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Logiques d'intervention et expositions potentielles des personnes travaillant en grandes cultures

Pb i : représente la probabilité qu’un exploitant ait utilisé la molécule par année où il a cultivé la vigne pendant la

6 Moyens actuels de réduction des expositions et/ou des risques

6.1 Réduction d’usage

6.1.2 Logiques d'intervention et expositions potentielles des personnes travaillant en grandes cultures

Cependant, pour toutes ces logiques d’intervention, les travaux d’expertise (Aubertot et al., 2005; Butault et al., 2010) sur les possibilités de réduction d’usage permises par ces différentes logiques d’intervention ont été réalisés dans un cadre plus général de limitation des impacts environnementaux liés aux pratiques agricoles. La santé humaine, et en premier lieu l’exposition des personnes travaillant dans l'agriculture à ces produits, a été le parent pauvre de ces réflexions. Ce constat est révélateur si ce n’est d’un désintérêt, au moins d’un cloisonnement fort des domaines et des institutions de recherche (santé, production agricole) et d’une méconnaissance concomitante de ces sujets par la discipline agronomie jusqu’à présent. Mais surtout il invite à approfondir l’analyse car les stratégies de réduction n’ont pas forcément toutes le même impact sur les expositions professionnelles.

La question, non traitée dans le cadre de ces expertises, est alors de savoir quels attendus espérer d’une réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques, au regard de l’exposition des personnes travaillant dans l’agriculture. Renseigner cette question revient à identifier les principales situations d’expositions (directes et indirectes) aux produits phytopharmaceutiques et les mettre en regard des différentes stratégies de réductions d’usage évoquées plus haut.

Un premier travail a été réalisé sur la base de l’expertise des acteurs du GT, pour la filière grandes cultures, qui pourrait faire l'objet d'investigations complémentaires. Il ne s’appuie pas sur des mesures d’expositions, mais il fournit quelques éléments permettant d’appréhender l’efficacité prévisible des diverses stratégies de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques sur les expositions potentielles des opérateurs.

Les principales situations d’exposition directe des travailleurs identifiées sont les suivantes :

 manipulation des produits commerciaux/préparation de la bouillie/remplissage du pulvérisateur : l’exposition lors de ces phases de travail peut dépendre notamment25 du nombre de bidons manipulés, de l’ergonomie des bidons, du type de produits (formulation), du matériel utilisé (ergonomie du matériel et du poste de remplissage, volume de la cuve/surface à traiter…) ;

 manipulation des semences : au moment des traitements de semences par les praticiens eux-mêmes, mais aussi au moment du remplissage du semoir, voire au moment du réglage du semoir (contrôle densité/profondeur de semis) ;

 au moment de la pulvérisation où interviennent le type de matériel utilisé (par exemple pulvérisateur porté vs traîné) et le niveau de protection de l’opérateur sur un pulvérisateur sans cabine ou dans la cabine ;

 au moment du traitement de la cellule/local de stockage en cas de stockage à la ferme. S’ajoutent principalement deux sources d’exposition indirecte :

 au moment du nettoyage du matériel ;

 lors de réentrées dans les parcelles traitées : pour vérifier, pour observer, pour prélever, pour conditionner …

25 Nous invitons le lecteur à se reporter au chapitre « déterminants de l’exposition » (chapitre 0) s’il souhaite une vision plus exhaustive de l’ensemble des déterminants de l’exposition lors de différentes tâches.

Le Tableau 17 propose une analyse de l’efficacité attendue des stratégies de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques sur les expositions potentielles des opérateurs. L’efficacité des stratégies de réduction d’usage de ces produits sur les expositions y a été renseignée de façon qualitative sur la base des connaissances des experts du GT.

Tableau 17 : Efficacité des stratégies de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques sur les expositions potentielles des opérateurs

(0 : aucun effet, + à +++ : réduction croissante des expositions, - : augmentation de l’exposition)

Efficacité des stratégies de réduction d’usage des produits

phytopharmaceutiques sur les

expositions potentielles des opérateurs

Stratégie de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques

Type d’exposition Efficience Substitution de

type I26

Reconception

Directe Manipulation des

produits (-) 0/+ +/(++) ++/+++ Manipulation des semences traitées 0 0 0/+ Pulvérisation (acte élémentaire) 0 +++ 0 Pulvérisation sur la campagne 0/+ +/(++) ++/+++ Traitement cellule stockage 0 0/+++* 0 Indirecte Nettoyage matériel (-)/0 0/+ ++ Réentrée (-) 0/(+) +/(++) ++/+++

*dépend de si la substitution concerne le traitement en végétation (0) ou le traitement du local de stockage (+++)

Par exemple, au regard de l’exposition directe lors de la manipulation des produits (1ère ligne), la

réduction d’usage par la stratégie d’efficience peut être inégalement efficace pour réduire les expositions. (i) Elle peut être efficace lorsque cette stratégie permet de supprimer des traitements inutiles. Mais dans ce cas, elle n’hérite que d’un seul « + » car cette suppression d’un traitement reste rare à l’échelle de la campagne agricole. (ii) Elle peut se révéler neutre en termes d’efficacité vis-à-vis de l’exposition si elle conduit à juste adapter les doses de produits, ou décaler la date du

26 Nous n’abordons pas dans ce tableau la substitution de type II conduisant à substituer un produit phytopharmaceutique par une autre. Elle ne modifie en rien les expositions potentielles des opérateurs. Elle pourrait en revanche contribuer à modifier le risque, en fonction du danger de la molécule utilisée en remplacement (produit plus ou moins toxique pour l’opérateur). Mais ce tableau est centré sur des notions d’exposition.

traitement (l’opérateur manipule quand même le produit). (iii) Enfin, situation plus étonnante, la recherche d’efficience pourrait être dans certains cas à l’origine d’une augmentation de l’exposition : c’est notamment le cas des situations où la recherche de réductions de dose de produits à chaque application s’accompagne d’une augmentation de la fréquence d’application (par exemple en cas d’échec de la dose réduite) et donc d’une augmentation du nombre de manipulations de produits dangereux.

Les stratégies de réduction d’usage des produits phytopharmaceutiques mobilisant la substitution de type I ou la reconception peuvent quant à elles être considérées comme plus efficaces vis-à-vis de la réduction de l’exposition du travailleur. La substitution de type I est cependant notée au mieux (++) car les techniques sur lesquelles elle s’appuie sont à efficacité partielle et ne sont suffisantes que dans des cas de faible pression de bioagresseurs dans la parcelle.

La stratégie relevant de la reconception serait sans doute de loin la plus efficace en matière de réduction de l’exposition liée à la manipulation des produits. Combinant plusieurs techniques dans une logique prophylactique de limitation, en amont du développement des bioagresseurs dans le couvert, elle devrait permettre une moindre dépendance aux produits phytopharmaceutiques et donc un moindre recours aux traitements.

Ce travail de synthèse fait ressortir trois points saillants :

1) Toutes les stratégies de réduction d’usage n’ont pas nécessairement le même impact sur la diminution potentielle des expositions.

o Les stratégies relevant de l’efficience ne permettraient de limiter les expositions que si celles-ci conduisent à la diminution du nombre de traitements et donc à une moindre exposition lors de la manipulation des produits et de la réentrée. Or cet impact n’est pas certain tant que l’on ne joue pas sur les conditions qui sont à l’origine du besoin de traiter. Ces stratégies peuvent même conduire dans certains cas à augmenter les expositions, lorsque leur mise en œuvre s’accompagne de nombreux passages à faibles doses sur la même parcelle…

o Les stratégies de substitution de type II (un produit par un autre) sont intrinsèquement intéressantes vis-à-vis de l’exposition du travailleur dès lors que le produit de substitution présente des caractéristiques de toxicité plus « vertueuses ». Mais elles doivent être évaluées avec soin car les conséquences de leur utilisation sont multicritères (effet sur la faune, la flore, la santé humaine...). La substitution de type II peut notamment conduire à privilégier un produit ayant une moindre écotoxicité pour un compartiment de l'environnement mais une plus forte toxicité pour les opérateurs si cette dernière dimension n'est pas prise en compte dans les arbitrages, et vice versa. Cette approche nécessite un savoir professionnel important car elle implique que des choix devront parfois être faits entre la protection de l’environnement et la protection de la santé et ce surtout lorsque peu de produits alternatifs sont disponibles. Les logiques de substitution de type II peuvent donc permettre de réduire les risques pour la santé humaine si et seulement si ces risques sont suffisamment documentés et si le choix des produits est fait aussi en fonction de ce critère.

o Les stratégies fondées sur la substitution de type I et la reconception semblent donc présenter un intérêt supérieur aux autres stratégies (efficience et substitution de type II) en matière de réduction d’exposition globale aux produits phytopharmaceutiques (tous produits confondus). Leur efficacité attendue porte surtout sur les expositions au moment de la manipulation des produits, au moment de la pulvérisation et par ricochet sur la réentrée potentielle (contribuant à diminuer les fréquences de traitement, elles contribuent à diminuer les fréquences de situations en réentrée). Elles permettent par ailleurs, dans le cadre d’une approche systémique, d’englober santé humaine et impacts environnementaux dans la réflexion sur l’usage.

2) Si les stratégies fondées sur la reconception des systèmes pour limiter en amont le développement des bioagresseurs dans le couvert sont globalement les plus efficaces sur

pouvoir l’être sur le plan des expositions potentielles des travailleurs. Contribuant à limiter la fréquence de traitements phytopharmaceutiques de façon plus importante que les seules logiques de substitution, elles permettent de diminuer plus fortement les expositions directes et indirectes (moins de séquences de nettoyage de matériels, moins de situations potentielles de réentrée) liées à ces traitements. Elles peuvent se trouver renforcées, vis-à- vis de l’exposition des travailleurs, par la mise en œuvre concomitante de stratégies de substitution de type II pour le choix des produits (diminution forte du recours aux produits phytopharmaceutiques par des stratégies de reconception, et choix de produits moins toxiques par des stratégies de substitution).

3) En matière de stockage des productions, les logiques de substitution (de type I) permettent de réduire les expositions, par exemple en supprimant le recours aux produits de désinsectisation par des techniques de ventilation.

6.1.3 Généralisation de la réflexion sur les effets des diverses stratégies de

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