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CHAPITRE- III : STRATEGIES D 'ACTEURS ET ENJEUX

I- 2-1 Les marchés publics du bâtiment

Il existe deux types de contrats selon que le candidat à ces marchés soit lui-même un organisme public ou privé. « Le recours au gré-à-gré était la règle quand le marché était attribué à un opérateur public»xliii, sans appel formel à la concurrence même si la procédure de consultation n‟était pas exclue.

2- 1- a - Les types de marché

Quand il s‟agit d‟entreprises petites ou moyennes ne disposant pas de structures d‟études propres, souvent le Ministère technique confie les études et prestations aux BET publiques autonomes à vocation nationale ou de wilaya et un marché de travaux avec les entreprises de réalisation.

Les grandes entreprises publiques préfèrent les marchés à lot unique puisqu‟elles sont toutes dotées de bureaux d‟études intégrés en leur sein. Dans ce cas, l‟entreprise publique a la charge entière du projet : de l‟étude préliminaire jusqu‟à la livraison du produit. Elle est ainsi le seul interlocuteur du maître d‟ouvrage qui, dans cette forme de marché « clé en main », perd tout moyen de contrôle, permis, en général par le suivi pour son compte de l‟opération par le maître d'œuvre.

La réalité des soi-disant gains de temps, d‟économies d‟échelle etc. est avancée pour justifier la préférence des entreprises et de la tutelle ministérielle pour ce type de marché. Les entreprises y voient des solutions confortables (« rationalisation » du procédé de construction par exemple), le Ministère technique (procédures contrats-programmes) pour éviter les conflits entre acteurs (wilaya, Ministère des Finances, BET) et les déplacer d‟un cadre extra-sectoriel à un niveau intra-extra-sectoriel (même tutelle du maître d‟ouvrage et de l‟entreprise) où l‟arbitrage est plus aisé.

Par ailleurs, la procédure « contrat-programme » permettait au Ministère de l‟Habitat d‟alimenter de manière continue les plans de charges des entreprises publiques sans que celles-ci puissent refuser quand leurs capacités de réalisation sont saturées. La répartition des marchés de travaux selon les modes d‟affectation directs restait prépondérante: 46,4% par affectation administrative, 42,8% pour la passation « gré-à-gré » et seulement 10,8% pour la procédure de l‟appel d‟offres [CNATxliv]. Les modes d‟attribution dominants des marchés ont induit de fréquentes remises en cause des plans de charges des entreprises (opérations dites prioritaires), des tendances au suréquipement pour des plans de charges ambitieux pas encore ou jamais acquis, des comportements faisant fi du dynamisme commercial et économique de la part des entreprises de réalisation.

Après 1980 et suite aux mesures de recentralisation des décisions, les affectations directes des marchés par les autorités locales suivront des canaux informels qui iront alimenter le secteur privé avec une certaine concentration, 25% des opérateurs bénéficieront de 50% des marchés.

2-1- b- Le contournement de la réglementation

Le « contrat-programme » ne comporte dans son libellé que le nombre de logements et un prix de référence du mètre carré habitable (1800 DA/m2 en 1975 à Alger) servant de calcul aux avances sur travaux afin de raccourcir de délais de lancement.

Les documents de marché réglementaires, confectionnés par l‟entreprise deux à trois ans après le début des travaux, seront présentés au paraphe du maître d‟ouvrage avec des prix presque doubles des contrats initiaux, (Alger : 10 000 logements Bab-Ezzouar : de 1 800 DA/m2 à près de 3 500 DA/m2), mettant ainsi le maître d‟ouvrage devant le fait accompli, et limitant son rôle à un simple agent payeur.

Une autre forme d‟imposition des prix par les entreprises est possible aussi grâce aux pratiques des avenants au marché initial, avalisés par la tutelle : visas permettant le dégagement successif des financements supplémentaires par le Ministère des Finances, contournant ainsi l‟enveloppe initiale fixée par le Plan.

Ces pratiques peuvent être combinées, quand c‟est nécessaire, avec une réduction d‟éléments de conforts prévus dans les cahiers de charges lui-même établi par le BET de l‟entreprise ou sous la même tutelle empêchant tout contrôle du Maître d‟ouvrage.

Les devis estimatifs se feront alors non sur la base de la comptabilité analytique (coûts) mais en ventilant l‟enveloppe désirée par l‟entreprise sur les différents postes des sous-détails de prix, gonflant ainsi les prix unitaires par rapport aux coûts des prestations réelles. Ce qui permettra, par ailleurs, d‟occulter le coefficient réel des frais généraux (SONATIBA comptait 1000 personnes de siège sur un effectif total d‟environ 8 à 10 000 travailleurs).

Toutes ces pratiques sont le résultat tout en la renforçant, de la domination du système de l‟acte de bâtir par les grandes entreprises publiques de bâtiment. C‟est donc la constitution d‟un monopole producteur de rente de situation, de rente d‟exploitation grâce aux pratiques rentières [N. Messahelxlv].

Dans un secteur fort sensible (situation de pénurie etc. ...) et où sont présents d‟importants surprofits liés à l‟existence de différentes rentes (immobilières, foncières,..), l‟enjeu se situera au niveau de la question de l‟appropriation de ces surprofits par les différents acteurs [D. Liabesxlvi].

2-2- pratiques marchandes.

L‟organisation des échanges en Algérie, ne correspond ni à une économie libérale, ni à une économie planifiée. A. Benachenhouxlvii notait une « prédominance des rapports marchands sur lesrapports planifiés dans la régulation de l’économie dans son ensemble ». Les sociétés nationales prétextant les contraintes structurelles vont s‟intégrer de la carrière au produit fini et exploitent ainsi leur relative autonomie pour conduire leur propre stratégie en dehors des objectifs du Plan. Elles finiront par constituer des " quasi-marchés" du capital, du travail et des biens de consommation, c‟est à dire « desensembles de décisions ne s’inscrivant ni dans le cadre des objectifs planifiés, ni dans la logique du développement choisi » [J; H. Lorenzixlviii].

Les performances en termes de planification (écarts entre objectifs planifiés et réalisations) serviront plus tard comme argument au recul de la planification et au mythe de l‟efficacité du privé qui en profitera pour élargir son aire d‟influence. La restructuration des entreprises publiques et du marché a amené le secteur privé à pénétrer l‟industrie de la construction pour « y conduire un mouvement d’accumulation extrêmement rapide » [A. Benachenhou op.cité], appuyé par un discours qui est resté toujours dominant depuis l‟indépendance malgré sa faiblesse économique, souligne D. Liabesxlix.

En matière de logement, la prédominance des rapports marchands a créé une situation incohérente. Le « marché », dominé par l‟offre (les entreprises de bâtiment) et de l‟autre côté une demande croissante (justifiée ou non), participe à l‟extension de l‟autonomie des opérateurs, notamment publics (et privés plus tard) suivi d‟une dégradation progressive des prestations fournies par les entreprises et d‟une baisse généralisée de leur efficacité par le développement de pratiques rentières non-productives (baisse constante depuis 1970 du niveau de la productivité des facteurs de production).

« Chaque fois qu’un acteur social intervient sur le marché avec un poids et des moyens qui le rendent en partie indépendant de ce que souhaitent ou décident les autres acteurs sur le même marché, apparaît un élément de « politisation du marché ». Ce qui signifie « disparition partielle du marché en tant qu’acteur social autonome » [Y. Barell].

Il apparaît ainsi « techniquement » impossible pour le Maître d‟ouvrage d‟avoir gain de cause dans son face à face avec les entreprises publiques de bâtiment, car cela remettrait en question les choix de ces dernières en matière de technologie, normes, coûts etc. ... (Éléments stratégiques de construction de leur autonomie). D‟où l‟argument de la « rationalisation » de l‟outil de production (procédé de construction) par la « reconduction » de projets déjà réalisés.

Ceci d‟autant plus que les documents contractuels, élaborés pour répondre à une obligation réglementaire, sont complètement ignorés durant toute la vie du chantier au lieu de constituer le cadre de référence juridico-technique pour régir les relations entre les multiples co-contractants.

« Le caractère purement formel du fonctionnement de la commission centrale des marchés et des comités ministériels » [A. Benachenhou. op.cité] ne constitue nullement un frein au développement d‟attitudes hégémoniques des entreprises publiques de réalisation.

Une autre limite à la compétence de ces commissions est l‟exception prévue par l‟ordonnance du 17/6/75 (article 6) : « les commissions arbitrales ne connaissent pas les litiges opposant deux unités économiques dépendant d’une même autorité de tutelle ». Ainsi les conflits opposants les intervenants de l‟acte de bâtir (entreprise, Maître d‟ouvrage, Maître d'œuvre) seront arbitrés par leur tutelle commune, le Ministère de l‟Habitat.

Dès lors, la logique sectorielle va guider les décisions d‟arbitrage en faveur des entreprises sous tutelle pour qu‟elles aient le minimum de contraintes (surtout financières) de gestion. La réaction des Maîtres d‟ouvrage en cas de conflits se traduisant souvent par l‟arrêt des paiements, ceux-ci seront débloqués sur simple injonction de la tutelle suite à sa sollicitation par l‟entrepriseli.

Cette « protection » de l‟entreprise par la tutelle sectorielle fait que l’efficacité de l’action de l’Etat, en matière de logement, n‟est plus la préoccupation de la « sphère de production », elle est ainsi « transférée » au niveau « supérieur », c‟est-à-dire le promoteur public agissant pour le compte de l‟Etat. Ce dernier sera exposé à d‟éventuels mécontentements sociaux, et plus tard à la remise en question de la continuité de sa mission en matière de logements quand les ressources publiques se réduiront.

Initialement conçues comme les principaux instruments de l‟étatisation de l‟économie [Charte Nationale 1976] à travers lesquels l‟Etat renforce ses pouvoirs et son contrôle sur l‟ensemble de la société, les entreprises publiques, favorisées par des conditions de croissance particulières se sont rapidement « autonomisées» par rapport à ce projet.

Au lieu d‟être les exécuteurs d‟un plan arrêté par les hautes instances, elles arrivent à instaurer une « planification à l'envers » au détriment de ces instances transformées en instances d‟enregistrement [M. Drach]lii.