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Pourquoi et comment les Prestataires Logistiques intègrent-ils, volontairement, une politique de

3. Les composantes indispensables à une logistique performante « Plug and Play », la stabilité et la standardisation

3.1. Le Lean et l’Agile, fondement de la stabilité organisationnelle

Le Lean permet une meilleure intégration de la chaîne logistique constituée d’une multitude d’acteurs, ce qui autorise une adaptation plus grande des acteurs entre eux. Notons que cette intégration peut-être virtuelle ou opérationnelle. Néanmoins Fabbe-Costes (2007, p. 23) souligne, dans ce cas, la nécessité d’une « certaine stabilité des processus concernés ».

Cette longévité des processus ne sous-entend pas systématiquement un verrouillage des relations entre les acteurs. En effet, il faut dissocier les processus des acteurs. Si les processus sont standards et cartographiés, nombre d’acteurs ont la capacité de venir se connecter à tout endroit de la chaîne logistique en fonction du besoin du donneur d’ordres. Le rôle de ce donneur d’ordres est alors un rôle de coordonnateur au sein de la chaîne. Sa vision est globalisante, sa visée est le service rendu au POS.

Dans le cas d’une relation de coopération, il y aurait ajustement entre les acteurs et par conséquent un risque sur la cible de la performance telle que déterminée par la GD. Bien entendu, ceci ne s’inscrit absolument pas dans la démarche stratégique logistique « agile et adaptable ». Si ajustement il y a, ce sera de la part des PSL. Paché et Médina (2006) relayent et confirment Paché (2002) dans son explication de la différence entre coordination et coopération. Ils soutiennent notre approche en affirmant « qu'un stade de coordination au sein de la relation est caractérisé par un rapport asymétrique des pouvoirs alors qu'un stade de coopération peut seulement émerger à partir d'une configuration symétrique de

pouvoirs. », (Paché & Médina, 2006, p. 396). Comme nous l’avons expliqué précédemment,

la Grande Distribution utilise pleinement son pouvoir et positionne la relation dans une configuration de coordination. Elle optimise ainsi ses capacités à ajuster ses ressources (i.e. les PSL) en fonction du besoin.

C’est ce que confirme la notion d’agilité développée par Christopher et Towill. « L'agilité est une capacité à l'échelle de l'entreprise qui englobe les structures organisationnelles, des systèmes d'information, les processus logistiques et en particulier, les mentalités. Une des

principales caractéristiques d'une organisation agile est la flexibilité. »82, (Christopher &

Towill , 1996). Mais « L’agilité ne doit pas être confondue avec le Lean. Le Lean c’est faire

plus avec moins. »83, Aitken et al. (2002, p. 2).

82 «Agility is a business-wide capability that embraces organisational structures, information systems, logistics processes and, in particular, mind sets. », Christopher et Towill, (1996)

A travers la définition du Lean et de l’Agile, il est ici exactement question du modèle logistique aval que la Grande Distribution s’efforce de maintenir. Il est une recherche d’équilibre permanent entre une logistique Agile et une Logistique Lean. Nous séparons clairement les deux approches car, bien que complémentaires dans le modèle de la Grande Distribution, elles sont antagonistes. La recherche d’un service client, en fonction de ses attributs, peut être consommateur de ressources et par conséquent générateur de coûts. C’est la barrière du service à tout prix. Aitken et al. relèvent bien cette présence de défi dans le concept Lean et Agile. « L’essence de la différence entre le Lean et l’agilité, en termes de valeur totale fournie au client, est que le service est le facteur critique sollicité pour l’agilité,

tandis que le coût, et par conséquent le prix de vente, est clairement lié au Lean. »84, (ibid.).

Comme le mentionnent Paché et Paraponaris (2006) mais aussi Fabbe-Costes (2007), en s’appuyant sur les travaux de Tarondeau, (1982, 1999), l’agilité associe flexibilité stratégique

et opérationnelle. La combinaison du Lean et de l’Agile constitue la force de cette chaîne

logistique caractéristique de la Grande Distribution appelée « Plug and Play » auquel s’adjoint nécessairement l’idée d’ « Unplug ». Ces termes employés par Fabbe-Costes (2005), et relayés par Chanut et Paché (2013), pour ne citer qu’eux, illustrent parfaitement la capacité pour le donneur d’ordres de débrancher un acteur de la chaîne logistique (au point de vue physique ou géographique) ou en reconnecter un autre sans pour autant mettre en difficulté l’organisation.

Cette configuration logistique nécessite alors une stabilité éprouvée. En effet, le « va et vient » de PSL différents au fil des « Unplug » et « Plug » est une source de contre performance. Le changement d’un acteur au sein de la chaîne constituée de contacts entre acteurs dans une dynamique de transversalité et d’objectif compris, traduits et acceptés, peut remettre en question les automatismes organisationnels et les niveaux de collaboration entre pairs. Ceci est d’autant plus probable, si un PSL opportuniste s’insère dans la chaîne, pour une durée et une rente déterminée par lui-même, ex ante.

Le fondement de ce modèle logistique est alors de permettre la substituabilité des PSL ou de leurs ressources. La GD se doit donc de donner un caractère stable à son domaine contractuel sans pour autant lâcher totalement la flexibilité et l’adaptabilité de l’ensemble de sa chaîne logistique. Cette condition est primordiale car il faut limiter le coût85 engendré par la

84 « The essence of the difference between leanness and agility in terms of the total value provided to the customer is that service is the critical factor calling for agility whilst cost, and hence the sales price, is clearly linked to leanness. », Aitken et al. (2002, p. 3)

substitution du PSL, sinon c’est le principe même du modèle Lean et Agile qui est remis en question. Les travaux menés depuis 1992 ont souligné l’importance de la notion de stabilité au sein d’une organisation afin de favoriser ce levier de performance qui conditionne la compétitivité et la survie de l’entreprise (Kaplan & Norton, 1996 (a) ; Germain & Trebucq, 2004 ; Mitnick, 2000 ; Lorino, 2001 (a), 2005). La stabilité porte également la pertinence du contrôle en son sein, par la capacité de mémorisation de mesure et de comparaison.

3.2.La standardisation nécessaire à la stabilité de la chaîne « Plug and Play »

La standardisation du besoin semble être la solution. En termes de prestations logistiques, les enseignes de la Grande Distribution n’ont pas à ce jour des exigences trop éloignées les unes des autres. En effet, le type de support (emballage palette), de température de transport, d’horaires de chargement et de livraison, de matériels de manutention et de stockage, sont similaires pour l’ensemble des demandes de prestations émanant de la GD.

Tout PSL travaillant avec une enseigne de la GD est tout à fait apte à travailler avec l’ensemble de la Grande Distribution pour une famille de produit et d’activité données (ex : les denrées périssables). Nous pourrions penser que cela peut nuire à leur compétitivité, mais il en est tout autrement, lorsque nous considérons les points abordés précédemment.

En effet, l’absence d’une distance organisationnelle trop forte et d’une demande trop précise en matière de matériel, permet donc aux PSL de répondre à toutes les demandes du marché de la GD. Si nous inversons notre raisonnement, lorsque les donneurs d’ordres de la Grande Distribution émettent un besoin sur le marché, le nombre de PSL potentiel est très important. Ce qui favorise la possibilité de choix du donneur d’ordres dans le panel de prestataires disposés à répondre à l’appel d’offres.

L’adoption par les enseignes de la Grande Distribution d’un modèle commun d’exploitation de la sous-traitance, en termes d’information et de support d’information, d’organisation et de possibilités de mutualisation des ressources sur des besoins multi-clients, favorise encore la multiplicité des PSL potentiels.

De plus, l’organisation prend la forme d’un standard, non pas propre à une enseigne mais à la Grande Distribution, l’ajustement que les PSL doivent réaliser ne nécessitant pas l’apport de nouvelles ressources. Nous avons ici le point d’ancrage de la stabilité.

Effectivement, si le modèle organisationnel ne change pas quel que soit le PSL intégré dans la chaîne, et si le nombre de PSL disponible sur le marché ne nécessite pas de la part de la GD un ajustement ni contractuel, ni d’une partie de sa chaîne logistique, nous pouvons dire que

les conditions sont requises en faveur d’une stabilité organisationnelle de la chaîne logistique aval. Elle favorise la mémoire organisationnelle que Nelson et Winter (1985), assimile à une routine et qui est une composante indispensable de la performance. Cette stabilité permet d’effectuer des mesures, de comparer les résultats et les pratiques afin de soutenir une politique d’amélioration continue de ses pratiques logistiques sous un modèle cause/effet. La comparaison se situe sur les processus qui sont alors standard et engagent des ressources non spécifiques. La standardisation supporte ainsi pleinement la logistique « Plug and Play ».

« Il s’agit de facteurs permettant la substituabilité des ressources (sur toutes les

couches d’intégration) tout en limitant les coûts de substitution et donc, pour les acteurs, les coûts de transaction liés à la prospection et à l’établissement de contrats mais aussi à l’apprentissage de la relation avec les partenaires.

La recherche de substituabilité peut inciter à développer la standardisation sur toutes les couches d’intégration (exemples : standardiser les unités logistiques, standardiser le processus d’achat de produits et/ou services, ou utiliser des messages EDI

normalisés pour échanger des informations ou documents). », (Fabbe-Costes, 2005).

Dans ce modèle logistique il est alors simple d’aligner, face à une demande changeante en termes de localisation ou de volume, les ressources nécessaires en faisant le choix dans un panel de PSL disponibles et disposés à échanger.

Nous pouvons comparer ceci à une chaîne logistique « lego » dans laquelle l’absence ou la suppression d’un élément ne fragilise pas l’édifice logistique. Il suffit de réaligner

(re-disposer) les éléments restants pour que la construction soit à nouveau liée, complète et

solide. La solution tient autant à la taille des éléments qu’à leur nombre et leur capacité de prendre la place d’un autre.

3.3.Une spécificité des actifs faible, une substituabilité forte, un effet volontaire de la

standardisation

La logistique « Plug and Play » nécessite donc une substituabilité potentielle et forte de ses acteurs, les Prestataires de Services Logistiques.

Dans la figure 6, développée de la figure 4, nous pouvons voir la chaîne logistique initiale, dans laquelle deux PSL ne peuvent répondre à la demande changeante, en termes de volume et de localisation. Le donneur d’ordres sollicite alors les PSL qui sont à la fois :

• dans le marché de la logistique de la Grande Distribution, c’est à dire qui respectent les contraintes et les exigences fixées ex ante ;

• aptes à supporter le volume ;

• capables de prendre en charge ou de livrer la marchandise, ou le service, sur la localisation géographique donnée par le donneur d’ordres ;

• Dans le maintien des prix au niveau du prix du marché.

Dans ce cas, le modèle « Plug and Play » peut remplir son rôle, à condition que les points et systèmes de contrôle soient maintenus afin de minimiser le coût de substitution. Il ne peut fonctionner que dans un environnement standardisé qui ne fait pas appel à des actifs spécifiques, qu’ils soient organisationnels, matériels ou humains. En effet, la moindre augmentation de la spécificité de la demande couperait aussitôt les bénéfices de ce modèle logistique qui repose sur le nombre de PSL potentiels. Ce nombre qui est au service de la flexibilité, de l’adaptabilité et de la compétition basée sur le coût.

Le nombre de PSL disponible favorise la concurrence entre PSL. La permutation facile et rapide des PSL fait monter le degré d’incertitude sur les relations d’échange entre les prestataires œuvrant dans la logistique « Plug and Play », mais ceux également qui sont aptes à y entrer. Ils représentent une menace supplémentaire liée à l’opportunisme d’acteurs externes. Cette incertitude permet aux donneurs d’ordres de maintenir les PSL dans des stratégies compatibles avec les leviers de performance du modèle logistique défini. Sans quoi, les PSL engageraient des stratégies basées sur des services convoquant des spécificités, ceci dans le but de réduire le panel de PSL et ainsi de protéger leur pré carré. Cette démarche leur permettrait également d’entamer d’éventuelles négociations sur le prix.

Nous pouvons donc constater que, dans cet environnement, les prestations et par conséquent les actifs évoluent dans un contexte standard des besoins (ou de besoins standardisés). Ce qui permet au plus grand nombre de répondre aux appels d’offres du marché en termes de prestations.

Ce cadre caractérise l’environnement de « marché » dans le contexte des contrats. La logistique « Plug and Play » est donc un point d’appui à la stratégie d’échange basée sur le « marché » qui permet aux acteurs de la Grande Distribution de minimiser les coûts logistiques par une concurrence accrue entre les prestataires. Le nombre de PSL sur le marché et une organisation basée sur un niveau de standardisation mesuré privilégient et favorisent l’articulation autour d’une chaîne logistique « Plug and Play ».

La figure suivante, figure 6, reprend cette explication et le principe de substitution des PSL. Figure 6 – Le principe de substitution de la logistique « Plug and Play »

Ce modèle permet de « bâtir des chaînes logistiques intégrées (capacité au « Plug and Play ») qui peuvent être facilement désintégrées (capacité à l’Unplug) pour être ensuite reconfigurées différemment et rapidement intégrées à nouveau (selon un mode élastique ou

plastique), tout en étant robustes », (Fabbe-Costes, 2005)

Lorsqu’un donneur d’ordres sollicite un autre prestataire dans le but d’accéder à un service à plus forte valeur ajoutée, il déplace les frontières du marché. Ce relâchement s’effectue soit sur la donnée « prix de marché », référence d’optimisation du coût logistique aval pour le donneur d’ordres, soit sur le standard du marché, référence d’adaptabilité et de flexibilité.

Ces deux points constituent le cadre partagé à la fois par la GD et les PSL afin d’identifier l’adéquation des solutions de prestation proposées, et par conséquent des soumissionnaires du marché, avec le cadre.

Cette position est à associer à la réflexion de Ghertman (2003, p. 56) statuant que « plus la

spécificité des actifs est élevée, plus l’intégration verticale sera choisie », l’entrée, même

ponctuelle d’un acteur hors marché, aurait finalement pour incidence la remise en cause du niveau de spécificité. Ce principe va à l’encontre de la politique d’externalisation et de logistique virtuelle que tendent à développer les acteurs de la Grande Distribution.

Ceci rejoint ce que nous avons relevé ut supra. Les prestations, et par conséquent les actifs, évoluent dans un contexte de besoins standardisés, ainsi un grand nombre PSL ont capacité à répondre aux appels d’offres du marché. Les donneurs d’ordres ont modélisé leur chaîne flexible et adaptable ainsi car « La recherche de substituabilité incite aussi à choisir des

ressources réutilisables, donc à éviter les ressources trop spécifiques. », (Fabbe-Costes,

2005).

La logistique «Plug and Play » est donc un point d’appui à la stratégie d’échange basée sur une offre pléthore. Ainsi, par le nombre d’offre et de PSL présents, le marché est fondé sur le « prix» qui permet aux acteurs de la Grande Distribution de minimiser les coûts logistiques par une concurrence accrue entre les prestataires, (Tarondeau, 1982).

De plus, cette standardisation organisationnelle offre aux donneurs d’ordres la possibilité de mémoriser les mesures, les relations de cause-effet, les actions correctrices, puisque l’organisation est stable dans son articulation et par les informations qu’elle véhicule. « Il convient aussi de souligner le rôle des systèmes d’évaluation standardisés pour faciliter le « Plug and Play » en donnant une vision de la performance déjà obtenue sur des Supply Chains

précédentes86 (mémoire du réseau). », (Fabbe-Costes, 2005, p. 161)

Le nombre de Prestataires de Services Logistiques sur le marché et une organisation basée sur un niveau de standardisation mesuré privilégie et favorise l’articulation autour de cette chaîne logistique « Plug and Play ». Cette orientation nous permet de reprendre le postulat de Williamson (1991) qui indique que le nombre d’entreprises capables d’imposer leur prix sur le marché par le biais d’un produit différentié est très limité. Sans une différenciation remarquée et remarquable, le prix prévaut. La gestion de la performance sur le principe des relations cause-effet, nommé aussi par Naro et Travaillé les leviers de contrôle diagnostique,

86 Les Supply Chains précédentes peuvent être comprises comme la chaîne logistique dans sa forme précédente, c’est à dire constituée de PSL déterminés qui ont été substitué par la suite. Cette substitution donne ainsi une nouvelle chaîne logistique.

permet de contrôler « la maîtrise des variables critiques de performance et le contrôle des stratégies délibérées. », (Naro & Travaillé, 2010, p. 36)

Cette politique peut néanmoins amplifier la mainmise des prestataires logistiques, de taille suffisamment conséquente, sur ce marché du fait de leurs capacités, à la fois, de couverture géographique, de potentiel de chargement mais aussi et de façon globale, de flexibilité. Ils auront donc la possibilité de stabiliser et de pérenniser, plus que les autres PSL, leur relation au sein du « Plug and Play ». Ainsi, ces prestataires s’enrichissent d’une dynamique d’ « Unplug » et de « Plug », même s’ils ne sont pas eux-mêmes déconnectés, mais parce qu’ils ont à se « Plugger » avec des PSL de substitution. « Les PSL les plus à l’avant-garde disposent ainsi, dans leur mémoire organisationnelle, d’un large registre de couplages entre

modules », (Chanut & Paché, 2013, p. 105)

Cet environnement est donc concurrentiel et instable pour les PSL car composé : d’un cadre d’échange sur la base du marché privilégiant le prix, d’un environnement logistique « Plug and Play » vecteur d’accords qui ne sont plus fondés sur la durabilité de l’échange. L’ensemble repose sur une standardisation optimale du service attendu à un prix compétitif. C’est clairement ce que Paché et Paraponaris mettent en évidence dans leurs travaux :

« L’entreprise en réseau se présente ainsi comme une structure flexible et adaptative mobilisant, et non plus possédant, un ensemble coordonné et stabilisé de compétences (ou savoir-faire), souvent détenus par des PME. À ce titre, elle s’inscrit dans des modèles de management beaucoup plus réactifs pour lesquels les politiques inter-entreprises ne se réfèrent qu’en partie aux signaux du marché : les

4. La stratégie de la Grande Distribution et le “Plug and Play”, vecteur