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Le consentement du mandant à sa propre adoption

Dans le document Le mandat de protection future (Page 165-170)

A- La filiation adoptive

1. Le consentement du mandant à sa propre adoption

175. Sens de l’adopté majeur. Contrairement à l’adoption plénière qui concerne uniquement le mineur, « l’adoption simple est permise quel que soit l’âge de

465 Dictionnaire du vocabulaire juridique 2017, ss la direc. De R. Cabrillac, LexisNexis, 8ème éd. V. filiation. C. civ. Art. 310.

466 Dictionnaire du vocabulaire juridique 2017, ss la direc. De R. Cabrillac, LexisNexis, 8ème éd. V. filiation adoptive. C. civ. Art. 343 et s.

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l’adopté »467. L’adoption simple peut concerner un mineur mais aussi un majeur. Une

disposition spécifique au mandat de protection future468 opère un renvoi à l’article 458 du Code civil, qui admet la nature strictement personnelle du consentement du majeur à sa propre adoption. En conséquence, les propos que nous porterons sur l’adoption du majeur protégé, s’étendront à l’adoption du mandant dans le mandat de protection future. Que le mandat de protection future soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui », le mandant ne peut pas prévoir à l’avance que son consentement à sa propre adoption, ou encore, le consentement du tiers-bénéficiaire à sa propre adoption, fera l’objet d’une représentation par le mandataire désigné. Il s’agit d’un acte strictement personnel. Par ailleurs, il convient de préciser que si le mandat de protection future « pour autrui » devait prendre effet alors que l’enfant est encore mineur, alors ce sont les règles relatives à l’autorité parentale et la minorité qui s’appliqueront. Le mandat de protection future « pour autrui » s’applique à l’enfant mineur devenu majeur469. Ainsi, nos propos porteront exclusivement sur l’adoption du mandant. L’adoption simple du majeur fait l’objet de débats importants. La Cour de cassation vérifie que l’adoption du majeur ne soit pas utilisée à des fins autres que la création d’une famille470. Toutefois, la loi du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs471, mais aussi la loi du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption472

176. Droit positif. L’adoption simple des majeurs protégés qui ne sont pas aptes à consentir à leur propre adoption est impossible. Il a été jugé pour la première fois dans un sont restées muettes sur l’adoption du majeur protégé ou encore sur l’adoption par le majeur protégé.

467 C.civ. Art. 360 al. 1er.

468 C. civ. Art. 479 al. 1er qui renvoi à l’article 458 du Code civil.

469 Conf. Supra n°18.

470 J. Hauser, « L’adoption à tout faire », D. 1987, p. 205 ; F. Boulanger, « Fraude, simulation ou détournement de l’institution en droit de la famille », JCP éd. G 1993, I, 3665.

471 L. n°68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs. JORF du 4 janvier 1968.

472 L. n°2005-744 du 4 juillet 2005 portant réforme de l’adoption. JORF n°155 du 5 juillet 2005, p. 11072, texte n°2.

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arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 8 octobre 2008473, que le consentement d’un majeur sous tutelle à sa propre adoption était un acte strictement personnel et ne pouvait être donné en ses lieux et place par son tuteur. En l’espèce, Amandine A., née le 16 mai 1978, atteinte d’autisme, avait été placée sous tutelle le 19 décembre 1996, soit peu de temps après sa majorité. Sa mère étant décédée, son père, remarié, avait été désigné en qualité d'administrateur légal. En 2006 il a demandé au juge des tutelles de désigner un administrateur ad hoc aux fins de donner un consentement à l’adoption simple de sa fille par sa seconde épouse. Le juge des tutelles puis, sur recours, le tribunal de grande instance, ont rejeté la requête, au motif que l’état psychique d’Amandine ne lui donnait pas la possibilité de consentir à sa propre adoption et qu’il n’était pas envisageable, en raison de l’absence de discernement de la jeune majeure, de faire une application de l’ancien article 501 du Code civil474 qui permet de restituer partiellement une capacité au majeur en tutelle. En conséquence, le père de la jeune fille a formé un pourvoi en cassation qui a été rejeté par les juges. Il a été admis à l’unanimité que le consentement à l’adoption est un acte strictement personnel qui ne peut être fait par le tuteur (ou l’administrateur légal) d’un majeur en tutelle. Le juge des tutelles peut énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire elle-même, soit seule, soit avec l’assistance de son tuteur (ancien article 501 du Code civil), mais il faut qu’il soit en état d’exprimer son consentement, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, au regard des constatations faites par l’expert psychiatre désigné par le juge des tutelles. Il semblerait que les juges appliquent de façon anticipée le nouvel article 458 du Code civil475

473 Cass. Civ., 1ère, 8 octobre 2008, Bull. civ. I, n°223, D. 2008. 2663, obs. V. Egea ; D. 2008. 2832. Obs.

Norguin ; D. 2009. 2910. Obs. J. Plazy ; JCP 2009. II. 10012. n. Y. Favier ; Droit de la famille, 2008. 173.

« L’inadoptabilité de l’autiste majeur, inapte à consentir à son adoption » n. Murat ; AJ Fam. 2008. 435. Obs.

Pécault-Rivolier ; RTD civ., 2008. 655. Obs. J. Hauser Gaz. pal., 26 février 2009, n°57, p. 24, n. J. Massip.

474 C. civ. Anc. Art. 501 « En ouvrant la tutelle ou dans un jugement postérieur, le juge, sur l'avis du médecin

traitant, peut énumérer certains actes que la personne en tutelle aura la capacité de faire elle-même, soit seule, soit avec l'assistance du tuteur ou de la personne qui en tient lieu ».

475 La loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs applicable au 1er janvier 2009 retient que, le consentement du majeur protégé à sa propre adoption est un acte strictement personnel qui ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation.

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pas conforme avec certains principes fondamentaux prévus par la Convention européenne des droits de l’homme.

177. Problème des droits fondamentaux. L’article 458 du Code civil a été rédigé dans la lignée des recommandations du Conseil de l’Europe qui pose le principe de la

« prééminence des intérêts et du bien-être de la personne », ainsi que du « respect de ses souhaits et de ses sentiments »476. Le législateur français a souhaité que la personne protégée ne puisse pas être contrainte à accomplir contre son gré des actes strictement personnels, tel que le consentement à sa propre adoption477. Le respect des libertés et de la dignité de la personne humaine sont préservés. Mais cela implique que la personne soit apte à exprimer son consentement à sa propre adoption. Le législateur subordonne l’adoption du majeur à son consentement. Qu’en est-il si la personne protégée n’est pas apte à exprimer un tel consentement ? Est-ce qu’il faut considérer que, dans cette éventualité, la personne protégée ne pourra jamais profiter d’une adoption, même s’il y va de son intérêt ? Rien n’est prévu expressément par la loi française. Il apparaît que la loi interdit l’adoption des majeurs protégés qui ne sont pas en état d’exprimer un consentement à leur adoption. Or une telle solution nous paraît surprenante et surtout comme le relève justement un auteur478, nous sommes bien loin des principes posés par la Convention européenne des droits de l’homme qui proclame le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8 de la Convention) et l’interdiction de discrimination (article 14 de la Convention) : « l’on refuse à cette catégorie de personne à raison de leur âge et

de leur handicap la possibilité d’avoir une vie familiale, qui permettrait de leur assurer un équilibre tant affectif qu’économique, en même temps qu’un cadre approprié à leur épanouissement personnel »479

476 E. Blessig, Rapport parlementaire, doc. AN n°3557.

477 J. Massip, « Adoption », Defrénois, 2008, n°21, p. 2431 : « le consentement d’un majeur protégé à sa propre

adoption, qui est un acte strictement personnel, ne peut être donné en ses lieux et place par son tuteur ».

478 C. Krief-Semitko, « L’adoption simple des majeurs protégés à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme », JCP éd. G. 2012, n°50, doctr. 1353.

479 C. Krief-Semitko, « L’adoption simple des majeurs protégés à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme », article précité, spéc. n°6.

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protégés selon qu’ils sont en mesure d’exprimer leur consentement ou pas. Dans ces circonstances, on prive une catégorie de personne d’un instrument utile de protection480. Certains déplorent « une solution humainement insupportable »481

178. L’intérêt d’instaurer un lien de filiation avec la famille adoptive. L’adoption simple permet de créer un nouveau lien de filiation tout en maintenant celui avec sa famille d’origine. Ce lien peut être affectif, mais aussi s’ajoute des questions d’ordre patrimonial. Il s’agit de transemettre un nom : l’enfant ajoute à son nom celui de l’adoptant

. Nous considérons

qu’une telle interdiction ne doit pas être générale, il convient d’en faire une appréciation casuistique. Il faut envisager une juste proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi, c'est-à-dire la protection des majeurs vulnérables. Alors que la France est le pays des droits de l’homme, une telle interprétation est surprenante !

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179. Transposition au mandat de protection future. Même si la jurisprudence n’a pas encore eu l’opportunité de se prononcer sur le consentement du mandant à sa propre adoption, une pareille solution semble parfaitement transposable au mandat de protection future.

. Sa vocation successorale est identique à un descendant par le sang. Il conserve également ses droits successoraux envers sa famille d’origine. Toutes ces questions présentent un réel intérêt afin de garantir l’avenir d’une personne handicapée.

180. Synthèse. Bien que le consentement du majeur protégé à sa propre adoption soit un acte strictement personnel envisagé expressément par le législateur depuis la loi du 5 mars 2007 entrée en vigueur le 1er janvier 2009483, nous pourrions sans doute envisager d’élargir cette catégorie à un autre acte relatif cette fois-ci à la présentation d’une requête en adoption par la personne protégée ?

480 Cass. Civ., 1ère, 8 octobre 2008, Droit de la famille, 2008, comm. 173. n. P. Murat,

481 C. Neirinck, « L’adoption de la personne handicapée mentale », RDSS 2009, p. 176 et s.

482 C. civ. Art. 363.

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