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mandataire de protection future par le droit civil

Dans le document Le mandat de protection future (Page 187-192)

199. Les pouvoirs du mandataire de protection future en matière médicale. Lorsque le mandat de protection future, qu’il soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui », s’étend à la protection de la personne, les pouvoirs du mandataire sont limités par les dispositions impératives du Code civil555. Bien que cela porte atteinte à la liberté du mandant, toute clause contraire est réputée non écrite556. Le mandant peut confier au mandataire une mission de protection sur sa personne sans davantage de précisions. Toutefois, les dispositions législatives du Code de la santé publique prévoyant l’intervention d’un représentant légal priment sur celles du Code civil557

555 C. civ. Arts. 457-1 et 459-2.

556 C. civ. Art. 479 al. 1.

557 C. civ. Art. 459.

. Cela signifie que si le Code de la santé publique prévoit l’intervention d’un représentant légal alors celui-ci s’applique. En revanche, si le Code de la santé publique prévoit l’intervention d’un tuteur alors c’est le Code civil qui s’applique. Lorsque le Code de la santé publique ne fait

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référence qu’au tuteur et non au représentant légal, alors ce sont les règles du régime primaire de droit commun qui s’appliquent au mandat de protection future.

200. L’interprétation de l’article 459-1 alinéa 1 du Code civil558. Cette

disposition prévoit dans son premier alinéa que les textes consacrés à la protection de la personne par le Code civil ne peuvent déroger aux dispositions spécifiques prévus par le Code de la santé publique. Afin de donner un sens à l’article 459-1, Madame le Professeur Batteur559 propose d’exclure à juste titre certaines interprétations. Elle écarte d’abord l’idée que le Code civil n’a pas à être appliqué lorsqu’il s’agit d’une question de santé du majeur qui se pose. L’article 459-1 du Code civil pourrait être interprété au premier abord comme résultant d’un isolement entre la protection de la personne et la protection de la personne malade. Il conviendrait alors d’admettre que le droit civil a un domaine d’application distinct du droit médical. C’est une interprétation qui a pu être donnée aussitôt après le vote de la loi du 5 mars 2007560. Toutefois il semble bien difficile de lui donner un sens561

558 C. civ. Art. 459-1 : « L'application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux

dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l'action sociale et des familles prévoyant l'intervention d'un représentant légal.

. L’article 459-1 du Code civil ne retient pas que la relation médicale

Toutefois, lorsque la mesure a été confiée à une personne ou un service préposé d'un établissement de santé ou d'un établissement social ou médico-social dans les conditions prévues à l'article 451, et que cette personne ou ce service doit, soit prendre une décision nécessitant l'autorisation du juge ou du conseil de famille en application du troisième alinéa de l'article 459, soit accomplir au bénéfice de la personne protégée une diligence ou un acte pour lequel le code de la santé publique prévoit l'intervention du juge, ce dernier peut décider, s'il estime qu'il existe un conflit d'intérêts, d'en confier la charge au subrogé curateur ou au subrogé tuteur, s'il a été nommé, et à défaut à un curateur ou à un tuteur ad hoc ». L’hypothèse visée par l’alinéa 2 est

celle d’une personne hébergée ou soignée dans un établissement de santé ou un établissement social ou médico-social dont l’intérêt a amener le juge à désigner comme curateur ou tuteur, un préposé de l’établissement. Le risque étant alors qu’un conflit d’intérêts surgisse. Toutefois, nous nous livrerons uniquement à l’interprétation de l’alinéa 1.

559 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°10 à 13.

560 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. JORF n°56 du 7 mars 2007 p. 4325 texte n°12.

561 Il est effectivement possible de trouver des actes qui mettent en cause le corps humain, sans qu’il s’agisse d’actes de soins, qui relèvent de la liberté entière du majeur. Par exemple le piercing. Il est toutefois déjà plus difficile de trouver des actes non médicaux qui ne portent pas atteinte gravement à l’intégrité du corps humain et qui seraient subordonnés à une autorisation du curateur ou du tuteur. Il est d’autant plus difficile de trouver, en

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relève entièrement du Code de la santé publique ; il dit uniquement que le Code civil ne saurait déroger aux dispositions particulières du Code de la santé publique prévoyant l’intervention d’un représentant légal. Ensuite, Madame le Professeur Batteur propose d’écarter à juste titre une application littérale de l’article 459-1 du Code civil. Cette disposition précise qu’on ne peut déroger au Code de la santé publique lorsque celui-ci prévoit « l’intervention d’un représentant légal ». Ainsi, il serait tentant d’affirmer que lorsque le Code de la santé publique vise une mesure de protection, mais que ce texte n’impose pas « l’intervention d’un représentant légal », alors les conditions d’application de l’article 459-1 du Code civil n’étant pas réunies, il convient d’appliquer les principes dégagés par l’article 459 du Code civil. Pour cela elle prend un exemple particulièrement significatif pour notre propos: l’article L. 1122-2 II alinéa 3 du Code de la santé publique interdit les recherches biomédicales sur un majeur sous sauvegarde de justice. Ce texte ne prévoit pas littéralement l’intervention d’un représentant légal. En conséquence, l’article 459-1 du Code civil conduit à ne pas lui donner priorité. Ceci reviendrait à abroger ipso

facto le texte. L’interprétation de l’expression « intervention du représentant légal » doit

être réalisée dans ses plus grandes largeurs. Les textes qui font référence à la sauvegarde de justice, à la curatelle ou à la tutelle ont vocation à s’appliquer. « La solution qui y est

retenue doit alors l'emporter sur le Code civil : autrement dit, même si l'état de la personne lui permet d'agir seule, il faut faire intervenir l'organe de protection suivant les seules modalités mises en place dans le Code de la santé publique ; même si l'acte ne porte pas gravement atteinte à l'intégrité corporelle du majeur protégé, dès lors que le Code de la santé publique prévoit une autorisation du juge des tutelles celle-ci doit être demandé »562

dehors de la matière médicale, des exemples d’actes portant gravement atteinte à l’intégrité du corps humain et d’actes graves pris dans l’urgence.

562 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°13

. Toutefois, nous pensons qu’interpréter largement « le représentant légal » n’est pas convaincant en présence d’un mandat de protection future. C’est ainsi que nous

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approuvons pleinement l’analyse de Madame Arhab-Girardin563

201. Diversité des situations en matière médicale appliquées au mandat de

protection future. Trois cas peuvent être envisagés. Ces situations pouvant toutefois se

combiner. Soit le mandat de protection future s’étend à la protection de la personne sans autre précision. Dans cette situation le mandataire sera tenu de respecter les dispositions impératives du Code civil. Notamment, concernant la matière médicale, lorsque le Code de la santé publique envisage l’intervention d’un représentant légal, il n’est pas possible d’y déroger par une clause contraire

qui estime que lorsque le Code de la santé publique ne fait référence qu’au tuteur et non au représentant légal, alors le régime primaire de droit commun s’applique au mandat de protection future. Les droits et obligations du mandataire en matière médicale seront les mêmes que ceux du tuteur ou du curateur. Par ailleurs, le mot « intervention » doit être entendu largement : il peut s’agir d’une autorisation, interdire une pratique, etc.

564

563 F. Arhab-Girardin, « La décision médicale du majeur protégé : une articulation complexe des dispositions du Code de la santé publique avec la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs »,

RDSS 11 septembre 2009, n°5, p. 875 et s.

564 C. civ. Art. 459-1 al. 1 « L’application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux

dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et des familles prévoyant l’intervention d’un représentant légal ».

. Ce sont les règles du Code de la santé publique qui s’appliqueront. Soit le mandant souhaite attribuer au mandataire les missions que le Code de la santé publique confie au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance. Dans cette situation, le mandat doit d’une part s’étendre à la protection de la personne, d’autre part, le mandataire doit être investi expressément des missions que le Code de la santé publique confie au représentant de la personne en tutelle, autrement dit le tuteur, ou à la personne de confiance. Le mandat de protection future attribue au mandataire le pouvoir de consentir. Soit le mandat peut prévoir de limiter les pouvoirs du mandataire à certaines missions qui sont habituellement confiées par le Code de la santé publique au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance. Ainsi, dans cette situation, d’une part, le mandat doit s’étendre à la protection de la personne, d’autre part, si toutes les missions qui sont confiées au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance par le Code de la santé publique ne sont pas

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concernées, le mandat précisera expressément celles attribuées au mandataire (même si cela peut s’avérer particulièrement difficile de le prévoir à l’avance).

202. Synthèse. Lorsque les décisions relatives à la personne du mandant touchent à sa santé, les pouvoirs du mandataire de protection future relèvent d’une question essentielle, puisqu’elle met en jeu les droits fondamentaux de la personne ; droits reconnus à tout individu, quelle que soit sa situation juridique. Même si le Code civil prévoit une certaine autonomie de la personne protégée insusceptible de donner lieu à représentation, il n’est pas possible de déroger aux dispositions du Code de la santé publique et du Code l’action sociale et des familles prévoyant l’intervention d’un représentant légal. Le mandant ne peut pas prévoir dans le mandat d’écarter par une clause contraire l’intervention d’un représentant légal prévu par le Code de la santé publique. Toutefois, il faut opérer préalablement une distinction entre le représentant légal et le tuteur. Cela est indispensable afin d’envisager précisément les missions que le mandat peut confier au mandataire. Les actes nécessitant « l’intervention d’un représentant

légal » sont soumis aux dispositions du Code de la santé publique565

565 V. notamment : CSP Art. L. 6322-2 (chirurgie esthétique) ; CSP Arts. L. 3211-1 et 3211-2 (hospitalisation en psychiatrie) ; CSP Arts. L. 1142-4 et 1142-7 (dommages, responsabilité médicale).

. Il est impossible d’y déroger par une clause contraire dans le mandat de protection future. En revanche, lorsque le Code de la santé publique évoque les missions confiées au tuteur ou à la personne de confiance, alors celles-ci pourront être expressément prévues dans le mandat par le mandant. En ce domaine, le mandat de protection future peut attribuer au mandataire le pouvoir de consentir. Lorsque le mandat s’étend à la protection de la personne et qu’il n’est pas expressément prévu de confier les missions que le Code de la santé publique confie au représentant de la personne en tutelle ou à la personne de confiance, alors le régime de droit commun s’applique. En définitive, le mandataire peut se voir reconnaitre des pouvoirs importants en matière médicale. Il convient d’opérer une distinction selon que le Code de la santé publique fait référence au représentant légal, auquel cas ce sont les règles de ce Code qui s’appliquent. Si le Code de la santé publique admet l’intervention du tuteur c’est le régime des actes personnels du Code civil qui s’appliquent. Toutefois, le

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mandat peut attribuer les pouvoirs que le Code de la santé publique confie au tuteur ou à la personne de confiance.

B- L’extension des pouvoirs du

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