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Les icônes de l’espoir du sertanejo: le cangaçeiro, le beato et le retirante

La violence qui se déploie dans le Sertão après la grande sécheresse de 1877 reflète l’énorme pression sociale de cette période. Dans les grandes propriétés la figure du coronel personnifie le schéma d’exploitation représenté par le latifundium « semi-féodal »18 et le commandement de la vie politique locale avec le soutien inconditionnel de l’église, de la police, de la justice et des hommes politiques. Les jagunços du coronel, bien armés, garantissent sa protection ainsi que celle de sa famille et de sa propriété. La démarcation des territoires dans les disputes pour les terres, ainsi que l’imposition de la volonté du coronel sont exécutées à travers menaces, assassinats et autres formes de domination, par les jagunços ou par des tueurs à gages chargés d’éliminer l’ennemi. C’est dans ce contexte d’injustice, de violence et de faim que surgit le cangaço, comme partie intégrante de la société sertaneja de l’époque. Qu’on le considère, dans l’image-discours sur le Nordeste, comme un phénomène social de quête de justice ou comme banditisme, comme un moyen de subsistance, ou comme un instrument de vengeance, la complexité du cangaço reflète toutes ces facettes, renvoyant à l’isolement du sertanejo du cycle du bétail. Ce groupe d’hommes nomades, affrontant à pied la caatinga sauvage du Semi-aride dans presque tous les États du Nordeste, en portant à même le dos leurs armes, et les ustensiles nécessaires à leur survie, tel le bétail transportant la canga19. Les cangaceiros reproduisent dans leur identité la beauté et la rudesse de leur milieu aride. À travers la violence, ils démarquent leur territoire.

Comme l’analyse Frederico Pernambucano de Mello (2004), dans « Guerriers du Soleil », il n’y a pas de relation antagonique entre les cangaceiros et les coronéis, bien au contraire, ceux-ci concluent souvent des alliances afin d’accroître leur pouvoir. Les bandes se mettent à la disposition du coronel et contribuent à définir des territorialités dans une lutte politique acharnée. Ces territorialités, mobiles et transitoires, délimitent les différents espaces de pouvoir de chaque coronel et de la bande alliée. Il y a aussi le coronel qui n’appuie aucun groupe, mais qui, au contraire, les poursuit. Le coronel allié se situe dans la catégorie du coitero20, « figure qui fut responsable de façon si décisive du maintien du caractère endémique dont le cangaço a toujours profité dans le Nordeste » (p.88). Cependant, comme

18 Parmi les auteurs qui travaillent avec ce concept, nous pouvons citer Gilberto Freyre, Alberto Passos Guimarães (Quatre siècle de latifundium) et Celso Furtado.

19Les termes cangaço et cangaceiros viennent du mot canga. D’après le dictionnaire Aurélio (http://www.dicionariodoaurelio.com) la canga est une pièce de bois courbée, simple ou double, que l’on place autour de la tête d’un bœuf pour lui faire tirer le « carro de boi » (charrette) et au sens figuré, la canga représente l’oppression. Si les cangaceiros sont comparés au bœuf parce qu’ils transportent leur propre chargement (armes et ustensiles divers), dans la métaphore de l’oppression du maître sur le bœuf, nous pouvons penser au coronel exploitant le travailleur rural ou au système de domination et d’oppression installé dans le Sertão. Les cangaceiros prétendent, au contraire, affronter ce système et ne sont pas dominés par le coronel.

20 Les coiteiros sont ceux qui abritent les cangaceiros et couvrent leurs actions. Non seulement les coronéis, mais également les vaqueiros ou les habitants les plus simples offrent le coito (cachette). Tout dépend de la part qu’ils prennent dans le conflit: contre ou en faveur des cangaceiros.

le rappelle Mello, la relation entre le leader du groupe de cangaceiros et le coronel n’établit pas de lien de subordination, puisque l’un des traits importants du cangaço est l’absence de patron.

« Même lorsqu’il était lié à des grands propriétaires (fazendeiros), de par les alliances conclues, le chef du groupe n’assumait pas d’engagement qui pût lui ôter sa liberté. La cohabitation entre-eux se faisait d’égal à égal, et le cangaceiro agissait comme un fazendeiro sans terres, scient des prérogatives que lui conférait le pouvoir des armes, incontestablement le plus indiscutable des pouvoirs » (Mello, 2004, p.88).

Par cette complicité avec le système en place, et en en étant à la fois une réponse et partie intégrante, le cangaço finit par être un élément qui amplifie le pouvoir des coronéis. Comme l’explique Furtado (1989), outre le fait qu’il transite dans les méandres des disputes politiques entre seigneurs pour le contrôle des activités locales, le cangaço sert d’abri à ceux qui se placent en dehors de la loi. En conséquence, « la population laborieuse, à la fois victime et instrument de ces conflits, dépendait totalement, pour sa sécurité, de la protection d’un « seigneur ». Ce cadre d’isolement renforçait la situation de dépendance du travailleur rural face au propriétaire terrien » (Furtado, 1989, p.22).

Les volantes, troupes de policiers spécialisés dans la lutte contre les cangaceiros, utilisent comme stratégie de se déguiser en cangaceiro. Tout comme les coiteiros et les coronéis, les

« macacos » (singes), comme les cangaceiros appelaient péjorativement les policiers, s’ajoutent aux personnages de ce conflit installé dans le Sertão. Si d’un côté les cangaceiros font usage de la violence armée et de la torture, pratiquant volée de coups et égorgements, de l’autre, les volantes utilisaient les mêmes armes afin d’éliminer cangaceiros et coiteiros.

Si l’on considère la violence des deux parties, ce qui différencie les cangaceiros des policiers, c’est le fait que ces derniers ont l’appareil légal en leur faveur, tandis que les autres sont considérés comme des « bandits » et des « hors-la-loi ». Autrement dit, les policiers cherchent à rétablir l’ « ordre », qui représente le système, que les bandes tentent de renverser. Les cangaceiros assument aux yeux de la population des villages du Sertão la double représentation de héros et de bandit.

Pourquoi le cangaceiro représente-t-il un personnage identitaire du sertanejo, loué dans la littérature et les chansons populaires, analysé dans les livres académiques, interprété au cinéma et figurant comme personnage récurrent de l’artisanat en argile, de la littérature de cordel et jusqu’aux sculptures qui décorent certaines villes nordestines21?

21 Pour ne citer que quelques uns des auteurs les plus connus traitant la question du cangaço: dans la littérature, Graciliano Ramos, Rachel de Queiroz, Euclides da Cunha, João Cabral de Melo Neto, Ariano Suassuna et Patativa do Assaré; dans les études académiques, Câmara Cascudo, Irineu Pinheiro, Coriolano de Madeiros, Gustavo Barroso, Xavier de Oliveira; dans la musique, Luiz Gonzaga et José Dantas, Catulo da Paixão Cearense; au cinéma, Glauber Rocha, Lima Barreto, Rosemberg Cariry, Paulo Caldas et Lírio Ferreira. Ces auteurs, qui dépeignent le Sertão dans leurs œuvres, utilisent aussi comme thème la sécheresse ainsi que les personnages de l’imaginaire sertanejo: le coronel, le policier, le beato et le retirante.

« (...) cela ne fait aucun doute que l’homme du cangaço dispute au vaqueiro lui-même le privilège de représenter de façon plus complète l’ensemble des attributs et des qualités qui caractérisent l’homme du cycle du bétail. Les notions d’indépendance, d’improvisation, d’autonomie et de libre-arbitre ont trouvé en lui un représentant suprême. Personne ne l’a égalé dans l’art de donner des ailes à l’esprit aventurier et impétueux. Personne d’autre que lui n’a autant joui et souffert en même temps, des particularités de la vie nomade. Il fut, à fer et à feu, maître de lui-même, agissant – comme dit l’expression du vieux Nordeste colonial – sans loi ni roi » (Mello, 2004, p.87).

Il convient de souligner que, d’une certaine façon, le cangaceiro symbolise un type de résistance au régime d’exploitation rurale, tandis que le vaqueiro s’y insère en tant que participant. Le personnage historique le plus important de cette saga, transformé par la mémoire collective et les arts en représentant authentique de la culture populaire brésilienne, Virgulino Ferreira da Silva, connu sous le nom de Lampião, résiste vingt années dans le cangaço jusqu’à ce qu’il soit tué dans une embuscade préparée par les forces de l’ordre en 1938. Lampião, considéré comme « roi du cangaço » et « gouverneur du sertão » devint célèbre pour son intelligence et pour sa réputation de justicier, tel un « Robin de Bois » de la caatinga, volant les riches pour donner aux pauvres. Si ce trait de justicier ou « bandit social » est contesté par certains auteurs, tels que Mello (2004), d’autres, tels que Geralda Lima, soulignent qu’il existe une double image dans la mémoire sociale, faisant de Lampião un personnage emblématique. Dans un article provenant de sa thèse de doctorat, Lima (2009)22 analyse les expressions utilisées lors des témoignages recueillis auprès des habitants du Sertão de l’État du Sergipe, dans leurs récits de reconstitution de la période où le cangaceiro se cache et est finalement tué dans le Sergipe. À partir de regards positifs et négatifs à son sujet, l’image de ce personnage, extraite des propos des personnes interrogées, révèlent les deux faces qui subsistent dans la mémoire de la population.

« (...) on a pu observer, par l’emploi de procédés de « référenciation »23, qu’il y a un nombre de mémoires révélant l’exercice du pouvoir politique, militaire et social de ce personnage de notre histoire, qui sut non seulement maintenir sa capacité de leadership et de manipulation, mais également se faire connaître et respecter, permettant ainsi la construction d’une image tant positive que négative »(Lima, 2009, p.59).

22 Lima, Geralda de O. S. A construção e reconstrução do referente lampião sob olhares positivos e negativos de sujeitos do discurso in Revista Eletrônica Via Litterae, Anápolis, v. 1, n. 1, p. 44-60, jul./dez. 2009.

www.unucseh.ueg.br/vialitterae, accès le 13/04/10

23 Selon Philippe Brun (1996) « la référenciation sociale désigne un processus permettant à l'individu d'utiliser les informations émotionnelles que peuvent fournir les autres personnes concernant une situation ambiguë et inhabituelle afin d'adapter ses propres comportements à cette situation (Campos et Steinberg, 1981; Feinman, 1982). Dans cette perspective, les comportements de référenciation retenus par les différents auteurs sont les regards orientés entre la source d'information et le stimulus, les réponses motrices (approches, reculs, etc...) et les réponses émotionnelles (modifications de l'expression émotionnelle de l'individu qui recherche l'information, partage émotionnel, etc...) ». Source : Brun, Philippe (1996) Les premières manifestations de la compréhension explicite des émotions chez le jeune enfant : la référenciation sociale. Arobase, vol.1, N.1. Site http://www.univ-rouen.fr/arobase/v1_n1/ref.html, accès le 15/04/10.

Lima conclut que sur Lampião demeurent des regards positifs, tant de la part des témoins que des spécialistes objets de son analyse, et qui démontrent un fort référenciel construit socialement autour de l’image du cangaceiro. La tendance au maintien du mythe est observée en fonction de l’intérêt des nouvelles générations, dans la mesure où, d’après l’auteur, pour les sertanejos, la transmission de la mémoire de génération en génération par le biais de l’histoire orale est une pratique courante (cf. série de photos 1.1).

Il est intéressant de réfléchir à la façon dont le cangaço, personnifié par Lampião et par d’autres cangaceiros célèbres (tels que Antônio Silvino et Corisco) imprime un style esthétique propre, identifié comme la culture sertaneja, qui fait partie de l’image-discours représenté par les arts. Que ce soit dans la danse (xaxado), dans les vêtements – chemise longue par dessus le pantalon, grand chapeau de cuir en forme de croissant de lune, richement orné, foulard autour du cou, sandales de cuir – dans l’usage exagéré de bijoux, dans le port d’armes à feu et d’armes blanches, les cangaceiros s’incorporent comme une des traductions les plus authentiques de la culture sertaneja. Leurs tenues sont une marque identitaire, signe d’orgueil de leur choix de vie. Nous empruntons l’interrogation de Mello pour élucider ce point:

« Comment comprendre l’affectation esthétique manifeste de cette tenue vestimentaire, unique par son allure majestueuse cherchant à révéler l’identité de celui qui la porte, si ce n’est comme l’indication de la fierté du style de vie adopté? Il n’y a que le criminel qui cherche l’occultation. Il n’en va pas de même des groupes sociaux qui s’arborent avec récurrence dans des traditions chères au peuple » (Mello, 2004, p.18).

La présence de la femme dans le cangaço, à partir de 1930, est représentée par Maria Bonita, compagne de Lampião, parmi d’autres. Elle complète cette esthétique du cangaço, en composant le couple de cangaceiros, et en symbolisant la femme guerrière, avec son arme au canon court et sa beauté rustique à l’image du paysage du Sertão. Les fonctions féminines au sein du groupe ressemblaient à celles des autres femmes, accomplissant les tâches domestiques et sexuelles, en plus des soins aux blessés, et bénéficiant de la protection masculine. Cependant, elles participaient à l’organisation de certains combats, y apportant leur prudence et leur bon sens, et contribuaient ainsi à équilibrer l’âpreté de la vie du cangaço. Les enfants issus des couples de la bande étaient confiés à d’autres familles, car on n’admettait pas d’enfants dans le groupe.

Série de photos 1.1 : Cangaceiros

Lampião, Maria Bonita et le groupe de cangaceiros

Source : Extrait du livre d’Élise Jasmin (2006), Cangaceiros. Photo de Benjamin Abrahão, 1936, dans la Caatinga nordestine.

Les têtes de Lampião, Maria Bonita et d’autres cangaceiros, tués à Angico (Sergipe)

Groupe d’artistes qui dansent habillés de cangaceiros à Serra Talhada.

Source : Extrait du livre d’Élise Jasmin (2006), Cangaceiros.

Photo de Benjamin Abrahão,1938, dans l’escalier de la Marie de Piranhas (Alagoas).

Source: L’auteur, 2010.

Pour Mello (2004), l’image du cangaço, construite dans les arts, met en évidence le côté tragique et le côté romantique de la vie des cangaceiros et montre comment ceux-ci s’insèrent dans un groupe par révolte ou pour fuir une vie d’injustice24. Toutefois, l’idée du mouvement associé à l’éthique sertaneja, selon laquelle la vengeance justifie un homicide, car l’honneur immaculé doit être lavé, contraste avec la compréhension d’un cangaço qui serait une “bonne affaire” et être cangaceiro, une « profession » ou un « moyen de subsistance »25. D’après l’auteur, il existe une contradiction apparente dans le fait qu’en 22 ans comme cangaceiro, Lampião n’a jamais vengé la mort de son père, raison évoquée pour expliquer son entrée dans le cangaço. Comme l’explique Mello, la vengeance ne pourrait cependant pas se concrétiser puisqu’elle représentait un bouclier éthique pour ses actions.

« (...) Le besoin de se justifier à ses propres yeux et à ceux des tiers conduisait le cangaceiro à faire montre de son désir de vengeance, sa prétendue mission éthique, la véritable obligation de faire couler le sang de ses offenseurs. Le folklore héroïque, sous ses différentes formes d’expression, l’immortalisait en omettant d’éventuelles lâchetés ou perversités et en vantant tel ou tel acte de bravoure. Une fois la vengeance concrétisée, par un impératif de cohérence, surgirait l’obligation de déposer les armes, et d’abandonner le cangaço. L’image du bouclier éthique ne lui serait plus d’aucun secours. Comment alors réaliser la vengeance, si le cangaço était un bon moyen de subsistance? » (Mello, 2004, p.126).

Cet acteur trace une typologie du cangaço nordestin à partir de trois modèles : le cangaço-moyen de subsistance de banditisme professionnel, dans lequel Lampião s’insère, le cangaço de vengeance, renforcé par l’image dans la littérature de bandit éthique, et le cangaço-refuge, qui se caractérise par l’adoption d’une stratégie défensive. Bien que nous reconnaissions l’intérêt de l’analyse du cangaço faite par Mello (2004), spécialiste du thème, nous considérons que cet auteur criminalise d’une certaine façon ce phénomène. Nous pouvons l’observer à travers son argumentation visant à briser le mythe construit autour de l’image de Lampião, décrit par l’auteur comme un bandit professionnel, de même que par l’association des cangaceiros aux coronéis. Nous ne nions pas cet aspect de la question, mais nous préférons, dans une perspective dialectique, assumer le fait qu’il existe également un autre aspect. Nous adoptons donc l’option de l’image construite autour de ce phénomène.

Dans ce sens, nous partageons la compréhension de Lima (2009) qui, s’appuyant sur la définition du banditisme comme forme punitive de protestation sociale élaborée par l’historien Eric Hobsbawn, explique la mythification du cangaceiro à travers le processus d’idéalisation d’une partie de la population sertaneja opprimée et qui le perçoit comme son défenseur.

24 Cette représentation est présente, par exemple, dans les œuvres de José Lins do Rego (1950)

« Cangaceiros » et de Maximiano Campos (1969) « Sem lei nem rei ». Au cinéma, le film de Glauber Rocha (1964) « Deus e o diabo na terra do sol » est une référence.

25 L’auteur s’appuie, entre autres documents analysés, sur les déclarations de Lampião au Jornal do Ceará (1926) dans lequel il fait référence au cangaço comme étant une bonne affaire.

La fin du cangaço, en 1930, est le résultat de l’évolution des moyens de communication et de transport, en plus de l’introduction de la mitrailleuse augmentant le pouvoir de feu des policiers. Autrement dit, le processus de modernisation en cours au Brésil permet aux pouvoirs publics, représentés par la police, d’éradiquer les foyers de résistance à l’ordre dans le Sertão. La façon dont Lampião et une partie de sa bande ont été tués, leur décapitation par les policiers, l’exposition des têtes dans le Nordeste et la mention des faits par les titres des journaux du Centro-Sul, signifient le triomphe du pouvoir officiel sur le mouvement de contestation de l’ordre établi. Notons le symbole, comme mémoire du cangaço, de l’exposition dans le Musée Ethnologique et Anthropologique Nina Rodrigues, à Salvador, des têtes pendant plus de 30 ans, pour finalement les enterrer en 1969, à force de protestation des familles des cangaceiros et avec le secours du code pénal brésilien. Ces faits, ont certainement contribué à alimenter dans l’imaginaire populaire la représentation identitaire du cangaço en tant que lutte sociale, et de Lampião comme héros. Certains survivants du cangaço, après avoir accompli leur peine ont repris leur vie misérable d’avant le cangaço, d’autres ont réussi à changer de vie. Les enfants des cangaceiros sont la mémoire vivante du mouvement26.

Si les cangaceiros continuent à représenter une référence héroïque pour les populations sertanejas, un autre phénomène social présent au XIXème siècle dans les sertões nordestinos le messianisme serait, lui, en perte de vitesse. Les sertanejos, guidés par un messie, trouvent dans le fanatisme religieux l’espérance d’un monde spirituel qui compense les souffrances dans lesquelles le monde terrestre les plonge. L’épisode toujours cité dans les livres d’Histoire du Brésil, appelé « Guerra de Canudos » (1896-1897) a pour fin tragique, le massacre de milliers de sertanejos conduits par le beato Antônio Conselheiro. Ce

« messie » est accusé par les forces politiques de la toute nouvelle République d’être un monarchiste. Il dirige une communauté de fidèles qui s’organise dans l’arrière-pays de l’État de Bahia et résiste jusqu’à la bataille finale, menée contre une expédition militaire de cinq-mille hommes (la quatrième du genre) et qui conduit à la destruction de Canudos. Ce drame a été dépeint par Euclides da Cunha (1866-1909) dans un classique de la littérature, « Os Sertões » (1902), ainsi que par Glauber Rocha (1939-1981), dans le film « Deus e o Diabo na Terra do Sol » (1964), une référence dans le cinéma national, tant pour son contenu critique que pour l’innovation dans le style « Cinema Novo ».

Le chef-d’œuvre d’Euclides da Cunha, ancré dans le déterminisme biologique et le darwinisme social (influences de la pensée scientifique européenne de l’époque) souligne l’importance de la nature dans l’influence sur le comportement et le développement des sociétés, ainsi que la division des hommes en races supérieures (blanche) et inférieures (métissées). Son importance dépasse la richesse du langage, du contenu purement littéraire,

Le chef-d’œuvre d’Euclides da Cunha, ancré dans le déterminisme biologique et le darwinisme social (influences de la pensée scientifique européenne de l’époque) souligne l’importance de la nature dans l’influence sur le comportement et le développement des sociétés, ainsi que la division des hommes en races supérieures (blanche) et inférieures (métissées). Son importance dépasse la richesse du langage, du contenu purement littéraire,