des sorties au spectacle s’avèrent les moins performants, puisque les R2 sont généralement plus

faibles, surtout si l’on exclut l’effet des variables relatives à Internet. Pour les sorties au spectacle, dans le meilleur des cas (régions éloignées), le modèle sans les variables mesurant l’utilisation Internet explique au maximum 12%. Dans le cas de l’intensité des sorties au spectacle, le maximum est de 10%. En somme, l’inclusion dans les modèles des variables relatives à Internet renforce nettement leur capacité d’explication.

Conclusion

Les modèles présentés précédemment montrent que, d’un type de région à l’autre, trois variables sont liées à la diversité et à l’intensité des visites des lieux culturels ainsi qu’à la diversité et à l’intensité des sorties au spectacle : l’âge, la scolarité et le fait d’utiliser Internet à des fins culturelles. Dans certains cas, son usage à des fins non culturelles est également associé à des pratiques culturelles plus diversifiées – plus omnivores – et plus assidues.

Centrales Périphériques Intermédiaires Éloignées

Avec 0,17 0,21 0,29 0,21 Sans 0,15 0,13 0,18 0,18 Avec 0,21 0,22 0,28 0,25 Sans 0,15 0,15 0,18 0,19 Avec 0,14 0,10 0,15 0,17 Sans 0,09 0,05 0,11 0,12 Avec 0,13 0,09 0,19 0,16 Sans 0,07 0,03 0,09 0,10 Sorties au spectacle Intensité des sorties au spectacle

Typologie des régions Modèles avec

et sans les variables sur

Internet VD

Visite des lieux culturels Intensité des visites des lieux

161

Nous constatons donc que, plus un individu utilise Internet à des fins culturelles (et parfois non culturelles), plus ses visites des lieux culturels et ses sorties au spectacle sont diversifiées et intenses, comme quoi la diversité des usages sur Internet peut être liée à un omnivorisme culturel. Aussi, il nous paraît clair que, au même titre que les caractéristiques sociodémographiques, l’utilisation d’Internet doit maintenant être incluse comme facteur explicatif des pratiques culturelles. Les modèles qui incluent les variables relatives à Internet expliquent une plus grande proportion de la variance observée que ceux qui incluent uniquement les caractéristiques sociodémographiques.

Bien que nous n’ayons pas pu inclure dans nos analyses toutes les variables prédisant l’omnivorisme dont font mention Peterson et Kern (1996) – par exemple, l’origine raciale des répondants –, nos résultats vont dans le même sens que les leurs pour ce qui est de la scolarité et de l’âge. En ce qui a trait au revenu, cela se confirme presque uniquement dans les régions centrales où, de façon générale, plus un individu vit dans un ménage fortuné, plus il visitera de lieux culturels et sortira au spectacle et plus il fera ces activités intensément. On remarque sensiblement la même tendance dans les autres types de régions, mais l’effet n’est pas significatif.

À l’exception de l’intensité des visites de lieux culturels dans les régions centrales et périphériques, le sexe d’une personne semble avoir peu d’effet, quoique nous ayons noté une tendance d’un effet de l’interaction entre le sexe et l’âge en faveur des femmes. Peterson et Kern (1996) mentionnent également que les personnes vivant en milieu urbain ont plus tendance à être omnivores que celles vivant en milieu rural. Dans notre étude, la taille de la municipalité habitée ne semble pas avoir d’effet sur les pratiques à l’étude, à l’exception de l’intensité des sorties au spectacle dans les régions intermédiaires. Et ce sont les gens résidant dans des municipalités comptant de 2000 à 99 999 habitants qui ont la plus grande intensité moyenne de sorties et non ceux résidant dans les municipalités de 100 000 habitants ou plus. Il faut toutefois considérer que nos analyses ont été faites selon une typologie des régions du Québec, qui classe celles-ci selon leur proximité des grands centres urbains que sont Montréal et Québec, la Capitale-Nationale. Le degré d’urbanisation des régions et l’importance de l’offre culturelle qui en découle semblent

162

donc jouer un rôle dans la diversité et l’intensité des visites des lieux culturels ainsi que dans la diversité et l’intensité des sorties au spectacle.

Dans cinq cas, le temps passé sur Internet favorise la diversité des visites de lieux culturels et de sorties au spectacle, de même que l’intensité de ces activités. Toutefois, dépassé deux heures de navigation à la maison chaque jour, l’effet s’inverse. De manière générale, un temps de navigation à la maison se situant entre 30 et 1h59 minutes par jour favorise la pratique de ces activités. Ce résultat va dans le même sens que ceux de Lemieux, Luckerhoff et Paré (2011), qui mentionnent que plus des trois quarts des utilisateurs d’Internet ont déclaré avoir réduit leur pratique d’activités, non seulement les activités « d’écran » comme regarder la télévision, mais également les sorties au concert et au théâtre. Il faut toutefois relativiser la conséquence négative que peut avoir Internet sur les pratiques culturelles; comme l’a relevé Veenhof (2006), les internautes assidus réduisent d’abord leur temps de sommeil et celui qu’ils accordent au sport.

Bien que nos résultats ne permettent pas d’établir de lien de causalité entre l’utilisation d’Internet et les pratiques culturelles à l’étude, ils ne contredisent pas ceux de Donnat et Lévy (2007), qui notent qu’Internet renforce certaines pratiques comme la fréquentation d’équipements culturels et des salles de cinéma. Toutefois, nous notons que ce sont surtout les usages culturels d’Internet qui semblent avoir un effet, bien que, dans certains cas, les usages non culturels d’Internet en exercent également un.

Nous ne prétendons pas avoir analysé toutes les facettes de la question du lien entre Internet et les pratiques culturelles dans le cadre de cette étude. Il s’agit d’une question complexe qui peut être abordée sous plusieurs angles. Nos résultats nous amènent toutefois à suggérer des pistes de recherches futures. Afin de distinguer différentes catégories d’usagers d’Internet, il serait intéressant de poursuivre le travail amorcé en procédant à des analyses factorielles et typologiques. Cela permettrait également d’obtenir une lecture plus globale des modalités de la relation à Internet. Il pourrait aussi être intéressant de refaire ces analyses en considérant des pratiques culturelles différentes et d’inclure deux mesures de l’omnivorisme, soit par volume et par composition.

163

Notre étude a permis de voir que plusieurs variables entrent en jeu dans la prédiction de la visite de lieux culturels, des sorties au spectacle et de l’intensité de ces pratiques, et qu’elles varient d’un type de région à l’autre. Il nous semble clair que les études doivent désormais inclure d’autres variables que les variables sociodémographiques, notamment les usages d’Internet, pour mieux comprendre les pratiques culturelles. Le Web semble contribuer à l’appétit pour les arts de la scène et la visite des lieux culturels… tant qu’on navigue « modérément », soit, dans le Québec de 2009, moins de deux heures par jour.

164

Insertion du premier chapitre

Titre : Parcours culturels selon les générations et selon les cycles de vie

Résumé : Dans ce chapitre, nous nous penchons sur la relation entre la génération, le cycle de vie et les pratiques culturelles. Nous voulons répondre à trois préoccupations : il s’agira d’abord de comparer les quasi-cohortes à l’étude entre elles afin de voir si leurs comportements culturels diffèrent, selon les cycles de vie ; par la suite, nous verrons si le parcours culturel des générations a varié dans le temps; enfin, si les quasi-cohortes deviennent plus omnivores avec le temps et d’une quasi-cohorte à l’autre. Le modèle explicatif créé à l’occasion de cette étude montre qu’il y a des différences dans le parcours culturel selon les cycles de vie, de même qu’au fil du temps. Les analyses mettent également en lumière des différences d’une génération à l’autre et entre les générations lorsqu’elles traversent un même cycle de vie. Toutefois, elles ne permettent pas de conclure que les quasi- cohortes plus âgées sont plus omnivores qu’avant ni que les jeunes sont plus omnivores que leurs aînés, comme le montrent les résultats de Peterson. Cela est peut-être dû aux pratiques culturelles qui composent l’indice utilisé.

165