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Alain Gras affirme que « lorsqu’on invente une machine, on invente une relation sociale ». Il découle de mon observation portant sur le du port d'endoprothèses actives (notamment des holters, des pacemakers, des défibrillateurs cardiaques et des resynchronisateurs) que leur installation met effectivement en place des relations sociales inédites.

Le personnel médical joue un rôle prépondérant dans les pratiques et le discours portant sur les implants. Les pacemakers, les défibrillateurs et les resynchronisateurs sont des dispositifs, qui ont été tous inventés par des médecins en vue de soigner des malades victimes de certaines pathologies qui demeuraient incurables par tout autre moyen.

Le premier pacemaker implanté fut le premier modèle d'endoprothèse active. C'est en 1958, que le médecin Rune Elmqvist réalise une première implantation sur un patient, Arne Larsson118.

Cette première innovation va marquer le début du développement des endoprothèses informatisées dont il existe aujourd'hui de nombreuses applications différentes, pour la plupart médicales (pacemakers, défibrillateurs, resynchronisateurs, neurostimulateurs, implants cochléaires, pompes à insuline, pompes à antalgiques...) mais aussi parfois aujourd'hui à vocation « sécuritaire » (puces RFID, puces GPS...). Un nombre croissant de patients est implanté chaque année.

Le cœur est l'organe qui symbolise la vie et l'amour. Cette partie du corps, qui permet, en effet, au sang de circuler dans l'organisme. est indispensable pour rester en vie119. Son bon

118 Ce dernier vivra jusqu'à l'âge de 86 ans après avoir porté pendant plus d'une quarantaine d'années différents pacemakers

successifs.

fonctionnement étant vital pour tout humain, la machine qui est chargée de le superviser jouera nécessairement un rôle absolument fondamental.

La rythmologie est la discipline médicale, une sous-division de la cardiologie120, qui a pour

objet principal d'étudier et de remédier aux troubles du rythme cardiaque. Un rythme cardiaque normal est décrit comme : « sinusal ». Les médecins rythmologues soignent donc les pathologies induites par des battements cardiaques anormalement irréguliers121.

Ces troubles, s’ils menacent le pronostic vital ou compromettent grandement la santé d’un individu, peuvent être soignés par l’implantation d’un pacemaker, d'un resynchronisateur ou d'un défibrillateur, qui vont épauler le cœur dans son activité quotidienne.

L'endoprothèse cardiaque active est d'un fonctionnement globalement discret car elle ne se manifeste que quand cela est nécessaire pour soutenir le fonctionnement du cœur. En même temps, le patient est tout-à fait conscient des raisons pour lesquelles il porte en lui une telle machine. Cette présence est rassurante et permet à la victime de la pathologie cardiaque lourde, non pas de se considérer comme défnitivement guérie, certes, mais, tout au moins, de se sentir « protégée ».

L’enseignement universitaire, en faculté de médecine, décrit ainsi les dispositifs de stimulation cardiaque :

Les stimulateurs cardiaques sont des générateurs d'impulsions électriques destinés à assurer un rythme cardiaque suffisamment élevé lorsque le rythme spontané du patient est trop lent.

Lorsqu'une bradycardie excessive est due à un phénomène aigü, transitoire, la stimulation ne sera utilisée que pendant quelques jours, le temps de remédier à la cause. Lorsqu'il n'existe pas de traitement curatif, ou que le risque de récidive est trop important, on doit alors pouvoir assurer une stimulation définitive. Il existe donc deux types de pacemaker (PM) :

Les PM externes : ce sont des stimulateurs reliés à une sonde d'entraînement mise en place par voie externe percutanée. Ils sont mis en place rapidement et facilement sous anesthésie locale après ponction veineuse fémorale, jugulaire ou sous-clavière : ils ne doivent pas être utilisés plus de quelques jours sous peine de complications (thrombose aiguë, sepsis....).

Les PM internes : ils sont également reliés à une sonde d'entraînement, mais ils sont placés à demeure sous la peau.

Schématiquement, un stimulateur est constitué de deux parties :

-un générateur, qui constitue à proprement parler la pile. Les sources d'énergie actuelles utilisent le lithium, dont la durée de vie est de plusieurs années.

-un circuit électronique, plus ou moins complexe, destiné à envoyer des impulsions électriques de quelques volts, qui seront appliquées à la cavité cardiaque qui doit être stimulée (oreillette ou ventricule). [...]

Le boîtier du stimulateur, qui contient donc la pile et le circuit électronique, est relié à une sonde électrode. Cette sonde électrode est mise en place :

-le plus souvent par voie veineuse endocavitaire (céphalique, sous-clavière ou jugulaire), sous anesthésie locale,

transplantation au moyen d'une pompe placée dans la chambre d'hôpital. Quelque personnes sur terre sont donc actuellement en vie sans disposer de cœur à proprement parler. Cette situation est toutefois très exceptionnelle et temporaire pour le patient.

120 La cardiologie est la science médicale qui traite de la santé du cœur, en général.

121 Il y a deux formes principales d’ « arythmies ». Si les battements sont, en quelque sorte, trop lents, le trouble se nomme

-l'électrode peut également être vissée sur le myocarde, à travers le péricarde. On parle alors de sonde "épicardiaque". Cette technique nécessite un abord chirurgical sous-xyphoïdien. 122

(Fig. 1) Photo123 du patient Arne Larsson et de l’équipe médicale juste avant l’implantation du premier pacemaker en 1958 par Rune

Elmqvist et Ake Senning. À côté, figure une photographie124 du boîtier du premier modèle de pacemaker et le boîtier d'un modèle

récent de pacemaker.

(Fig. 2) Pacemaker et sa sonde125. Le boîtier a la taille d'un petit galet

Les holters sont un type à part d'implants informatisés. Ils ne sont utilisés uniquement que pour établir des diagnostics. Ils ont l'aspect d'une grosse clé USB, et la taille d'un petit briquet. Ils ne disposent pas de sondes installées dans le cœur. Leur unique fonction est l’enregistrement du rythme cardiaque pour déterminer l’origine de syncopes répétées et imprévisibles. Ils sont mis en place dans le corps du patient seulement pendant quelques jours. Leur présence vise à pouvoir déterminer précisément si le patient est victime ou non de troubles cardiaques.

Toutes les endoprothèses cardiaques actuelles peuvent enregistrer l'activité du cœur sur de longues plages de temps. Par rapport aux simples holters, les pacemakers, les défibrillateurs et les resynchronisateurs peuvent, en plus, stimuler le battement de cet organe.

Le resynchronisateur cardiaque est, en quelque sorte, un pacemaker amélioré. La resynchronisation cardiaque, inventée en France à la fin 1990 et utilisée début 2000, par Philippe Ritter, Serge Cazeau, Jean-Claude Daubert, Christophe Leclercq et Philippe Mabo, permet à l’automate implanté, non seulement de donner l’impulsion globale du rythme cardiaque (comme un pacemaker standard) mais en outre, d’activer successivement, selon un rythme précis, différentes parties du cœur afin de restaurer les mouvements « normaux » de cet organe.

Dans ce cas de fgure, particulièrement novateur, l’implant ne se contente pas de donner une impulsion du battement cardiaque, il en contrôle entièrement le processus. Ce genre d’implant assume donc en permanence un rôle vital. En cas de dysfonction de l’automate, le pronostic vital peut être de facto immédiatement menacé. Les resynchronisateurs sont placés pour traiter des troubles cardiaques lourds. Ils s'avèrent être bien souvent le seul recours pour garder la vie sauve.

Un certain type appareils peut également intervenir très effcacement au cours d’une « crise cardiaque ». Ce sont les défibrillateurs cardiaques. Ces endoprothèses sont eux-aussi des pacemakers améliorés qui possèdent une capacité d’effectuer des « chocs de resynchronisation cardiaque ». Ce sont des chocs électriques suffisants pour réanimer un patient en état de fibrillation

122 CHU de Besançon, cours du Docteur Florent Briand et du Professeur Jean-Pierre Bassand, 2001. 123 Url : http://www.besancon-cardio.org/multimedia/ch41/ch41-pm11.htm [consulté le 18/11/12]. 124 Url : http://www.besancon-cardio.org/multimedia/ch41/ch41-pacemakers.htm [consulté le 18/11/12].

125 Url : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/8/82/St_Jude_Medical_pacemaker_in_hand.jpg/320px-

ventriculaire126, c’est-à-dire victime d’un arrêt cardiorespiratoire. Le choc électrique procuré est

suffisant pour arrêter et redémarrer le cœur.

Le défibrillateur cardiaque externe a été inventé en 1970 par Michel Mirowski. Le défibrillateur cardiaque fut implanté pour la première fois en 1980. Ce ne sont pas des objets techniques totalement récents, car ils existent depuis une trentaine d'années.

Le défibrillateur cardiaque donne donc la possibilité à une personne de survivre, de manière autonome, à une « crise cardiaque » normalement mortelle au bout de quelques minutes127. Les

défibrillateurs cardiaques implantés ont une apparence équivalente à celle des pacemakers. Le boîtier est simplement légèrement plus volumineux car les batteries sont plus puissantes. Ce dispositif, tout comme les pacemakers et les resynchronisateurs est autonome, automatique et fonctionne en permanence dans la cage thoracique du patient.

Les capacités de détection des sondes et le traitement de l’information par des algorithmes très avancés permettent au défibrillateur implanté de surveiller le cœur en permanence et de délivrer les chocs seulement si nécessaire. Un patient peut tout-à-fait vivre avec un défibrillateur implanté pendant des années sans recevoir le moindre choc. Cela signifie que le patient n'a pas eu d’accident cardiaque et que le dispositif est constamment demeuré convenablement réglé.

Un défibrillateur implanté mal réglé ou déréglé peut, par contre, provoquer des effets vraiment indésirables, tels que des chocs inappropriés ou se révéler catastrophiquement inutile s’il n'est pas en mesure de se mettre en fonctionnement au moment requis (par exemple en raison d'une déficience dans la capacité de détection de l'incident cardiovasculaire). De tels dysfonctionnements sont de plus en plus rares de nos jours, en raison de l’expérience acquise par les fabricants et le personnel médical.

Dans certains cas de pathologies cardiaques, parmi les plus sérieuses, le faisceau de His128

est gravement lésé. Cela conduit le cœur à ne plus être en mesure de battre suffsamment correctement, par lui-même, pour maintenir la personne en vie. L’ablation du faisceau de His peut être alors décidée.

Le cardiologue implante nécessairement au préalable un pacemaker, puis, désactive défnitivement le faisceau de His du patient. Dans une telle situation, c’est alors le pacemaker, et lui seul, qui fait battre le cœur. Le patient devient intégralement dépendant du bon fonctionnement de la machine. Une panne du stimulateur signife la mort subite certaine.

C'est la situation extrême ou le dispositif médical implanté, le Métal, est le principal garant du maintien en vie de la Chair. La dépendance physiologique est totale. Quand il n’y a plus de

126 Les ventricules sont des cavités internes du cœur. Une fbrillation ventriculaire est une physiopathologie engendrée par un

ensemble de dysfonctions qui mènent, généralement, à une mort subite, un arrêt cardiaque. À ce moment, le cœur bat trop vite, s’emballe de manière fatale.

127 En cas d'arrêt cardiaque les chances de survie diminue de presque 10% par minute, si aucun choc de défibrillation n'est entrepris.

Se référer au chapitre 6 pour plus d'informations sur ce point.

128 Le faisceau de His est la partie du cœur qui génère les battements de l’organe dans son ensemble car c’est la zone essentielle pour

faisceau de His, il n’y a plus de possibilité pour le cœur de battre par lui-même. La vie ne tient plus qu’aux pulsations artificiellement produites.

Toutefois, en règle générale, les endoprothèses informatisées cardiaques assument surtout un rôle de soutien et de supervision des fonctions physiologiques.

Même si ces outils sont souvent vitaux et forts complexes, les médecins rencontrés ne fétichisent absolument pas ces dispositifs. Ils sont estimés comme particulièrement utiles pour soigner certaines maladies, mais ne sont pas pour autant perçus comme une panacée.

Les médecins sont les individus interrogés qui on été, largement, les plus prolixes à propos des complications éventuelles causées par ces artefacts techniques. Les cardiologues « implanteurs », de par leur pratique professionnelle quotidienne, sont les personnes les plus à même de constater les problèmes techniques de ces machines à la réputation de très haute fiabilité. Les sondes cassées dans le cœur, les explantations de boîtier, les infections sont rares mais surviennent de temps à autre.

Ce sont les médecins qui effectuent l'insertion des objets mécaniques informatisés dans le corps d'individus. Pourtant, ceux-ci ne considèrent pas qu'ils « mécanisent » en quoi que ce soit leur patient. Leur discours à propos des implantations témoigne principalement d'un désir de soigner, parfois ils mettent en avant la prouesse technique dont il ont fait démonstration. Les endoprothèses ont, pour eux, principalement une valeur orthopédique. Le patient reste, avant tout, un être humain victime d'une maladie et l'implant actif à pour fonction de le maintenir en vie.

Le danger induit par l'implant, aux yeux des médecins rencontrés, n'est absolument pas de l'ordre de la « mécanisation symbolique » du corps ou d'un quelconque « aliénation » résultant d'une dépendance accrue du patient envers le système médical ou technicien, à leur yeux les risques sont liés à des risques iatrogènes potentiels.

La iatrogénèse est un terme proposé par Ivan Illitch129 pour désigner les maladies qui ont

l'activité médicale pour origine. « Iatro » signifie « médecin » et « genesis » signifie « origine ». La grande préoccupation pour les chirurgiens à propos de la pratique de la chirurgie cardiaque comme, par ailleurs, de toute autre exercice chirurgical, c'est l'infection. L'opération chirurgicale peut toujours, en effet, potentiellement causer une infection qui peut s'avérer fatale pour le patient. Un matériel implanté mal aseptisé peut, par exemple, provoquer une infection locale dont les conséquences sont si graves qu'il faut impérativement explanter l'endoprothèse au plus vite.

Les médecins considèrent que tout corps étranger dans un corps humain peut être le déclencheur d'une maladie iatrogène infectieuse. La présence de tout type d'implant quel qu'il soit (thérapeutique ou non, inerte comme informatisée130) est potentiellement dangereuse.

129 Ivan Illitch, La Némésis médicale, l'expropriation de santé (1975), Paris, Fayard, 2003.

Il est intéressant de comparer ce point de vue avec celui, qui se veut totalement rassurant, des vendeurs d'endoprothèses estimant, au contraire, qu' « aujourd'hui on maîtrise très bien les

problèmes d'infections ». Les industriels rencontrés n'ont abordé que très peu fréquemment la

question des effets iatrogènes liés à l'installation de leurs machines où alors, ont évoqué des cas particuliers ou le patient s'est montré peu compliant.

De leur côté, les patients relaient généralement le discours rassurant qui leur a été tenu par les médecins, à savoir que les complications sont rarissimes et tout à fait maîtrisées par le corps médical. De toute manière, il n'y a pas de véritable alternative, en règle générale, à la prescription de la pose d'une endoprothèse informatisée. Les patients ne recourent pas à de tels implants par effet de mode mais parce qu'ils ont été convaincus par le personnel médical que le mécanisme implanté est le moyen le plus efficace pour prolonger leur survie. Les patients, globalement répètent, ce qu'ils ont mémorisé du discours de leur médecin. L'information fournie par celui-ci est la plus « légitime » au yeux du patient et de ses proches.

La formation initiale, l'expérience professionnelle, les rencontres avec les pairs la lecture de guides de bonnes pratiques et de recommandation encadrent les prises de décision finales des médecins chargés de poser ou non les endoprothèses.

Les médecins semblent pleinement conscients des avantages et des inconvénients du recours à une endoprothèse informatisée. Nous pouvons constater qu'un bilan coûts-avantages est systématiquement effectué quand il s'agit de déterminer s’il faut ou non implanter. Le cardiologue fait office de médiateur entre l'offre industrielle relative aux dispositifs et les habitudes d'utilisation du consommateur final que constitue le patient.

Au cours de cette étude, les médecins observés furent principalement des chirurgiens cardiologues. La pratique professionnelle de ceux-ci nécessite d'après nos observations participantes et nos rencontres, à la fois un grand sens des responsabilités, une solide maîtrise de la chirurgie, une connaissance précise des recommandations thérapeutiques, une grande confiance dans le matériel médical et également, une très bonne gestion du stress.

Les rythmologues exercent un travail exigeant car ils font face à des questions de vie et de mort dans leur pratique professionnelle quotidienne. Ils sont les acteurs essentiels du diagnostic, de la pose et du suivi des dispositifs médicaux actifs implantés.

Philippe Ritter est le président de Cardiostim, qui est la principale association professionnelle de promotion de la rythmologie. Lors de notre première rencontre, le docteur Ritter me tint un discours révélateur à l’égard de certaines représentations qu’il avait de son travail et du corps de ses patients.

Il me signala qu’une de ses passions consistait à effectuer des réparations de voitures de collection. Il me dit : « Toute la semaine, j’ai les mains dans le sang et le week-end, j’ai les mains

liquide qui change. »

Ce médecin semble avoir, avant tout, une représentation plutôt mécaniste du corps, qui est une représentation sociale, visiblement très répandue parmi les chirurgiens. Cela correspond à l'imaginaire du corps-machine dont les pionniers sont René Descartes et Julien Offray de La Mettrie.

Michel Foucault, dans Naissance de la clinique, nous indique qu’une « mutation essentielle du savoir médical »131 s’opère au détour du XVIIIe siècle car c'est à cette période que la médecine

moderne apparaît. Une exigence scientifique nouvelle se met en place, ce qui contribue à renouveler les représentations sociales liées à la pratique médicale sur le corps des patients.

David Le Breton souligne dans Anthropologie du corps et modernité, qu’à ce moment de notre histoire, la métaphore mécaniste du corps connaît « une grande fortune historique132 ». Le

corps humain devient un objet dont la « physicalité133» est assimilée à celle d’autres organismes

vivants, il perd sont statut singulier.

C'est une sorte de révolution copernicienne concernant la représentation du corps humain. De la même façon que l'on en vient à considérer que le Soleil ne tourne pas autour de la Terre, le caractère unique et sacré du corps humain est lui-aussi remis en question. Il est progressivement amené à être considéré comme une enveloppe technique, véhicule de « l’âme » humaine.

Pour René Descartes, dans son traité de l’Homme, « il n’y a, à ne considérer que le corps, aucune différence de principe entre les machines fabriquées par des hommes et les corps vivants engendrés par Dieu. Il n’y a qu’une différence de perfectionnement et de complexité. »134

L’anatomie pathologique se développe à cette époque, on ose alors ouvrir les cadavres.

L’idée que le corps pourrait être rangé dans la catégorie des choses, part du constat que le droit consent, sans se l’avouer, une lente déconstruction de la personne corporelle, suivant en cela le chemin tracé par les anatomistes qui, dès la fin du Moyen Age, violèrent le tabou de l’intégrité corporelle (la première dissection de Padoue en 1341) et les philosophes qui proposèrent ensuite la distinction de l’âme et du corps pour rejeter ensuite le corps parmi les machines135.

131 Michel Foucault, Naissance de la clinique, 7ème édition, Paris, PUF, coll « Quadrige », 2005, Préface, p. XIV.

132 David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, 6ème édition, Paris, PUF, coll « Quadrige », 2011, p. 101.

133 La physicalité désigne, chez Philippe Descola, un des deux critères qui permet de définir des frontières entre soi et autrui et entre