• Aucun résultat trouvé

de France à l’Isle de France

1.1. La franc-maçonnerie dans un état chaotique avant 1878

La première référence à la présence maçonnique vient d’une lettre du Préfet Apostolique des Iles de Bourbon et de France, Pierre Joseph Teste à l’Archevêque de Paris, Monseigneur Christophe de Beaumont de Beaurepaire, en 1754. Il y parla de la présence de loges maçonniques qui, à cette date, étaient « fermées »51. Des francs-maçons se trouvaient, donc, à l’Isle de France entre la période allant de la création de la Première Grande Loge de France en 172852 à la création du Grand Orient de France en 1773. Alors qu’aucune trace de loges du Grand Orient de France avant 1778 ne fut trouvée lors de ces recherches, il semblerait que les maçons, surtout des marins, tenaient des rencontres maçonniques non-officielles53 malgré l’absence de loges officiellement constituées avant cette date. Concernant les débuts de la franc-maçonnerie mauricienne, dans le Dictionnaire des marins francs-maçons, Jean-Marc Van Hille affirme que Jean Marie Le Maître de Maulu, enseigne puis capitaine de brûlot de la Compagnie des Indes, fut le «pionnier de la franc-maçonnerie à Port-Louis, où il avait créé en 1765 la Loge Saint Jean de Philadelphie»54. Le même auteur ajoute, dans sa biographie de la loge maritime de recherche, La Pérouse, que la loge existait «depuis le 21 septembre 1765» et qu’elle était sous les auspices de la Grande Loge de France55. Ce détail expliquerait le fait que la loge ne fut pas répertoriée après la dissolution de la Première Grande Loge de France en 1773. Il n’a aucune trace de cette loge aux archives de la Grande

50

L’Express. Julien Tuyau, « Pierre Lambicchi : « Le creuset de la franc-maçonnerie à Maurice est très

fertile » » 22 décembre 2008.

51 Raymond L. Baillache, Lodge Friendship No.439 [Port-Louis: The Mauritius Printing Cy.Ltd, 1972] p.4: ««Masonic lodges» which had been closed since some time».

52 Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maçonnerie [Paris : PUF, 2012] p.527. La Première Grande Loge de

France fut créée en 1728. Il est possible que le duc de Wharton l’ait créée avec seulement trois ateliers.

53 L. Raymond Baillache, Lodge Friendship No.439 [Port-Louis: The Mauritius Printing Cy.Ltd, 1972] 29pp: «irregular meetings».

54

Jean Marc Van Hille, Dictionnaire des marins francs-maçons, gens de la mer et profession connexes aux

XVIIIe, XIXe et XXe siècles [L’Harmattan, 2011] p 323.

55Jean-Marc Van Hille, « Eléonore Jacques Perier de Salvert (1748-1783). Lieutenant de vaisseau. Fondateur de

La Triple Espérance à l’Orient de Port-Louis dans l’île de France » [Loge maritime de recherche La Pérouse]

40

Loge de France ni au Grand Orient de France, confirmant que cette loge avait probablement eu une existence éphémère. Rivaltz Quenette affirme, de même, que cette loge n’apparaît pas non plus sur la liste des 186 loges de la Grande Loge Provinciale de France (1691-1767) et qu’elle aurait été une initiative «de courte durée»56

.

Concernant la première loge officielle de l’île, La Triple Espérance, des sources primaires et secondaires ont été utilisées pour retracer sa création. Les documents secondaires, sous forme de rétrospectives consultées à Maurice, furent écrits principalement par des maçons de cette loge et relatent le même déroulement des faits avec quelques nuances. Vigoureux de Kermorvant, raconta, en 1877, que le 18 décembre 1778 dans la maison de Ricard de Bignicourt57, «au pied de la Petite Montagne», trois maçons français se réunirent: Perier de Salvert, lieutenant de vaisseau, «SPRC 18e»58; Le Drée de La Serrée, lieutenant de vaisseau, « SPR + 18», et Lecoat, Chirurgien-Major de la Marine, «SPRC+ 18», tous trois de la loge L’Heureuse Rencontre de Brest. Ils présidèrent «la première séance, qui eut lieu dans [cet Orient] pour régulariser les Francs maçons (sic) de 3 Sociétés en Instance près le [Grand Orient] de France»59. Edouard Virieux cita aussi ces trois maçons qui se réunirent une première fois le vendredi 18 décembre 1778 dans l’après-midi, dans une maison à la rue la Corderie à Port-Louis, pour «régulariser les maçons de trois Sociétés alors en instance pour former l’Atelier qui devait exister sous le titre distinctif de «La Triple Espérance»60

. Il ajouta qu’une deuxième réunion eut lieu le 23 et l’installation de la loge eut lieu le 25 décembre61

. Descroizilles cita aussi la deuxième réunion du 23 décembre et dit qu’il se reposait sur la planche tracée62 dudit jour63.

Au cours de ce travail de recherches, il a été important de faire le tri entre ces dates pour fixer les débuts de la maçonnerie du Grand Orient dans l’île, surtout la date d’installation64

de la première loge. Plusieurs auteurs mauriciens et français (tels que

56Rivaltz L. Quentette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.10-11.

57 Le nom ‘Bignicourt’ est souvent orthographié ‘Begnicourt’.

58 S.P.R.C : Souverain Prince Rose Croix. Voir aussi ‘Hauts grades’ dans le lexique en annexe.

59

E. Vigoureux de Kermorvant, Notes pour servir à l’histoire de la franc-maçonnerie et particulièrement la R.L.

La Triple Espérance [Port-Louis : Typographie du Commercial Gazette, 1877] p.1.

60 Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and Planters Gazette, 1887] p.3.

61 Ibid, p.3.

62 Planche tracée : Voir le lexique en annexe.

63

H.C Descroizilles. Notes lues au Banquet d’ordre du 23eme jour du 12ème mois de 5863 suivies du discours par le F.Orateur le 10ème jour du 4ème mois 5864 [Imprimerie du Commercial Gazette, 1864] p.1.

41

Raymond Baillache, Kerjean et Le Bihan) retiennent en effet le 25 décembre 177865. Les auteurs cités plus haut s’accordent tous sur le fait qu’il y eut une première réunion le 18 décembre et que trois émissaires du Grand Orient avaient les pouvoirs de créer cette loge. Cependant, le livret du bicentenaire de La Triple Espérance avance deux autres informations : la première information est qu’il y eut une réunion «d’un Souverain Chapitre qui donna naissance à la loge La Triple Espérance»66 le 10 décembre 1778. L’auteur du livret donne comme preuve une estampe datée du 11 décembre 1778, montrant que la loge appartenait aux Hauts Grades Capitulaires67. Le livret expose donc le fait que la Chambre symbolique68 de La Triple Espérance fut créée suite à ce premier Chapitre69. La deuxième information qu’il donne est que la création de la loge La Triple Espérance était une initiative de Michel Sirandré, ingénieur hydrographe, initié à la loge La Triple Espérance de Saint Malo. Ce dernier fit une demande de patente (qui se trouve aux archives de la loge La Triple Espérance selon Rivaltz Quenette), à la réunion du 10 octobre 1778, à Perier de Salvert «pour la création d’une loge et qui faisait état d’une triple considération»70

:

L’aveu de n’avoir « pu jusqu’à ce moment former une loge régulière» ;

L’hésitation de Perier de Salvert, officieusement sollicité pour créer une loge, car «dans ces moments, il ne pouvait rien, vu sa qualité de commissaire»;

La supplique «de leur accorder des Constitutions qu’il [lui] plaira et de faire justice71.

Pourtant, dans une analyse des dates, Jean MarcVan Hille conteste certaines dates de Rivaltz Quenette qui, selon lui, ne correspondent pas aux archives qu’il a consultées, comme les Archives de la Marine72. En effet, Van Hille explique que Perier de Salvert eut du mal à

65Daniel Kerjan, Alain Le Bihan, Dictionnaire du Grand Orient de France au XVIIIème siècle. Les cadres et les

loges [Presse Universitaire de Rennes, 2012] p. 203.

66L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.16.

67 R.L. La Triple Espérance. Bi-centenaire. 1778-1978 [1778] p. 13.

68 Chambre symbolique : voir le lexique en annexe.

69 R.L. La Triple Espérance. Bi-centenaire. 1778-1978 [1778] p. 13.

70

L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.12.

71Quenette publie les photos de la demande et du procès-verbal du 18 octobre 1778 qui sont aux Archives de La

Triple Espérance à Port-Louis.

72 Jean-Marc Van Hille, « Eléonore Jacques Perier de Salvert (1748-1783). Lieutenant de vaisseau. Fondateur

42

« recruter » et qu’il chercha dans les « milieux maritimes » avant que Michel Sirandré, un ingénieur hydrographe, initié à Saint-Malo, lui présentât «(…) à l’automne 1778 une demande de Constitution au nom des Frères Dumolart, pharmacien de la Marine, Duclos-Guyot, capitaine de port, de Chanvalon73, commissaire, Desvallons-Macé, officier de la Marine et cinq autre Frères »74. Cependant, devant se rendre en Inde, la création fut retardée. Pour lui, les dates que donne Quenette à propos d’une installation avant le 25 décembre 1778 ne sont pas les bonnes, « (…) sauf à considérer que ces visites [eurent] lieu alors que la frégate de Salvert était en escale à Port-Louis pour aiguillade ou approvisionnement, ce que les archives de la Marine ne précisent pas »75. Ces différences d’informations montrent que les recherches sur la franc-maçonnerie mauricienne furent souvent faites par des auteurs qui ne citent pas leurs sources et qu’aucune contre-vérification n’est possible, dans certains cas, pour trier les dates contradictoires. Pour cette thèse, des sources primaires furent principalement utilisées avec, en complément, les sources secondaires après un recoupement des dates.

Outline

Documents relatifs