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L'acceptation de l'implantation par le patient

L’implant actif est quasi-systématiquement posé en dernier recours, suite à de sérieux problèmes de santé ou de handicap rencontrés par les patients. Dans le domaine de la cardiologie, les raisons principales qui ont poussé les malades à consulter le médecin leur ayant prescrit la pose d’un stimulateur ou d'un défibrillateur cardiaque sont, le plus souvent, un essoufflement quasi permanent, symptôme de troubles cardiaques ou également le fait de ressentir une constante extrême fatigue.

Les examens cardiaques peuvent révéler la présence d’une malformation ou d'un problème de rythmicité du battement du cœur. Quand le cardiologue dépiste une tachycardie (pouls trop rapide), une bradycardie (pouls trop lent), une sérieuse arythmie, un implant cardiaque peut aussi se révéler nécessaire.

La connaissance préalable de la maladie peut parfois être le résultat d’un diagnostic précoce d’une malformation, effectué pendant l’enfance ou durant l’adolescence.

L’infarctus, bien sûr, est un signe évident d'un grave trouble cardiaque. D'ailleurs, si celui-ci survient et qu'aucun défibrillateur n'est utilisé, il est bien souvent fatal. C'est pourquoi les malades victimes d’un infarctus et ayant survécu à celui-ci vivent dans la peur permanente que la « mort subite » survienne à tout moment.

Ces patients sont d'ailleurs les plus enclins à accepter le port de défibrillateur, peu importe qu’ils en comprennent le fonctionnement ou pas. Ils savent que cette machine est leur seul véritable garde-fou contre un décès foudroyant.

La plupart du temps, la pathologie cardiaque sévère est le fruit d’une découverte accidentelle qui surprend et déstabilise l’individu : « Je faisais du surf, et puis je me suis senti mal, les copains

m’ont ramené sur la plage, c’était un infarctus, et après, ça a commencé... ».

Certains la considèrent comme une pure « malchance » : « Comment j’aurais pu imaginer

que j’avais une malformation cardiaque et qu’il faudrait m’implanter ? ». Quand il n’y a pas

d’antécédent dans la famille, aucune raison n’est évidente pour expliquer la raison du trouble cardiaque et la nécessité de poser un implant : « Personne dans la famille n’avait jamais eu le

moindre problème ».

Parfois, le malade donne du sens à la survenue de sa maladie en l’expliquant comme la conséquence d’un mode de vie hyper-stressant : « À quarante ans, je travaillais sans arrêt, je

n’arrêtais pas : travail, sport... Je voulais me prouver que je pouvais bosser sans arrêt, et je ne vous parle pas du reste... », d’un travail fortement pénible : « J’étais plombier, je ne vous dis pas les efforts que c’est de monter une baignoire dans un escalier avec les immeubles de Paris jusqu’au cinquième. On n’en parle pas, mais je suis persuadé que ça n’a pas arrangé les choses, c’est

crevant, vous savez... » ou encore comme une conséquence d’une forte tabagie ou d’une très

mauvaise alimentation : « Après coup, je me suis dit que c’est parce que je fumais vraiment

beaucoup, j’étais entre deux et trois paquets de cigarettes par jour... ».

Dans certains cas, la connaissance de la pathologie est apparue au cours d’une alerte qui a permise d'établir le diagnostic avec certitude, mais la personne n’a pas tout de suite été implantée. L'acceptation de se faire implanter peut prendre un peu de temps.

C’est, alors, un accident ultérieur qui peut rendre nécessaire l’implantation :« C’est vrai

qu’après le choc, j’ai eu peur, mais comme il ne se passait rien après, je me suis remis à vivre un peu comme avant, et c’est plusieurs années après, j’étais très essoufflé, je ne montais plus un escalier comme avant, je me sentais mal, là, je suis retourné voir un cardiologue, et après, ça a été l’opération. ».

Dans d'autres situations, en raison d'un accident grave, l’implantation est immédiatement effectuée, aux urgences. Le patient est alors pris en charge par les services d’urgence et traité immédiatement par un cardiologue qui juge alors la pose du dispositif médical implanté actif comme strictement indispensable. Dans ce cas, le consentement n’est pas demandé274.

Quand le diagnostic du médecin préconisant d'effectuer la pose de l’implant est posé, si le patient n'a jamais vécu d'accident cardiaque ou ressenti de symptômes de sa vie, il va généralement opter entre deux comportements typiques : l’évitement ou l’acceptation.

L’évitement consiste à attendre « le moment où on ne pourra pas faire autrement », avec comme bénéfice de « pouvoir profiter des dernières technologies ». Dans ce cas, le patient s’accommode de son trouble cardiaque et temporise jusqu’à ce que l’implant devienne inévitable :

« J’ai pris des médicaments jusqu’au moment où le cardiologue m’a dit qu’il n’y avait plus le choix, que c’était le moment. Donc, si c’est ça ou mourir, l’implant était là, et en plus ça a formidablement évolué depuis quinze ans. ».

L'acceptation témoigne d'une confiance dans la légitimité du diagnostic et de la prise de conscience de la dangerosité du syndrome, jusque là, ignoré.

En France, le remboursement des soins de santé liés à des implants cardiaques est très efficace. Les moyens financiers ne sont donc pas une véritable barrière275 conditionnant

l’acceptation de l’opération chirurgicale.

Le patient informé sur son état et sur la thérapie proposée. C’est à la suite de l'expression d’un consentement explicite qu’il recevra la machine dans son corps.

L’argument que les patients invoquent, à chaque fois, pour expliquer cette acceptation, c’est la volonté, tout à fait rationnelle, de vouloir continuer à vivre (implants cardiaques) ou d'améliorer

274 L’absence de demande de consentement peut survenir quand des problèmes psychiatriques lourds accompagnent les troubles

cardiaques.

la qualité de vie au quotidien (implants cochléaires, pompes à insuline).

La pathologie cardiaque provoque, nous l'avons précédemment évoqué, de fortes angoisses découlant de la peur de la mort subite. Cette peur de partir, de ne pas se réveiller le lendemain, est aussi la peur d’abandonner sa famille et ses responsabilités.

Face à la prescription médicale de l’implantation d’une prothèse cardiaque, les refus sont rares. Quand j'ai interrogé Philippe Ritter à ce sujet, il m’a évoqué le cas d’un refus auquel il a fait face. Il s’agissait du président directeur général d’une entreprise en informatique et en électronique. Cette personne a refusé et reporté à plus tard l’opération d'implantation pour pouvoir continuer à exercer son métier plus longtemps. Le port de la prothèse l’aurait contraint à abandonner le projet qu’il était en train de réaliser.

Les prothèses automatisées implantables sont un moyen incontournable pour soigner certaines maladies. En général, les implants actifs sont utilisés quand il n'y a pas de véritable alternative. Voici le discours, extrait d’informations médicales, destiné à des patients à qui l'on propose la pose d'un implant cardiaque :

« Pourquoi vous propose-t-on la mise en place d'un stimulateur cardiaque ?

Vous avez (ou vous risquez) de présenter des symptômes. Un certain nombre d'examen a été réalisé. L'indication d'une stimulation cardiaque a été retenue. Cette décision à été prise de façon collégiale en concertation avec votre médecin ou votre cardiologue traitant.

En temps normal, pour que le muscle cardiaque puisse se contracter, il existe un réseau de cellules électriques qui, en se dépolarisant, font naître puis distribuent le courant à l'ensemble du myocarde. C'est un peu « l'allumage » de votre cœur. Lorsque celui-ci est défaillant votre cœur « cale ». Il existe schématiquement deux types de troubles conductifs :

- Le premier est celui qui touche la naissance même du courant électrique. Le cœur devient «électriquement paresseux » et le noeud sinusal d'où émerge le courant électrique, n'assure plus son rôle.

- Le deuxième est la non- propagation de ce courant du noeud sinusal au reste du cœur.

De nombreuses raisons peuvent altérer le fonctionnement électrique du cœur. La plus fréquente est tout simplement le vieillissement. Avec le temps les propriétés conductives s'altèrent. Ce phénomène est normal mais ne touche pas l'ensemble de la population de façon égale. Ainsi, Untel pourra développer un trouble conductif à 60 ans alors que tel autre, plus âgé, n'aura jamais de problèmes.

D'autres causes peuvent créer ou accélérer ces phénomènes. La principale cause « acquise » est l'infarctus du myocarde. Lorsqu'une artère nourricière du cœur se bouche, Tout ou partie du territoire qu'elle vascularise meurt. Cela peut induire un dysfonctionnement du réseau électrique. Les médicaments prescrits par votre médecin peuvent aussi créer des troubles électriques.

Si leur prescription est indispensable à votre bien être, il peut être indiqué la mise en place d'un stimulateur cardiaque pour contrer leurs effets secondaires. Certaines maladies du muscle cardiaque (infectieuses, toxiques ou métaboliques) peuvent léser le réseau électrique cardiaque.

Lorsque des anomalies de la conduction électrique surviennent, il faut donc restaurer un fonctionnement normal du cœur. En l'état actuel de nos connaissances, il est impossible de réparer le système électrique existant. De même, il n'existe pas de médicament qui permet de faire « mieux fonctionner » le réseau défaillant. La seule alternative thérapeutique est la mise en place d'une prothèse qui pallie le

dysfonctionnement : c'est le stimulateur cardiaque. 276 »

Ce texte est un exemple du discours médical typique justifiant la nécessité de poser un implant. On peut noter les multiples références aux métaphores mécaniques. Le cœur malade à des problèmes d' « allumage », il peut « caler »... Ce discours présente clairement le fait qu'il n'y a pas de vraies alternatives ni chirurgicales, ni médicamenteuses pour « restaurer un fonctionnement normal du cœur ».

Indirectement, c'est une menace de mort subite qui est évoquée. Face à une telle possibilité, l'écrasante majorité des patients consent à être doté d'une endoprothèse.

Il y a différents profils de patients en matière de demande d'informations concernant l'implantation ou le suivi ultérieur. Certains d'entre eux ont simplement une confiance totale dans la pratique professionnelle de leur cardiologue et se bornent à suivre les consignes des médecins. D'autres patients réclament davantage d'informations afin de donner du sens à leur situation de malade.

Dans chaque centre, la pose d'un pacemaker s'accompagne d'explications. Les infirmières expliquent, mais rien n'est parfait. On donne au patient un petit fascicule avec chaque pacemaker lorsqu'il est livré. Cela peut être bien fait ou mal fait, mais je ne peux pas aller plus loin.277

Selon Philippe Ritter, les demandes d'informations varient considérablement d'une personnalité à l'autre, entre les hommes et les femmes mais aussi d'une catégorie socio- professionnelle à l'autre.

Comprendre pourquoi il a été opéré permet d'accepter un parcours médical et des opérations parfois douloureuses ou contraignantes. Les sites web des cliniques et les fascicules permettent d'informer en détail les patients qui le souhaitent.

Quand l'appareil mis en place fonctionne de façon adéquate (ce qui est la règle), cela contribue à la dédramatisation de la condition de « malade », cela accroît de facto la confiance envers les médecins et le monde médical en général.

Samuel Searssouligne le fait que les patients implantés à la suite d'un accident cardiaque majeur acceptent tous spontanément la présence du corps étranger. Avoir « failli y passer » provoque une acceptation immédiate de l'implantation d'une machine qui a pour fonction que cela ne se reproduise pas. Vivre avec la peur d'une nouvelle attaque est extrêmement anxiogène, l'implantation est donc vécue comme totalement salvatrice.

Les patients qui n'ont pas vécu l'accident cardiaque majeur se posent davantage de questions et réclament plus d'information de la part des médecins.

276 Site web du service de cardiologie de la clinique de la Dhuys, http://www.pacemaker-online.net/patient-stimulation-

cardiaque.php [consulté le 18/11/12].

L'information dispensée avant la pose de l'appareil, contribue au bien-être du patient pendant la période de l'implantation.

Les dispositifs médicaux implantés sont souvent utilisés comme des illustrations d'une certaine toute puissance de l'informatique contemporaine. Les endoprothèses actives sont des outils efficaces pour lutter contre certaines pathologies. Cependant, elles ne sont pas la solution pour tous les types de maladies.

Les applications psychiatriques éventuelles d'endoprothèses neurologiques sont, par exemple, controversées. D'autres types de traitements, plus « classiques », s'avèrent, en effet, parfois plus efficaces. Les industriels cherchent à mettre en valeur les thérapies qui sont les plus rentables pour eux. Les endoprothèses sont des fers de lance dans certains domaine, mais ne sont pas une panacée.

Les implants cardiaques électroniques sont une réalisation importante issue de l'utopie cybernétique car cette situation de Métal dans la Chair a fait ses preuves de manière incontestable.