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Analyse classique de la naissance des obligations

Dans le document Le mandat de protection future (Page 83-87)

76. De l’obligation pure et simple…à l’obligation affectée d’une modalité.

L’obligation vient du latin ob-ligare, qui signifie « lier » de façon étroite (ob). Il s’agit du lien de droit « vinculum iuris » entre deux personnes en vertu duquel l’une d’entre elles, qui sera désignée « créancier », peut exiger de l’autre, qui sera désignée « débiteur », une

prestation ou une abstention236. Le concept d’obligation est une œuvre des juristes

romains qui va connaître un profond succès. Dans un premier temps, le droit romain a augmenté les sources des obligations (inscription sur un livre des comptes, par la remise d’une chose, et même par le seul échange de volontés pour certains contrats). Le droit prétorien et par la suite le droit impérial ont fait respecter certains pactes et admis la validité des contrats innomés. Les obligations délictuelles ont été assimilées aux obligations contractuelles. Dans un second temps, les jurisconsultes romains ont étudié avec une technique si brillante qu’elle impose encore aujourd’hui ces procédés, le rapport obligatoire, les modalités qui peuvent l’affecter, les transformations qu’il peut subir, les modes d’extinction susceptibles de l’atteindre, les conséquences de l’inexécution, les complications qui naissent de la pluralités des créanciers ou des débiteurs237

236 A. Bénabent, Droit des obligations, LGDJ, Lextenso éditions, Coll. Domat Droit privé, 14ème éd., 2014, p. 2, spéc. n°2.

237 G. Ripert, J. Boulanger, Traité de droit civil d’après le Traité de Planiol, Tome II, Obligations, contrat,

responsabilité, droits réels, biens, propriété, LGDJ, 1957, p. 3 et 4, spéc. n°7; F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, Coll. Précis Dalloz série Droit privé, 11ème éd., 2013.

. Aussi, cela nous invite à envisager la naissance des obligations, issues du mandat de protection future conclu « pour soi-même » ou « pour autrui », sous le prisme de son analyse classique. Il est traditionnellement distingué entre l’obligation pure et simple, qui est immédiatement exigible (§ 1), de l’obligation affectée d’une modalité (§ 2). Avant de se livrer à une telle réflexion, il convient de rappeler que nous prenons pour point de départ la conception classique de la naissance des obligations appliquée au mandat de protection future conclu

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« pour soi-même » et « pour autrui », afin de pouvoir la dépasser par la suite en proposant une autre approche.

§ 1 : L’obligation pure et simple

77. Définition. Il est classiquement enseigné qu’un contrat va lier deux ou

plusieurs personnes en vue de faire naître une ou plusieurs obligations238. L’obligation est pure et simple. Ainsi, il se pose précisément la question de la date de naissance des obligations contractuelles (A), qui est susceptible d’entraîner une confusion entre les effets du contrat et les effets de l’obligation (B).

A- Date de naissance des obligations

contractuelles

78. Conclusion du contrat et naissance des obligations. « Alors que les intérêts

pratiques qui s’y rattachent semblent considérables »239, la question de la date de naissance des obligations contractuelles n’avait retenu qu’une faible attention de la part de quelques auteurs par le biais d’une contribution fragmentaire240

238 S. Guinchard, T. Debard, Lexique des termes juridiques, 23ème éd., 2015/2016, V. Contrat. A l’art. 1101 de l’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, « le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier,

transmettre ou éteindre des obligations ».

239 J. Mestre, « Obligation et contrats spéciaux », RTD Civ., 1987, p. 739 à 767, spéc. p.748.

240 J.-M. Verdier, Les droits éventuels, Contribution à l’étude de la formation successive des droits, éd. Rousseau, 1953 ; J.-C. Hallouin, L’anticipation : contribution à l’étude de la formation des situations

juridiques, thèse Poitiers, 1979 ; G. Endreo, « Fait générateur des créances et échanges économiques », RTD Com., 1984, p. 223.

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la réflexion du Professeur Mestre241, le Professeur Atias écrit, « plus les notions juridiques

occupent une position centrale, moins elles sont définies »242. Les juristes ont négligé de se prononcer sur le fondement de la force obligatoire du contrat, mais aussi ils « ont

négligé d’autres questions importantes. Par exemple, c’est durant la dernière décennie seulement que la réflexion s’est approfondie sur la naissance de l’obligation, sur sa date en particulier ; et l’interprétation dogmatique de l’article 1134, al. 1er, pouvait favoriser l’adoption de réponses trop simples ; toutes les obligations qui se rattachent de près ou de loin au contrat, dont l’apparition suppose le contrat, prendraient vie au moment de la rencontre des volontés »243. Or, ces lacunes sur la date de naissance des obligations ont été comblées au plan doctrinal par la thèse du Professeur Putman244, qui défend l’analyse classique du contrat qualifiée de volontariste. Empruntée à Pothier, cette définition du contrat est demeurée classique245. Au cas particulier, l’article 1101 du Code civil246 définit le contrat comme un acte créateur d’obligations247 ; mais à aucun moment il prévoit que ces obligations naissent immédiatement248

241 J. Mestre, « Obligation et contrats spéciaux », article précité, p. 739 à 767, spéc. p.748.

242 C. Atias, « Restaurer le droit du contrat », D. 1998, Chron., p. 137 et s.

243 C. Atias, « Restaurer le droit du contrat », article précité, ibidem.

244 E. Putman, La formation des créances, thèse Aix-en-Provence 1987.

245 A. Sériaux, Droit des obligations, 2ème éd., PUF, Coll. Droit fondamental Droit civil, 1998, p. 21, spéc. n°5.

246 C. civ. Art. 1101 « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers

une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».

247V. G. Guerlin, « Contrat et convention », blog Dalloz obligations 2015. Selon l’art. 1101 du Code civil, le contrat est une espèce dont le genre est la convention. La convention produit des effets de droit. Le contrat créé des obligations. L’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations dissimule une nouvelle conception du contrat à l’article 1101. On associe le contrat et la convention. Le contrat n’est plus une espèce de convention. Le contrat est un accord de volonté entre deux ou plusieurs personnes qui consistent à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. Les notions de donner, de faire ou ne pas faire ont disparu de la définition du contrat. V aussi : R. Cabrillac, Droit des

obligations, 12ème éd., 2016, Dalloz, Coll. Cours Dalloz, spéc. n°12.

248 L’art. 1101 de l’ord. n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, ne prévoit pas non plus que les obligations naissent immédiatement.

. On peut penser qu’il y a un abus de langage dans les termes de cette disposition. Il résulte que la naissance des obligations

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contractuelles serait toujours concomitante à la formation du contrat, c'est-à-dire au moment où les volontés se rencontrent, c’est l’application stricte du principe du consensualisme. En conséquence, « la rencontre des volontés des parties à un contrat a

pour effet de les lier juridiquement, c’est-à-dire de créer des obligations »249. Aussi, le Professeur Larroumet estime que, « lorsque rien n’a été stipulé à cet égard, il faut décider

que c’est le contrat qui fait naître à la date de sa conclusion les créances qui en résultent. Cette solution est implicitement contenue dans l’article 1101 du Code civil. En effet, ce texte définit le contrat comme étant une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres. Il est clair que c’est le contrat qui fait naître l’obligation et, par voie de conséquence, la créance qui en est l’autre face »250. En conséquence, il considère le contrat en tant que source immédiate d’obligations, écartant ainsi un rôle dévolu au temps dans la naissance des obligations. Par ailleurs, au plan jurisprudentiel, un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 juillet 1986 a retenu dans une formule générale que « les obligations contractuelles

prennent naissance, sauf convention contraire, au jour de la conclusion du contrat et non au jour de leur exécution » 251

79. Synthèse. Dans la conception classique de la naissance des obligations du

contrat, ces dernières naissent dès la conclusion du contrat. Autrement dit, elles apparaissent instantanément, dès la rencontre des volontés. Or, désormais il convient de mettre en exergue que cela va entraîner une confusion au niveau des effets du contrat et de l’obligation.

. Ainsi, cette décision situe explicitement la date de naissance des obligations contractuelles à la conclusion même du contrat. La jurisprudence s’aligne, au même titre que la doctrine classique, sur le principe du consensualisme, pour expliquer la question de la date de naissance des obligations contractuelles.

249 C. Larroumet, S. Bros, Traité de Droit civil, t. 3, Les obligations, Le contrat, Economica, Coll. Corpus Droit privé, 7ème éd., 2014, p. 369, spéc. n°380.

250 Cass. Ch. mixte, 22 novembre 2002, n°99-13935, D. 2003, J. p. 445, n. C. Larroumet.

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