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La lutte contre les sécheresses au centre des identités socio-économiques du territoire

Les épisodes de la sécheresse sont fortement présents dans l’élaboration des politiques publiques pour le Nordeste et ils constituent un élément identitaire du Semi-aride, soit à la racine des explications de la misère et de la faim, soit dans la négation de ces explications.

Elles ont toujours été, et demeurent aujourd’hui encore, au cœur des débats sur le développement de la région Semi-aride. Même au bout de plus d’un siècle d’interventions des politiques publiques dans la « lutte » contre la sécheresse et ses conséquences, à travers notamment de grands travaux d’infrastructure hydrique, mais aussi des efforts de solutions durables, on voit se perpétuer la vulnérabilité d’une grande partie de la population à ce phénomène. On s’interroge sur le caractère de l’interaction entre les phénomènes climatiques et l’utilisation politique des programmes d’aménagement publics. Ce fait renforce l’association directe entre sécheresse et pauvreté, comme le démontre Silva (2006):

« Lors de la sécheresse de 1992 - 1993, on a dénombré 2,1 millions de personnes dans les fronts de secours créés par le Gouvernement fédéral et lors de celle de 1998 - 1999, ont été distribués 3 millions de paniers de vivres par mois à des familles résidant dans le Semi-aride Brésilien. C’est pourquoi, tout au long de l’Histoire, la pauvreté et la misère dans le Semi-aride ont été liés à la sécheresse. Les interprétations de ce phénomène naturel et de ses conséquences sur la production et la population locale, ont négligé les aspects structurels du mode d’occupation de l’espace, d’exploitation des ressources naturelles et de subordination de la population (Silva, 2006, p.76) ».

Silva (2006) signale que depuis la période coloniale jusqu’à nos jours, ont prévalu des récits sur le Semi-aride présentant des paysages naturels décolorés et le dénuement de la population du Sertão dans les périodes de sécheresse. Dès les premiers registres des épisodes de sécheresse14, ceux-ci représentaient le désordre dans le projet colonisateur. De telles sécheresses ne devinrent un véritable problème qu’avec l’augmentation de la densité démographique et l’expansion de l’élevage bovin, au XVIIIème siècle. À partir de ce moment, les récits historiques soulignent la calamité de la faim et le préjudice subi par les gros propriétaires de bétails, et c’est en fonction des dommages subis par la population et les activités économiques à cause des épisodes prolongés de sécheresse de la seconde moitié du XIXème siècle que commencèrent les études scientifiques sur cette problématique.

Comme le souligne l’auteur

14 Selon l’historien Joaquim Alves (1982), Fernão Cardin décrit en 1587 la fuite d’indiens du sertão vers le littoral en quête d’aliments (cité par Silva, 2006, p.35).

« On a avant tout cherché à découvrir et à expliquer les causes naturelles du phénomène des épisodes de sécheresse dans le Nordeste. La vision partielle du Semi-aride, comme étant la région des épisodes de sécheresse, a conduit à l’adoption de solutions fragmentée, dont le noyau générateur est la lutte contre la sécheresse et ses conséquences » (Silva, 2007, p.467).

Les sécheresses conjoncturelles (défaillance temporelle) ou structurelles (rareté absolue de la ressource) entraînent des pénuries affectant les besoins en eau des populations et de leurs activités. En effet, comme le souligne Martine Droulers (1985), le dysfonctionnement et la dégradation des structures productives à cause de telle phénomène fragilise la vie socio-économique et se répercute sur le comportement démographique (migration saisonnière et définitive) car le caractère aléatoire du régime des pluies rend impossible le déroulement normal du calendrier agricole, d’où les conséquences socio-économiques parfois très brutales.

Les mesures gouvernementales dans le Semi-aride, surtout les grands travaux hydrauliques, étaient toujours des « réponses » aux sécheresses. Droulers (1980) souligne que les hommes politiques nordestins se servaient des sécheresses pour exiger du pouvoir central des actions concrètes qui se traduisaient par des aménagements, des nouvelles institutions et des financements. Le tableau 1.2 synthétise ces démarches. Encore une fois la présence de Nordestins à des positions clés du gouvernement national se fait remarquer : depuis un siècle l’on a eu des ministres d’Etat ou des présidents de la République originaires de cette région (cf. tableau 1.1).

Un des mythes associés aux épisodes de sécheresse est que l’impact est fonction de l’absence d’eau. Ce que les expériences ont démontré, c’est qu’il existe une capacité de stockage de l’eau dans le Semi-aride suffisante pour répondre aux besoins en eau de la population qui y vit. Cependant, en plus de la perte par évaporotranspiration d’une partie importante de l’eau stockée, on assiste à de sérieux problèmes de distribution, aggravés par le fait que nombre des réservoirs er des puits sont situés sur de grandes propriétés privées.

Ce sont ces problèmes réels, et non pas l’absence d’eau, qui rendent difficile l’accès à cette ressource d’une partie significative des petits producteurs. Manoel Correia de Andrade (1985) attire notre attention sur l’image équivoque faisant des épisodes de sécheresse la cause de la pauvreté dans le Semi-aride :

« Il faut démystifier la sécheresse comme élément déstabilisateur de l’économie et de la vie sociale nordestine ainsi que comme source de dépenses élevées pour l’Union... démystifier l’idée que la sécheresse, en tant que phénomène naturel, est responsable de la faim et de la misère qui dominent la région, comme si ces éléments n’existaient nulle part ailleurs ».

(Andrade, 1985, p. 7).

Tableau 1.1 : Chronologie des sécheresses et des mesures gouvernementales

Stratégie de

développement Années de sécheresse et Mesures gouvernementales Nordestins au pouvoir

1909 : Création de l’Inspection des travaux contre la sécheresse –IOCS / Construction de grands barrages – réservoirs

1915-1919*

1919 : IOCS devient l’Inspection fédérale des travaux contre la sécheresse –IFOCS

Constitution de 1934 : 4% de la recette fédérale pour l’IFOCS Loi n°175 de 1936 : création du « Polygone des sécheresses » 1945 : l’IFOCS devient le Département national des travaux contre la sécheresse - DNOCS

1945 : Compagnie Hydroélectrique de la Vallée du São Francisco- CHESF

1946 : Constitution : 3% des recettes fédérales pour les plans de défense contre les sécheresses

1948 : Commission de la Vallée du São Francisco – CVSF 1951-1953*

1952 : Banque du Nordeste du Brésil – BNB 1958*

1988 : Constitution : restructure le cadre légal et institutionnel pour le Semi-aride

2001 : Création du CBHSF et Projet de Conservation et Revitalisation du Bassin Hydrographique du SF

2007 : PNDR, PDNE, PDSA et la recréation de la SUDENE 2007: Initié les travaux du Projet d'Intégration du São Francisco avec les Bassins Hydrographiques du Nordeste Source : Adapté et complété à partir de Droulers (1980)

À partir de la première moitié du XXème siècle, la vision comme quoi la sécheresse explique l’exclusion sociale de la population de la région Semi-aride (déterminisme de l’environnement) fut fortement combattue. Des auteurs tels que Francisco de Oliveira (1977) et Celso Furtado (1989), bien qu’à partir de visions politiques divergentes sous certains aspects, ont dénoncé l’extrême vulnérabilité de la population et associé les processus de nature socio-économique et politique au sous-développement du Semi-aride. Si l’impact de la distribution pluviométrique irrégulière15 sur l’agriculture dite de “sequeiro” (non-irriguée)

15 L’irrégularité pluviométrique se manifeste tant dans le temps, à partir de la concentration des pluies sur quelques mois de l’année, que dans l’espace, dans la mesure où l’on trouve à l’intérieur de la région semi-aride

apparaît comme une réalité structurelle et permanente, le phénomène des épisodes de sécheresse engendre une situation plus aigüe. Les épisodes de sécheresse ont placé le Nordeste au cœur des préoccupations nationales de par ses conséquences socio-économiques, surtout face à la plus grande vulnérabilité des petits producteurs ruraux insérés dans le système de l’agriculture familiale vivrière, comme le signale Furtado (1989):

« L’irrégularité pluviométrique peut parvenir à des extrêmes, lorsque l’essentiel des pluies se concentre sur un ou deux mois. La végétation xérophyte fait ses provisions hydriques, mais les cultures de cycle annuel deviennent inviables. Les indices pluviométriques annuels et l’accumulation d’eau de surface présentent un cadre de “normalité” contrastant avec l’effondrement de la production de cycle annuel, principale source d’approvisionnement alimentaire. Mais l’accident climatique, qui caractérise véritablement la région Semi-aride est l’absence totale de précipitation sur une ou deux années consécutive, voire davantage. C’est la sécheresse périodique qui a fait la réputation du Nordeste » (Furtado, 1989, p.18).

Furtado, résistant à l’idée d’expliquer les conséquences des épisodes de sécheresse par les éléments naturels (hydrologie, géologie et végétation) souligne qu’aux abords des sols ras, soumis à des précipitations violentes et élevées coexistent les marais de pied de montagne, véritables oasis, où l’on peut récolter plusieurs fois dans l’année. S’appuyant sur l’histoire du processus de formation socio-spatiale de la région, l’auteur soutien que la non-détermination pour une économie mieux adaptée écologiquement ne peut se comprendre que si l’on considère que dans ce processus, qui s’est consolidé à partir du XVIIIème siècle, la région Semi-aride nordestine, à l’inverse d’un projet autonome, est inextricablement lié à l’économie du littoral. Cette dépendance s’explique par l’offre d’animaux de traction et de coupe pour l’agro-industrie du sucre et de l’alcool, tandis que dans la période de récession de cette activité, la main d’œuvre chômeuse contribue à l’occupation territoriale de l’arrière-pays (Furtado, 1989).

Si l’élevage extensif constitue la base de l’économie Semi-aride et de son organisation socio-économique, dans un premier temps, Furtado observe que le coton s’y incorpore en fonction de deux facteurs. Le premier est la formation d’une réserve de main-d’œuvre sous-occupée. Cette réserve, composée de ressources humaines excédentaires en provenance du littoral, provoque un déséquilibre dans l’arrière-pays, face à une population supérieure à la demande de biens de production pour fournir l’économie du sucre et de l’alcool en décadence. Le second facteur est la réduction de la dépendance du Semi-aride envers l’économie du littoral, avec l’exportation de produits primaires de l’extraction (huiles et cires végétales) ou de l’agriculture (coton, arbustes xérophyte, dont la vie s’étend sur plusieurs années) rendus possibles par l’expansion des marchés internationaux de produits primaires, au XIXème siècle. L’insertion du coton, développé comme matière première de la première

des zones qui diffèrent par leurs niveaux pluviométriques et leurs indices d’aridité (bilan hydrique mettant en relation les précipitations et l’évapotranspiration potentielle).

Révolution Industrielle, redessine la socio-économie du Semi-aride, par la composition du système coton-élevage. Dans ce système, selon Furtado, « semblable aux structures féodales », les relations économiques avec l’extérieur sont dominées par le propriétaire terrien, tandis que l’agriculteur est métayer de la production et produit ses propres aliments, dans une condition similaire à celle des paysans soumis au système du servage (Furtado, 1989).

La répercussion de la calamité sociale que représente la sécheresse dans la deuxième moitié du XIXème siècle16, fait apparaitre avec évidence la fragilité de la structure socio-économique basée sur l’agriculture vivrière, entièrement dépendante des pluies. Avec l’augmentation de la production agricole commercialisée, le nombre de travailleurs s’est accru et les épisodes de sécheresse représentent désormais un préjudice économique pour les grands propriétaires, soucieux des dépenses nécessaires pour calmer la faim de leur main-d’œuvre. De ce contexte naît la pression de ce groupe social, les propriétaires terriens atteints indirectement par la sécheresse, sur l’État pour qu’il assume la responsabilité de nombre croissant des victimes. Le Gouvernement fédéral développe comme stratégie de lutte contre la sécheresse, d’un côté, une plus grande rétention des eaux de surface, pour favoriser l’élevage, et de l’autre, la création de “fronts de travail” temporaires afin d’éviter la migration. Ainsi, l’expansion démographique se poursuit, les propriétés prospèrent et le pouvoir politique des propriétaires s’accroît... L’action du gouvernement renforce le status quo existant, mais la compréhension des conséquences sociales de la sécheresse ne prend toujours pas en compte l’impact direct des décisions prises par les classes dirigeantes (Furtado, 1989).

Une fois passée la période dorée du Nordeste, dans laquelle dominait le système sucre-alcool, tourné vers l’exportation intégrée au système coton-élevage, la perte de son importance, par rapport au dynamisme économique d’autres régions, finit par encourager l’émigration. Ces mouvements d’émigration interrégionale caractérisent le sous-développement, en association étroite avec les situations de pénurie, aggravées par les épisodes de sécheresse, et les offres de travail dans les autres régions. Comme l’explique M. C. de Andrade (1987), en comparant les régions Nordeste (surpeuplée) et Norte (sous-peuplée):

« Ainsi, le Brésil dispose de deux types de régions sous-développées: les surpeuplées et les sous-peuplées. Dans le premier cas, nous avons la région nordestine, dont l’économie a perdu de son dynamisme depuis le XVIIIème siècle, se transformant, à l’exception de quelques périodes d’euphorie économique, en une région exportatrice de force de travail vers les zones minières, productrices de café et exportatrices de caoutchouc au XIXème siècle, vers les zones de grand

16 Comme par exemple la sécheresse de 1877-1879 célèbre pour son ampleur. Près de 500 mille personnes furent frappées, ce qui provoqua l’indignation dans le pays. Comme le décrit Otamar de Carvalho (2009): « ce fut une sécheresse intense, d’une magnitude inimaginable en ce début du troisième millénaire ».

boom de la construction civile – Rio de Janeiro et São Paulo – au cours des quatrième et cinquième décennies du XXème siècle, ainsi que Brasilia, pour sa construction, et finalement vers les zones de peuplement récent – le sud du Goiás et du Mato Grosso, le nord du Paraná et l’ouest du Maranhão » (M. C. de Andrade,1987, p.163-164).

Un personnage emblématique du Semi-aride a contribué à alimenter ce flux de migration interrégional: le retirante – migrant fuyant la sécheresse. Ce personnage est généralement incarné par l’agriculteur dépourvu de moyens de production et qui, influencé par la propagande de l’offre de travail ou par des parents, eux-mêmes migrants, cherche du travail, nourri de l’espoir d’une vie meilleure. Toutefois, outre ce flux en « vagues », l’émigration, comme nous le mentionnions plus haut, se produit de plus en plus à l’intérieur du Nordeste, à l’intérieur du réseau hiérarchique des villes. Ce processus est lié à l’inégalité régionale qui s’opère à l’intérieur de la macrorégion, où les déséquilibres entre la bande littorale et l’arrière-pays se caractérisent par des différences flagrantes dans l’accès au revenu et aux biens et services.

Selon Andrade (1987), dans la bande littorale, où se concentrent les principales villes et capitales, ainsi que la majeure partie de la population, les activités économiques sont plus intenses. Dans l’arrière-pays, où prévaut la présence de villes de dimension moindre, l’économie est basée sur l’extraction des ressources naturelles et d’un élevage ultra-extensif à champ ouvert. Andrade analyse le Nordeste des années 1970, et bien entendu, cette réalité a changé, car il existe dans le Semi-aride d’aujourd’hui des villes moyennes et des centres régionaux, comme nous le démontrons, où les services se développent, ainsi que des pôles agro-industriels et industriels. Cependant, le pronostic de l’auteur sur les différences interrégionales reste vrai: « (...) la croissance industrielle des principaux centres urbains risque d’accentuer dans le Nordeste, entre la portion orientale et occidentale, des déséquilibres semblables à ceux déjà existants entre le Sudeste et le reste du Pays » (Andrade, 1987, p.164).

Concernant les déséquilibres entre le Sudeste et le Nordeste et qui, au fond, alimentent la construction de la dichotomie progrès / retard associée à ces régions, auxquelles nous faisions référence plus haut, il est important de comprendre comment ce processus de scission entre les régions commence à approfondir les inégalités régionales. Francisco de Oliveira (1987), dans son célèbre livre « Elegia para uma (re)ligião », privilégie le concept de région basé sur la reproduction du capital, sous les formes assumées par le processus d’accumulation dans la structure de classes et donc sous les formes de la lutte des classes et du conflit social à un niveau plus général. Selon l’auteur, le double visage de l’impérialisme se manifeste par la tendance à l’homogénéisation de l’espace économique et extérieurement par la création des différentes régions à son propre profit. Dans ce sens, l’expansion internationale du capital dans la période impérialiste suit les intérêts coïncidents des classes dominantes locales, devenues nécessaires à la « nationalisation » du capital.

Ainsi, pour Oliveira (1987), la théorisation tiers-mondiste devrait démontrer que des conflits d’intérêts persistent entre l’impérialisme et les classes sociales dominantes locales, même si la possibilité pour ces conflits d’être antagoniques reste minime dans l’état actuel de la division internationale capitaliste du travail.

Une région serait, en définitive, « l’espace où s’imbriquent dialectiquement une forme spéciale de reproduction du capital, et par conséquent, une forme spéciale de lutte des classes, dans laquelle l’économique et le politique fusionnent pour revêtir une forme spéciale d’apparaître dans le produit social et dans les présupposés de la (re)position » (Oliveira, 1987, p.29). Cet auteur identifie des représentations différenciées du Nordeste au cours du temps, dans la mesure où sa reconnaissance en tant que région se produit, surtout au XXème siècle (comme le démontre également Durval Alburqueque Jr.). L’ « intégration » régionale via l’ « ouverture » de la région, selon Oliveira, a lieu lorsque la relation sociale ne peut plus être reproduite, provoquant la perte d’hégémonie des classes dominantes locales ainsi que leur substitution par d’autres, de caractère national et international.

L’intégration dont parle l’auteur est un moment du processus de nationalisation du capital.

C’est-à-dire que, dans une phase antérieure, le capital international se réalisait dans les régions, Nordeste compris, à travers ses liens avec l’extérieur, dans la phase de nationalisation du capital, la région Sudeste domine l’expansion de capitalisme, qui se tourne vers le marché interne. Cette nationalisation attire les excédents de capitaux qui ne peuvent pas “se reproduire” dans leurs régions d’origine, en même temps qu’elle impose les marchandises produites par le Sudeste, dans un processus d’industrialisation de celles produites dans les autres régions. Bien qu’ait surgi, autant dans le Centro Sul que dans le Nordeste, d’un côté une bourgeoisie industrielle et, de l’autre, un prolétariat urbain, ces classes n’étaient pas homogènes. Oliveira critique les théories dominantes, de gauche (uniformes) comme de droite (manichéiste: bourgeoisie incompétente et prolétariat qui ne savait obéir), qui concevaient un « Brésil populiste » dans toutes les régions, car partant d’une vision « linéaire de l’Histoire ». Pour cet auteur, les intérêts de la reproduction du capital de la bourgeoisie industrielle (qui a surgi et s’est consolidé à São Paulo) dans l’expansion capitaliste du Brésil d’après les années 30, mais surtout des années 50, ne pouvaient plus être confondus avec ceux de l’oligarchie. Dans sa vision, cette dernière a conquis l’État, l’amenant à mettre en œuvre des politiques économiques de renforcement de l’accumulation industrielle:

« La politique économique, dictée par les intérêts de la reproduction du capital industriel, a réduit les formes de reproduction de l’économie agro-exportatrice à la limite nécessaire pour que celles-ci ne cherchent pas à imposer leur propre forme de reproduction à l’ensemble de l’économie nationale, mais elle a été suffisamment élastique pour permettre la survie de cette forme de reproduction, ne serait-ce que parce que les devises nécessaires à l’importation des biens pour l’industrie provenaient toujours et principalement de la réalisation externe du produit de l’économie agro-exportatrice » (Oliveira, 1987, p. 83).

Albuquerque Jr. identifie ce processus de renforcement économique dans le cadre national du Centro-Sul comme étant la caractérisation d’un « espace-obstacle, l’espace autre contre lequel se pense l’identité du Nordeste. Le Nordeste naît de la reconnaissance d’une défaite, c’est le fruit de la fermeture imagético-discursive d’un espace subalterne dans le réseau des pouvoirs, par ceux qui ne peuvent déjà plus aspirer à la maîtrise de l’espace national » (Albuquerque Jr., 2001, p.69). Oliveira, quant à lui, situe ses oppositions dialectiques comme des façons de redéfinir la division du travail sur le territoire national et de structurer de classes

Albuquerque Jr. identifie ce processus de renforcement économique dans le cadre national du Centro-Sul comme étant la caractérisation d’un « espace-obstacle, l’espace autre contre lequel se pense l’identité du Nordeste. Le Nordeste naît de la reconnaissance d’une défaite, c’est le fruit de la fermeture imagético-discursive d’un espace subalterne dans le réseau des pouvoirs, par ceux qui ne peuvent déjà plus aspirer à la maîtrise de l’espace national » (Albuquerque Jr., 2001, p.69). Oliveira, quant à lui, situe ses oppositions dialectiques comme des façons de redéfinir la division du travail sur le territoire national et de structurer de classes