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La Grande Distribution est le chef d’orchestre de la structure de sa chaîne logistique. Son poids dans les relations d’échange suffit à prétendre décliner ses stratégies22 et trouver les prestataires prêts à s’engager dans l’espace d’échanges ainsi défini. L’option inverse de faire des choix stratégiques et de les décliner en fonction de l’offre disponible sur le marché de la prestation logistique n’est pas le moyen retenu.

Les acteurs doivent par conséquent se positionner dans l’espace d’échanges aménagé par la Grande Distribution et son déploiement stratégique. Le degré de liberté des PSL est donc extrêmement borné par l’espace de liberté laissé à disposition. Cela veut dire clairement qu’il est restreint, d’autant plus que la notion de coûts prend une place considérable dans la refonte stratégique. « La guerre des prix étant à nouveau d’actualité, les différentes stratégies mises en place par les enseignes de distribution classiques ont entraîné une complète réorganisation logistique. Une harmonisation et une simplification des processus clés de la

Supply Chain se sont imposées, afin de riposter efficacement contre les prix bas. »,

(Observatoire de la grande distribution, 2007, p. 12).

La contextualisation de l’environnement cible de la recherche

Ce rapide tracé historique et contextuel nous permet de percevoir les leviers fondamentaux qui agissent au sein de la relation d’échange entre la Grande Distribution, donneur d’ordres, et les Prestataires de Services Logistiques. Une chaîne logistique aval étendue, sur un modèle de réseau inter-organisationnel, est fondée principalement sur trois leviers. Le premier, la base d’une standardisation du besoin afin de permettre au plus grand nombre de prestataires d’y répondre. Le deuxième, cette offre de prestation pléthorique est au service d’une substitualité

qui est un levier de la performance de la GD. Enfin, le troisième levier correspond à l’insertion des PSL dans un marché très concurrentiel dans lequel la liberté d’innovation est bornée par les donneurs d’ordres. Pour les PSL, cela correspond à une perte d’autonomie au sein de ce marché et à une augmentation de l’incertitude due à la pression du marché. Face à cette incertitude, les PSL se doivent de répondre sans pouvoir pleinement utiliser leurs atouts potentiels, liés à une capacité d’innovation, dans leur proposition. Cette perte d’autonomie envers un espace d’échanges est nommée « encastrement » par certains auteurs (Granovetter, 1973 ; Grossetti & Bès, 2003 ; Lazega & Snijders , 2008, Le Velly, 2002, 2007 ; Polanyi,

2009 ; Steiner, 2001 ; White, 2011). Il est par conséquent question de pérennité et de rentabilité de leur entreprise.

Ces leviers ont été pleinement utilisés comme points d’appui pour l’élaboration de la stratégie de la GD. Ils ont également joué un rôle de « points de pression » forts dans les choix stratégiques et les propositions faites par les PSL dans la sphère d’échanges.

Ils le sont encore aujourd’hui, par la volonté des donneurs d’ordres qui instaurent une dynamique continue de remise en question de leur performance. Cette description, ainsi qu’une analyse sommaire, nous permet de contextualiser le terrain de recherche de cette thèse. En reprenant les éléments décrits, nous pouvons dire que :

• Notre terrain de recherche peut être assimilé à une chaîne logistique aval de la Grande Distribution.

• Cette chaîne logistique fait l’objet d’une intégration inter-organisationnelle étendue, orchestrée par la Grande Distribution qui est le donneur d’ordres.

• Les prestataires logistiques sont les acteurs, avec les donneurs d’ordres, de cette chaîne logistique. Ils œuvrent dans un marché d’échange de prestations de services logistiques. Ce marché se structure par un jeu de contraintes externes subies par la GD, et d’autres qu’elle établit pour y faire face et pour maîtriser les effets des ajustements organisationnels.

• La compétitivité des prestataires se base alors sur leurs compétences et leurs capacités à s’intégrer, ou à être intégrés, dans la chaîne logistique du donneur d’ordres.

• Cette chaîne logistique, intégrée par sa transversalité opérationnelle et informationnelle, repose sur un besoin standardisé, qui permet une substitualité et une pression forte sur le prix.

• Le degré de liberté des Prestataires de Services Logistiques dans l’expression de leur stratégie sur le marché est une question importante.

• Les pratiques liées au Développement Durable, et plus particulièrement à l’environnement, n’apparaissent pas dans le débat entre donneurs d’ordres de la GD et les PSL.

Notre terrain de recherche est ainsi contextualisé :

Les termes employés pour définir notre terrain de recherche sont :

• Chaîne logistique aval de la Grande Distribution.

• Les stratégies engagées par les PSL.

Le dynamisme du marché et les relations du terrain de recherche que nous venons de décrire, nous donnent à prendre en compte la complexité et à appréhender des règles qui régissent l’espace d’échanges. Ceci est un lieu commun pour qui s’intéresse aux problématiques de gestion d’un point de vue scientifique ou purement professionnel. Mais dans le cas des relations entre acteurs de la logistique aval de la Grande Distribution, les règles sont changeantes et les ajustements sont permanents car « La sous-traitance fait également partie

des enjeux stratégiques liés à la configuration de la chaîne logistique », (Roy, 2006, p. 1).

L’auteur continue en présentant les travaux de Lapide (2006) du M.I.T. pour qui une chaîne logistique supérieure ne peut se développer qu’en « s’appuyant sur des principes opérationnels sous-jacents à la stratégie d’entreprise et cohérents par rapport à cette

stratégie » (ibid. p. 29). Ici, il est question de la stratégie du donneur d’ordres. Enfin,

l’introduction de Roy (2006) dans le dossier « Les grands enjeux de la logistique » de la revue Gestion résonne comme une incitation forte à observer ce terrain. Il s’agit alors de tenter d’identifier quelles sont les chances pour les PSL de maîtriser leur avenir. « Plus une entreprise s’engage dans une démarche d’excellence logistique, plus ses résultats mesurés

par des indicateurs purement financiers ou commerciaux seront élevés », (ibid., p. 1).

L’excellence logistique est recherchée par la Grande Distribution, positionnant ainsi les PSL comme exécutants à la recherche permanente d’un équilibre économique afin de pérenniser leur entreprise.

Les trois concepts de ce terrain de recherche

Bien que l’ensemble des aspects décrits ci-dessous soient repris et approfondis plus en avant dans nos travaux, nous proposons de les mettre en contexte afin de saisir le sens de l’objet de recherche et de son environnement. Les notions abordées ici le seront donc volontairement de manière succincte.

La stratégie est ici duale. Nous l’avons remarqué dans l’articulation des acteurs du terrain de

recherche. D’un côté, les donneurs d’ordres tentent de maximiser leur profit tout en maîtrisant les contraintes externes. Leur stratégie est donc composite. Elle concerne le marché et les moyens mis en œuvre pour l’alimenter en biens et services. Ce marché répond aux règles et principes propres au marchandising et autres concepts faisant appel à des compétences plus

abondamment la sous-traitance, en matière de transport et de structures intermédiaires23 dans la chaîne logistique. Dans ce cadre, sa stratégie consiste à renforcer sa compétitivité en termes de coûts et de réponses à la demande des consommateurs, mais également à maintenir un système logistique sur lequel repose toute leur stratégie commerciale. De l’autre côté de cette dualité stratégique se situent les Prestataires de Services Logistiques. Leur politique est de répondre à la demande des donneurs d’ordres, tout en respectant les contraintes. Mais cela ne suffit pas. Il leur faut également assurer leur rentabilité et maitriser une certaine incertitude sur leurs relations d’échange puisque les donneurs d’ordres sont en permanence à la recherche d’une maximisation. Il leur faut, par conséquent, pérenniser l’échange.

Les relations entre auteurs font appel à la fois aux concepts de relations sociales et à la

contractualisation des échanges. L’approche des relations sociales nous permet de mettre en relief24 le fait que certains choix se font vers telle ou telle relation. C’est à dire faire le choix d’établir ce type de lien avec cet acteur, PSL ou donneur d’ordres, plutôt qu’un autre. Afin de réaliser leur connexion, ces relations peuvent avoir recours aux principes de réseau ou à d’autres formes de liens. La contractualisation peut être abordée sous l’angle des engagements et des attentes mutuels. Elle convoque donc la formalisation de l’échange et sa concrétisation sur le terrain financier mais aussi sur celui des opérations ou des processus.

L’ensemble des relations et contractualisation, soumis à la stratégie individuelle des PSL et des donneurs d’ordres, répond par conséquent à un besoin de contrôle des deux acteurs puisque stratégies et relations sont interdépendantes dans notre contexte. Elles insèrent les acteurs dans un champ relationnel dont ils sont dépendants. Ils sont encastrés.

Le contrôle dans le cadre de ces relations s’intéresse aux cibles identifiées par les PSL dans

une dynamique faite d’une stratégie duale et de relations inter-organisationnelles structurées. Il implique donc une intention de leur part et des moyens mis en œuvre pour parvenir à l’objectif. Ici l’angle d’observation choisi est déterminant. Il ne nous positionne pas dans le champ du contrôle effectué par le donneur d’ordres, bien qu’il soit intéressant mais surtout nécessaire de le décrire pour comprendre les mouvements effectués par les PSL. Notre angle d’étude nous place dans le champ d’action du prestataire qui vise à réaliser pleinement sa stratégie de rentabilité et à maîtriser l’avenir de ses échanges.

23 Entrepôt, plateforme de regroupement, de dégroupage, de distribution, atelier d’assemblage, de conditionnement, etc.

La formulation de la problématique

Cette caractérisation de notre terrain de recherche nous autorise à exposer et à formuler la problématique à laquelle ce travail prétend vouloir répondre. Elle s’intéresse aux leviers identifiés dans la stratégie de performance logistique définie par la Grande Distribution. Elle trouve également son essence à travers les impacts d’une telle stratégie sur la gouvernance et les choix stratégiques des Prestataires de Services Logistiques. Ces derniers sont insérés dans cet espace d’échanges formalisé par le marché de la logistique aval de la GD.

Toute relation d’échange cède une place, plus ou moins importante en fonction de la typologie de marché, à une part d’incertitude. La notion d’incertitude paraît aller de soi. Elle est l’axe autour duquel s’articule notre problématique. C’est la raison pour laquelle nous choisissons de nous y attarder quelque peu afin de la définir à travers les travaux de certains auteurs tels que Knight25 ou Thœnig qui leur ont dédié de nombreux écrits.

« L'incertitude est un mot dont l'usage n'est pas univoque. Employé dans un sens familier, il désigne un état caractérisé par le fait que l'on ne sait pas où aller, comment se comporter, quelle posture adopter. Pour la théorie économique, l'incertitude désigne une situation dans laquelle le risque est investi d'un coût

élevé », (Thœnig, 1995, p. 2).

L’auteur continue, un peu plus loin, en affirmant qu’ « Elle traduit un état d'ordre cognitif et

comportemental. », (ibid. p. 5). Knight, quant à lui met en avant que nombre d’entreprises

sont dans la difficulté car elles n’ont « pas su apprécier la différence fondamentale entre une

incertitude et un risque déterminé et un autre indéterminé. »26, (Knight, 2005, p. 43).

Dans le contexte décrit, cette incertitude est probante pour les PSL. Le marché est concurrentiel, les donneurs d’ordres génèrent et gèrent le niveau de pression. Les contraintes sont fluctuantes et diversifiées tant dans leur origine que par leur nature. Cette incertitude peut alors, pour ces PSL, prendre des aspects différents. Elle peut s’exprimer en termes concurrentiels ou encore de contrôle de la performance.

Dans le premier cas, ce sont d’autres acteurs potentiels qui deviennent pourvoyeurs d’incertitude à travers leur capacité à remettre en question les relations établies, préalablement, entre deux acteurs identifiés. Dans le second, elle se manifeste dans la mesure et le contrôle de la performance sur tous les degrés de l’espace d’échanges. En effet, ils

25 Nous choisissons de citer cet auteur en particulier car son ouvrage de 400 pages, initialement publié en 1921 et réédité en 2005, est destiné à éclairer le lecteur sur le risque, l’incertitude et le profit.

26 « Failed to appreciate the fundamental difference between a determinate uncertainty and risk and an indeterminate. », Knight (2005)

peuvent s’effectuer par la comparaison aux autres PSL dans l’espace d’échanges sur l’action individuelle.

Cette action mobilise dans une chaîne intégrée autant le processus interne du PSL que les opérations « entrée et sortie » de processus conditionnant la fluidité de l’organisation transversale. La mesure et le contrôle peuvent aussi concerner l’organisation dans sa globalité. C’est alors l’opportunité d’optimiser l’opération d’un PLS qui génère l’incertitude alors que ses résultats individuels sont satisfaisants. Enfin, liée à la dernière, ce peut être à travers la comparaison entre la performance actuelle et celle d’un autre espace d’échanges faisant appel à des processus et des acteurs comparables.

D’autres auteurs signalent, en effet, que l’incertitude peut revêtir plusieurs formes. Ainsi,

l’incertitude technique est « liée à la non assurance d’une solution technique » ou de son

accessibilité. L’incertitude financière est liée, quant à elle, aux ressources disponibles ou pouvant être captées. Et enfin l’incertitude stratégique est relative à la capacité « de supporter

la concurrence », (Boly, Renaud, Lopez Monsalvo, & Guidat, 1998, p. 4). Les éléments

fondamentaux d’une incertitude caractérisée semblent alors être rassemblés dans le contexte de notre terrain de recherche et disposés à solliciter les concepts énoncés dans l’objet de notre observation.

C’est pour une lecture du terrain du point de vue des PSL que nous avons opté, afin de cerner les contraintes, les justifier dans la stratégie de la Grande Distribution, identifier les retombées et les réactions qu’elles engagent pour les PSL. Ce positionnement d’observateur se justifie par l’incertitude, que perçoivent les Prestataires de Services Logistiques, présente à travers chacun des leviers décrits précédemment.

Notre problématique prend ainsi la forme d’un questionnement général. Elle a pour cible l’objet de recherche à travers le contexte choisi. Nous proposons donc une série d’interrogations qui nous permet de construire la formulation finale de notre question de recherche :

- Question 1. : La structure de la chaîne logistique de la Grande Distribution adopte-t-elle une forme particulière ?

- Question 2. : Pourquoi la GD a-t-elle élaboré une chaîne logistique qui lui est propre27 ? Cette chaîne logistique rend elle les PSL dépendant de la Grande Distribution ?

- Question 3. : Quelles sont les marges de manœuvre des PSL dans ce format27 de chaîne logistique, sont-ils bloqués stratégiquement ?

- Question 4. : Pourquoi la G.D. n’impose-t-elle pas aux PSL des actions en faveur du Développement Durable lié aux impacts environnementaux au regard de ses obligations légales de communication sur le sujet ?

- Question 5. : Comment certains Prestataires de Services Logistiques peuvent-ils s’intéresser alors à une démarche liée au Développement Durable ? - Question 6. : Comment cette démarche peut-elle potentiellement remettre en cause les

relations au sein des activités logistiques aval ?

A la suite de cette série de questions qui émanent de notre terrain et de l’objet de la recherche, nous proposons une seconde étape qui consiste à mettre en forme l’ensemble de ces questions. En réduisant le nombre d’interrogations, nous concentrons notre démarche vers une tentative de définition de notre problématique de recherche.

Une interrogation résulte des 3 premières questions :

Pourquoi les Prestataires de Services Logistiques semblent-ils dépendants et bloqués stratégiquement par le modèle « Plug and Play » imposé par l’enseigne de la Grande Distribution ?

Cette interrogation en induit une seconde qui découle des trois dernières questions :

Comment « Objectif CO2 » peut-il aider les Prestataires de Services Logistiques à retrouver une partie de liberté stratégique sans risque pour leurs relations et réduire une part d’incertitude dans le marché « Plug and Play » de l’enseigne ?

Notre problématique de recherche est par conséquent la suivante :

Pourquoi et comment les Prestataires Logistiques