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La concrétisation de l’unité maçonnique franco-britannique : la visite de Lord Moira en 1813 la visite de Lord Moira en 1813

de France à l’Isle de France

CHAPITRE 3. L’avènement de la colonisation britannique : la franc-maçonnerie française britannique : la franc-maçonnerie française

3.3. La concrétisation de l’unité maçonnique franco-britannique : la visite de Lord Moira en 1813 la visite de Lord Moira en 1813

La campagne de pacification du gouverneur Farquhar fut essentielle à l’ordre colonial et la maçonnerie en fut un des outils. Au cours des années de transition de 1810 à 1814, la contribution de la maçonnerie à une certaine cohésion sociale fut cruciale, mais relative, car elle toucha seulement les élites. En effet, les Britanniques, qui désiraient vivre l’expérience maçonnique, étaient face à deux choix: ils pouvaient soit simplement se réunir dans un cadre informel en attendant la création d’une loge, soit s’affilier aux loges françaises. Déjà, au-delà des manœuvres politiques et des tensions sociales, les belligérants de la bataille du Vieux-Grand-Port commencèrent, dans un premier temps, à se fréquenter dans le cadre professionnel et au niveau social dès 1811, avant de fréquenter les loges françaises dès 1813. Cette décision de s’affilier aux loges du Grand Orient de France faisait partie des ouvertures diplomatiques qui s’offraient à eux et le gouverneur Farquhar impliqua ce rapprochement maçonnique dans sa politique d’apaisement des tensions. De plus, à Maurice comme ailleurs, comme le dit Jessica Harland-Jacobs, la maçonnerie « (…) avait la capacité de rassembler des hommes des empires en compétition, ainsi de réduire les frontières traditionnelles et de transcender les

341 Benjamin Moutou, L’Ile Maurice: vingt-cinq leçons d’histoire (1598-1998) [Terre Rouge : Alfran Co.Ltd, 1986] p.55.

342 Antoine Marrier d’Unienville, Statistique de l’Ile Maurice et ses dépendances. Volume 2 [Paris : Gustave Barba, 1838. Republié par Kessinger Legacy Reprints] p.313.

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Raymond D’Unienville, Marina Carter, Last years of the Isle of France (1800-1814) [La Société d’Histoire de l’Ile Maurice, 2010] p.252 : « kind and conciliatory mode ».

344 Antoine Marrier d’Unienville, Statistique de l’Ile Maurice et ses dépendances. Volume 2 [Paris : Gustave Barba, 1838. Republié par Kessinger Legacy Reprints] p.321.

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Dayananchand Napal, British Mauritius 1818-1948 [Vacoas : Le Printemps, 1994] p.4.

346Antoine Marrier D’Unienville, Statistique de l’Ile Maurice et ses dépendances. Volume 3 [Paris: Gustave Barba, 1838. Republié par Kessinger Legacy Reprints] p.4.

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intenses rivalités nationales/impériales du temps »347. La question de l’ancienne rivalité fut, du moins dans le cadre des loges maçonniques, mise de côté. Cette capacité de la maçonnerie à vaincre les passions de guerre rappelle ce que raconte Eric Saunier à propos d’un maçon à qui le vénérable demanda, lors de son rite de passage, ce que cela lui ferait de combattre un ennemi maçon. Il répondit: « (…) je le battrais, et après avoir vaincu, je lui rendrais tous les services que m’imposeraient notre situation respective, non comme à un ennemi vaincu mais un véritable maçon »348.

Les bases des futurs liens multiculturels entre les maçons des deux pays furent posées dès les débuts, d’autant plus que ces maçons allaient, inévitablement, se rencontrer dans la vie civile. Une image symbolique de ce nouveau contexte fut celle de Jean-Baptiste Lislet Geoffroy, l’émissaire des colons français vaincus, remettant les clés des fortifications françaises349 lors de la passation aux Britanniques, menée par le gouverneur Farquhar, tous deux étant francs-maçons. Le premier était du Grand Orient de France et le second de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Aucun détail ne reste à la postérité sur une quelconque reconnaissance maçonnique entre les deux hommes mais les bases étaient posées pour qu’une entente professionnelle et des liens maçonniques pussent se développer. En effet Lislet Geoffroy, de la marine française, devint plus tard un collaborateur de Farquhar. De plus, dès son arrivée, le gouverneur rencontra plusieurs maçons dans le cadre de ses fonctions à Maurice et à Bourbon (dont il était aussi le gouverneur depuis juillet 1810) tels que Thibault de Chanvalon et Nicolas de Foisy, tous deux de la loge française La Triple Espérance. Le premier était l’administrateur général de la colonie et il suivit Farquhar à Bourbon avant de reprendre son poste quand ce dernier revint en juillet 1811350. Nicolas de Foisy fut une figure-clé des liens entre le gouverneur anglais et les Français351 car, avant de prendre officiellement son logement à Réduit en février 1811, Farquhar s’installa chez lui352. Pour Michael Allan, ce cas de figure étonnant s’explique par le fait que les deux hommes avaient probablement des

347 Jessica Harland-Jacobs, «Global brotherhood: Freemasonry, Empires and Globalization», Special Issue UCLA [Grand Lodge of California: REHMLAC, 2013] p.84: « (…) had the ability to bring men of competing

empires together, thereby cutting across traditional boundaries and transcending the intense national/imperial rivalries of the age».

348 Eric Saunier, « La sociabilité maçonnique à l’Ile Bourbon : les apports des écrits du for privé » Rehmlac Volume 5. No.1. p. 20.

349 L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.31-2.

350 Antoine Marrier d’Unienville, Statistique de l’Ile Maurice et ses dépendances. Volume 2 [Paris : Gustave Barba, 1838. Republié par Kessinger Legacy Reprints] p.314.

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L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.72.

352 Michael Allan, Mary Allan, The Man and the island. Sir Robert Townsend Farquhar Bt. First British

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liens antérieurs à travers leurs familles. Pourtant, comme le souligne Rivaltz Quenette, « certes, en ces moments profanes, seule la discrétion des gestes de reconnaissance pouvait remplacer la chaude effusion des accolades fraternelles»353.

Dès que le nouveau gouvernement et les troupes furent installés, des interactions professionnelles et sociales commencèrent en sus des inévitables liens politiques et administratifs de la transition, bien qu’il semble que la maçonnerie ne fût pas mise en exergue officiellement, dans un premier temps. Ensuite, vers 1813, la maçonnerie commença à devenir un réel lien entre les Français, les gens de couleur et les Britanniques. La nature même de la fraternité reposant sur l’ouverture d’esprit et la solidarité entre maçons, il était inévitable que cette institution devînt de facto un élément d’inclusion qui les unissait. Dans Decentring empire. Britain, Indian and the transcolonial world, Ghosh et Kenneth soulignent le fait, qu’au XIXe

siècle, la maçonnerie était une institution qui permettait la socialisation et les échanges d’idées tout en apportant des aides plus facilement que dans le cercle des non-initiés grâce à un sens de la « camaraderie »354 plus poussée. De plus, en dehors des loges les barrières ethniques, religieuses et sociales étaient plus difficiles à surmonter. Cette situation fut facilitée par le fait que l’île Maurice avait déjà une maçonnerie française qui était active et elle était un terrain propice pour concrétiser la volonté des nouveaux arrivants, surtout celle du gouverneur Farquhar, de la rejoindre au lieu de l’étouffer. Les temples procurèrent une intimité différente et un réseau en parallèle au giron traditionnel de la vie politique, économique et culturelle du pays. Cependant, les liens maçonniques furent surtout l’apanage des élites de la capitale, où étaient concentrées les administrations et les loges influentes de La Paix et de La Triple Espérance. De ce fait, les affinités maçonniques avaient le potentiel de devenir une solution aux divergences locales mais elles furent principalement centrées sur certains cercles très restreints et élitistes de Port-Louis. La tâche du gouverneur Farquhar, qui œuvrait pour trouver un équilibre entre les décisions de la nouvelle administration et la pacification de la population locale, principalement des élites franciliennes et de couleur, fut facilitée par les liens maçonniques que les Britanniques tissèrent avec les Français en loge. De plus, cette situation trouvait toute sa pertinence alors qu’il n’y avait pas encore de loge des obédiences britanniques à Maurice. Il ne faudrait pas non plus amoindrir la portée politique d’un tel rapprochement car, au sein des tensions locales, la cohésion en loge des deux camps dans ce contexte colonial, en pleine métamorphose, ne pouvait qu’être bénéfique. En effet, les

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L. Rivaltz Quenette, La franc-maçonnerie à l’île Maurice : 1778-1878 [Roche Bois : High Quality Press Ltd, 2006] p.72.

354 Durba Ghosh, Dane Kenneth, Decentring Empire. Britain, India and the transcolonial world [Sangam Books, 2006] p .105: « (…) the structure creates a heightened sense of camaraderie ».

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maçons français accueillirent leurs homologues britanniques alors, qu’en dehors, ces mêmes hommes ne partageaient pas toujours des perspectives politiques et économiques similaires. Cet aspect stratégique fut, il semblerait, négligé par certains historiens et Rivaltz Quenette se demandait, suite à une question d’Yvan Martial du journal Le Mauricien en 2003, «si l’on n’avait pas minimisé, dans le passé, la responsabilité d’éminents Mauriciens, y compris des francs-maçons, dans le changement de drapeau, opéré à Maurice en 1810»355.

La clé de voûte de cet œcuménisme maçonnique fut, sans conteste, le gouverneur Farquhar. Selon D’Unienville, le gouverneur avait gagné la confiance des habitants qui avaient entendu ce qu’il avait fait antérieurement à Bourbon, puis «(…) il gagna promptement aussi l’attachement le plus sincère par tous les actes subséquents de son administration »356. Ensuite, il s’attela à resserrer des liens avec la maçonnerie française. Alors que la première loge de la Grande Loge Unie d’Angleterre dans la colonie ne fut créée qu’en 1816, le gouverneur Farquhar s’affilia en 1813 à la loge La Paix grâce à un de ses collaborateurs, Thibault de Chanvalon. Il y tint le poste de Senior Warden357 (Premier Surveillant). L’impact de cette affiliation fut, selon le Dictionnaire de la Franc-maçonnerie de Daniel Ligou, que «les Britanniques, à l’image de leur gouverneur sir Robert Farquhar, pénètr[èr]ent la Franc-maçonnerie locale»358. Les loges françaises pouvaient, dans ce contexte où les Français avaient perdu leur position politique de supériorité, au moins revendiquer le fait d’être les pionniers d’une maçonnerie déjà bien implantée. Cette fierté fut ressentie quand, 40 ans plus tard, dans la planche des travaux d’inauguration de la loge La Paix, l’auteur expliqua que Jean Maure, un des vénérables de la loge « (…) eut l’honneur insigne d’avoir pour premier [Surveillant] Son Excellence Sir Robert Farquhar, alors gouverneur de [l’] île »359. Farquhar s’affilia dans un premier temps à la Loge La Paix, sans connaître toutefois les rivalités entre les différentes loges françaises de l’île. La loge La Paix était principalement fréquentée par les gens de couleur et les libres influents alors que les maçons de La Triple Espérance étaient les propriétaires terriens, les cadres du système judiciaire et des professions libérales, et les cadres administratifs coloniaux français, entre autres, qui étaient restés après la Capitulation. Ensuite, Farquhar visita la loge-mère La Triple Espérance, le 27 juin 1813, avec deux de ses

355 Le Mauricien. Yvan Martial, « La franc-maçonnerie au rendez-vous des transitions révolutionnaires et

anglaises (II) » 8 décembre 2013.

356 Antoine Marrier d’Unienville, Statistique de l’Ile Maurice et ses dépendances. Volume 2 [Paris: Gustave Barba, 1838. Republié par Kessinger Legacy Reprints] p.308.

357 Michael Allan, «Lodge Friendship No.1696 EC. History» http://www.lof1696.com/history. Accès: 04/02/2015.

358 Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maconnerie [PUF, 1987] p.792.

359 Bulletin du GODF (2e série – 13e année) « Mélanges ». Copie de la planche des travaux d’inauguration. avril 1857. p.41.

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collaborateurs, Waugh et Charles Telfair (médecin de la marine et son conseiller). Ce jour-là, « le Temple avait peine à contenir les députations des Loges de la Ville, des Campagnes et d’Orients Étrangers »360

. La Triple Espérance alla jusqu’à programmer des affiliations afin de répondre à un souhait de Farquhar «(…) de voir travailler au 1er degré symbolique»361 d’après le Rite français362 (défini par le Grand Orient de France en 1786363). L’orateur de la loge, Rudelle, prononça un discours en l’honneur de du gouverneur. Ces liens influèrent aussi sur la diplomatie britannique comme le commenta Grégoire Cécile :

Cette présence active du gouverneur anglais dans une loge maçonnique française contribua d’une façon sensible à une passation de pouvoir qui se fit dans un esprit singulièrement libéral. (…) On devine le rôle éminent que joua la franc-maçonnerie dès le lendemain de cette capitulation pour assurer dans l’esprit et dans les faits la pérennité de la culture française à l’Ile Maurice364.

Ces affiliations ouvraient aux Britanniques les portes du cercle fermé des élites maçonniques franciliennes des deux loges influentes : La Paix et La Triple Espérance. Elles permirent à Farquhar de rallier certains habitants sous la bannière de la fraternité, faute de réussir à les rassembler sous le drapeau britannique au début. En effet, lors des quatre premières années, le sort des nouveaux arrivants britanniques n’était pas scellé. Ils étaient essentiellement des cadres coloniaux, des militaires et des membres du gouvernement qui étaient là pour administrer la colonie, maintenir la suprématie de la couronne à travers une forte présence et pour préserver une situation stratégique dans l’Océan Indien. La précarité de leur position venait du fait qu’aucune décision n’avait été prise sur le futur à moyen terme de la colonie. Ils devaient donc se contenter d’être les administrateurs minoritaires d’une île fortement imprégnée par un siècle d’administration française en attendant d’autres ordres de Londres. Au niveau maçonnique, cette situation incertaine les empêchait de créer une loge dans un premier temps. Le gouverneur anglais Farquhar retrouva donc en loge l’oligarchie de descendance française qui détenait les clés de l’économie et de l’épanouissement culturel du

360 Edouard Virieux, La loge « La Triple Espérance » de 1778 à 1878 [Typography of the Merchants and

Planters Gazette, 1887] p.24.

361 Ibid., p.24.

362 Rite Français: le Reformed French Rite of Seven Degrees. Masonic Mirror, “The French Rite” mai 1859. p.15.

363 Daniel Ligou, Dictionnaire de la franc-maconnerie [PUF, 1987] p.1027.

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pays et les gens de couleur influents. Il put ainsi créer des liens en maçonnerie, même s’ils étaient éphémères, avec les différents lobbies locaux. Ces liens rejoignent ce que Pierre-Yves Beaurepaire appelle le « réseau social » et permettent de comprendre « (…) comment un franc-maçon insère son engagement dans son dispositif relationnel, dans le faisceau des liens qui le socialisent, et comment il le mobilise »365. L’historien Benjamin Moutou, lui, affirme de façon péremptoire que «(…) c’est grâce aux liens maçonniques que les choses allaient se dissiper»366 dans la colonie. La maçonnerie mauricienne du XXIe siècle a aussi rendu hommage à l’œuvre de Farquhar. En 2010, lors du bicentenaire de la prise de l’île, la loge Sir Robert Farquhar Research Lodge No 16 fut consacrée par le Grand Maître de la Grande Loge de Maurice, Lindsay Descombes. Ce dernier parla de Farquhar comme ayant apporté l’unité à Maurice et ajouta que l’histoire témoigne que le gouverneur fit un « travail remarquable pour apporter une entente cordiale, la paix et l’entendement entre les habitants français et les dirigeants anglais»367. Que son initiative ait été de nature diplomatique, voire affairiste, ou partant d’un réel désir de promouvoir la fraternité, il est indéniable que Farquhar fut le pionnier des liens maçonniques entre les Français, les gens de couleur et les Britanniques dans la colonie.

Les espoirs d’œcuménisme maçonnique de Farquhar se concrétisèrent dès le 10 août 1813 avec la visite de Francis Rawdon-Hastings, Earl of Moira (1754-1826), qui fit escale à Maurice alors qu’il était en route pour la Grande Péninsule afin de prendre son poste de Gouverneur Général du Bengale et Commandant en Chef des Indes. Son arrivée eut un impact aussi bien social que maçonnique car il fut accueilli en tant que futur Gouverneur des Indes mais aussi comme un maçon éminent, c’est-à-dire l’ancien Pro-Grand Maître de la Grande Loge anglaise des Modernes (il suppléa368 le Grand Maître, le Prince de Galles) et le futur « Pro-Grand Maître de la très ancienne et honorable société des Maçons francs et acceptés aux Indes et toutes les îles des mers de l’Inde »369

. Sa venue était d’autant plus prestigieuse que la maçonnerie anglaise vivait un moment mémorable de son histoire. Depuis 1790, Lord Moira, nommé Pro-Grand Maître du duc de Cumberland, le Grand Maître de la Grande Loge des

365 Pierre-Yves Beaurepaire, Franc-maçonnerie et sociabilité. Les métamorphoses du lien social XVIIIe-XIXe

siècle [Editions maçonniques de France, 2013] p.7.

366

Benjamin Moutou, L’Ile Maurice: vingt-cinq leçons d’histoire (1598-1998) [Terre Rouge : Alfran Co.Ltd, 1986] p.55.

367 Freemasonry Today, «The First Entente Cordiale» 15 mars 2012: « History tells us that [Farquhar] did a

remarquable job to bring entente cordiale, peace and understanding between the French settlers and the English rulers ».

368 Jessica Harland-Jacobs et Cécile Révauger, « Rawdon, Francis [Moira, Hastings] (1754-1826) » dans C.Porset et C.Révauger, Le Monde Maçonnique des Lumières, Dictionnaire prosopographique Volume III [Paris : Champion, 2013] p. 2350.

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Modernes, avait mené l’obédience à travers une période de grandes difficultés et il lui avait aussi donné la possibilité d’exister malgré le « Unlawful Societies Act »370

de 1799 (qui bannit toutes les sociétés secrètes qui exigeaient un serment371). De plus, Lord Moira fut un des architectes de l’union des deux Grandes Loges372

, la Loge des Modernes et la Loge des Anciens, qui se fit le 27 décembre 1813, avec la création de la Grande Loge Unie d’Angleterre, un siècle après la création de la franc-maçonnerie moderne et spéculative en 1717 à Londres (par la réunion de quatre loges qui constituèrent la première Grande Loge). Cette union fut symbolique parce qu’elle rassemblait, après des années de schisme, les deux grandes loges qui suivaient des principes différents : les Modernes, regroupés sous la Grande Loge de Londres en 1717 et se suivant de nouvelles règles telles que les Constitutions d’Anderson, et les Anciens qui continuaient à suivre les anciens devoirs et n’étant « groupés en aucune organisation obédientielle »373. Comme le souligne J.H Hamill dans l’Ars Quatuor Coronatum de 1980, l’union deux Grandes Loges n’aurait pas été atteinte aussi promptement dès que les Ducs de Sussex et de Kent en devinrent, à la fin de 1813, les Grands Maîtres, s’il n’y avait pas eu la patience de Lord Moira et le travail de terrain qu’il dirigea374

. Il est intéressant de noter ici que, lorsque Lord Moira arriva à Maurice, il venait de quitter sa fonction de Pro-Grand Maître après une vingtaine d’années de service375. De plus, la loge où Farquhar fut initié en 1807 en Angleterre, la Lodge of Friendship No.3, était une loge des Anciens (ayant aussi comme membre le Duc de Sussex) et elle avait fait une donation pour l’achat d’un bijou qui fut offert à Moira pour honorer son poste de Grand Maître par intérim376. Ce bijou était dans ses bagages lors de sa visite à Maurice377.

La rencontre du jeune maçon, Robert Townsend Farquhar, et de l’ex Grand Maître anglais figure dans les annales maçonniques de la colonie. Pourtant, bien que Farquhar ne fût

370 Freemasonry Today. Quarterly Communication, «A speech by Bro Graham Redman, Assistant Grand

Secretary, and VW Bro John Hamill» 12 décembre 2012: « had steered the Moderns through a difficult period, not least the possibility of the Craft being proscribed under the 1799 Unlawful Societies Act ».

371 Cette loi visait les secrets autour des regroupements de Jacobins et de catholiques.

372 Proceedings of the Grand Lodge of England: 1813 to 1868. Grand Assembly of Freemasons on the Union of

the two Grand Lodges on St. John’s Day on the 27th of December 1813. 5pp.

373 Paul Naudon, La Franc-maçonnerie [PUF, 1982] p. 31.

374

J.M Hamill, « The Earl of Moira, Acting Grand Master 1790-1813» AQC Volume 93. Year 1980. 21 février 1980. p.36: « To my mind, had it not been for his promotion of the idea, his patience and the ground work

covered under his direction, the Union would not have been achieved as quickly as it was once their Royal Highnesses the Dukes of Kent and Sussex became Grand Masters of the two Grand Lodges in the latter part of 1813».

375

Jessica Harland-Jacobs, Builders of Empire: Freemasons and British Imperialism, 1717-1927 [Chapel Hill: The University of North Carolina Press, 2007] p.171.

376 Freemasonry Today. «The First Entente Cordiale» 15 mars 2012: « to mark his service as Acting Grand

Master ».

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pas assidu pendant les deux années passées dans sa loge mère à Londres, il passa les grades de compagnon et maître en 1809 avant de quitter l’Angleterre pour l’Inde et il reçut l’ordre d’être considéré comme un « membre honoraire »378 de la loge pendant son absence. De plus, il devait à Lord Moira son titre de Grand Maître Provincial. Bien que ce titre soit encore

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