• Aucun résultat trouvé

Assurer des comparaisons de pauvreté robustes

2.2. Localisation géographique et formes intertemporelles de la pauvreté

L’objectif de l’étude est de caractériser les observatoires de Marovoay et d’Antsirabe selon les aspects intertemporels de la pauvreté. Nous nous demanderons ainsi si les deux zones sont plutôt marquées par la pauvreté durable ou la pauvreté transitoire. Puisque les deux zones ont été choisies pour leur caractère illustratif de deux grandes zones agro-climatiques malgaches, on peut s’attendre à des divergences d’un observatoire à l’autre sur la question de la durabilité de la pauvreté. Ces divergences sont-elles avérées ?

a- Prédominance de la pauvreté chronique dans le Vakinankaratra (Antsirabe) et de la pauvreté transitoire dans les grands périmètres irrigués (Marovoay)

Comme on pouvait s’y attendre au vu de l’analyse sur les mouvements globaux de pauvreté, les formes intertemporelles de la pauvreté, présentées dans le tableau III.4, sont largement différenciées d’un observatoire à l’autre. Selon l’approche par périodes contrôlée de la sensibilité à la ligne de pauvreté, la répartition de la population entre pauvres persistants, pauvres transitoires et non pauvres révèle la prédominance du groupe des pauvres persistants sur l’observatoire d’Antsirabe (46,7% de la population). Sur l’observatoire de Marovoay, les situations transitoires sont les plus fréquentes (56% de la population).

Ce dernier résultat est particulièrement saisissant lorsqu’on le met en regard des résultats de l’identification empirique des formes de pauvreté dans la littérature internationale. Selon Clément [2005], dans la quasi-totalité des études retenant l’approche par périodes, la pauvreté transitoire est plus importante que la pauvreté persistante149. Selon le rapport mondial du Chronic Poverty Research Center (CPRC [2004]), l’Afrique sub-saharienne, qui est la zone la plus touchée par la pauvreté chronique au niveau mondial, afficherait un taux de pauvreté persistante (selon l’approche par périodes) de l’ordre de 30 à 40 %. Malgré des difficultés de comparaison des résultats, qui sont en grande partie liés à la ligne de pauvreté retenue, il semblerait que l’observatoire d’Antsirabe se situe dans la fourchette haute. La situation de l’observatoire d’Antsirabe est donc, à ce titre, singulière. Pourtant, l’étude sur la capitale de

Madagascar, menée par Herrera et Roubaud [2003] selon l’approche par périodes, montre également la prédominance de la pauvreté persistante150.

L’observatoire de Marovoay, en revanche, est caractérisé par l’importance du groupe des pauvres transitoires. La comparaison de ce résultat avec l’étude de Herrera et Roubaud pour la capitale permet également de relativiser l’idée selon laquelle la pauvreté durable est plutôt caractéristique des zones rurales, alors que la pauvreté transitoire serait le fait des zones urbaines151. Pourtant, la comparaison reste difficile pour les raisons précédemment évoquées. La différence du nombre de vagues du panel (trois pour l’étude de Herrera et Roubaud et cinq pour l’étude présente) et l’absence d’une ligne de pauvreté commune contribuent à l’explication de ces disparités. Quoi qu’il en soit, la comparaison des résultats obtenus sur les deux observatoires ruraux avec une méthode strictement identique, nous permet de conclure sans ambiguïté que chacune de ces zones est marquée de façon différenciée par les formes intertemporelles de pauvreté.

La pauvreté est un phénomène essentiellement transitoire à Marovoay, quand, à Antsirabe, elle est un phénomène majoritairement chronique. L’approche en composantes confirme ces deux résultats152. A Marovoay, la composante de pauvreté transitoire représente, en effet, environ les trois quarts de la pauvreté intertemporelle. A Antsirabe, on retrouve la nette dominance des aspects chroniques de la pauvreté, la composante de pauvreté chronique représentant plus des deux-tiers de la pauvreté totale. L’approche mixte permet d’affiner les résultats de l’approche par périodes en caractérisant plus finement le groupe des pauvres transitoires. Elle met en évidence qu’une proportion non négligeable des ménages considérés comme pauvres transitoires dans l'approche par périodes a un niveau de bien-être permanent inférieur à la ligne de pauvreté. La catégorie des pauvres chroniques non persistants représente en effet un peu moins de 20 % de la population des deux observatoires.

150 Le groupe des ménages non pauvres pour toutes les périodes représente 9,1% de la population, le groupe des pauvres transitoires 26% et le groupe des pauvres chroniques 64,9%.

151 Les études empiriques montrent qu’en général, la pauvreté chronique est plus importante dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Voir par exemple l’étude de Deininger et Okidi [2002] pour l’Ouganda.

152 L’approche de composantes fait référence au bien-être permanent, la moyenne intertemporelle du bien-être doit donc tenir compte d’un taux actuariel. En l’absence d’informations sur les conditions de prêt et de marché financier, il nous a été impossible de construire une variable approchant le concept de taux actuariel. Les flux annuels de bien-être sont donc simplement déflatés par les indices de prix annuels, estimés par le rapport des lignes de pauvreté totales. L’indice de pauvreté intertemporelle a une sensibilité à la ligne de pauvreté jugé acceptable, compte tenu du fait que l’indice intertemporel est une moyenne des cinq indices annuels (voir annexes).

Tableau III.4 Les formes dynamiques de la pauvreté à Marovoay et Antsirabe, 1998-2002

A- Approches par périodes

Pauvres Pauvres Non

persistants(%) transitoires (%) pauvres (%) Total

1

Approche par périodes "contrôlée" 2

Marovoay 8,7 62,2 29,1 100

Antsirabe 46,7 38,8 14,5 100

B- Approche en composantes 3

Composante de pauvreté chronique Composante de pauvreté transitoire intertemporelle Pauvreté (P2)

En termes absolus

Marovoay 0,014 0,037 0,051 Antsirabe 0,110 0,050 0,160

Part dans la pauvreté totale (P2)

Marovoay 27,5 72,5 100

Antsirabe 68,7 31,3 100

C- Approche mixte

Pauvres chroniques Pauvres Non

Persistants (%) Non persistants (%) transitoires (%) pauvres (%)

Marovoay 8,7 17,8 44,4 29,1 100 Antsirabe 46,7 19,6 19,2 14,5 100 Notes : (1) L'échantillon de l'observatoire d'Antsirabe représente 433 individus, celui de Marovoay 241

individus; (2) Les ménages pauvres à toutes les périodes sauf une sont considérés comme pauvres chroniques si, pour la période de sortie de la pauvreté, leur revenu par tête n'excède pas la ligne de pauvreté de 10%. Les ménages pauvres à une seule période sont considérés comme non pauvres lorsque leur revenu par tête est supérieur à 90% de la ligne de pauvreté pour cette période. (3) L'étude de la sensibilité des mesures intertemporelles de la pauvreté vis-à-vis du seuil retenu est présentée en annexes. L'absence de rupture marquée dans l'évolution des indices consécutive à l'évolution de la ligne laisse présumer qu'il n'y a pas de concentration de la distribution aux abords de la ligne.

Source : A partir des données du Réseau des Observatoires Ruraux de Madagascar.

Chacune des deux zones est donc caractérisée par un profil de pauvreté intertemporelle spécifique. Par ailleurs, une analyse plus fine de la localisation géographique met en exergue des différences notables au sein même de chaque observatoire

b- Des spécificités « micro-locales »

Le tableau III.4 présente la désagrégation des résultats au niveau des sites des deux observatoires153. Il souligne que la localisation géographique joue un rôle considérable sur les formes intertemporelles de la pauvreté.

En ce qui concerne l’observatoire d’Antsirabe, le site de Vinany, situé dans le Moyen-Ouest, a une proportion relativement faible de pauvres persistants, suivi de près par Ambohibary. Le site de Faravohitra est dans la moyenne de l’observatoire alors que Soanindrariny et Bemaha sont largement au-dessus. Ces résultats sont confirmés quelle que soit la méthode de modélisation des formes intertemporelles de la pauvreté retenue. Sur le site de Marovoay, également, les deux approches produisent sensiblement la même classification des sites.

Sur l’observatoire d’Antsirabe, l’ensemble des zones où la pauvreté chronique est la plus marquée est caractérisé par un enclavement important ou par des caractéristiques géographiques pénalisantes. L’enclavement implique des frais de transport élevés et, pour préserver leurs marges, les collecteurs ont donc tendance à pratiquer des prix aux producteurs relativement faibles. Sur les sites de Bemaha et de Faravohitra notamment, l’absence de routes aisément praticables nuit à l’écoulement de la production et au ravitaillement du village. Le site d’Ambohibary, situé sur une vaste plaine d’altitude, est aisément accessible. En outre le développement de la culture de la pomme de terre, particulièrement rémunératrice est un atout indéniable de la zone. En ce qui concerne le site de Soanindrariny, l’élément topographique (zone de montagne au relief accidenté) et la densité de population sont déterminants pour expliquer une prévalence élevée de la pauvreté chronique (et l’importance du groupe des pauvres persistants), malgré une accessibilité relativement bonne. La superficie disponible par ménage y est particulièrement réduite, et les contraintes foncières et topographiques imposent la culture du riz pluvial au détriment du riz irrigué, malgré des rendements beaucoup plus faibles. Pourtant, la zone, spécialisée dans l’élevage laitier et la production de fruits (pommes, pêches) en plus de la riziculture, a des atouts incontestables.

Sur l’observatoire de Marovoay, le critère d’enclavement, s’il participe certainement de l’explication de la pauvreté chronique, ne permet pas d’expliquer totalement les divergences d’un site à l’autre. Le site de Bepako a la situation géographique la plus privilégiée. Il est non seulement à proximité de Marovoay, mais il est également situé est au cœur du périmètre irrigué, ce qui a un impact positif sur les rendements rizicoles. La combinaison de ces deux caractéristiques explique la relative faiblesse de la composante de pauvreté chronique par rapport aux autres sites. Le site d’Ampijoro est, de loin, le plus enclavé, dans la mesure où il est situé à l’intérieur des terres, sur la rive gauche de la Betsiboka, alors que Marovoay et la route nationale sont sur la rive droite. Néanmoins, même si la pauvreté chronique y est plus

Tableau III.5 Localisation et formes de pauvreté, 1998-2002

Pauvres chroniques Pauvres Non

Persistants (%) Non persistants (%) transitoires (%) pauvres (%) Effectif

Localisation Antsirabe ensemble 46,7 19,6 19,2 14,5 433 Soanindrariny 53,6 16,4 15,5 14,5 110 Vinany 37,1 23,6 14,6 24,7 89 Bemaha 52,7 13,9 16,7 16,7 72 Faravohitra 48,2 24,7 22,4 4,7 85 Ambohibary 40,2 19,5 28,6 11,7 77 Marovoay ensemble 8,7 17,8 44,4 29,1 241 Bepako 4,7 22,1 44,1 29,1 86 Madiromiongana 17,0 20,3 35,6 27,1 40 Ampijoroa 7,2 8,9 46,4 37,5 59 Maroala 7,5 17,5 55,0 20,0 56 Composante de pauvreté chronique Composante de pauvreté transitoire Pauvreté intertemporelle Effectif Valeur absolue Part dans la pauvreté inter temporelle (%) Valeur absolue Part dans la pauvreté inter temporelle (%) Valeur absolue Antsirabe 0,110 68,7 0,050 31,3 0,160 433 Soanindrariny 0,132 71,5 0,053 28,5 0,184 110 Vinany 0,087* 62,7 0,052 37,3 0,139 89 Bemaha 0,137 78,0 0,039* 22,0 0,176 72 Faravohitra 0,095* 65,6 0,050 34,4 0,145 85 Ambohibary 0,098* 63,7 0,056* 36,3 0,154 77 Marovoay 0,014 27,1 0,037 72,9 0,051 241 Bepako 0,008 16,7 0,040 83,3 0,049 86 Madiromiongana 0,025* 41,2 0,035 58,8 0,060 59 Ampijoro 0,014* 35,8 0,025* 64,2 0,039 56 Maroala 0,010 16,3 0,050* 83,7 0,060 40

* Le test des différences de pauvreté (Kakwani [1990]) est significatif au seuil de 5%. La base est le site de Soanindrariny pour l’observatoire d’Antsirabe et Bepako, pour l’observatoire de Marovoay

Source: Calculs effectués à partir des données du Réseau des Observatoires Ruraux.

élevée que la moyenne, c’est le site de Madiromiongana qui affiche la composante de pauvreté chronique la plus élevée. Malgré sa situation privilégiée, à proximité de la nationale, le site est doté de caractéristiques agricoles moins avantageuses, puisqu’une grande partie des terres agricoles des ménages du site est située en marge du périmètre irrigué.

obtenus, dans la première partie du chapitre, au cours de l’analyse de la pauvreté. L’enclavement plus important de l’observatoire d’Antsirabe a été identifié comme un facteur explicatif majeur des différences de pauvreté entre les deux observatoires154. L’analyse selon les caractéristiques des sites qui composent les deux observatoires montre que le critère d’enclavement n’est pas le seul à jouer. Autrement dit, au niveau local, ce sont les caractéristiques agronomiques du terroir qui semblent prédominer, tandis qu’au niveau régional (celui des observatoires), on retrouve ce que souligne régulièrement la littérature internationale sur les questions de pauvreté chronique et transitoire : l’enclavement est un des aspects systématiquement associés à la pauvreté chronique dans les études empiriques.

c- L’isolement géographique, un facteur explicatif majeur de la pauvreté chronique

Bird et Shepherd [2003] précisent les soubassements théoriques expliquant la prévalence de la pauvreté chronique dans les zones rurales isolées, en distinguant les mécanismes économiques des mécanismes sociaux et politiques.

D’un point de vue économique, les zones géographiquement enclavées sont caractérisées par un cumul de handicaps qui, en se combinant, expliquent une persistance de la pauvreté particulièrement marquée. Thapa et al. [2000] insistent sur la faible accessibilité aux infrastructures de base (de santé et d’éducation) en raison de l’éloignement et de réseaux routiers défectueux. Selon Bird et al. [2002], ce problème est d’autant plus présent que le faible niveau de demande effective décourage les investissements en infrastructures et services publics. Outre ce problème, les coûts de transport particulièrement élevés renchérissent les coûts des produits de première nécessité non produits sur la zone, et découragent les producteurs à s’engager dans la production de denrées destinées aux marchés nationaux et internationaux (Rayner [1980]). Enfin, l’imperfection des marchés se traduisant par des coûts de transactions élevés, des difficultés d’accès au marché du crédit et la présence d’externalités réduisent considérablement la rentabilité des investissements. Par exemple, le temps et l’argent investis dans l’instruction risquent de ne pas générer les gains escomptés lorsque le marché du travail est imparfait.

154 Les profils de pauvreté selon les sites donnent la même hiérarchisation que les profils de pauvreté chronique. Sur l’observatoire de Marovoay, la pauvreté est nettement plus marquée sur le site de Madiromiongana que pour tout autre. Sur l’observatoire d’Antsirabe, les sites de Soanindrariny et Bemaha sont également les plus touché par la pauvreté.

Cependant, pour Jalan et Ravallion [1997], la relation positive entre zones enclavées et pauvreté chronique ne tient pas uniquement à un cumul des facteurs négatifs précédemment identifiés au sein des zones reculées. Ils identifient, dans une étude appliquée à la Chine, un phénomène de « trappe spatiale à pauvreté ». Dans une zone caractérisée par une faiblesse structurelle et généralisée des dotations en capital, il se produit un effet d’entraînement, la faiblesse des dotations du voisinage réduisant les possibilités de valorisation des actifs d’un ménage quelconque de ladite zone. Ils expliquent ainsi la présence d’externalités négatives liées à la localisation géographique. Autrement dit, « (…) le rendement individuel marginal du

capital privé dépend de l’endroit où l’individu vit » (1997 : 3). Leur étude empirique

démontre que deux ménages dotés de caractéristiques socio-économiques exactement identiques (notamment en termes de dotations en capital) mais habitant deux zones différentes ne peuvent valoriser de la même façon leur stock en capital, l’un étant pauvre et l’autre non pauvre, du simple fait de sa localisation. La seule variable de localisation explique ainsi des différences de bien-être économiques significatives. De même, Ravallion et Wodon [1999] démontrent, dans une étude appliquée au Bangladesh, que les zones géographiques les plus pauvres ne le sont pas uniquement parce que les déterminants connus de la pauvreté y sont particulièrement concentrés. Ils identifient également un effet géographique sur la pauvreté qu’ils attribuent à la présence des externalités négatives précédemment présentées. De Vreyer, Herrera et Mesplé-Somps [2003] précisent les facteurs géographiques à l’origine des trappes spatiales à pauvreté en les regroupant en trois catégories : (i) les facteurs strictement géographiques (condition agronomiques et climatiques) ; (ii) l’accès aux biens publics et aux infrastructures ; (iii) les facteurs d’ordre socio-économiques (par exemple, sur une même aire géographique, un niveau moyen d’éducation élevé est générateurs d’externalités positives car il favorise, notamment, la vitesse de circulation de l’information et du savoir)155.

Par ailleurs, ces mécanismes, strictement économiques, sont encore renforcés par un processus d’exclusion sociale et politique. Le concept d’exclusion sociale, initialement développé en France par Lenoir [1974] pour désigner une catégorie de la population non protégée par le système d’assurance sociale (les handicapés, les personnes âgées, les invalides, les suicidaires, etc.) est élargi au cours des années 1980 pour s’intégrer au débat sur

155 L’étude empirique de De Vreyer, Herrera et Mesplé-Somps [2003], appliquée au Pérou, révèle également l’effet significatif des variables géographiques sur la croissance de la consommation des ménages. Les variables géographiques contribuent donc à expliquer les écarts de pauvreté entre la région côtière et les régions de la

la nouvelle pauvreté. L’exclusion sociale fait référence au processus de désintégration sociale, dans le sens d’une rupture progressive des relations entre individu et société (Rodgers et

al. [1995]). La pensée anglo-saxonne s’est également appuyée sur le concept d’exclusion

sociale, mais dans une vision plus individualiste, qui la rapproche du concept de pauvreté multidimensionnelle (Rodgers et al. [1995]). Alors que dans l’acception française, l’exclusion sociale renvoie à une rupture de contrat entre l’individu et la société, dans la pensée anglo-saxonne, elle est définie, du point de vue des individus, comme une réalisation inadéquate et inégalitaire des droits sociaux. Selon Yepez [1994], le concept d’exclusion sociale est un concept pivot en ce qu’il permet d’articuler les niveaux micro et macro ; il est fondamentalement dynamique, puisqu’il cherche à identifier les processus qui conduisent des individus, en général marqués par des privations sociales et économiques multiples, sur la voie de la marginalisation sociale ; il s’inscrit à la charnière des dimensions individuelles et collectives. La faiblesse de l’accès à l’information et aux réseaux politiques contribue largement, selon Bird et Shepherd [2003], à l’explication de la pauvreté chronique dans les zones rurales isolées au Zimbabwe.

L’importance du facteur d’isolement pour expliquer la pauvreté chronique a été mise en avant par Bird et Shepherd [2003] et Mehta et Shah [2001] pour le Zimbabwe et l’Inde respectivement. Par ailleurs, Baulch et Masset [2003], dans une étude appliquée au Vietnam, et McCulloch et Calandrino [2002], dans une étude appliquée à la région chinoise du Sichuan identifient que la pauvreté chronique est particulièrement élevée dans les zones montagneuses. Dans ce dernier cas, le critère d’enclavement ne joue pas seul, d’autres caractéristiques géographiques du territoire entrent en jeu (topographie, climat et leur influence sur les caractéristiques agricoles du territoire).

En ce qui concerne l’étude des différences de pauvreté sur les observatoires malgaches, ces mécanismes jouent tant au niveau des ensembles régionaux (d’un observatoire à l’autre156) que des sous-zones (d’un site à l’autre). La logique illustrative de l’enquête utilisée nous a amené à considérer avec un soin particulier la localisation des ménages. Le principe d’échantillonnage raisonné a en effet pour objectif de révéler la spécificité des caractéristiques agro-climatiques mais aussi sociales, économiques et organisationnelles des ensembles régionaux retenus pour localiser les observatoires. L’analyse menée permet de confirmer la pertinence de ce principe d’enquête en révélant l’importance du critère de localisation pour

expliquer les différences marquées des formes temporelles de la pauvreté tant au niveau des grand ensembles régionaux qu’au niveau local.

La mise en œuvre des différentes décompositions des formes dynamiques de la pauvreté tend à faire apparaître des différences structurelles majeures entre les deux observatoires. Si, les études théoriques et empiriques soutiennent l’hypothèse selon laquelle la localisation géographique est un aspect central dans l’explication des formes de pauvreté, encore faut-il établir ce résultat de façon certaine pour les deux observatoires. Pour ce faire, l’analyse doit prendre en compte l’ensemble des déterminants théoriques de la pauvreté chronique et de la pauvreté transitoire. Ainsi, et bien que les différences de terroir, les spécialisations agricoles et l’enclavement semblent jouer considérablement sur les formes de pauvreté, il est opportun de s’interroger sur des caractéristiques communes associées aux différentes formes dynamiques de pauvreté, quelle que soit la localisation géographique. La persistance d’un effet régional marqué sur les formes de pauvreté lorsque l’on prend en compte l’ensemble des déterminants est la seule à même d’établir, de façon robuste, des différences structurelles entre les observatoires.

III. P

AUVRETE CHRONIQUE ET TRANSITOIRE

:

DES DETERMINANTS SPECIFIQUES

?

Au cours des années 1990, l’intérêt croissant pour la distinction entre les formes de pauvreté chronique et transitoire s’est appuyé sur l’idée selon laquelle l’une et l’autre sont liées à des mécanismes distincts. La pauvreté chronique ou persistante serait avant tout liée à une faible dotation en capital, les différentes privations se renforçant mutuellement pour former une véritable trappe à pauvreté. La pauvreté transitoire, quant à elle, serait essentiellement la résultante d’une difficulté de gestion des chocs conjoncturels, conduisant les ménages à une réduction de leur bien-être économique, généralement de courte durée. Les choix méthodologiques qui sous-tendent l’identification des déterminants de la pauvreté