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1.1 Des lieux portés par des personnes

1.1.5 Le LVA M : un projet de vie en famille militant

Le LVA M a été repris en 2012 par le couple Yann et Céline, alors dans la trentaine. C’est une longère située en milieu rural. L’engagement du couple dans la reprise du lieu de vie en tant que permanents est motivé par deux aspects principaux. Premièrement, depuis les déceptions vécues dans le cadre du métier d’éducateur spécialisé en institution sociale, et après avoir testé le modèle LVA en tant qu’assistant-permanent, Yann projetait d’installer son propre lieu, à son propre compte et en

préservant son indépendance. Aussi, l’enjeu pour ce couple fut de trouver un compromis dans le fait de porter ce projet à deux, Céline, elle aussi permanente, souhaitant « poser une limite » vis-à-vis de sa vie privée et privilégier un aménagement des temps de vie dans l’organisation du « vivre avec ». C’est ainsi que le projet fut finalement porté par les deux partenaires du couple, la permanente quittant alors son emploi de laborantine. Le couple revendique un « vivre avec aménagé », matérialisé par une séparation entre l’espace des jeunes et celui de la famille des permanents. À l’instar de beaucoup d’autres LVA, une porte relie directement ces deux espaces.

Deuxièmement, l’élément déclencheur relève d’une anecdote significative. Alors que le permanent travaillait comme assistant dans un lieu de vie une semaine sur deux (nuit et jour), il s’est rendu compte que la maîtresse d’école de sa première fille, alors âgée d’environ 3-4 ans croyait comprendre que les parents de cette dernière étaient divorcés. En effet, leur fille disait souvent à sa maîtresse : « cette

semaine, je suis chez papa », ou « cette semaine, je suis chez maman », alors que le couple avait un

domicile commun et une vie commune, dans une maison située à proximité du LVA où travaillait alors le père de famille. Prenant conscience de la perception de leur fille de leur organisation de vie, alternant entre lieu de vie et domicile : « La petite, elle ne savait plus où elle habitait » (Yann, permanent, LVA M), les parents décident de clarifier la situation. C’est ainsi que les deux permanents, en couple depuis leurs 18 ans, justifient leur décision de s’engager dans ce projet d’accueil en reprenant un LVA existant au sein de leur région d’origine commune.

Le LVA M a la spécificité d’accueillir seulement des filles présentant une problématique psychiatrique avérée. Cette spécificité a été héritée de l’ancienne autorisation du LVA que le couple a repris. Le principal porteur de projet est donc Yann, éducateur spécialisé depuis 2003. Selon ses mots, « l’école

d’éduc’ a été difficile, je ne m’y suis jamais retrouvé » (Yann, permanant, LVA M). Au cours de ses

années lycée, il s’est engagé via son père dans les Jeunesses Agricoles Chrétiennes et menait des actions bénévoles tout en participant à des conférences d’Attac30. Son surnom au lycée était « l’avocat

des causes perdues » (Yann, permanant, LVA M).

La reprise du LVA a été difficile, tant financièrement que sur le plan de l’organisation. Le couple partage le travail au début avec un couple d’amis, embauchés comme assistants-permanents. Mais des conflits de légitimité entre les deux couples imposent la séparation et le recrutement d’assistants- permanents diplômés de l’éducation spécialisée, à qui le couple transmet au fur à mesure leur philosophie de l’accompagnement, définie comme un « mix entre laisser la place et prendre ce qui

vient » (Yann, permanent, LVA M). L’équipe se compose aujourd’hui du couple de permanents qui vit

sur place avec ses trois filles, et de trois assistants-permanents. Ces jeunes professionnels sont motivés par l’aspect continu et familial de l’accueil proposé. Au moins deux d’entre eux souhaitent, dans leur projection professionnelle, soit porter leur propre lieu, soit demander l’agrément pour devenir famille d’accueil.

Au LVA M, la transmission est aussi en jeu en termes de valeurs et d’outils techniques, comme déjà observé sur C1 et C2. Dans ces trois cas, on note d’ailleurs un certain engagement militant concernant une forme alternative d’accueil sur la scène collective publique. Ici, le permanent du LVA M est engagé aux niveaux régional et national de la FNLV31. Cette fédération, même si elle donne lieu à des conflits

30 Association pour la taxation des transactions financières et pour l’action citoyenne (organisation du mouvement

altermondialiste).

31 Didier (LVA C1) est engagé au niveau régional. Geneviève (LVA C2) a été engagée au sein du GERPLA où elle est toujours

adhérente. Elle adhère aussi à la FNLV, mais elle a renoncé à s’engager dans ces instances qu’elle ne trouve pas représentatives de sa réalité et de ses préoccupations.

au niveau régional notamment, est aussi le lieu d’un apprentissage collectif d’une expertise juridique et organisationnelle32. Cet engagement militant du permanent du LVA M le situe sur son territoire

comme un acteur de l’accompagnement d’autres porteurs de projets de lieu de vie. Lors de l’enquête, le permanent a d’ailleurs reçu un couple souhaitant porter un LVA, leur délivrant des conseils sur leurs droits en la matière et sur les différents types de « vivre avec ».

Ces différents engagements d’une part, et la spécificité du projet d’accueil d’autre part, conduisent à une relation de « bonne entente » avec la tutelle départementale. De plus, les jeunes accueillies sont toutes originaires du département d’implantation du LVA. La spécificité des jeunes accueillies – troubles psychiques – oriente l’organisation entière du LVA. En effet, les permanents multiplient les partenariats avec des services liés au handicap des jeunes. De plus, les projets de développement comportent la mise en place de deux studios : l’un dans une logique d’autonomie et l’autre dans une logique « d’apaisement ».

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