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Entretiens avec des patients (enquête IPSOS – Sorin – Cardiostim)

B) La méthode utilisée : des lectures, des observations participantes et des entretiens

2) Entretiens avec des patients (enquête IPSOS – Sorin – Cardiostim)

Les personnes interrogées ont été considérées comme des personnes et non comme des objets de savoir. C'est dans cette perspective que les entretiens téléphoniques passés par IPSOS pour le compte de Cardiostim, dans le cadre de cette enquête sur la qualité de vie des porteurs de pacemakers, de resynchronisateurs et de défibrillateurs cardiaques, se sont déroulés.

L'observation de porteurs de prothèses cardiaques m'a permis de mieux comprendre

101 Se référer au point de vue d'Olivier Schwartz sur cette question in : Le monde privé des ouvriers, Paris, PUF, coll.

« Quadrige », 2002, pp. 50-52.

les enjeux de l'implantation d'outils informatisés dans un corps humain.

Ce sont tous ces éléments qui m'ont permis par la suite de disposer d'une base de réflexion pour entreprendre ensuite une comparaison avec les représentations sociales à propos des prothèses détachables.

Après une prise de contact avec Keith Power, cadre ingénieur de Boston Scientific102,

en Floride, une définition des critères pour penser la qualité de vie des patients a été soigneusement définie à partir de la littérature existante en vue d’élaborer des grilles d’entretiens103. La mise en place du protocole de l’étude fut faite en partenariat avec Philippe

Ritter104, président de Cardiostim105.

Les entretiens semi-directifs ont été utiles pour compléter, sur le terrain français, les travaux nord-américains de Samuel Sears. Il s’agissait de mettre en place une certaine évaluation de l’impact « psycho-social » du port d’un dispositif médical implanté actif cardiaque.

J'ai élaboré une pré-enquête en évaluant la pertinence du recours à des questionnaires comparé à la méthode de l'entretien compréhensif106. Le recours à une méthode semi directive,

avec un cadrage rigoureux, s'est imposé, à mes yeux comme un outil efficace et compatible avec les contraintes d'une enquête par téléphone, en vue de récolter le discours de certains patients. La méthode de l’entretien semi directif a permis d’obtenir des informations que les questionnaires médicaux habituels ne peuvent mettre en avant.

Le projet a été proposé fin 2007 à Cardiostim. Cette association, actrice majeure de la rythmologie française et internationale, l’a accepté. Avec l’aide de Sorin Group, la société IPSOS a été sollicitée pour faire passer 15 entretiens téléphoniques, début 2008, afin d’entendre la parole de patients porteurs de différents modèles de dispositifs cardiaques implantés.

Quinze patients ont donc accepté de participer à l’étude. Le panel est constitué de 7 hommes et de 8 femmes, de différentes tranches d’âge, de plusieurs régions de France. Trois catégories d’implants furent considérées : un tiers de porteurs de pacemakers, un tiers de porteurs de défibrillateurs, un tiers de porteurs de resynchronisateurs.

102 Keith Power, Directeur régional de Boston Scientific CRM.

103 cf. les faisceaux d'hypothèses et les schémas conceptuels, placés en annexe.

104 Auteur du livre de référence : W. Fischer, Ph. Ritter, Cardiac Pacing in clinical practice, Heidelberg, Springer, 1998.

Il est l’un des inventeurs de la resynchronisation cardiaque : Cazeau S, Ritter P, Bakdach S et Als « Four chamber

pacing in dilated cardiomyopathy », Pacing Clin Electrophysiol , 1995, vol. 18, pp. 749-750.

105 Association de cardiologues, rythmologues et électrophysiologistes, qui organise le colloque bisannuel éponyme,

principal événement européen dans ce domaine.

106 Olivier Schwartz, op. cit., p. 35-57, Jean-Claude Kaufmann, L'entretien compréhensif, Paris, Nathan coll. « 128 », 1996.

Stéphane Beaud, « L'usage de l'entretien en sciences sociales. Plaidoyer pour l'entretien ethnographique » , Politix, n°35, 1996, pp. 226-257.

Le recueil des données s’est opéré sous la forme d’entretiens téléphoniques individuels semi-directifs anonymisés d’une quarantaine de minutes, ayant été effectués pour le compte de Cardiostim par Ipsos107, sur un panel de différents cas de traitements par

endoprothèse, à partir des grilles d’entretiens que j’ai proposées.

Cette étude, menée en 2008, a coïncidé avec le 50ème anniversaire de l’implant du

premier pacemaker. L’idée à promouvoir était la réflexion sur la notion de collectif formé autour du patient, afin de proposer d’autres approches que la vision strictement individualisée entre le patient et son médecin. Les résultats furent présentés le 20 juin 2008, à Nice, à l’occasion du XVIème salon Cardiostim. Sorin Group a valorisé ce partenariat d’un point de

vue marketing. L’enquête fut avant tout une occasion pour ce groupe pharmaceutique de valoriser son image de marque, en affichant publiquement son souci concernant le bien-être des utilisateurs finaux des produits qu’il commercialise.

Une brochure d’information publicitaire, largement distribuée, et des affiches placardées dans des lieux stratégiques du salon Cardiostim 2008 titraient: « À l’occasion de

Cardiostim, Sorin Group donne la parole aux patients implantés de pacemakers, défibrillateurs et resynchronisateurs ».

Une telle étude a été l'occasion de mettre l’accent sur l’importance de tenir compte de la qualité de vie des patients et de mettre en valeur les liens qui unissent patients implantés et cardiologues. Le financement fut accepté car elle permettait de valoriser l'image de marque de Sorin Group et lui donnant une occasion de se démarquer des entreprises concurrentes.

En dépit de cette instrumentalisation évidente, la passation des entretiens par téléphone a respecté le protocole d'enquête et permis la collecte du discours de patients sur lequel repose une partie de nos observations.

En complément de ces 15 entretiens semi-directifs par téléphone, quatre patients cardiaques (trois porteurs de pacemaker et une personne victime du syndrome de Brugada) ont été rencontrés pour effectuer des entretiens semi-directifs préliminaires ou complémentaires.

J’ai noué des contacts avec Jean-Claude Salles, un patient expert, porteur de pacemaker depuis 1992 et contributeur sur le forum « Heart and Cœur108 », qui m'a transmis

par voie postale son traité, qui est un ouvrage109 encore inédit à ce jour.

Pour situer la pratique du port d'un implant cardiaque actif dans une perspective plus

107 Cette étude fut financée par Sorin Group, pour le compte de Cardiostim, à l’initiative de Maxime Derian et de Philippe

Ritter.

108 Adresse du site : http://www.heartandcœur.com

109 Jean-Claude SALLES, La sécurité des porteurs d’implant électronique : stimulateurs & défibrillateurs cardiaques et autres implants, La Teste de Buch, 2006 (non publié).

large, j'ai été amené à interroger deux personnes diabétiques de type 1110, insulinodépendantes

dont l'une était porteuse d'une pompe à insuline. Cette dernière était d'ailleurs dans le cas de figure particulier d'un port simultané de pompe à insuline conjointement avec un pacemaker.

Le 14 mars 2011, j'ai effectué une rencontre de plusieurs heures avec cinq membres d'une association de porteurs d'implants cochléaires (l'Association « Audio Ile de France » dont le directeur est le Docteur Paul Zylberberg) pour récolter les points de vue de patients porteurs d'un autre type de prothèse. Cela a été l'occasion d'interroger principalement trois personnes : deux femmes et un homme.

Le nombre total d'entretiens effectués pour étudier le vécu avec un implant informatisé est de 23 patients.

3) Penser notre rapport aux prothèses cognitives en utilisant constamment des prothèses