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La représentation et les intérêts patrimoniaux

Dans le document Le mandat de protection future (Page 124-130)

Conclusion du titre 1

Chapitre 1 La représentation et les intérêts patrimoniaux

126. Plusieurs options pour anticiper l’avenir. La volonté du mandant est un facteur déterminant de protection, mais la forme du mandat l’est également. Lors de la conclusion du mandat de protection future, deux possibilités s’offrent au mandant. Un mandat sous seing privé (formulaire à remplir ou contreseing d’un avocat) qui ne lui permet de déléguer des pouvoirs que sur les seuls actes d'administration ou conservatoire, ou, un mandat notarié qui permet au mandataire d'exécuter en plus, des actes de disposition à titre onéreux du patrimoine. Tel que le prévoit l’article 477 du Code civil in

fine, « le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat prévu au troisième alinéa ne peut être conclu que par acte notarié ». Si le

mandant souhaite accorder un large pouvoir de représentation, ou, le(s) parent(s), sauvegarder les biens et la personne de son enfant, alors il devra conclure un mandat notarié. L’autorisation qui est attribuée au mandataire dans le mandat notarié d’accomplir des actes de disposition à titre onéreux lui donne un intérêt considérable335

127. Simplicité et prudence dans la rédaction. Il faut éviter que le rédacteur de l’acte tombe dans l’originalité et la complexité, source d’imprévision et de contentieux

.

336. S’il est établi des montages juridiques complexes, il est notamment possible d’oublier des domaines importants du patrimoine à protéger. Il en va de la responsabilité du rédacteur de tout acte337. Le mandat peut porter, selon la volonté du mandant, sur la totalité de ses biens ou seulement sur une partie. Dans cette dernière hypothèse, les biens visés sont à désigner le plus précisément338

335 J. Leprovaux, « Le mandat de protection future », JCP éd. N. 5 septembre 2008, n°36, 1274, spéc. n°21.

336 P. Potentier, « Mandat de protection future », JCL Notarial Formulaire, 26 mars 2014, fasc. 10, n°34.

337 P. Cassuto-Testaud, La responsabilité des professions juridiques devant la première chambre civile, Rapport Cour de cassation 2002, études et documents.

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des biens plus ou moins faciles à gérer, le mandat peut par exemple porter sur l’ensemble des biens et prévoir des étapes dans son application, au fur et à mesure de l’aggravation de l’état de santé du mandant et en fonction de la nature des biens »339

128. Critique de la technique du renvoi

.

340 à la tutelle pour définir les pouvoirs du mandataire en matière patrimoniale. Même si le mandat notarié est rédigé en des

termes généraux, il inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur à le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation341

338 Il peut s’agir notamment d’un bien immobilier, d’une entreprise, d’une collection d’objets d’art, d’un portefeuille de valeurs mobilières, de droits de propriété intellectuelle ou artistique…

339 M.-C. Forgeard, N. Levillain, « Mandat de protection future et pratique notariale (première partie – analyse) », Defrénois, 15 mars 2008, n°5, p. 529, spéc. n°16.

340 N. Molfessis, « Le renvoi d’un texte à un autre » in N. Molfessis (dir.), Les mots de la loi (actes du colloque du 23 mai 1997, Paris), Economica, Coll. Etudes juridiques, T. 17, 1999, p. 55/72.

. Le législateur autorise que les pouvoirs du mandataire ne soient pas précisément déterminés dans le mandat notarié. Dans cette hypothèse cela inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur à le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation. Toutefois, cela n’exclut pas que le mandat notarié soit rédigé de façon exprès. Dans ce cas, les pouvoirs du mandataire seront clairement énoncés, ils se limiteront aux actes qu’un tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation. Nous pensons en revanche, qu’il est préférable que l’étendue des pouvoirs du mandataire soit précisément fixée lors de la rédaction du mandat. Dans le mandat sous seing privé, le principe est que la protection patrimoniale s’étend aux actes que le tuteur

341 C. civ. Art. 490 «Par dérogation à l'article 1988, le mandat, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d'accomplir seul ou avec une autorisation.

Toutefois, le mandataire ne peut accomplir un acte de disposition à titre gratuit qu'avec l'autorisation du juge des tutelles ».

Le premier alinéa est particulièrement favorable pour le mandataire. L’exclusion du droit commun du mandat permet au mandataire de se voir reconnaître le pouvoir d’accomplir tous les actes patrimoniaux que le tuteur peut accomplir seul ou avec une autorisation, ce qui inclut aussi bien les actes d’administration et les actes de disposition. Le mandataire de protection future possède plus de pouvoirs qu’un mandataire de droit commun. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que le mandataire a des pouvoirs illimités. Le mandataire de protection future ne doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles que pour disposer à titre gratuit des biens appartenant au représenté.

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peut faire sans autorisation342. Encore faut-il logiquement que le mandat ne restreint pas davantage les pouvoirs du mandataire. Il est regrettable que les pouvoirs du mandataire ne soient pas clairement évoqués par la loi du 5 mars 2007343. Si elle est effectivement au centre du dispositif conventionnel organisé, « la protection patrimoniale est indirectement

évoquée, comme si elle allait de soi »344. Toutefois, le renvoi est devenu trompeur en matière de droit des majeurs protégés. La loi du 5 mars 2007345

342 C. civ. Art. 493 « Le mandat est limité, quant à la gestion du patrimoine, aux actes qu'un tuteur peut faire sans autorisation.

Si l'accomplissement d'un acte qui est soumis à autorisation ou qui n'est pas prévu par le mandat s'avère nécessaire dans l'intérêt du mandant, le mandataire saisit le juge des tutelles pour le voir ordonner ».

343 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. JORF n°56 du 7 mars 2007, p. 4325, texte n°12.

344 P. Potentier, « Le domaine du mandat de protection future », JCP éd. N. 19 octobre 2007, n°42, 1262, spéc. n°17.

345 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, précitée.

a introduit la catégorie des actes interdits. Or sous couvert de poser une limite au pouvoir du tuteur, la loi pose une incapacité spéciale de jouissance au tutélaire. Il serait donc extrême d’étendre ce même raisonnement au mandat de protection future, car le principe de la liberté contractuelle qui gouverne un mandant sain d’esprit ne saurait justifier l’extension de ces interdictions. Ensuite, le renvoi n’est pas toujours accessible pour les profanes du droit. La technique du renvoi rend la clarté de ces textes très difficile pour les personnes dépourvues de culture juridique. Or il faut garder à l’esprit que ces textes font souvent l’objet d’une application par les membres de la famille du mandant auxquels la loi leur fait devoir de prendre en charge, en principe gratuitement, le sort de l’un de leurs proches. Enfin, le renvoi d’un texte à un autre risque d’être faux en cas de modification partielle ou totale de la législation. Le législateur doit penser à être vigilant en coordonnant la modification de ces renvois avec celle des textes de réception dont le contenu normatif a été déplacé d’un article à un l’autre. En conséquence, la compréhension de ces textes qui risquent d’être fortement menacée.

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129. Qualification des actes juridiques. Les pouvoirs du mandataire de protection future peuvent être déterminés selon les actes qu’il peut passer seul et ceux qu’il ne peut pas passer seul. Avant la loi du 5 mars 2007346, le législateur de 1964 opérait une distinction entre les actes d’administration et les actes de disposition, qu’il ne définissait pas ; il associait simplement à ces notions des exemples. La loi du 5 mars 2007347 reprend cette distinction, mais un décret est venu préciser la qualification des actes principaux348. D’abord la loi du 5 mars 2007349 propose une définition générale de ces catégories d’actes juridiques à l’article 496 du Code civil. Les actes d’administration sont des actes « relatifs

à la gestion courante du patrimoine ». Par là même, les actes de disposition ont été définis

comme des actes « qui engagent de manière durable et substantielle ». Rien n’est dit en revanche concernant les actes conservatoires350. Le législateur a ensuite prévu que « la

liste des actes qui sont regardés, pour l’application du présent titre, comme des actes d’administration…et comme des actes de disposition…est fixée par décret en Conseil d’Etat »351. La définition légale est complétée par une définition réglementaire : le décret

n°2008-1484 du 22 décembre 2008352

346 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, précitée.

347 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, précitée.

348 V. notamment sur ce point : I. Maria, « De la pertinence de la classification des actes de gestion du patrimoine des personnes protégées, Approche critique du décret n°2008-1484 du 22 décembre 2008 », Droit de

la famille, 2009, n°10, étude 31.

349 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, précitée.

350 Les actes conservatoires doivent être distingués des actes d’administration. Les actes conservatoires sont essentiellement des actes préventifs dont l’objet consiste, par nécessité et en raison de l’urgence, soit à sauvegarder un droit, soit à empêcher la perte d’un bien. Il peut s’agir par exemple de l’inscription d’hypothèque, la vente de meubles périssables (denrées, récoltes) ou coûteux à entretenir qui ont été recueillis dans une succession. V. J. Carbonnier, Droit civil Volume 1/ Introduction, Les personnes, La famille, l’enfant,

le couple, PUF, Coll. Thémis Droit privé, 2004.

351 C. civ. Art. 496 al. 3.

352 Décr. n°2008-1484 du 22 décembre 2008 relatif aux actes de gestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou en tutelle. JORF n°0304 du 31 décembre 2008, p. 20631, texte n°94

dans son article 1er précise effectivement que les actes d’administration sont « les actes d’exploitation ou de mise en valeur du patrimoine

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article 2, les actes de disposition comme « les actes qui engagent le patrimoine de la

personne protégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire ». Le décret semble aussi contenir dans son article 3 une

définition des actes conservatoires lorsqu’il autorise le curateur et le tuteur à s’adjoindre le concours de tiers pour les actes conservatoires « qui permettent de sauvegarder le

patrimoine ou de soustraire un bien à un péril imminent ou à une dépréciation inévitable sans compromettre aucune prérogative du propriétaire ». Ces définitions par voie

réglementaire peuvent susciter certaines remarques353. Par ailleurs, le décret du 22 décembre 2008 contient deux listes. Une première liste exhaustive qui détermine les actes qui sont regardés comme des actes d’administration (article 1 alinéa 2 du décret) et ceux qui sont regardés comme des actes de disposition (article 2 alinéa 2 du décret). Ainsi,

« dans cette hypothèse, la qualification n’admet aucune preuve contraire : la qualification réglementaire est impérative »354

353 F. Terré, D. Fenouillet, Droit civil, Les personnes, Personnalité – Incapacité – Protection, Dalloz, Coll. Précis série Droit privé, 8ème éd., 2012, spéc. n°330 : D’abord, est-ce que ces définitions réglementaires correspondent aux définitions proposées par le Code civil ? Par exemple, les actes qui « engagent le patrimoine

de façon durable et substantielle » sont-il ceux qui engagent le patrimoine « pour le présent ou l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire » ? Ensuite, il est légitime de se demander si ces définitions sont source

de sécurité juridique ? Enfin, l’article 496 alinéa 3 du Code civil n’avait donné compétence au pouvoir réglementaire que pour fixer une liste d’actes qui étaient regardés comme des actes d’administration et de disposition, mais il ne lui était pas demandé une définition.

354 F. Terré, D. Fenouillet, Droit civil, Les personnes, Personnalité – Incapacité – Protection, précité, ibidem.

. Une seconde liste non exhaustive qualifie certains actes d’administration, « à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de

considérer qu’ils répondent aux critères de l’alinéa 1er en raison de leurs conséquences importantes sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie » (article 1er alinéa 3 du décret), ou d’actes de disposition, « à moins que les circonstances d’espèce ne permettent pas au tuteur de

considérer qu’ils répondent aux critères de l’alinéa 1er en raison de leurs faibles conséquences sur le contenu ou la valeur du patrimoine de la personne protégée, sur les prérogatives de celle-ci ou sur son mode de vie » (article 2 alinéa 3 du décret). Cette

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faire l’objet de discussions et de doutes. Dans cette hypothèse, la qualification peut admettre une preuve contraire. De façon générale ce décret apparaît discutable. Le décret déduit du régime que le Code civil assigne lui-même directement à certains actes la qualification d’acte d’administration ou d’acte de disposition (suivant que le Code civil autorise le tuteur à les accomplir seul ou avec une autorisation). Par exemple, il qualifie plusieurs actes comme étant des actes de disposition, alors qu’ils sont déjà encadrés par le Code civil. Il y a des actes qui ne passent pas par cette classification et qui ont directement leur propre régime.

130. Synthèse. En définitive, pour le législateur il convient d’appliquer les dispositions relatives à la gestion du patrimoine des mineurs et majeurs en tutelle, au mandat de protection future. Toutefois, il est regrettable que les pouvoirs du mandataire soient ainsi définis par rapport à ceux du tuteur. Ainsi nous considérons que la définition légale des pouvoirs du mandataire n’est pas satisfaisante. Le renvoi peut s’avérer parfois, être un obstacle dans la clarté de la mesure. C’est ainsi que pour certains355, et nous le pensons aussi, qu’il serait bon que le législateur cesse à l’avenir, de définir les pouvoirs du mandataire par référence à ceux du tuteur (l’auteur faisant également référence aux pouvoirs du curateur définis en référence à ceux du tuteur356

131. Proposition d’une nouvelle grille de lecture des pouvoirs du mandataire. L’ambition de notre travail est de proposer une lecture plus cohérente des actes nécessaires à la gestion du patrimoine de la personne bénéficiaire du mandat de protection future. C’est ainsi que nous envisagerons successivement les actes que le mandataire de protection future peut toujours passer seul (section 1) et ceux qu’il ne peut pas passer seul, sauf autorisation du juge des tutelles (section 2). Enfin, nous observerons si les actes interdits pour le tuteur peuvent être étendus au mandat de protection future (section 3).

).

355 V. notamment G. Raoul-Cormeil, « Le mandat de protection future, un contrat pour préserver les biens professionnels où l’intérêt de la famille », Les Petites Affiches, 3 juin 2014, n°110, p. 143, spéc. n°8 ; P.

Potentier, « Le domaine du mandat de protection future », article précité, spéc. n°17.

356 C. civ. Art. 467 al. 1er « La personne en curatelle ne peut, sans l’assistance du curateur, faire aucun acte qui,

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Section 1 : Les actes que le mandataire peut

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