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innovations et les inter-influences des traditions maçonniques européennes à Maurice

6.2. Les cérémonies inter obédientielles et religieuses

Un autre aspect de laboratoire maçonnique fut l’affichage de l’appartenance maçonnique en public lors de cérémonies interobédientielles et religieuses. Outre les cérémonies du début de la colonisation britannique, ces cérémonies religieuses furent introduites dans la colonie en 1858, dans le sillage de l’inauguration de la Military Lodge, de Constitution irlandaise. Le 27 décembre 1858, le jour de la St Jean l’Evangéliste, cette dernière invita les loges locales à participer au défilé maçonnique jusqu’à la cathédrale anglicane St.James. Ce qui fut, au départ, un défilé spécialement programmé pour l’installation d’une nouvelle loge, devint une tradition au cours des années suivantes. En effet, à l’installation annuelle de ses officiers, le 24 juin 1859, le jour de la St Jean le Baptiste, la loge irlandaise souhaita associer de nouveau la British Lodge et les loges La Paix et La Triple Espérance à ce «culte public »712. Elle avait l’intention, avec l’aval des autorités maçonniques irlandaises, de défiler de la loge jusqu’à la cathédrale St James et inversement. Les maçons de La Triple Espérance et de La Paix acceptèrent de nouveau d’y participer et, comme le décrivit De Kermorvant à la fin des années 1850, ils se rendirent « processionnellement, bannières

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Annual returns. Lodge of Friendship No.1696. 1877-1884. H 117. Minutes of the meeting held to inaugurate

Lodge Friendship No.1696 du 11 octobre 1877. 5pp. p.1: « several distinguished Freemasons ».

710 Michael Allan, « Lodge Friendship No.1696 EC. History» http://www.lof1696.com/history. Accès: 04/02/2014: « the WM announced that the Brethren of the Scottish Lodge had desired to show their sense of the

services rendered by W.Bro. Nagle, who had just been invested as a Warden. It was well known that Bro Nagle would refuse a medal, so it was decided to have his portrait painted by Bro de la Hogue, as a mark of appreciation. The life-size portrait was to be hung in the Lodge Room»

711

Ibid.,

712Annual Returns. British Lodge No.1038. 1858-1863. Letter au Grand Secrétaire du venerable de la loge. 10

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déployés et musique en tête, à la même Eglise (…) »713. Ce jour-là, l’identité maçonnique britannique fut exhibée avec éclat grâce à cette procession qui défila jusqu’à la Cathédrale où le Révérend O’Dell, vénérable de la British Lodge « (…) revêtu de ses insignes maçonniques, prêcha un sermon sur le Grand Saint, patron de la Franc-maçonnerie (sic), et sur l’Institution elle-même »714. Cet oeucuménisme maçonnique et religieus fut un événement dans une colonie touchée par l’anathème clérical contre les maçons catholiques français deux années plus tôt715.

La Military Lodge fut, en effet, impliquée dans la vie maçonnique de la colonie et son installation annuelle à la cathédrale anglicane de Port-Louis permit de réunir les différentes nationalités vivant dans la colonie. Ces cérémonies interobédentielles furent validées par des dérogations des obédiences avant de devenir une coutume locale. La première dérogation fut demandée lors de l’installation de la loge irlandaise, la Military Lodge No.235 (le 27 décembre 1858). Cette tenue maçonnique était hors-norme dans la colonie car elle fut précédée, dans le sillage des célébrations de la St Jean, d’une procession et d’un sermon à l’église anglicane du Révérend O’Dell, membre de la loge hôte, avant l’installation716

. Comme la juridiction locale n’était pas définie, les maçons britanniques demandèrent des dérogations à la Grande Loge Unie d’Angleterre et à la Grande Loge d’Irlande pour participer à ces cérémonies car, bien que ce fût l’usage dans certaines colonies britanniques, la particularité de Maurice était que des maçons français allaient aussi y participer. En effet, les antécédents étaient nombreux dans les colonies mais des conditions furent également imposées. La loge No.91 (qui fut stationnée à Maurice au milieu du XIXe siècle) fut, par exemple, suspendue par la Grande Loge d’Irlande en août 1840 quand elle était à Culbann pour avoir participé à de telles processions717 mais elle fut réhabilitée, suite à une demande le 27 septembre 1843 et grâce à la recommandation de l’Archevêque Mant718. Cet antécédent était important dans l’histoire de la maçonnerie mauricienne dans son ensemble car les loges britanniques demandèrent plusieurs dérogations aux obédiences pour donner une image de cohésion après les attaques de l’Evêque catholique. Dans le cas mauricien, alors que ces

713 Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.3.

714 Ibid., p.3.

715 Cet anathème sera traité dans la partie 3.

716

Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.3.

717

GLI. From the Minutes of the Grand Lodge Board of General Purposes. Lodge No 91. 27 septembre 1843.

718 GLI. Roll of Lodges. Compiled by Bros. J.J. Nesbitt and William Scott for Bro. F.C. Crossle. C-1889. Galway June 26. En juin 1889, elle défila à de nouveau à Galway avec trois autres loges jusqu’à l’église: « Four Lodges

of Free Masons marched to Church, where a Sermon was preached before them by the Rev. Mr. Thomas Simcock, after that they dined together in an elegant manner».

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cérémonies de la St Jean furent célébrées en 1858 et 1859, la Military Lodge ne reçut la dérogation qu’en 1860. Le Grand Secrétaire adjoint de la Grande Loge d’Irlande répondit à la loge le 10 août 1860 sur la dérogation, pour « se présenter en public en tenues Maçonniques avec d’autres Loges (…) »719

, en précisant que la Commission avait déjà statué sur de telles demandes pour d’autres loges à l’étranger, et que le Règlement 126, page 73, fut spécialement conçu pour coïncider avec les lois civiles de l’Irlande qui prohibaient de telles processions («The Procession Act»). Cependant, comme cette loi n’était pas en vigueur dans d’autres pays, les processions n’étaient pas interdites « (…) du moment que ni des airs festifs ni des couleurs ne [fussent] utilisés, et que la procession fût strictement d’une nature purement Maçonnique»720. Le Grand Secrétaire ajouta que cette permission serait accordée si la loge pensait qu’il y avait une « nécessité légitime »721

pour organier une telle procession avec les autres loges de la colonie.

La British Lodge fit la même demande de dérogation à la Grande Loge Unie d’Angleterre pour se joindre au défilé de la première installation de la loge irlandaise en décembre 1858, en décors maçonniques, et elle fut accordée. Dans une lettre au Grand Secrétaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre, le vénérable de la British Lodge No.1038 l’informa, de nouveau, de l’installation annuelle des officiers de la Military Lodge de la Grande Loge d’Irlande le jour de la St. Jean, le 24 juin 1859, précédée par une procéssion et un service religieux à la Cathédrale de Port-Louis réunissant les quatre loges de l’île (La Triple Espérance, La Paix, la British Lodge et la loge irlandaise No.91). Cette identité maçonnique et religieuse se traduisit aussi à travers la chorale des dames et l’hymne « Behold how good and how pleasant it is for brethren to dwell together in unity » qui, comme le déclara le Masonic Mirror d’août 1859, «sembla spécialement impressionner l’audience avec son harmonie solennelle»722. La foule qui se rassembla pour voir passer le défilé fut « l’une des plus grandes jamais vue à Port-Louis»723. Il n’y eut pas de policiers visibles et le plus grand ordre fut de rigueur724. Les maçons français et britanniques regagnèrent, ensuite, le temple La Triple Espérance pour l’installation de la loge. Les visiteurs, dont les deux plus

719 Annual Returns. British Lodge No.1038. 1858-1863. Extract of a letter from the Deputy Grand Secretary of

the Grand Lodge of Ireland addressed to the Secretary of Lodge No.235. The Military Lodge. 10 août 1860. 1pp:

« to appear in public in Masonic costume with other Lodges (…) ».

720 Ibid., p.1: « (…) provided neither party tunes or colours are introduced, and that where the procession is

strictly of a purely Masonic character our Lodges may (…) join in it ».

721

Ibid., p.1: «that a legitimate necessity exists for their so doing».

722 Masonic Mirror. août 1859. p17.

723Ibid., p17: «one of the largest ever seen in Port Louis ».

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illustres visiteurs, le Britannique Sir David Barclay et le Parisien Bosuson, furent conviés après l’installation, à un repas où des toasts furent portés avec la plus grande cordialité725. Cet article fut repris dans le Masonic Observer de septembre 1859, montrant que cette cérémonie interobédientielle mauricienne pour une installation de loge irlandaise avait aussi un intérêt pour le public britannique et pour les Européens. Les toasts portés lors de tels banquets maçonniques rassemblant les loges de plusieues obédiences étaient aussi révélateurs de la cohésion locale et du respect pour la Couronne britannique. Par exemple, au banquet d’ordre de la réinstallation de la Lodge Harmony en 1864, les santés furent portés à « The Queen and the Craft », au Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre (le Earl of Zetland) et aux Grands Maîtres de la Grande Loge d’Irlande et d’Ecosse et du Grand Orient de France726.

La même dérogation fut demandée pour des défilés lors de la célébration, également, de St Jean l’Evangéliste (le 27 décembre)727. Cependant, la British Lodge, après y avoir été autorisée, vit sa demande refusée par l’obédience en 1860. En effet, le Révérend O’Dell, ayant envoyé la requête trop tard, le vénérable fut « forcé d’empêcher les frères de la loge à participer à la Cérémonie »728. Il vénérable profita de l’occasion pour souligner respectueusement au Grand Maître «le grand désavantage et le découragement avec lesquels la Loge travail[ait] parce qu’elle n’[avait pas] reçu une Dérogation générale pour de telles occasions »729. Comme l’obédience refusa de nouveau en 1861, les membres durent encore demander son aval en 1862730 pour l’installation des officiers de la Military Lodge. Ils reçurent ensuite une dérogation générale et furent autorisés à participer au défilé maçonnique jusqu’à la cathédrale pour un « Divine Service »731

en 1863 et en 1865. Ce défilé de la St Jean devint une tradition pour l’installation annuelle de la loge irlandaise pour la British Lodge et l’autre loge anglaise, la Lodge of Harmony 841, qui expliqua au Grand Secrétaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre qu’elle avait participé à une célébration le 24 juin732

. Cette tradition fut même reprise par la British Lodge car, le 11 juin 1872, ce fut elle qui rassembla

725

Masonic Mirror. août 1859. p17:« during which loyal toasts were given and responded to with the utmost cordiality ».

726 Ibid., p.16.

727

Annual Returns. British Lodge No.1038. 1858-1863. Lettre au Grand Secrétaire du Premeier. 9 septembre 1859. 3pp. p.3.

728 Annual Returns. British Lodge No.1038. 1858-1863. Lettre du vénérable O’Dell au Grand Secrétaire de la

GLUA. 6 avril 1861. 4pp. p.2: « compelled to forbid the brethren of the Lodge to participate in the Ceremony ».

729

Ibid., p.2: «the great disadvantage and discouragement under which the Lodge labors from not having a

general Dispensation for such occasions ».

730 Annual Returns. British Lodge No.1038. 1858-1863. Minutes of proceedings. 27 décembre 1862. 2pp. p.1.

731

Annual returns. British Lodge No. 736. 1864-1873. Minutes of proceedings of the British Lodge No.1038 à la loge La Paix. 24 juin 1863. 2pp.

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130 maçons pour fêter la St Jean L’Evangéliste dans le temple de La Triple Espérance. Bien qu’elle ne donnât pas lieu à un affichage public, elle fut faite au Rite français par le vénérable de la loge française733. Les célébrations de la St Jean d’été et de la St Jean d’hiver devinrent un des aspects de l’identité britannique que la communauté maçonique mauricienne adopta, suivant la tradition de la Grande Loge Unie d’Angleterre qui tint, dès la première réunion d’unification, sa Grande Assemblée le jour de la St Jean l’Evangéliste en décembre 1813.

Quant aux loges françaises, elles souhaitaient s’adapter au contexte cosmopolite tout en n’enfreignant pas les lois de l’obédience. Du côté des Français, cette nouveauté ne laissa pas le public, les maçons et la presse indifférents. Vigoureux de Kermorvant publia un livret « Notes sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859» où il explora les origines et la fonction de cette pratique qui avait « occupé vivement l’attention publique » et qui avait « provoqu[é] les observations de quelques membres »734 de La Triple Espérance, alors qu’ils avaient voté en loge leur participation à ces deux célébrations de la Military Lodge. Il expliqua, qu’en effet, la franc- maçonnerie était «(…) revêtue de la couleur de chaque peuple. Ce qui expliqu[ait] pourquoi, anglaise, allemande ou hollandaise, elle cherch[ait] – et française, elle évit[ait] – les manifestations publiques »735. Pour De Kermorvant, les manifestations publiques étaient fréquentes chez les francs-maçons britanniques et qu’il « en a[vait] même de périodiques et généralement pour la St. Jean »736. Dans la maçonnerie française, la cérémonie de la St Jean était aussi célébrée « mais à l’intérieur des [Loges]»737 (le Saint patron de La Triple Espérance est St Jean738). De ce fait, les francs-maçons français ne faisaient pas de manifestations publiques avant l’arrivée des Britanniques mais que, en revanche, depuis 1810, sauf une exception, ils ne refusèrent pas d’y participer quand ils furent conviés. La nouveauté résidait, depuis, dans le fait d’afficher en public l’appartenance maçonnique mais, comme le souligna De Kermorvant, La Triple Espérance ne refuserait plus à l’avenir alors qu’il existait « dans cet [Orient] des [Loges] sous l’obédience des [Grandes Loges] d’Angleterre et d’Irlande, dont les coutumes prévaudr[aient] naturellement dans les travaux de la British

733

R.L. La Triple Espérance. Bi-centenaire. 1778-1978 [1778] p.67.

734Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.4.

735

Ibid., p.5.

736 Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.6.

737

Ibid., p.6.

738Henry C. Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F. Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.34.

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Lodge et de la Military Lodge »739. En effet, jusque-là, les maçons des loges françaises organisaient des événements sociaux et philanthropiques dans les temples mais ne les avaient pas transférés sur la place publique. Les temples de La Paix et La Triple Esperance étaient déjà utilisés depuis le XVIIIe siècle pour des remises de prix académiques et des événements de charité mais cela ne se faisait que dans les temples. De plus, De Kermorvant s’adressa aux maçons qui craignaient le ridicule en leur disant que c’était « puérile » de croire qu’ils y perdraient leur « esprit français » et que « des insignes maçonniques n[’étaient] pas plus ridicules que les costumes officiels que [qu’ils] revêt[aient] pour un lever de drapeau à l’Hôtel du Gouvernement »740.

Alors que dans les années 1810 et 1820, une autre génération de maçons français avait accueilli la nouveauté des cérémonies interobédientielles des Britanniques, celle du milieu du XIXe siècle n’avait pas connu la cohabitation avec les autres obédiences jusque-là. Vigoureux de Kermorvant rassura les maçons français du Grand Orient de France qu’en participant à des cérémonies religieuses et publiques, ils s’adonnaient, certes, à un usage étranger à la franc-maçonnerie française mais qu’aucune clause dans les Statuts et Règlements de l’obédience n’y faisait explicitement mention. De plus, ils n’enfreignaient pas les lois maçonniques s’ils se référaient à deux articles des nouveaux Statuts et Règlements Généraux de l’Ordre : l’article 268 « réglant les pompes funèbres » et l’article 270 « traîtant des fautes et délits »741. Le premier interdisait de porter des insignes maçonniques « dans le trajet de la maison mortuaire au cimetière où là elles étaient acceptées « mais seulement après l’entier accomplissement des cérémonies religieuses »».742 Pour De Kermorvant, cet article « traît[ait] d’une chose spéciale » et donc ne pouvait pas être appliqué pour les défilés. Quant au deuxième article, il considérait comme « un délit contre les mœurs » de porter les insignes maçonniques « sur la voie publique »743. De Kermorvant conclut qu’il s’appliquait individuellement pour chaque maçon et non pour « les Maçons réunis en Corporation »744. La prohibition de porter toute décoration non reconnue, qui exigeait une demande d’autorisation du gouvernement, existait bien dans la loi civile française mais pas en franc-maçonnerie. De ce fait, si un maçon se promenait « décoré de son cordon maçonnique », il enfreignait la loi

739Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.6.

740 Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p.6.

741

Ibid., p. 11.

742 Ibid., p. 11.

743 Ibid., p. 11.

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civile. Au niveau de la loi maçonnique, « quand, au contraire, il [s’agissait] de la glorifier, de se décorer en Corps et de faire une manifestation louable, jamais cet article n’a[vait] été applicable ni appliqué »745. De Kermorvant cita deux exemples où, en France, ces lois furent détournées mais que ce n’était pas le cas à Maurice et il ajouta que, comme il y avait désormais des maçons du 33° dans la colonie, les pouvoirs dont ils étaient revêtus les déchargeaient de toute responsabilité à cet égard. Lorsque le Grand Orient « tranch[ait] une question d’une manière aussi certaine que dans cette circonstance, [ils] dev[aient] acquiescer à [son] avis et cesser toute opposition»746. De ce fait, les maçons français de Maurice allaient respecter les décisions de l’obédience, tout en continuant à défiler avec les maçons britanniques selon les règlements imposés jusque-là.

Les enjeux, ici, étaient tout d’abord pour les maçons français de perpétuer des liens au-delà des affiliations des premières années, et pour les maçons britanniques de prouver qu’ils désiraient intégrer la maçonnerie française locale tout en incluant leurs membres et leurs traditions maçonniques. Il s’agissait aussi de montrer que la franc-maçonnerie française avait également sa place dans un pays britannique. Outre le Rite Français utilisé à La Triple Espérance, le Rite Ecossais Ancien et Accepté était aussi utilisé. Ce Rite, étant pratiqué dans les loges françaises, procurait ainsi aux maçons du Grand Orient de France un autre socle commun avec les maçons britanniques, bien que dans une langue différente. La Triple Espérance expliqua en 1821 que « le 7 avril 1820, elle obtint confirmation par une lettre du Frère Larrie, de Bordeaux en date du 30 septembre 1814, que depuis 1810, la loge [était] constituée au Rite Ecossais »747. La loge La Paix commença, elle, à travailler à ce rite en 1830, conformément aux Constitutions qu’elle avait reçues de son député spécial, Vigier Latour, de la loge La Trinité Indivisible de Paris748. Par ailleurs, le jour de l’installation de ce nouveau rite, le 5 avril 1830, fut une occason de réunir les loges de la colonie, juste avant la mise en sommeil de la Lodge Faith and Loyalty. Selon la planche tracée de cette tenue, « non seulement une semblable cérémonie avait appelé tous les [frères] de la [Loge] mais les Membres des autres [ateliers] tant dans [leur] [Orient] que des [Orients] étrangers animés du même rite se présentèrent en grand nombre et demandèrent l’entrée du Temple »749. De plus,

745

Edouard Vigoureux de Kermorvant, Note sur la célébration de la St Jean par la franc-maçonnerie

mauricienne les 27 décembre 1858 et 24 juin 1859 [Port-Louis : Imprimerie L. Channell, 1859] p. 12.

746

Ibid., p.13.

747R.L. La Triple Espérance. Bi-centenaire. 1778-1978 [1778] p.44.

748

FM 2 (579). La Paix. Dossier 1. Correspondance 1790-1850. Planche tracée dans la séance du 5ème jour du 2ème mois 5830. 7pp.p.2.

140

en 1856, La Paix travaillait aussi au Rite Français comme le montre l’Extrait du livre d’architecture de la loge du 18 août750

.

Comme la juridiction maçonnique de la colonie était encore floue au milieu du siècle, des questions furent posées sur les exigences protocolaires des cérémonies interobédientielles. En effet, il fut souligné que, comme Maurice n’était pas sous la juridiction de la Grande Loge Unie d’Angleterre, les tenues et les processions avaient des codes vestimentaires non

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