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Les difficultés de l’extrapolation

Pb i : représente la probabilité qu’un exploitant ait utilisé la molécule par année où il a cultivé la vigne pendant la

4.3 Extrapolation des constats : les enseignements des études de cas

4.3.2 Les difficultés de l’extrapolation

Dans le cadre des deux études de cas, des revues de littérature ont été conduites en expologie et en SHS (histoire, anthropologie, sciences politiques, sociologie, économie). Dans les deux cas, des travaux qui correspondent à un contexte précis ont été identifiés et analysés. Les expositions sont des objets situés, elles sont décrites par des travaux qui portent sur certaines aires géographiques, sur certaines molécules, sur certains types de population agricole, sur certaines tâches et à certaines périodes.

Ainsi la revue de littérature en expologie sur la réentrée en arboriculture met en évidence que l’essentiel des études ont été réalisés dans certains États des États-Unis avant les années 2000. Celles-ci portaient principalement sur l’exposition aux insecticides organophosphorés lors des tâches d’éclaircissage et de récolte, et plus rarement sur le pliage, l’arrosage, la taille et le conditionnement des fruits. L’essentiel des informations provient d’études de terrain portant sur de faibles effectifs. Quelques rares études portent sur des pays européens.

La revue de littérature en SHS montre aussi que la plupart des études identifiées portent spécifiquement sur certains États des États-Unis et ce, pour la période allant des années 1960 aux années 1980. Cependant, certains pays d’Amérique latine ont aussi fait l’objet de plusieurs études et quelques travaux portent sur des pays asiatiques. L’Europe est totalement absente. Le type de pesticide concerné est rarement spécifié, mais certains d’entre eux comme les organophosphorés et surtout le dibromochloropropane font l’objet d’une attention particulière. Plus que des tâches, ce sont des problèmes qui sont examinés dans la littérature de SHS : mobilisations, réglementations

et politiques publiques, conditions de travail, perceptions des risques et possibilités de s’en prémunir. Les populations étudiées sont avant tout des populations salariées pauvres et/ou migrantes – en situation légale ou non.

La revue de littérature en expologie sur l’utilisation d’antiparasitaires externes en élevage ovin montre que l’essentiel des travaux identifiés ont été réalisés en Grande-Bretagne dans les années 1990, dans un contexte de préoccupation de santé publique et de mobilisation à la suite de cas d’intoxications aiguës lors des opérations de trempage de moutons avec des organophosphorés. Seules quatre études d’expologie ont pu être identifiées, les autres travaux retenus visant prioritairement à documenter des effets sanitaires. Les travaux portaient avant tout sur des opérations de trempage des moutons, et très peu d’autres tâches potentiellement exposantes ont été considérées (traitement des bois des enclos, désinfectants contenus dans les pédiluves, tonte).

La revue de littérature SHS a quant à elle identifié des travaux principalement menés dans quatre pays (la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande et l’Australie), sur des périodes allant de l’Entre-deux-guerres aux années 2000. Ces travaux étudient certaines mobilisations, des réglementations et des politiques publiques, la perception des risques, des pratiques et des transformations de pratiques.

Pour les deux études de cas, le travail d’extrapolation des études étrangères à la situation française actuelle est difficile et souvent impossible et ce, pour quatre raisons au moins.

 Dans les deux études de cas, les travaux retenus portent pour la plupart sur des périodes antérieures à la période actuelle. Des changements, parfois importants, peuvent avoir eu lieu, notamment dans les molécules et le matériel utilisé, dans les pratiques de travail et les approches préventives, dans la réglementation, dans les organismes combattus dans les itinéraires techniques, dans les utilisations des pesticides (cosmétique et conservation des fruits)…

 Dans les deux études cas, l’extrapolation d’un pays à un autre semble tout aussi difficile. Les mobilisations récurrentes aux Etats-Unis des salariés migrants ou locaux mexicains et d’autres pays d’Amérique latine voire asiatiques, et des ONG qui les soutiennent, n’ont pas d’équivalent en France et s’insèrent dans des dispositifs réglementaires et politiques très différents. Il en est de même pour les dispositifs réglementaires qui ont pu découler de mobilisations en Australie et au Royaume-Uni dans le cas des antiparasitaires externes en élevage ovin. Les dispositifs politiques, sociaux ou économiques dans lesquels s’insère l’élevage ovin, et donc les leviers d’action possibles, diffèrent grandement entre ces pays et la France.

 Dans les deux études de cas, l’extrapolation d’un type de système de production à l’autre semble difficile. Les structures d’exploitation, les statuts des personnes intervenant dans les exploitations, les pratiques de travail (et donc les expositions qui peuvent en résulter), varient de manière importante selon le contexte historique et géographique. Ainsi, il y a peu en commun entre une grande partie des exploitations fruitières états-uniennes de plus grande taille et qui reposent sur l’utilisation d’une importante main-d’œuvre salariée agricole migrante – qui est la catégorie sociale la moins bien payée des États-Unis (moins de 10 000 dollars par an) –, les grandes exploitations fruitières salariés des pays d’Amérique latine, les très petites exploitations pauvres de certains de ces pays ou d’Asie, et les exploitations françaises qui peuvent avoir recours à des salariés, des saisonniers (migrants ou non), mais dont la taille est beaucoup moins importante. De même, on retrouve peu de salariés dans les exploitations françaises d’élevages ovins, ces élevages sont de petite dimension comparativement au Royaume-Uni ou à l’Australie, etc.

 Enfin, pour les deux études de cas, bien qu’il y ait eu des travaux à l’étranger, ceux-ci demeurent partiels. Ils n’étudient que certaines situations, certaines molécules, certaines questions ou problèmes et ce dans un contexte qui n’est pas nécessairement similaire à la situation française. Les résultats des revues bibliographiques menées dans les deux

littérature existante sur la situation française, mériteraient d’être étudiées de manière plus approfondie : l’exposition des personnes travaillant dans les vergers pendant les traitements, certaines tâches de réentrée peu ou pas étudiées, l’augmentation éventuelle des expositions causées par des traitements visant à assurer l’esthétique des fruits, les tâches de conditionnement notamment après des traitements après récolte, l’utilisation de biocides pour traiter les bâtiments d’élevage, les expositions associées à la tonte des ovins, la façon dont les acteurs des différentes filières peuvent s’approprier des principes d’évaluation des risques, de prévention, etc.

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