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La logistique aval de la Grande Distribution, une stratégie intentionnelle sur le modèle « Plug and Play »

Pourquoi et comment les Prestataires Logistiques intègrent-ils, volontairement, une politique de

LE « PLUG AND P LAY » UNE APPROCHE

1. La logistique aval de la Grande Distribution, une stratégie intentionnelle sur le modèle « Plug and Play »

Nous reprenons ici le fil de la description sommaire réalisée en propos introductifs. Il est question, ici, d’approfondir notre description sur la logistique aval de la Grande Distribution afin de souligner le lien entre stratégie et définition du modèle logistique. Les concepts et les théories concourront à positionner scientifiquement ce modèle. Il tend à prouver l’aspect intentionnel qui détermine les limites de liberté des PSL, acteurs de cette chaîne logistique. Dans un premier temps, nous mettrons en avant les principes qui favorisent la logique de marché, rassemblés en une logistique « Plug and Play » élémentprépondérant de la flexibilité logistique. De fait, la spécificité des actifs et la typologie des contrats participeront à définir ce concept logistique.

Nous aborderons dans ce cadre, en fin de chapitre, le positionnement de la Grande Distribution, et plus précisément en termes logistiques, sur les axes de Développement Durable liés aux impacts environnementaux. Nous verrons que la logistique de la Grande Distribution maintient une position sur ce sujet, conditionnée par son modèle logistique.

1.1.L’intégration logistique, une structure réseau orientée performance globale.

L’activité de la logistique aval de la Grande Distribution s’est basée au fil du temps, et sous différentes pressions, sur le principe du « juste à temps ». Il instaure une politique qui vise le

zéro stock33. Cette tendance appelle, par conséquent, à une réactivité forte afin que la filière

logistique puisse répondre favorablement à la demande du marché. Ceci s’avère complexe car la demande de consommation est de plus en plus fluctuante et changeante, fluctuante en termes de volumes, changeante en ce qui concerne le produit lui-même mais aussi le point de consommation.

La branche Cap Gemini Consulting (2012)34 a établi un rapport fondé sur une enquête menée auprès de 250 professionnels de la Supply Chain, issus de 16 pays différents. Le chapitre d’introduction de ce document s’intitule « Un changement de paradigme de la chaîne

d'approvisionnement »35 .

33 Expression fréquemment utilisée, surtout dans les milieux professionnels, mais qui relate plutôt une notion d’équilibre entre les coûts engagés pour posséder le stock (coût de possession) et les coûts d’approvisionnement, (le coût de passation). L’optimum est identifié comme l’équilibre entre ces deux coûts.

34 « Aperçus sur l’Agilité de la Chaîne d’Approvisionnement – Fluctuation de la demande et incertitude du marché. Comment relever le challenge ? »,

La citation choisie confirme notre propos, « Les cycles (haut et bas) de notre commerce étaient habituellement de 2 à 3 ans. Maintenant, ils ne durent que 2 à 3 mois. Ceci expose

notre activité à d’énormes variations. »36. Les informations obtenues par le biais de cette

enquête permettent d’identifier les impacts sur les fournisseurs (47% très élevés et 32% élevés), les stocks (12% très élevés et 54% élevés) ainsi que sur les délais et les niveaux de service (8% très élevés et 45% élevés), les trois leviers de la logistique d’approvisionnement. Le délai de propagation de l’information et celui engendré par le flux physique pèsent directement sur les niveaux de stockage, amont et aval, mais aussi sur le niveau de service. Ce dernier est exprimé sur le temps de réponse à la demande et le respect des critères de la demande. La demande peut être définie sur les trois piliers de la logistique d’approvisionnement : le délai, la quantité et la qualité.

Le délai correspond au temps écoulé entre la demande (ordre de livraison, commande) et la réception effective du bien ou service. La quantité doit être scrupuleusement égale à celle commandée, ni plus ni moins. La qualité est celle définie dans le cahier des charges technique, dans lequel sont stipulés les caractéristiques techniques du produit, les dimensions, la composition du produit, le poids.

L’ensemble, réponse à la demande, (Lee & Billington, 1993), satisfaction du consommateur, (Christopher, 2011), doit être réalisé au moindre coût37, cela implique le délai d’action et les coûts, (Arntzen, Brown, Arrison, & Trafton, 1995). Nombre d’écrits soulignent la dénomination de la fonction logistique. En effet, la logistique a pour fonction de rendre disponible le produit en termes de « quantité, de qualité et de délai au moindre coût », Christopher et Peck (2003), J. Colin (2005, p. 136), N. Fabbes-Costes (2005, p. 153), Le Ny (1999), B. Philipp (2006, p. 22)

La chaîne logistique et son efficacité sont donc confrontées à un triptyque flexibilité, niveau de service et coût, tel que nous pouvons l’observer dans la figure 2.

36 Traduit du texte page 3 du rapport: « Our business up and down cycles used to last 2 to 3 years. Now they last only 2 to 3 months. This exposes our production to huge variations. »

37 Ces points énumérés font partie des éléments de définition de la mesure de performance que nous retrouvons dans le modèle SCOR (Supply Chain Operations Reference), élaboré par le Supply Chain Council (SCC). Ce modèle vise à mettre en évidence des niveaux de performances références ainsi qu’un guide des outils et des pratiques qui permettent d’atteindre ces performances références. Le référentiel SCOR est divisé en 5 typologie de processus : la planification (Plan), l’approvisionnement (Source), la fabrication (Make), la livraison (Deliver) et gestion des retours (Return). Le Supply Chain Council a été créé en 1996, il compte soixante neuf membres fondateurs et, à ce jour, neuf cents membres.

Figure 2 - Le système de performance de la chaîne d’approvisionnement

Adapté de Beamon, (1999, p. 281)

Au regard des propriétés fluctuantes et changeantes de la demande, cet environnement38 de marché et la politique de service proposée nécessitent de mettre en œuvre une approche impérativement flexible de la chaîne logistique. Cette flexibilité repose donc sur la capacité à être adaptée à la demande et adaptable à la variation potentielle (Paché & Paraponaris, 2006). Cette chaîne logistique devient, par conséquent, la cheville ouvrière incontournable d’une réponse efficace à la demande du marché.

Les donneurs d’ordres confient aux transporteurs des activités complémentaires afin d’optimiser les ruptures de charge (lieu et instant « t ») durant lesquelles le chargement global est manipulé. Ils assurent en complément de leur activité et pour le compte du donneur d’ordres « la gestion d’opération à caractère industriel ou commercial (par exemple la

différentiation retardée) », (Chanut & Paché, 2013, p. 97). Ces acteurs sont identifiés sous le

vocable de Third Part Logistics39 (3th PL). Sous cet angle, la logistique s’affirme comme un

supportà la stratégie car elle « n’est pas toujours identifiée comme un vecteur stratégique à

part entière » comme le souligne Fabbe-Costes, (2007, p. 20) en complément des travaux de

38 Comme le note Beamon dans sa figure originale.

39 « Dans certains cas, le terme de logistique de tierce partie est utilisée pour décrire l’amplitude traditionnelle, d’une fourniture de transport et / ou d’entreposage. La plupart des auteurs, cependant, se réfèrent à l'utilisation de tierces parties pour effectuer des fonctions que peut englober l'ensemble de la logistique, ou de certaines activités au sein de ce processus, et qui sont traditionnellement réalisée au sein d'une organisation », traduit de Van Laarhoven et al. (2000, p. 425)

Gadde, (2000). Elle doit alors répondre, comme tout support, à une intégration dans une relation amont /aval, transversale et inter-organisationnelle.

Il en est ainsi car à contrario d’une volonté de minimiser les temps liés au « changement de main » du chargement ou de son état physique (groupage ou dégroupage), la logistique fait appel à un nombre important d’acteurs hétérogènes dans le but ultime de rendre le service client au moindre coût. La complexité de l’organisation logistique alors s’amplifie au fur et à mesure de son étendue.

Il est intéressant de constater que, chez les anglo-saxons, cette fonction s’évoque au pluriel

« logistics ». Cette différence souligne ainsi le principe de la multiplicité des actions que la

logistique opère de façon transversale tout au long de la chaîne de valeur d’un produit mais également de la diversité des métiers de la logistique mis en œuvre tout au long de cette chaîne. Dans sa forme contemporaine, la logistique s’est muée de plurielle à globale, privilégiant ainsi la vision unifiée d’une logistique intégrée au niveau organisationnel,

« Chaque domaine fonctionnel (comme la logistique) est considéré comme un spécialiste qui

fournit des ressources uniques à l'entreprise »40.

C’est la complexité que soulève Gadde pour qui « toutes les entreprises (i.e. de la chaîne logistique) doivent fonctionner comme un tout. Elles doivent d’une manière comme d’une

autre être intégrées ». D’autres auteurs, Persson et al. vont plus loin, « Comme les entreprises

et leurs fonctions sont organisées autour du service et du client, La logistique ne peut plus

être séparée de la chaîne d'approvisionnement dans son ensemble. »41, (2008, p. 47).

1.1.1. L’intégration fondée sur les composantes logistiques clairement identifiées

Mintzberg (1994; 1998) considère que l’entreprise pour fonctionner de manière efficace, voire efficiente, et doit établir la répartition et la coordination du travail. Ce qu’il nomme les

paramètres de conception permettent de définir précisément le fonctionnement de

l’organisation productive. La conception des postes et de la structure qui les assemble caractérise les liens transversaux mais également la planification, le contrôle et le mécanisme de décision.

40 « Each functional area (such as logistics) is viewed as a specialist that provides unique resources to the firm »Traduit de Mentzer et al. (2004, p. 609)

41 « As firms and functions are integrated around service and the customer, logistics can no longer be separated from the supply chain as a whole.”, traduit de Persson et al. (2008, p. 47)

En termes de conception d’une chaîne logistique il en est de même. La logistique moderne se voulant agir comme une entreprise étendue42, elle correspond tout à fait à la description que nous retenons de Merigot reprise par Mandou (2008) qui la considère comme une « réalité polymorphe et protéiforme, vivante, complexe et pluridimensionnelle ouverte sur son

environnement économique et social » (2008, p. 12). C’est la raison pour laquelle une

catégorisation des métiers de la logistique s’est opérée au fur et à mesure des nécessités d’intégration d’acteurs spécialistes dans un modèle où le donneur d’ordres est motivé par un recentrage sur son cœur de métier.

Ces catégories ont été établies en fonction de critères permettant de délimiter les frontières d’une certaine spécialisation des acteurs logistiques afin de solliciter, comme le soulignent Koike (2005) ou Aitken et al. (2003) la ressource adaptée pour la meilleure réponse au besoin.

« La classification a pour objectif l'agencement cohérent des composants selon les canaux

logistiques les plus appropriés à chaque cas de figure. », (Koike, 2005, p. 229). Bien que cela

puisse sembler s’apparenter à une spécification des besoins, la délimitation au sein des composantes permet une identification du type de prestation et de son environnement, sans pour autant déterminer les investissements à engager dans l’activité de chacune des composantes. Cette classification correspond à ce que nous appellerons les composantes de la logistique. La première composante divise en rayons d’action « géographique » qui est fonction de la proximité logistique, c’est à dire à la fois de distance terrestre mais également de la nécessité de rupture de charge43. La « Capacité » est la deuxième composante. Elle est déterminée comme

exclusive lorsqu’elle est attribuée à un seul donneur d’ordres. Elle peut être dédiée à un type de

secteur ou d’activité voire de produit ou banalisée lorsqu’elle peut répondre à tout type de demande quel que soit le produit, le secteur d’activité.

La troisième composante « Management » fait référence au niveau d’intégration de la chaîne logistique. Les opérations peuvent être réalisées en compte propre, avec les moyens du donneur d’ordres. Elles peuvent être également assurées par un prestataire logistique sous le contrôle opérationnel du donneur d’ordres. Dans ce cas, le prestataire44(3PL.) assurera généralement deux opérations, par exemple : le stockage et le transport ou la préparation de commande et la distribution. Le donneur d’ordres peut confier une partie de la chaîne logistique, constituée ainsi de plusieurs opérations logistiques, à un prestataire. Celui-ci aura alors en charge l’optimisation

42 Le terme « étendue » sera défini plus précisément lorsque nous allons nous pencher dans le détail de l’intégration.

43 Cette rupture de charge peut être nécessaire pour des raisons douanières, d’impératifs de livraison multipoints, de compétences disponibles à proximité du site de réception, par exemple.

de la partie logistique confiée, mais également l’information qu’elle génère45, et de sa circulation amont/aval/amont. Il jouera donc le rôle d’intégrateur logistique (4 PL)46 sur tout ou partie de la chaîne d’approvisionnement du donneur d’ordres.

L’ « Activité » permet d’identifier la partie opérationnelle de la prestation logistique. Elle

concerne le transport, qu’il soit amont, c’est à dire du fournisseur vers le donneur d’ordres, ou aval, du donneur d’ordres vers le client final. Elle est dénommée « logistique de distribution ». Elle rassemble également les opérations d’entreposage, de gestion de stocks qui intègrent l’optimisation et le réapprovisionnement des stocks en fonction de règles établies entre le donneur d’ordres et son prestataire. Les opérations de différentiation retardées comme le co-packing, le kitting ou la préparation de commande font également partie de cette composante. La cinquième composante s’intéresse au « Type de logistique ». Elle spécifie le type au sein de l’activité définie plus haut. Le type de logistique peut être de Production, de Distribution, d’Approvisionnement ou totalement intégré par le donneur d’ordres. La sixième composante, le

« Service », détermine le niveau de service exécuté par le prestataire. Il peut être indifférent,

standard, ou élevé et par conséquent propre à la demande du donneur d’ordres en fonction du produit, de l’activité et du type de client.

Enfin l’ « Information » constitue la dernière composante et répond aux critères d’intégration du système d’information et du type d’information concerné. Cela peut être un échange de données informatisées comme une commande transmise par voie électronique47 et confirmée par le prestataire par le même canal. Les systèmes les plus sophistiqués sont basés sur l’unicité de l’information qui est enrichie au fur et à mesure de la progression du produit tout au long de la chaîne logistique, du fournisseur matière première au client final, voire au consommateur. Ce concept repose sur un système d’information unique48 sur lequel l’ensemble des prestataires d’une même chaîne logistique vient se connecter pour y échanger et enrichir les données d’un produit, d’une commande ou d’un lot de commande.

La figure 3, reprend ces 7 composantes ainsi que la distribution de la catégorisation de chacune.

45 Notons que la prise en charge d’une opération logistique implique la prise en charge d’une information. Celle-ci sera soit modifiée ou enrichie lors des opérations effectuées par le prestataire logistique en question.

46 4 PL : Fourth Party Logistics.

47 Appelé EDI

48 Il se peut qu’un logiciel unique soit utilisé et partagé par tous les acteurs de la chaîne ou des logiciels capables de communiquer ensemble

Figure 3 – Les 7 composantes de la logistique et la catégorisation des activités

Le découpage des composantes en activités catégorisées permet de standardiser plus aisément les « fonctions métiers » de la logistique. Ceci présente un avantage qui n’est pas négligeable pour la Grande Distribution tant au niveau organisationnel, et inter-organisationnel, que des possibilités d’identifier clairement les acteurs.

Cette organisation logistique est en effet plus facile à modéliser, puisque découpée en segments métier identifiés et ainsi formalisés. Ces partitions métier se trouvent donc placées dans un cadre corolaire de besoins et d’applications potentielles. Elles sont par conséquent figées dans leur fonction au sein de l’organisation logistique, du moins elles le sont plus qu’elles ne l’étaient précédemment.

1.2.La notion de performance, la difficulté d’un modèle inter-organisationnel

Cette partition ne signifie pas pour autant une spécification métier suffisamment précise pour que les prestataires logistiques concernés avancent l’argument d’un service spécialement établi pour le client concerné. Elle est nécessaire afin de minimiser les risques de dysfonctionnements aux points de contact entre les prestataires, inévitables dans une logistique intégrée autour d’un recentrage de la part du donneur d’ordres sur son cœur de métier. Il est à noter que les dysfonctionnements apparaissent aussi durant les temps opérationnels de chacun d’eux. Cette

Les  7  composantes