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B) Entre volonté de soin et désir anthropotechnique

2) Les implants RFID

Une puce RFID dispose d’un code unique. Elle peut communiquer sans contact avec les autres puces aux alentours. Elle s’insère dans un réseau global que l’on peut dénommer sous l’appellation « Internet des objets304 ».

La technologie RFID est issue de l'industrie militaire (logistique, désignage de cibles) et du secteur agro-alimentaire (utilisation massive sur le bétail). Les micropuces RFID furent initialement massivement utilisées sur des objets inertes pour la gestion des stocks, pour des dispositifs antivols puis placées dans les corps de certains animaux domestiques.

Les puces RFID implantables sont aujourd'hui la version la plus répandue d'implants non thérapeutiques. Cependant ces dispositifs sont très très peu fréquemment utilisés dans les corps humains. Ils sont, en revanche, massivement présents dans les corps des animaux (le bétail et les compagnons domestiques). Les puces RFID s'inscrivent de plus en plus dans un rituel social d’appropriation d’un animal, au même titre que le simple collier ou le tatouage. Il est aujourd’hui très banal de « pucer » son animal familier.

Avec les puces identificatoires implantées, on observe un certain glissement concernant la motivation du recours à l’implantation. Il ne s’agirait pas d’un motif médical qui mènerait à l’implantation, ni un souci esthétique mais un autre type de demande sociale, à savoir un besoin d'identification de nature sécuritaire et biométrique.

Les implants identificatoires, rendent l’individu implanté traçable car ils l’indexent à une base de données305. La puce implantée, qui permet de mettre en réseau un individu avec d’autres

objets communicants via des ondes radio, est assimilée à un unique être humain par le biais d’un numéro d’identification. Elle peut être détectée et interrogée à distance par un lecteur RFID spécifique.

Des pionniers tels que Kevin Warwick306 ont été parmi les premiers à greffer à leur propre

corps une puce électronique de ce type. L’implant identificatoire fut autorisé aux USA par la Food And Drug Administration en 2004. Son nom de commercialisation était la « VeriChip307 ». Ces

304 La multiplication drastiques des objets sur le réseau Internet rend nécessaire la passage progressif de la norme d'adressage IPV4

(Internet Protocol version 4) à la norme IPV6 (Internet Protocol version 6). Alors que le nombre d'adresses IPV4 exploitables est arrivé à saturation en 2011 (autour de 4,294,967,296 adresses IP, la norme IPV6 octroie 2128 possibilités d'adresses différentes. Ce qui est amplement pour attribuer des adresses réseaux à des milliards de nouveaux objets communicants.

305 Une base de données est une très grande quantité de données, stockées sur un ou une multitude de supports, mises en interrelation

dynamique. Les « Big Data » désignent les ensembles d'informations contenus par les bases de données.

306 Cf. site web de Kevin Warwick : http://www.kevinwarwick.com/

implants sont proposés principalement pour lutter contre les enlèvements d’enfants ou de cadres d’entreprise pour accéder à des zones réservées.

À partir de son autorisation sur l’humain, une polémique concernant des questions d’ordre éthique s’est développée. Il est légalement possible de faire placer un transpondeur dans son bras ou sa main afin qu’un code informatique soit lisible au moyen d’un scanner. Bien qu’il soit mis en place en une vingtaine de minutes, il est bien plus long de l’enlever, du fait de l’invasivité biologique qui le recouvre avec le temps. De surcroît, la difficulté de l’explantation varie selon la précision avec laquelle il a été placé. Une éventuelle migration de l’implant ou sa dégradation peut engendrer de sévères complications.

L’usage des VeriChip pose également de sérieuses questions concernant la vie privée en raison de la traçabilité rendue possible par toute personne équipée du scanner adéquat.

Certains implants, plus volumineux, sont dotés d’une fonction GPS308. Ceux-ci peuvent être

géorepérés par satellite. Les revendeurs de ces derniers implants mettent en avant la possibilité de retrouver à distance une personne mentalement fragilisée.

Les pays où des individus portent ce type de puce sont généralement situés sur le continent américain (USA, Colombie, Mexique). La figure de l'enfant égaré voire enlevé était à la base de la valorisation de l'image de ces outils au cours des campagnes médiatiques des années 2005-2007. Il semble cependant que certains ravisseurs ont rapidement tenu compte de cette technique et ont, paraît-il, à plusieurs reprises explanté eux-même, de manière violente et sans considération pour le porteur, les puces implantées.

Aujourd'hui, en 2012, il s'avère que c'est le smartphone confié à l'enfant qui fait office de mouchard au profit des parents. La traçabilité des individus est finalement largement accepté mais pas l'implantation. C'est encore un exemple du fait que ce n'est pas une fonctionnalité qui rebute le grand public mais la nécessité de recourir à la chirurgie. Les parents anxieux concernant la localisation de leurs enfants n'ont pas choisi de faire poser des prothèses implantées mais ce sont précipités sur l'achat de prothèses détachables.

Rendre l’enfant traçable en permanence sur un réseau informatique, pose pourtant de sérieuses questions éthiques et philosophiques en ce qui concerne la construction psychologique de l’individu. Grandir avec la certitude d’être localisé en permanence par ses parents peut probablement affecter la personnalité. Ce type de géolocalisation était auparavant quasi- exclusivement réservée à des condamnés par la justice, tenus de porter un bracelet électronique.

Il semble que dès que se pose la question du Métal dans la Chair, l'opinion publique demande, via différents groupes de pression, une régulation sociale pour encadrer les pratiques et

308 La fonction GPS (Global Positioning System) est une méthode de géolocalisation satellitaire. Une constellation de satellites

permet à un lecteur GPS de déterminer sa position et de la transmettre à une base de données. La précision est d’environ 20 m pour un usage civil et encore plus précise pour un usage militaire.

limiter les abus. Il est vraisemblable que les risques physiologiques qui « parlent » les plus aux médias et à l'opinion publique se sont les risques d'infection, de maladie liée à la pose et à l'explantation davantage que la question de l'identification, de vie privée ou de construction de la personnalité.

Cette observation met en évidence a contrario que les prothèses informatiques externes ne représente pas un danger au yeux de l'opinion public, qui n'a pas cherché immédiatement à réguler la diffusion et l'emploi de smartphone et des autres types de prothèses cognitives.

Il est possible de constater qu'au yeux de l'opinion publique les endoprothèses sembleraient a priori dangereuses et les prothèses cognitives seraient a priori sans dangers.

D'ailleurs à la fin des années 1990 quand les réseaux GSM ont couvert le territoire, ce fut la question des ondes qui a été l'objet de débats et pas le bien fondé de rendre le réseau téléphonique « mobile ». Certaines associations se focalisent sur les dangers potentiels des antennes relais en termes d'invasivité dans le corps (Robins des toits, Collectif des électrosensibles de France).

Par contre, les prothèses cognitives, en elles-mêmes, apparaissent comme sans dangers puisque détachables. Il n'y a pas d'association en France qui effectue un prosélytisme à l'encontre de l'usage de smartphones, d'ordinateurs ou autre.

En ce qui concerne l'informatique implantée la régulation sociale s'est mise immédiatement en place. Dans le cas de l'informatique détachable, la prise de conscience des dangers potentiels est beaucoup plus lente.

Les technologies RFID implantées ne furent pas du tout unanimement acceptées par le corps social. Très vite des religieux, des scientifiques et des militants s’insurgèrent contre une prolifération des techniques RFID allant jusque dans les corps des individus. Quand certains courants religieux y voyaient la « marque de la bête », invoquant l’Apocalypse selon Saint Jean309,

309 In Nouveau Testament, André Chouraki (trad.), Apocalypse selon saint Jean (Découvrement de Iohanân),

Chapitre 13 : 16. À tous, petits et grands, riches et pauvres, hommes libres et esclaves ensemble, elle donne une marque sur leur

main droite ou sur leur front,

17. pour que nul ne puisse acheter ou vendre, sauf ceux qui ont la marque, le nom de la bête ou le chiffre de son nom.

18. Ici est la sagesse. Qui a l’intelligence, qu’il calcule le chiffre de la bête, oui, c’est un chiffre d’homme. Et ce chiffre, six cent soixante-six.

Chapitre 14 :7. Il dit à grande voix: « Frémissez d’Elohîms, donnez-lui gloire, parce qu’elle vient, l’heure de son jugement.

Prosternez-vous devant celui qui a fait le ciel, la terre, la mer et les sources d’eaux. »

8. Un autre messager, un deuxième, suit et dit: « Elle est tombée, elle est tombée, Babèl, la grande, celle qui faisait boire le vin de l’écume de sa puterie à toutes les nations. »

9. Un autre messager, un troisième, les suit et dit à voix forte: « Si quelqu’un se prosterne devant la bête ou son image, ou reçoit la marque sur son front ou sur sa main,

10. aussi lui-même boira le vin de l’écume d’Elohîms, versé pur dans le pot de sa brûlure. Il sera tourmenté par le feu et le soufre en face des messagers sacrés et en face de l’agneau. »

11. La fumée de leur tourment s’en va aux pérennités de pérennités. Ils n’ont de répit, ni jour ni nuit, ceux qui se prosternent devant la bête et son image, quiconque reçoit la marque de son nom.

Chapitre 16 : 1. J’entends une voix forte hors du sanctuaire. Elle dit aux sept messagers: « Allez ! Versez les sept coupes de

l’écume d’Elohîms sur la terre. »

2. Il s’en va, le premier, il verse sa coupe sur la terre; et c’est l’ulcère malin et pernicieux sur les hommes qui ont la marque de la bête et se prosternent devant son image.

3. Le deuxième verse sa coupe sur la mer; et c’est du sang, comme d’un mort; tout être en vie meurt; ceci dans la mer. 4. Le troisième verse sa coupe sur les fleuves et les sources d’eaux, et c’est du sang.»

ce sont surtout les consommateurs qui n’ont pas vu l’intérêt d’un dispositif équivalent à un code- barre, facile à copier (car très peu sécurisé) et qui n’avait guère plus d’utilité qu’un bracelet électronique, un porte-clé ou qu'une simple carte interrogeable à distance.

Le 20 février 2007, le Sénat de Californie promulgue la loi SB 362310 légiférant une

interdiction de pucer des humains contre leur volonté. Un employeur est donc dans l’impossibilité, aux USA, d’exiger d’un salarié qu’il soit implanté. Il est en outre interdit de procéder à une discrimination entre les personnes pucées et non pucées…

En France, les animaux de compagnies et le bétail sont de plus en plus systématiquement « pucés311 » depuis 2001. Cela constitue une forme d’expérimentation in vivo, de ces implants, à une

très large échelle. Néanmoins, les animaux domestiques traditionnels n'ont pas la même longévité que les être humains. De plus, comme ces artefacts sont très récents, nous n'avons pas de retour d'expérience du port de ce type d'implant pendant, par exemple, une soixantaine d'années.

En septembre 2007, un article dans le Washington Post312 fait drastiquement chuter les cours

de la société Digital Applied Solution (trois ans seulement après la mise sur le marché des puces identificatoires humaines). Cet article exhume des recherches menées dans les années 1990 notamment par Keith Johnson, un toxicologiste de l’entreprise Dow Chemical, qui prouvent que ces implants sont en mesure de potentiellement provoquer, de manière conséquente, des tumeurs malignes autour de l’implant.

Digital Applied Solution a cessé de commercialiser l’implant VeriChip en mai 2010. Cette société (qui s'est aussi appelée Digital Angel Solution) a, par la suite, encore changé de nom, et ne commercialise plus ni la VeriChip et ni la VeriMed313. Le département implant RFID a été vendu à

Allflex USA, mais semble à nouveau ne concerner que les puces RFID pour animaux.

L’implantation volontaire de puce RFID n'est vraiment pas répandue. La médiatisation d’implantations de puces RFID au Baja Beach Club de Barcelone pour accéder au carré VIP de cette boîte de nuit et pour régler des consommations au cours de soirées n'a été qu’un feu de paille.

Tout d’abord, il semble que cette chaîne de night-clubs situés, l’un à Barcelone et l’autre à Rotterdam, a bénéficié d’un partenariat direct avec l’entreprise, à l’époque, nommée Digital Angel Solution. L’objectif était donc avant tout de promouvoir la notoriété des discothèques du groupe Baja Beach Club et en même temps de donner une plus forte visibilité des produits de Digital Angel pour le grand public.

En 2007, le journaliste de Libération (que nous avons évoqué précédemment dans la partie

310 Sénat de Californie, Bill SB 362, An act to add section 52.7 to the civil Code, relating to identification device, 20/02/2007. 311 Ce puçage massif pose la question de la gestion des cadavres. Les implants présentent de forts risques d'explosion en cas

d'incinération et de pollution du sol en cas d'inhumation. La présence de la puce modifie certains moits des funérailles.

312 Todd Lewan, « Chip Implants Linked to Animal Tumors », Washington Post, samedi 8 septembre 2007.

313 VeriMed est une puce implantée (similaire à Verichip) qui était un moyen proposé pour pouvoir retrouver les données médicales

de cette thèse consacrée à l'intrusion) a franchi, un soir, le pas et a accepté que « l’infirmière » du night-club lui pose une puce VeriChip. Une journaliste anglaise de CNN a vécu une expérience analogue. Le journaliste français est venu consulter le professeur Maladry quelques jours plus tard et ce dernier lui a explanté la puce.

Le docteur Maladry m'a confié personnellement que l’explantation fut délicate car la puce avait été insérée « n’importe comment » (surtout trop profondément) dans le haut du bras, si bien qu’elle fut difficile à retirer (elle touchait certains muscles). Le docteur Maladry314a constaté que la

pose n’avait pas été faite en sous-cutanée mais en intramusculaire.

Si ces puces sont similaires à celles utilisées sur les animaux, il me semble alors qu'elles sont probablement entourées par une forme de colle qui a pour but d'éviter une migration incontrôlée dans les tissus. La petite taille et la fragilité (une coque en « verre ») rendait difficile à saisir un implant RFID au sein de la chair du bras qui en même temps adhère fortement à l'appareil.

Le professeur Maladry dit que le journaliste a consenti à avoir un implant RFID en raison de « l’euphorie » de la soirée mais, quelques jours plus tard il ne pouvait déjà plus supporter psychologiquement la présence de ce corps étranger dans son bras. L’implantation fut indolore mais le journaliste pouvait sentir l’implant à travers la peau de son bras. Il se méfiait d’éventuels effets secondaires ou de complications iatrogènes. Il n'avait absolument pas imaginé que l'explantation puisse être aussi délicate.

Poser un implant, même une puce RFID, est un acte chirurgical à part entière. Il est hasardeux de le faire, à la légère, dans un lieu inadapté. Dans ce cas particulier, l'explantation laissa une cicatrice de 6 cm (préjudice esthétique) et la présence de la puce avait provoqué une très légère lésion du muscle.

Même quand la pose est correcte, ce qui normalement devrait être la plupart du temps le cas, le risque de rupture de la capsule ou de nécrose des tissus, au bout d'un certain temps d'implantation, existe. La présence de cet « intrus » demeure un danger réel pour l’organisme, alors même qu'il ne s'agit que d'un gadget. Les composants internes des puces RFID sont toxiques s’ils se répandent accidentellement dans le corps humain.

Aucun implant ne représente une innocuité zéro.

(Fig. 6) Une puce RFID Verichip de Digital Angel315

(Fig. 7) Extraction d’une puce RFID316

314 Le Dr Maladry me l’a expliqué le 23/03/07 au cours de la conférence « En corps humain ? » au Palais de la Découverte. 315 Url : http://www.next-up.org/images/SHIP%20PUCE%20RFID%20350.jpg [consulté le 18/11/12].

316 Url : http://geeldon.wordpress.com/2010/09/16/the-implantable-microchip-how-difficult-is-it-to-remove/

Cette page web se réfère à l'article de Robyn Curnow, “The price to pay for VIP status”, CNN, 6 octobre 2004. Url: http://edition.cnn.com/2004/TECH/10/05/spark.bajabeach/ [consulté le 18/11/12] : Robyn Curnow relate une histoire à peu près similaire à celle expérimentée par le professeur Maladry. Selon le chirurgien anglais, Dr. Stuart Sanders, qui l'a opéré, la difficulté d'extraction résulte entre autre de la petite taille et de la fragilité de l'implant. Comme le journaliste de Libération, la journaliste

En pratique, les risques iatrogènes sont un frein pour des expérimentations trop hasardeuses. Les implants sont donc vraiment utilisés avec pertinence quand il y a une nécessité pour la santé. Dans le cas contraire un outil détachable fait généralement l'affaire.

Le docteur Leenhardt317 rappelle que l’insertion d’un implant actif consiste à « implanter

une pathologie potentielle » (résultant éventuellement d’une infection, d’une rupture de sonde…)

cela réserve donc les cas de Métal dans la Chair, à la lutte contre des pathologies lourdes avérées.