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de France à l’Isle de France

CHAPITRE 2. Les bases pérennes pour une

2.2. La loge La Paix et les autres loges du Grand Orient de France

La création de trois loges apporta un dynamisme maçonnique dans la colonie. Selon Raymond Baillache, la franc-maçonnerie était renommée dans l’Isle de France à la fin du XVIIIe siècle et les loges furent créées dans d’autres régions du pays que Port-Louis, comme à Moka, Rivière-Noire, Grand-Port et Savanne207. Certaines de ces tentatives de création de loges furent infructueuses à l’instar de l’année 1788 quand le projet de Boudret d’établir une loge près de la paroisse de Pamplemousses (dans le nord) n’aboutit pas208

. Il y a peu de détails sur certaines loges fondées à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle sous l’égide du Grand Orient de France parce qu’elles n’eurent pas une longue vie et une activité intense. Par exemple, la quatrième loge de l’obédience créée à l’Isle de France à la fin du XVIIIe

siècle fut La Sincère Amitié mais elle eut une courte existence. Aucune source primaire ne reste sur celle-ci et il semble qu’elle n’ait pas de lien avec la loge du même nom qui avait demandé ses constitutions en 1778 et qui fut assimilée à La Triple Espérance. Cette loge fut créée par des officiers de la Garnison qui arrivèrent sur l’île le 7 novembre 1787209. La Sincère Amitié fut installée par La Triple Espérance et, suite au départ de la garnison, qui constituait la majorité de ses membres, pour Pondichéry, «la loge se fondit dans une autre [loge] de cet [Orient]»210. Michael Allan affirme que les membres sédentaires rejoignirent plusieurs autres loges de l’île211

alors que Virieux affirma que la loge était une «Loge itinérante»212. A la fin du XVIIIe siècle, deux autres loges, Les Amis de la République et Le Bon Choix, furent aussi créées. La première, fondée dans le sillage de la Révolution française, s’installa hors de Port-Louis, aux Plaines St Pierre, et Descroizilles pensait que « Virieux oncle»213 en fut le vénérable. Elle fut parrainée par La Paix mais elle «ne vécut pas»214. Quant à la loge Le Bon

207 L. Raymond Baillache, Lodge Friendship No.439 [The Mauritius Printing Cy.Ltd. Port-Louis, 1972] p.4.

208 Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and Planters Gazette, 1887] p.17.

209 Henry C. Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F. Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.6.

210Ibid., p.6.

211Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p.15.

212Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and

Planters Gazette, 1887] p.17.

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Henry C. Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F. Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.33.

214 Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and

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Choix, elle fut fondée en 1797 à Savanne215, dans le sud de l’Isle de France, et elle fut installée provisoirement par le vénérable de La Triple Espérance, Courtois216.

La seule loge créée au XVIIIe siècle, sous les auspices du Grand Orient de France, qui eut une influence aussi forte que la loge-mère fut la loge La Paix. Elle eut une longue vie et fut active au moment de l’arrivée des Britanniques en 1810 jusqu’à la fin du XIXe

siècle. Dans le numéro 2 du Bulletin du Grand Orient de France d’avril 1857, un discours de Charron (copie de la planche tracée des travaux d’inauguration) du 19 février 1857 retraça l’historique de la loge La Paix. Selon ses archives, la loge «fut fondée le 7 septembre 1789, sous le distinctif La Paix»217 et Jean-Baptiste Rivière en fut longtemps le vénérable. La loge La Paix fut parrainée par la loge des Vingt et Un qui envoya les esquisses nécessaires à sa mise en instance au Grand Orient de France le 21 juin 1791218, y compris un tableau des membres du 5 novembre de 1790219 et le procès-verbal de la mise en instance de la loge le 5 Octobre 1790220. Ce dossier administratif donna suite à la réception de sa Constitution, un titre « si longtemps désiré »221, et le document, «Tableau de l’atelier St Jean sous le titre distinctif de la Loge La Paix» du 7 septembre 1790 montre qu’elle eut un apport de membres venant de loges britanniques hors de la colonie et françaises de l’Isle de France222

. Les Constitutions furent accordées le 26 janvier 1792, enregistrées le 23 février 1792, et la loge prit rang parmi les loges régulières du Grand Orient à partir du 6 octobre 1790223. Elle fut installée par Ryel de Beurnonville de la Grande Loge Provinciale de Bourbon le 20 février 1793224. A la mise en sommeil de la loge des Vingt et Un, la loge La Paix eut un apport conséquent de membres si bien que certains historiens comme Robert Furlong, avance que la

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Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p 18.

216Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and

Planters Gazette, 1887] p.20.

217 Bulletin du GODF (2e série – 13e année). avril 1857. Copie de la planche des travaux d’inauguration. p.36-38 p.41.

218 FM (579). La Paix Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Document No.1 du 28ème j du 4ème mois 5791. 3pp.

219

FM (579). La Paix Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Document No 2. 5 novembre 1790. 2pp.

220FM (579). La Paix Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Document No 6. Procès-verbal de la mise en instance de La Paix. 5ème j 8ème m 5790. 6pp.

221

FM (579). La Paix Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Lettre de la loge 21 au GODF. 28ème j 4ème m 5791. 4pp. p.1

222FM 2 Réserve (143). Dossier La Paix. Tableau du 7ème jour du 7ème mois 5790.

223

Daniel Kerjan, Alain Le Bihan, Dictionnaire du Grand Orient de France au XVIIIème siècle. Les cadres et

les loges [Presse Universitaire de Rennes, 2012] p. 203.

224 Grégoire Céciles, « Notes historiques sur la franc-maçonnerie à l’Ile Maurice, et, en particulier sur la loge

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loge des Vingt et Un devint la Loge La Paix en 1793225, ce qui n’est pas le cas au niveau administratif. En fait, les deux loges qui parrainèrent la loge La Paix, les Vingt et Un et les Quinze Artistes, s’y fondirent au XIXe siècle. Elle eut de bonnes relations avec les loges La Triple Espérance et les Quinze Artistes qui lui renouvelèrent « (…) l’assurance de leurs sentimens (sic) de paternité »226 et envoyèrent des députations à la fête de l’Ordre, célébrée, par elle, en été 1834. La Paix fut affiliée à la loge L’Amitié de Bourbon en 1842227. Robert Gould explique que la loge fut mise momentanément en sommeil et reprit ses travaux en 1857228, ce qui est contestable puisqu’au cours de cette période la loge comptait beaucoup de membres et qu’elle vécut une attaque antimaçonnique de la part de l’Evêque catholique de la colonie au cours des années 1854 et 1857. De plus, la loge fit l’achat d’un local en 1855229

et le temple fut inauguré le 6 mai 1857230. La capitale comptait désormais deux temples maçonniques. Le Grand Orient de France, dans les arrêtés de la séance du 28 novembre 1881, décida de la fermer231 suite à plusieurs scandales232 et la loge La Bienfaisance fut créée. Au début du XIXe siècle, il y eut la loge Les Amis Cultivateurs qui fut fondée le 18 novembre 1806233. Elle demanda sa Constitution en novembre 1807, l’adhésion des autres loges de l’île, ainsi que le parrainage de La Triple Espérance (qui pourrait « guider et inspecter »234 ses travaux en attendant l’aval du Grand Orient de France). Elle fut accordée en janvier 1809235. Cette loge, située à Rivière Noire (dans l’ouest), était constituée de membres qui vivaient hors de la capitale: à Rivière Noire, Savanne, Plaines Wilhems, Fort Nord-Ouest et Pamplemousses236. Elle fut aussi rattachée à la Grande Loge Provinciale de

225Robert Furlong, « Et pendant ce temps en littérature… » dans Serge Rivière, Kumari Issur, Baudin-Flinders

dans l’Océan Indien [L’Harmattan, 2006] p.112.

226 FM 2 (579). La Paix. Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Extrait du Livre d’Architecture. Loge La Paix. 3eme jour 5eme mois 5834. 8pp. p.1.

227Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p.15.

228

Robert F. Gould, History of Freemasonry, embracing an investigation of the records of the organization of

the fraternity in England, Scotland, Ireland, British colonies and Dominions and the United States of America.

Volume 4. Third edition [London: Caxton Publishing, 1951] p.37.

229FM 2 (854). La Paix. Dossier 1. 1852-64. Acquisition d’un local maçonnique. Réunion du comité spécial. 6ème j 8ème m5855. 3pp.

230FM 2 (854). La Paix. Dossier 1. Correspondance No. 86. Adresse de la loge au GODF. 6 mai 1857. 6pp.

231 FM 2 Réserve (143). La Paix. 1876-1882. Lettre au Secrétariat du GODF. 12 mai 1882. 6pp. p.1.

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Ces événements seront élaborés dans la Partie 3.

233Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p.18

234

FM 2 (582). Les Amis Cultivateurs. Demande de Constitution du 18ème j 11ème m 57806. 2pp.

235 Ibid., 2pp.

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Bourbon237 et fut longtemps présidée par Genève père238. La deuxième loge du Grand Orient créée au XIXe siècle et la première sous le régime britannique fut la loge Harmonie. La lettre de la loge La Paix demandant la Constitution au Grand Orient de la loge Harmonie à Grand Port, dans le Sud-est de l’île239, est accompagnée du tableau du 20ème jour du 1er mois 5840 (20 mars 1840) et d’une lettre de la loge en construction. Le Goy, le passé vénérable240

de La Paix qui quittait la colonie trois mois plus tard, fit la demande de Constitution241. Le premier vénérable en fut le Baron Keating242. Une loge Harmonie est citée par Allan et Quenette243 qui disent qu’elle fut fondée en 1817 et cessa ses activités en 1840244. Il se pourrait, en effet, que la loge Harmonie ait commencé ses travaux plus tôt que 1840 mais n’était pas régularisée comme en atteste le Livre d’Architecture de La Paix en 1834 qui mentionna la prochaine installation des officiers Dignitaires de la Loge Harmonie à Grand Port245 mais il n’y a aucun indice que ce fût la même loge, créée en 1817, dont parlent ces deux sources.

En 1864, Descroizilles exprima la fierté de la loge La Triple Espérance, malgré les conflits, d’être « le pionnier de la Maçonnerie Mauricienne » car « [ce fut] en son sein (…) qu [’étaient] sorties toutes les L[oges] Sœurs (…) à Maurice »246

. En 1845, il ne restait que trois loges du Grand Orient de France à Maurice, il y avait La Triple Espérance, La Paix et Harmonie à Grand Port247, et elles étaient également celles (surtout les deux premières) qui avaient su affronter les changements de la société qui passa sous une colonisation anglaise en 1810. Ceci est d’autant plus intéressant qu’à cette époque, la première loge anglaise (Lodge Faith and Loyalty) avait fermé et il n’y avait aucune loge représentant la Grande Loge Unie d’Angleterre dans la colonie. La deuxième loge du Grand Orient de France créée à l’Ile Maurice sous le gouvernement britannique en fut aussi la dernière de cette obédience, la loge

237 Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p 18.

238 Henry C. Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F. Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.32.

239 FM 2 (579). Harmonie 1840. Demande de Constitution. Lettre au GODF des frères de La Paix. 20ème j du 1er m 5840. 2pp.

240 Passé vénérable. Voir lexique en annexe.

241 FM 2 (579). La Paix. Dossier 1. Lettre de Le Goy à Pilon du GODF du 10 février 1843. 8pp. p.1.

242 FM 2 (579). Loge Harmonie. Lettre du 20e jour 1er mois 5840. 2pp. Les membres prient la loge La Paix de faire les démarches auprès du GODF pour obtenir les pièces pour l’installation de Keating comme vénérable.

243 L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.84.

244Michael W. Allan, Freemasonry in Mauritius. A chronological compilation of lodges. 1778-2006. [Grand Lodge of Mauritius, 2006] p 18.

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FM 2 (574). La Paix. Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Extrait du Livre d’Architecture. 3ème jour 5ème mois 5834. 8pp. p.1.

246 Henry C. Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F. Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.6.

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La Bienfaisance en 1881. Elle connut, comme la Triple Espérance, une période de tensions et de réduction de ses membres au tournant du siècle et elle passa sous l’égide de La Grande Loge de France en 1952. Elle existe toujours sous une autre dénomination, la loge Sphinx. De toutes les loges du Grand Orient de France qui furent fondées au cours de ces deux siècles, seule La Triple Espérance passa le tournant du XIXe siècle et existe toujours sous l’égide du Grand Orient de France. Comme le souligna Eric Garnier, grand orateur du Grand Orient de France en 2013, l’obédience comptait, au niveau mondial, 33 loges encore actives qui furent créées avant la Révolution Française et La Triple Espérance en fait partie248.

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