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Les actes médicaux

Dans le document Le mandat de protection future (Page 181-187)

l’autorité parentale

Section 2 Les actes médicaux

194. Champ d’application : droit civil et droit médical. En principe, le Code civil et le Code de la santé publique529

529 Le Code de la santé publique fût crée en 1953. Il détermine matériellement le champ du droit de la santé publique. Il contient notamment le Code de déontologie médicale qui réunit l’ensemble des droits et des devoirs de la profession médicale. Les professionnels de la santé seront tenus de respecter des devoirs moraux et sociaux. Il est regrettable de constater que le Code de la santé publique ignore le mandat de protection future. Or le mandant pouvant confier une mesure de protection sur sa personne ou sur la personne du tiers-bénéficiaire, il est susceptible que le mandataire intervienne dans les décisions touchant à la santé du mandant ou du tiers-bénéficiaire.

ont chacun leur domaine d’application. Le droit de la santé publique relève de l’ordre médical. Il s’applique aux rapports entre un malade et son médecin. Le droit civil a un domaine d’application bien plus large puisqu’il concerne les règles relatives à l’état des personnes. Le droit médical a un domaine étroit, tandis que le droit civil a un domaine vaste. En raison de la spécificité de la matière médicale et de la généralité des règles posées par le Code civil, nous serions tentés d’appliquer le célèbre

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adage « speciala generalibus derogant »530. Le droit de la santé publique semblerait primer sur le droit civil, dès lors qu’est en cause une relation médicale. C’est ainsi, qu’une lecture rapide de l’article 459-1 alinéa 1 du Code civil pourrait aller dans ce sens puisque

« l’application de la présente sous-section ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique et le code de l’action sociale et de familles prévoyant l’intervention du représentant légal ». Pour le Professeur

Batteur531, une telle lecture repose sur un préconçu, celui du caractère spécial du droit de la santé. Or une pareille approche ne semble pas convaincante. L’auteur prend un exemple de comparaison : « c'est un peu comme si l'on affirmait que le droit de la consommation

est un droit spécial par rapport au droit des obligations, lequel n'aurait pas de vocation générale à régler les contrats entre consommateurs et professionnels, ou que le droit des contrats spéciaux déroge au droit des contrats issu du droit commun des obligations »532. La réalité est bien plus complexe. Il faudrait opter pour une articulation entre le Code civil et le Code de la santé publique, afin d’éviter de faire du droit de la santé une matière complètement indépendante. La tâche est d’autant plus compliquée que l’ambition commune du droit médical et du droit civil serait de toujours protéger sans diminuer encore plus la personne protégée. Lorsque Carbonnier avait envisagé la question des rapports entre les mesures en 1968, il avait eu un projet ambitieux puisque, « l'échange

des appréciations entre le juge des tutelles et le médecin spécialiste devait orienter le statut civil autant que le statut médical de l'aliéné : le juge intervenait pour assurer le gouvernement de la vie autant que de la gestion des biens du majeur »533

530 S. Mauclair, « La force normative de l’adage speciala generalibus derogant », in La force normative,

Naissance d’un concept, dir. C. Thibierge et alii, LGDJ, 2009, p. 223, n°23.

531 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », droit de la famille, n°2, février 2011, dossier 5, spéc. n°3

532 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, ibidem.

533 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, ibidem.

. C’est ainsi que,

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familial, le médical et le judiciaire »534. La loi du 3 janvier 1968535 avait introduit un article 490-1 dans le Code civil, qui a été abrogé au 1er janvier 2009, aux termes duquel : «

les modalités du traitement médical, notamment quant au choix entre l'hospitalisation d'office et les soins à domicile, sont indépendants du régime de protection appliquée aux intérêts civils. Réciproquement, le régime applicable aux intérêts civils est indépendant du traitement médical. Néanmoins, les décisions par lesquelles le juge des tutelles organise la protection des intérêts civils sont précédées de l'avis du médecin traitant ». Carbonnier

avait considéré, selon une thèse qu’il avait développé dans de nombreux ouvrages que,

« l’on était ici dans un domaine qui relevait davantage des mœurs, des usages et, pour les actes à caractère médical, du Code de la santé publique et de la déontologie médicale, que du droit civil »536. L’indépendance entre le droit médical et le droit civil était donc bel et bien retenue comme support en 1968. Cette autonomie entre les deux codes fut pleinement affirmée lorsque le Code de la santé publique a introduit des dispositions spécifiques relatives aux incapables, à l’occasion de la réglementation d’actes particuliers. Par exemple, lorsque pour la première fois en France à la fin des années 1980, le législateur a autorisé la recherche biomédicale, il fallait en effet admettre les expérimentations sur les personnes incapables, de sorte qu’une réglementation spécifique pour les personnes placées sous un régime de protection avait été instituée537. Comme la loi Caillavet538, qui est la première grande loi en matière de don d’organes, la loi

Huriet-Sérusclat539

534 J. Carbonnier, Essais sur les lois, LGDJ, Coll. Anthologie du droit, 2ème éd. 2014, p. 63, spéc. p. 71 ; J.

Massip, Tutelle des mineurs et protection juridique des majeurs, Defrénois, 2009, p. 2.

535 L. n°68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs. JORF 4 janvier 1968.

536 J. Massip, « Les règles applicables aux actes personnels et médicaux concernant un majeur en tutelle », droit

de la famille, n°7, juillet 2010, étude 18, spéc. n°1

537 G. Mémeteau, « De quelques droits sur l'homme : commentaire de la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988

relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales », D. 1990, chron., p. 16. B.

Edelman, « La recherche biomédicale dans l'économie de marché », D. 1991, chron., p. 203.

538 L. n°76-1181 du 22 décembre 1976 relative au prélèvement d’organes. JORF du 23 décembre 1976, p. 7365.

, aussi vive et extrêmement intrusive, a eu pour objectif d'inviter le législateur

539 L. n°88-1138 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.

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à repenser la bioéthique540 pour fonder un droit de la biomédecine. Toutefois, la loi du 5 mars 2007541, pose un certain nombre de problèmes d’interprétation. Tout en affirmant que la loi civile ne peut déroger aux dispositions particulières du Code de la santé publique542, elle pose dans le même temps des principes de base sur la protection de la personne et organise à l'article 459 un régime pour les mesures concernant l'intégrité physique de la personne du majeur protégé. Ce régime est intégré dans une section intitulée « des effets de la curatelle et de la tutelle quant à la personne ». Il a en réalité un champ d'application plus vaste, puisqu'il peut concerner le mandat de protection future543

195. Difficultés d’harmonisation. Lorsque des pouvoirs sont confiés au mandataire en matière médicale, la coordination entre les textes du Code civil et du Code de la santé publique est loin d’être parfaite, car l’étendue des pouvoirs du mandataire n’est pas précisément délimitée. Ainsi, cela peut rendre difficile la compréhension et l’accessibilité. Pour Madame Arhab-Girardin, il est regrettable que le législateur n’ait pas profité de la réforme du 5 mars 2007

. Comment alors envisager cette délicate articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil ?

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540 La bioéthique est une éthique gouvernant les recherches médicales et leurs applications pratiques à l’être humain. Elle désigne aussi la discipline qui réfléchit à cette question. Les lois de bioéthique assorties de sanctions pénales, portent sur le respect du corps humain, l’étude génétique de la personne, le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain, l’assistance médicale à la procréation, la recherche impliquant la personne humaine sur une personne aux fins thérapeutiques ou scientifiques, les diagnostics prénatal et préimplantatoire. En France, on peut citer les lois de bioéthique suivantes : L. n°94-548 du 1er juillet 1994 relative au traitement des données nominatives ayant pour fin la recherche dans le domaine de la santé et modifiant la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, JORF n°152 du 2 juillet 1994 p. 9559. L. n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain, JORF n°175 du 30 juillet 1994 p. 11056. L. n°94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, JORF n°175 du 30 juillet 1994 p. 11056. L. n°2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique, JORF n°182 du 7 août 2004 (rectificatif paru au JORF n°276 du 27 novembre 2004). L. n°2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, JORF n°0157 du 8 juillet 2011 p. 11826. L. n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, JORF n°0022 du 27 janvier 2016 texte n°1.

541 L. n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. JORF n°56 du 7 mars 2007 p. 4325 texte n°12.

542 C. civ. Art. 459-1.

543 C. civ. Art. 479.

sur la protection juridique des majeurs, pour tenter une

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harmonisation de la matière entre les textes du Code civil et ceux du Code de la santé publique. Elle relève que, « l’absence de cohérence d’ensemble nuit à la compréhension

de la matière et rend difficile la tâche des acteurs sur le terrain »545. Bien qu’il ne l’ait pas prévu formellement le législateur de 2007 semble avoir voulu rester fidèle à l’indépendance du droit civil et du droit médical546. Toutefois, le mandat de protection future prend effet lorsqu’il est établi par un certificat médical que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts, en raison d’une altération de ses facultés mentales et/ou corporelles, l’empêchant d’exprimer sa volonté547. Ainsi, nous constatons qu’il existe un lien particulièrement étroit entre le droit médical et le droit civil, puisque la mise en place du mandat de protection future dépend du médecin. Ce dernier joue un rôle déterminant. Il y a une limitation au principe d’indépendance des mesures qui est posée. Il semblerait que pour régler le problème de la combinaison des codes, le législateur ait introduit le principe de base de l’article 459-1 du Code civil selon lequel on ne peut pas déroger aux règles du Code de la santé publique dès lors qu’il existe des dispositions spécifiques. C’est aujourd’hui la seule réserve officielle à cette combinaison des codes548. Il ne dit pas que la relation médicale relève uniquement du Code de la santé publique, mais que le Code civil ne saurait déroger au Code de la santé publique. Il est possible de soutenir que les deux codes doivent être complétés549

196. Des textes épars. Les dispositions sur les actes médicaux sont à la fois peu nombreuses mais aussi dispersées en raison de l’adoption de ces différents textes à des périodes différentes. Il n’existe pas une conception générale, « une philosophie globale »

.

545F. Arhab-Girardin, « La décision médicale du majeur protégé : une articulation complexe des dispositions du

Code de la santé publique avec la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs »,

RDSS 11 septembre 2009, n°5, spéc. p. 875.

546 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°10.

547 C. civ. Art. 425.

548 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°10.

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de ces lois550, ce qui peut parfois rendre difficile leur accès. Les missions du madataire

« portent notamment sur les droits et informations des malades en fin de vie, le consentement du majeur à la recherche biomédicale, ainsi que divers autres actes diligences ou exercice de droits, pour lesquels le mandat peut renvoyer globalement à l’article 479 alinéa 2 du Code civil »551. Les solutions proposées par le Code de la santé publique visent simplement à renforcer les conditions nécessaires pour l’accomplissement d’un acte de soin sur le majeur protégé. « C’est une législation de compromis,

pointilleuse »552. Par renvoi, les textes applicables au tuteur et à la personne de confiance en matière de santé le seront également au mandataire de protection future. Le mandant peut envisager les situations les plus variées relevant de la matière médicale. Permet-il pour autant la « représentation du consentement »553 aux soins ?554

197. Plan. Les pouvoirs du mandataire de protection future en matière personnelle peuvent s’étendre à la décision médicale (§ 1). En revanche, l’articulation du mandat de protection future avec d’autres outils conventionnels d’anticipation de protection de la personne prévus par le Code de la santé publique peut poser des difficultés pratiques (§ 2).

550 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°14.

551 M.-C. Forgeard ; N. Levillain, « Mandat de protection future et pratique notariale (première partie – analyse) », Defrénois, 15 mars 2008, n°5, p. 529, spéc. n°190.

552 A. Batteur, « Recherche d’une articulation entre le Code de la santé publique et le Code civil : un défi à relever en faveur des personnes vulnérables », article précité, spéc. n°10.

553 B. Mathieu, « Les droits des personnes malades », Les Petites Affiches, 19 juin 2002, n°122, p. 10 et s.

554 C. Lequillerier, « Le mandat de protection et la personne de confiance : vers la consécration d’un consentement substitué », Gaz. Pal. 7 juin 2007, n°158, p. 32 et s.

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§ 1 : L’étendue des pouvoirs du mandataire de

protection future en matière médicale

198. Limitation et extension. Les pouvoirs du mandataire de protection future sont limités par les dispositions impératives du Code civil (A). En revanche, il est possible de lui confier les missions que le Code de la santé publique attribue au tuteur (B).

A- La restriction des pouvoirs du

mandataire de protection future

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