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Le LVA D1 : un projet imbriqué dans une entreprise familiale

1.1 Des lieux portés par des personnes

1.1.3 Le LVA D1 : un projet imbriqué dans une entreprise familiale

Pierre et Chantal, en couple depuis une quarantaine d’années, « gèrent » le LVA D1, situé en milieu rural et jouxtant leur ferme équestre (60 chevaux). Le couple est propriétaire des bâtiments : une maison principale, trois bungalows et une caravane aménagée27. Le LVA a ouvert ses portes en 2001.

Pierre en est le responsable avec un statut de travailleur indépendant. Il a aujourd'hui une habilitation à recevoir cinq jeunes, six en dérogatoire, garçons et/ou filles, âgés de 0 à 21 ans, venant principalement de deux départements : le département d’implantation et un département de la région parisienne. Chantal, de son côté, est à la fois accompagnatrice de tourisme équestre (ATE) et

25 Marie-Jo, permanente, LVA C2-extension, extrait du journal de terrain, 15.04.2019.

26 Marie-Jo, permanente, LVA C2-extension, extrait du journal de terrain, 15.04.2019.

27 Les bungalows, la caravane, ainsi qu’un studio aménagé au sein même de la propriété principale sont destinés à la location

responsable de la structure équestre28. Elle tient en outre un rôle important, informel et bénévole,

dans l’accompagnement des enfants placés.

Aujourd'hui, le couple accueille deux garçons (14 et 16 ans). Une fratrie de trois enfants (deux garçons et une fille, âgés respectivement de 6, 11 et 13 ans) est également accueillie dans un bâtiment annexe au LVA principal. Ce bâtiment, maison située dans un village voisin, est loué par le LVA à Maëlys, la fille ainée de Pierre et Chantal. Pierre emploie deux assistantes-permanentes à mi-temps (l’une au LVA principal, l’autre à l’annexe), ainsi que la permanente de l’annexe, la fille du couple.

L’histoire du lieu en lui-même commence en mars 1984 lorsque le couple, alors parents d’une petite fille âgée de 2 ans, décide de quitter la banlieue parisienne. Le couple projette de s’installer dans une ferme, à la campagne, là où vivait Chantal lors de sa précédente union. Les travaux de leur nouvelle maison durent deux ans et sont entièrement menés par Pierre. Chantal, quant à elle, est mère au foyer. Pour subvenir à leurs besoins et finir les travaux, le couple fait un élevage de volaille : « physiquement,

c'était une période difficile. On ne prenait pas beaucoup de vacances à l’époque » (Pierre, permanent,

LVA D1). Trois autres enfants vont naître. Pierre trouve un poste de technicien supérieur en génie urbain (en lien avec sa formation initiale et ses précédents métiers) et obtient un poste d’encadrement en Nouvelle-Calédonie. C'est là-bas que Pierre et Chantal font leur première expérience d’accueil : « une femme qui se faisait battre par son mari. Donc on a hébergé cette femme et ses quatre

enfants pendant assez longtemps » (Pierre, permanent, LVA D1). Pour Chantal, cet accueil informel et

bénévole s’est couplé avec un accueil rémunéré tous les midis d’enfants scolarisés.

De retour en France (1996), Pierre travaille dans une petite ville située à 35km de son domicile et en 1997, « pour ramener un peu plus d’argent – parce qu’il y avait les quatre enfants, les études, les

travaux encore, des crédits à payer », le couple fait le choix d’être famille d’accueil, « un choix construit et réfléchi avec nos enfants » (Pierre, permanent, LVA D1). Chantal devient alors assistante familiale.

Mais le couple juge leur situation professionnelle respective comme insatisfaisante. Pierre, tout d’abord, bien qu’appréciant le contenu de son métier, « travaillait trop. J’avais envie d’entreprendre

quelque chose » (Pierre, permanent, LVA D1). Chantal, ensuite, remet en cause le statut d’assistante

familiale et celui de famille d’accueil : « Manque d’autonomie, manque de reconnaissance de l’ASE…

t’es un peu dans le bas de la hiérarchie » (Chantal, responsable de la ferme équestre, épouse de Pierre,

permanent, LVA D1).

C'est à ce moment-là, en 2000, que le projet d’un LVA émerge. « Puis nos enfants avaient un peu

grandi aussi. C'était un autre stade quoi. » (Pierre, permanent, LVA D1). Le projet se construit d’abord

sur plan, lequel est accepté par l’ASE après un entretien avec une psychologue, des visites avec l’assistante sociale référente, et la rédaction d’un projet éducatif de lieu de vie. L’ASE pose également deux conditions : accueillir des filles et « qu’il y ait le minimum de contacts entre les filles du LVA et

celles de la famille d’accueil », un aspect qui interroge. Les consignes de l’ASE du département comme

préliminaires à l’autorisation, sont ainsi assez précises. À la fin de l’année 2001, Pierre, alors âgé de 42 ans, opère sa reconversion professionnelle. Il quitte son poste d’encadrement salarié pour devenir indépendant et responsable du LVA. Il accueille très vite trois filles âgées de 15-16 ans (dont deux du département d’implantation).

Jusqu’en 2015, le LVA D1 fonctionne avec quatre ou cinq jeunes. L’accueil des enfants au LVA n’est aujourd’hui pas soumis aux critères d’âge et de sexe. Par le passé, Chantal et Pierre ont aussi eu

l’occasion de faire un accueil mère-enfant (en partenariat avec un foyer situé dans le nord de la région parisienne)29ou encore de recevoir des jeunes filles en contrat jeune majeur.

Maëlys, leur fille aînée, rejoint le LVA en 2017 comme permanente. Elle occupe, avec deux enfants accueillis en décembre de la même année, les bungalows de la propriété de Pierre et Chantal. Quelques mois plus tard, Maëlys et son compagnon achètent à crédit une maison dans un village voisin. Ces derniers, ainsi que les enfants accueillis, s’y installent en avril 2018. Et la maison devient l’annexe du LVA principal, laquelle est louée par Pierre à sa fille pour faire fonctionner le LVA. C'est dans cette configuration-là, deux enfants accueillis chez Pierre et Chantal et trois enfants accueillis chez Maëlys et son compagnon, que le LVA, dans son ensemble, fonctionne aujourd'hui.

La permanence auprès des enfants accueillis, leur intégration souhaitée (mais contrôlée) dans la famille accueillante, l’objectif de les insérer durablement dans la société (par l’école et les loisirs en dehors du lieu de vie), c'est ainsi que l’on peut résumer la façon dont les accueillants conçoivent et mettent en œuvre l’accompagnement éducatif au sein du LVA D1. À plus d’un égard, cette façon de faire s’inscrit dans la continuité de ce que Pierre et Chantal faisaient lorsqu’ils étaient famille d’accueil. Pierre et Chantal sont aujourd’hui proches de la retraite. Âgés d’un peu plus de 60 ans, la question de la transmission de ce que l’on pourrait appeler « la société familiale » (LVA et ferme équestre) se pose de façon sérieuse, d’autant plus qu’aucun de leurs quatre enfants ne semble être prêt à reprendre leur entreprise.

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