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un contrat conditionnel ?

Dans le document Le mandat de protection future (Page 96-103)

90. Démarche suivie. Le mandat de protection future n’est-il pas conditionné à la

survie de l’enfant (au moment où les parents décèdent ou qu’ils ne peuvent plus prendre soin de l’intéressé) ou du mandant et à l’altération de ses facultés personnelles? Que devient le mandat de protection future « pour soi-même » en cas de décès du mandant ou si une altération des facultés personnelles de ce dernier ne survient pas ? Par ailleurs, dans le mandat de protection future « pour autrui », est-ce que l’enfant sera toujours en vie avant l’inaptitude ou le décès des parents ? L’analyse du mandat de protection future à l’aune d’un contrat à terme montre alors toutes ses limites.

91. La notion de « condition » au sens classique. Un contrat conclu sous

condition peut rendre compte de tout dispositif fragilisant la naissance ou la vie de la convention. Ainsi que l’explique Madame Izorche, « l’expression désignerait alors un

contrat dont la formation, entendue comme processus de construction mais aussi comme résultat de cette construction, serait fragilisé par un mécanisme étranger, un mécanisme qui n’est pas normalement nécessaire à la formation du contrat, mais qui a été ajouté, comme élément déterminant de la formation et de la stabilité de la convention »281

281 M. L. Izorche, « Contrats conditionnels et définitifs », RTD Com., 1998, p. 521 et s.

. La condition est l’événement futur et incertain dont dépend l’existence même de l’obligation. Du moment que l’incertitude sur la condition n’est pas levée, c'est-à-dire tant que l’événement ne s’est pas réalisé, il existe une incertitude sur l’existence de l’obligation. Il

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s’agit d’un mécanisme fréquemment utilisé282. Différents éléments constitutifs de la notion de condition doivent être réunis : Les parties doivent déterminer dans un premier temps le ou le(s) événement(s) constituant la condition. Ensuite, l’événement érigé en condition doit présenter certains caractères. L’ordonnance n°2016-131 du 10 du février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, admet un dispositif qui gagne en clarté en réduisant l’obligation conditionnelle à huit articles au lieu de dix-sept (actuellement prévus dans le Code civil)283

92. Détail des caractères de la condition. L’article 1172 du Code civil, qui

dispose que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou

prohibée par la loi, est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ». Dans

l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de preuve des obligations, la référence aux bonnes mœurs et la possibilité de la condition ont été supprimés

.

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282 J-. M. Mousseron, Technique contractuelle, par P. Mousseron, J. Raynard, J.-B. Seube, éd. Francis Lefebvre, 4ème éd., 2010, spéc. p. 142. L’auteur prend les exemples suivants : combien de gens achètent un appartement, un fonds de commerce, une automobile…sous la condition suspensive de l’octroi d’un crédit ? Et, s’agissant de grands accords industriels, combien de fois l’opération est-elle faite sous condition d’une approbation des autorités administratives du ou des Etats concernés ?

283 Arts. 1304 à 1304-7 de l’ord. n°2016-131 du 10 du février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. JORF n°0035 du 11 février 2016, texte n°26.

284 Art. 1304-1 de l’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. JORF n°0035 du 11 février 2016, texte n°26. « La condition doit être licite. A

défaut l’obligation est nulle ».

. La condition est possible lorsqu’elle concerne un événement qui est possible matériellement (« si tu touches le doigt du ciel » :

si caelum digito tetigeris, est l’exemple historique) ou juridiquement. La condition doit

être licite. L’événement illicite pouvant être un fait juridique, tel qu’un délit ou quasi-délit, ou un acte juridique contraire à une disposition impérative de la loi ou de l’ordre public. La condition doit être morale, c'est-à-dire qu’elle ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par ailleurs, La condition doit être un événement. De simples états de fait pourraient faire douter de la qualification de conditions. Un

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événement doit résulter d’une importance particulière pour l’homme285, il ne s’agit pas d’une situation ordinaire qui se produit. Les parties au mandat de protection future devront déterminer dans un premier temps et avec précision le ou le(s) événement(s) qui vont jouer le rôle de condition. Il s’agit d’événements qui relèvent d’une importance spécifique. La condition ne se présume pas. Ainsi, un contrat ne peut être considéré comme affecté d’une condition de cette nature que si les parties ont formellement exprimées leur volonté en ce sens. Il s’agit de respecter la volonté des parties286. Si la condition doit subordonner l’obligation à un événement, ce dernier doit être futur. Si celui-ci est déjà réalisé, la condition est cependant valable si les parties ignoraient sa

survenance287. La condition doit être incertaine dans son existence même et ne pas

dépendre de la seule volonté du débiteur. Contrairement au terme qui est de réalisation certaine, la condition est aléatoire288. L’événement doit être extrinsèque au rapport de droit. Un élément essentiel du contrat ne peut constituer une condition. L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n’innove pas sur ce point et emprunte ces définitions289

93. Application des caractères érigés en condition au mandat de protection future. La survie de l’enfant-bénéficiaire ou du mandant est un événement qui satisfait

aux exigences de validité d’une condition. La survie de l’enfant est un événement futur et .

285 P. Robert, Le petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française ss direc. de J.

Rey-Debove et A. Rey, Paris : Le Robert, 2016.

286 Selon l’art. 1175 du Code civil « Toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont

vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût ». Cette disposition n’est toutefois pas reprise par

l’ordonnance.

287 C. civ. Art. 1181 al. 1 « L’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend (…), ou

d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ».

288 C. civ. Art. 1168 « L’obligation est conditionnée lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain,

soit en la suspendant jusqu’à ce que l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement arrivera ou n’arrivera pas ».

289 Art. 1304 al. 1 de l’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. JORF n°0035 du 11 février 2016, texte n°26 « L’obligation est

conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple. Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l'anéantissement de l'obligation ».

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incertain. L’altération des facultés personnelles est aussi un événement futur et incertain. Dans le mandat de protection future « pour soi-même » personne ne peut prévoir à l’avance que, l’altération des facultés personnelles du mandant survienne avant qu’il décède ou que le mandant décède avant que survienne l’altération de ses facultés personnelles. Dans le mandat de protection future « pour autrui », il n’est pas possible d’anticiper que, le décès ou l’inaptitude des parents survient alors que l’enfant est toujours en vie et qu’il a subi une altération de ses facultés personnelles, ou que l’enfant décède avant même que les parents soient décédés ou qu’ils ne peuvent plus prendre soin de l’intéressé. Par ailleurs, la survie de l’enfant-bénéficiaire ou du mandant est un événement indépendant de la volonté des parties. Le mandat de protection future existe en dehors de la condition. En définitive, il semblerait que la survie de l’enfant-bénéficiaire ou du mandant et l’altération de leurs facultés personnelles est un événement futur mais incertain qui conditionne l’obligation. Eriger en condition la survie de l’enfant-bénéficiaire ou du mandant permet de trouver un événement commun au mandat de protection future qu’il soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui ». Cela permet que le mandat de protection future ne présente pas un visage différent selon la nature de l’événement convenu.

94. Les effets de la condition. La condition peut être suspensive ou résolutoire. La

condition est suspensive lorsque la formation de l’obligation est suspendue jusqu’à sa réalisation. La condition est résolutoire lorsque la réalisation de la condition emporte extinction de l’obligation. Dans les deux cas, qu’il s’agisse d’une condition suspensive ou

résolutoire, c’est l’existence même de l’obligation qui dépend de la condition290.

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats continue d’opérer cette distinction entre condition suspensive et condition résolutoire291

290 F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, Coll. Précis, Série droit privé, 11ème

éd., 2013, spéc . n°1218.

.

291 Art. 1304 de l’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. JORF n°0035 du 11 février 2016 texte n°26. « L’obligation est conditionnelle

lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. Elle est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation ». Art. 1304-3 « La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a

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- Les effets de la condition suspensive. Pour appréhender les effets de la condition suspensive, cela suppose de distinguer différentes situations : lorsque la condition suspensive est pendante (pendente conditione), l’obligation n’existe pas encore, bien que le créancier soit titulaire d’un droit en germe. Lorsque la condition est dénouée, deux situations peuvent se présenter : soit l’élément érigé en condition se réalise, ainsi tout se passe comme si le contrat avait été conclu de façon pure et simple dès le jour de sa conclusion. Il y a un effet rétroactif292, bien qu’il soit possible de l’écarter par une clause. Toutefois, l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats à supprimer cette rétroactivité en ne faisant produire d’effet à l’obligation qu’à compter de l’accomplissement de la condition suspensive 293

- Les effets de la condition résolutoire. Pour observer les effets de la condition résolutoire, cela implique également de distinguer différentes phases : lorsque l’événement affectant la condition résolutoire ne s’est pas réalisé, l’obligation s’exécute comme une obligation pure et simple. Le créancier pourra demander l’exécution intégrale, même s’il y a un risque de résolution. Lorsque la condition est dénouée, deux hypothèses peuvent se présenter : soit l’élément érigé en condition se réalise, cela entraîne la disparition rétroactive de l’obligation, même si elle peut être écartée par les parties. Soit il est acquis que la condition résolutoire ne se réalisera pas, l’obligation est consolidée.

. Soit la condition est défaillante et qu’il est certain que la condition ne se réalisera pas, tout se passe rétroactivement comme si le contrat n’avait pas été conclu, comme si aucun lien de droit, même éventuel, n’avait existé.

empêché l’accomplissement. La condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt ».

292 C. civ. Art. 1179 « La condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté.

Si le créancier est mort avant l’accomplissement de la condition, ses droits passent à son héritier ».

293 Ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. JORF n°0035 du 11 février 2016 texte n°26. Art. 1304-6 al. 1 « L'obligation devient pure et

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95. Exclusion de la condition résolutoire dans le mandat de protection future.

La condition résolutoire suppose que l’obligation soit immédiatement exigible. Ce qui n’est pas le cas dans le mandat de protection future, qu’il soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui ».

96. Application de la condition suspensive dans le mandat de protection future. Le contrat est formé, mais son effectivité est suspendue jusqu’à la réalisation de la

condition. Le mandat de protection future est conditionné à la survie du mandant (dans le mandat « pour soi-même ») ou du tiers-bénéficiaire (dans le mandat « pour autrui) et à l’altération de ses facultés personnelles.

- Dans le mandat de protection future conclu « pour soi-même ». Soit le mandant décède après qu’il ait subi une altération de ses facultés personnelles. Soit le mandant décède avant que survienne une altération de ses facultés personnelles. Dans la première hypothèse, nous pouvons valablement admettre qu’il y a réalisation de la condition suspensive. Tandis que dans la seconde hypothèse, il y a défaillance de la condition suspensive. Le droit soumis à la condition suspensive est censé ne jamais avoir pris naissance : l’acte est caduc294

- Dans le mandat de protection future conclu « pour autrui ». Soit l’enfant est toujours en vie et il a subi une altération de ses facultés personnelles au moment du décès ou l’inaptitude des parents. Soit l’enfant décède avant même que les parents soient décédés ou qu’ils ne peuvent plus prendre soin de l’intéressé. Dans la première hypothèse, il y a réalisation de la condition suspensive. Dans la deuxième hypothèse, il y a défaillance de la condition suspensive. Comme dans le mandat de protection future « pour soi-même », l’acte est caduc.

.

294 Une telle qualification de l’effet de la défaillance de la condition suspensive est présente dans certains arrêts : Cass. Civ., 3ème, 13 juillet 1999, Bull. civ. III, n°179, JCP 2000, I, 215, n°12 et s., obs. G. Virassamy, Defrénois, 1999, art. 37079. 1331, obs. D. Mazeaud ; Cass. Civ., 3ème, 28 mars 2007, Bull. civ. III, n°52, D. 2007, Actu. P. 1139, Defrénois 2007, art. 38624. 1033, 1ère esp., obs. E. Savaux. La caducité sanctionne la disparition non seulement d’un élément constitutif à sa validité, mais aussi d’une condition, donc un élément extrinsèque auquel les parties ont subordonné son efficacité.

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97. Synthèse sur les effets de la condition suspensive appliquée au mandat de protection future. L’effet essentiel de la condition suspensive est de suspendre

l’opération : « la conclusion du mandat de protection future pour soi-même intervenant entre X, mandant, et Y, mandataire, sera réputée parfaite si, le mandant ne décède pas avant qu’il ait subit une altération de ses facultés personnelles ». Il faut que le mandant soit toujours en vie et qu’il ait subi une altération de ses facultés personnelles. Ou encore, « la conclusion du mandat de protection future pour autrui entre les parents et le mandataire sera réputée parfaite si l’enfant majeur est toujours en vie au moment du décès des parents ou que ces derniers ne peuvent plus prendre soin de l’intéressé et qu’il soit établi dans un certificat médical que l’enfant ne puisse plus pourvoir seul à ses intérêts». Nous pouvons admettre que les effets de la condition suspensive sont présents dans le mandat de protection future. L’opération est suspendue, tant que l’événement érigé en condition ne s’est pas réalisé.

98. Synthèse sur les modalités de l’obligation. En proposant de rattacher le

mandat de protection future à un contrat à terme, l’analyse de Madame Hébert ne peut que difficilement prospérer. Effectivement, considérer le mandat de protection future comme un contrat conclu sous condition suspensive est une approche pertinente. Cependant, une autre analyse nous paraît bien plus persuasive, sans prévoir de rattacher le mandat de protection future à un terme ou une condition.

99. Une autre approche plus séduisante. Ces différentes critiques invitent à

proposer un nouveau regard, pour expliquer la naissance des obligations dans le mandat de protection future. Nous nous tournerons vers la distinction que propose Monsieur le Professeur Pascal Ancel sur la force obligatoire et le contenu obligationnel de la convention295, que nous appliquerons au mandat de protection future, qu’il soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui ».

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Section 2 : Proposition d’une approche

renouvellée de la naissance des obligations

100. Plan. Dans l’approche que nous allons étudier, la force obligatoire du contrat est assimilée à une norme qui va organiser les relations des personnes qui se trouveront sous sa dépendance en disant comment les choses doivent être (§ 1). La présentation qui va suivre, permet de rendre compte de manière homogène de la naissance des obligations dans le mandat de protection future, qu’il soit conclu « pour soi-même » ou « pour autrui ». En ce sens, il n’est plus nécessaire de distinguer selon qu’il s’agisse d’un mandat conditionnel ou d’un mandat à terme. Il s’agit d’une proposition inédite qui permet d’offrir une lecture uniforme de la naissance des obligations dans le mandat de protection future (§ 2).

§ 1 : Force obligatoire et contenu obligationnel de

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