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Conclusion  du  chapitre  1

1. Des espaces d’échange en reconstruction permanente

1.1. L’encastrement incontournable de l’espace d’échanges

Le marché est un espace d’échanges formé par conséquent de relations économiques et sociales. Cet espace se meut autour d’un noyau organisationnel structurant les relations à travers les échanges. Dans celui-ci, les acteurs décident, dans un premier temps, d’intervenir en agissant mutuellement pour la production d’un bien ou d’un service, mais aussi pour capter une partie de la rente issue de l’opération globale. Comme nous avons pu le décrire dans notre partie consacrée à la logistique « Plug and Play », cette activité uniformise la vision des acteurs afin de pouvoir œuvrer ensemble et efficacement.

Il en découle une organisation d’organisations, sous forme de réseau, interagissant pour la satisfaction d’un donneur d’ordres principal. Il peut s’agir dans notre cas d’une enseigne de la Grande Distribution. Granovetter (2005) précise même que ce réseau est sous influence de structures sociales et de la configuration des réseaux interpersonnels des acteurs.

Cette organisation nécessite une certaine forme de tension organisationnelle et relationnelle afin de garder actifs les liens existants et potentiels dans le but d’entretenir l’espace d’échanges et l’environnement de marché défini. Cette tension vise la stabilité organisationnelle tout en préservant une recherche de performance et donc de compétitivité. Ainsi l’espace d’échanges peut être caractérisé en marché, du point de vue des relations qui existent en son sein.

Dans le cas d’une logistique « Plug and Play », la tension peut être comprise comme le contact logistique et également le contrôle en « sortie / objectif » et en « entrée / objectif » des processus qui composent le modèle. Nous l’avons expliqué par notre figure 4 dans le cadre de la structure réseau sous contrôle.

White a fourni les repères nécessaires afin d’identifier le marché dans lequel les acteurs se situent. Chiffoleau et al. (2006) en proposent une lecture simplifiée à travers un tableau synthétique, le tableau 6 :

Tableau 6 – les types de marchés selon White

Type de marché Logique Evolution / stabilité

marché de concurrence

parfaite (Pure competition) Pas de distinction sur la qualité,

Marché limité à un segment, pas de structure stable guidant les

entreprises marché ordinaire (Ordinary) Coût croissant de la qualité, pression des acheteurs plus forte sur le volume que

sur la qualité

Marché stable dans le cas où la taille des entreprises est inversement liée à la qualité marché « fuyant »

(Unravel)

Coût croissant de la qualité, forte pression des acheteurs sur la qualité

Marché instable car les producteurs ne peuvent répondre aux exigences de qualité des acheteurs qui se désengagent

Marché « aggloméré » (Trust)

Coût croissant de la qualité, pression des acheteurs plus forte sur le volume que sur la qualité

Marché stable si les producteurs s’entendent pour limiter la production (oligopole ou monopole)

marché explosif (Advanced- explosive)

Economies d’échelle croissantes, pression des acheteurs sur la qualité et les volumes

Marché en expansion qui attire acheteurs et producteurs, mais structure instable

Marché « saturé »

(Advanced- crowded)

Economies d’échelle croissantes, pression des acheteurs sur la qualité

Marché saturé en volume, en décroissance

Marché « paradoxal »

(Paradox)

la qualité a cette fois un coût unitaire décroissant.

Marché stable dans certains contextes, sous l’influence de facteurs exogènes (innovation, réputation, liens personnel) Source : adapté de Chiffoleau et al. (2006)

La typologie de marché définit, en fonction de la logique engagée mais aussi de son niveau de stabilité, la tension et les relations qui en découlent. Nous pouvons retrouver ces caractéristiques à travers les règles du « Plug and Play », sa dynamique de substitution potentielle ainsi que son adaptabilité et sa flexibilité. Elles ont été exposées dans la figue 7 du chapitre précédent. Nous verrons plus loin que ces trois éléments - type, logique et stabilité - déterminent une attente et par conséquent modifient les relations à venir entre les acteurs. La tension est localisée dans la recherche constante d’une réponse au besoin du marché. Fabbe-Costes (2005) la décrit comme « un mode élastique ou plastique tout en étant robuste », dans le cadre du « « Plug and Play ».

Des règles sont établies, généralement par les acheteurs ou donneur d’ordres, auxquelles les fournisseurs ou prestataires doivent se soumettre afin de pouvoir échanger et dans l’espoir de pérenniser la relation. White (2011) prétend que ces règles, qu’il nomme conventions, sont localisées au niveau du marché. Elles supplantent les liens qui existent de par l’échange entre les fournisseurs, ou les prestataires, et les clients.

Il s’agit donc d’un espace matérialisé par des relations, des règles et caractérisé par le marché. L’ensemble fournit un cadre. Il est alors délimité par des frontières. En reprenant la terminologie de Callon (1999-b), le cadre définit une frontière au sein de laquelle les interactions ont lieu entre les acteurs et s’imposent à eux comme la règle de l’échange. Au-delà de l’appui que prend ce cadrage sur les engagements des acteurs, il s’ancre dans les

dispositifs matériels et organisationnels. Dans une organisation logistique de type « Plug and

Play », la règle et les dispositifs s’apparentent au standard et à la disponibilité nécessaire du PSL. Cette proposition de lecture de Callonnous permet d’introduire la notion d’encastrement par le biais d’une condition soulignée par Grossetti et Bès (2003). « L'encastrement, pris au sens dynamique est la perte d'autonomie d'un type de structure par rapport à un autre, par

exemple la dilution progressive d'une organisation dans les réseaux de ses membres. » (ibid.,

p. 52). L’encastrement dans un espace s’apparente à un encastrement structure, (Lazega, 2006, p. 26).

Il s’agit donc d’un encastrement des relations entre les acteurs, du fait du mode de contractualisation et ce qu’il implique au niveau des relations sociales entre les acteurs. Il est question de mettre en évidence non pas seulement les relations et les liens, dans un espace, que certains auteurs qualifient de réseau, mais aussi la logique qui les sous-tend, ainsi que le niveau de confiance nécessaire à leur établissement, (Uzzi, 1996).

1.2.L’encastrement, une perte d’autonomie

Le modèle organisationnel imposé aux acteurs, par leur acceptation d’échanger dans l’espace défini, permet comme dans le cas du « Plug and Play » de lisser l’organisation des acteurs pour en faire un « tout transversal ». Ainsi, l’organisation des acteurs du « Plug and Play » se

dilue dans une organisation globale faite d’un réseau d’acteurs, comme le suggère

Christopher (2011) dans la figure 5 du chapitre précédent. Tout autant, cet encastrement est lié à la fréquence et aux caractéristiques de l’échange et de ses ressources mais aussi aux frontières de son marché. Les acteurs, agissant pour le compte d’autrui dans ce cadre, ne supportent pas uniquement les contraintes de cet encastrement comme le confirment Grossetti et Godart (2007). « Être encastré dans un niveau d’action ne signifie pas être déterminé par ce niveau, mais à la fois être contraint par lui, et avoir la possibilité de s’en servir comme appui. » (ibid., paragr. 37). Les acteurs peuvent donc tirer de cet encastrement un avantage qui peut les rendre plus concurrentiels. Ce point est à prendre en compte afin de comprendre l’action d’encastrement, c’est à dire le fait de s’insérer dans un espace dont ils deviennent dépendants mais aussi d’en accepter les règles.

Il est alors intéressant de vérifier si un marché, tel que la logistique « Plug and Play », répond aux critères permettant de qualifier l’encastrement qu’implique un tel modèle organisationnel. La dynamique d’un marché peut être caractérisée sous deux formes d’encastrement définies par Grossetti et Bès (2003), à la suite des travaux de White. La première, les flux d’échanges

que génèrent les relations entre les acteurs du marché prennent la forme d’un réseau entre les entreprises participant, de près ou de loin, à l’échange. Cet espace d’échanges, et son flux

d’échanges, doivent être dépendants d’un espace d’échanges à un niveau supérieur, un

marché contenu dans un marché plus global, c’est ici la seconde forme d’encastrement. Sans mobiliser à nouveau trop en détail les principes de la spécification d’actifs, il pourrait s’agir d’un marché de spécialistes dans un marché généraliste. Cette seconde considération nous emmène sur une dimension plus « macro » de l’espace d’échanges. Il peut s’agir d’un espace d’échanges plus vaste comme la logistique d’approvisionnement, au sein de laquelle s’est inséré un espace d’échanges plus contraignant. Il est délimité par des règles précises, tel que le « Plug and Play ». L’organisation est plus spécifique que dans l’environnement d’échange global de la logistique.

Il ressort donc un processus d’absorption, totale ou partielle, d’un espace, fait de relations économiques et sociales, par un autre, tel un mécanisme conditionné par la porosité du dispositif d’échange. Dispositif au sein duquel cohabitent et interagissent, de façon plus ou moins temporaire, une typologie de relations d’échanges et organisationnelles sui generis.

Lorsque la relation se pérennise entre les acteurs et dans le cadre, c’est à dire au sein des frontières, les acteurs s’encastrent dans le marché. En effet, il y a perte d’autonomie de l’échange et de l’activité qui s’y réfèrent. L’encastrement est alors effectif « dans la mesure où ils dépendent des relations des firmes qui en font partie et où ces relations sont

cristallisées par ailleurs dans un autre marché », Grossetti et Bès (2003). Il semble que ce

soit le cas de la logistique que nous avons abordé ut supra.

La prise en considération du principe d’encastrement permet de présenter un schéma des interactions au sein d’un marché, « de fournir une image plus fidèle de la réalité des marchés

et d’en améliorer notre compréhension.», ( Le Velly, 2002, p. 3). Elle pourrait expliquer les

relations qui permettent une forme de stabilité forte dans un environnement de contraintes. En d’autres termes, l’encastrement peut mettre en relief les raisons de la présence des PSL au sein du modèle « Plug and Play », sur la base de relations suffisamment construites pour favoriser la stabilité attendue.

2. Le découplage, un mécanisme antérieur et postérieur à l’encastrement