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La localisation de la maison individuelle : un choix ?

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 188-194)

Une figure de l’accession en maison individuelle plus contrainte : celle des familles modestes du périurbain lointain

2. La localisation : quelle est la part du choix ?

2.1. La localisation de la maison individuelle : un choix ?

• Le choix de rester proche de la ville

Pour le premier groupe, les discours présentent avant tout le souci de ne pas trop s’éloigner de la ville, en particulier des services et parfois du lieu de travail d’au moins un des conjoint, le plus souvent la femme. Les ménages rencontrés dans cet échantillon ont une approche assez pragmatique de leur localisation, en particulier face aux exigences des enfants :

« C’est vrai qu’on voulait partir de Toulouse mais sans trop s’éloigner, donc la proche banlieue, …, il fallait pas que cela soit trop loin de la ville non plus, si je m’écoutais j’irais vivre plus loin à la campagne, mais avec des enfants » (R5, F, 36 a, employée, Ramonville),

« Nous on a privilégié la proximité du travail, de l’emploi, en plus Ramonville on nous avait dit que c’était pas mal, il y a le collège, le lycée Bellevue, l’école primaire juste à côté

… » (R4, H, 50 a, profession libérale, Ramonville),

« … mon mari travaille à Matra, donc on ne voulait pas trop s’éloigner de par là, c’était Escalquens, Labège ou Castanet, après non parce qu’il n’y a plus de bus régulièrement et c’est trop compliqué pour que les enfants puissent se débrouiller tout seul quand il seront plus grands » (E2, F, 29 a, sans profession, Escalquens),

Même pour des ménages qui privilégient l’aspect campagnard de leur installation, la proximité de la ville n’est pas ignorée :

« C’était à la fois un compromis entre campagne et ville aussi avec une distance qui n’était pas trop… qui était correcte, par rapport à mon lieu professionnel aussi. Donc je ne voulais pas aller trop à l’extérieur pour éviter de passer quand même un temps trop long à la fois dans les embouteillages et les transports. Bon c’est vrai que cette zone de Toulouse était, c’est vrai, agréable » (E11, F, 47 a, enseignante, Escalquens),

« Je dirais entre les deux. On est dans la campagne dans le sens où on n’a pas de bruit mais on n’est pas très loin de la ville. Je sais pas… c’est bâtard. Je sais pas comment on pourrait le caractériser, quoi. On n’entend rien, on est près de la campagne mais à côté de ça on est à un quart d’heure de la ville » (E12, F, 41 a, employée, Escalquens).

Quant aux familles dont les ressources sont limitées, les exigences en matière de localisation sont fortes et on privilégie d’abord l’accès aux aménités urbaines :

« Le choix s’est fait d’abord par rapport à une enveloppe financière, la proximité de mon lieu de travail et celui de ma femme et la proximité aussi des infrastructures des services publics: école, collège, lycée. Nous avions des enfants jeunes, au début, mais on prévoyait l’avenir. Et aussi un autre point important, la possibilité d’avoir des transports en commun, pour les enfants justement quand ils seraient plus grands, à proximité » (E6, H, 44 a, éducateur, Escalquens).

Les ménages peuvent aussi, lorsque les ressources sont suffisantes, faire de la localisation un enjeu majeur de l’installation et de l’accession, que ce soit en vue d’une opération financière ou dans un souci de meilleur environnement paysager et/ou social :

« Je crois que la valeur d’une construction, c’est la valeur de là où on l’a fait, c’est ça qui est important, …, je pense qu’il vaut mieux se payer un terrain dans un endroit stratégique, plutôt que de vouloir mégoter sur le terrain et faire une belle construction, … » (R3, H, 42 a, cadre supérieur, Ramonville),

« On cherchait une maison dans le sud de Toulouse, Rangueil ou Ramonville donc c’était assez ciblé » (R6, F, 35 a, ingénieur, Ramonville)

« … On s’est orienté dans le secteur par rapport aux enfants, et surtout au lycée. On a regardé longtemps sur les Pradettes et il s’avérait que le lycée ne nous convenait pas. Vous savez les races sont mélangées et ça fait quand même un niveau moins bon » (E1, F, 45 a, infirmière, Escalquens).

Chez ces périurbains du groupe PA, le souci de la mise a distance apparaît bien maîtrisé, plus en phase avec les convenances contemporaines liées à l’accessibilité aux espaces urbains.

Ainsi dans les entretiens, les ménages expriment leur volonté d’éviter ou au contraire de rechercher certains types d’espaces qui leur semblent incompatibles ou conformes à leurs aspirations : choix d’un mode de vie urbain, d’un environnement agréable et aéré, propice à la vie familiale. Et on retrouve souvent dans les choix de localisation l’importance de l’adresse, ou du secteur, des pratiques qui peuvent s’y déployer (proximité du travail, des services, …), ou encore le poids des stratégies de scolarisation.

• Le « choix » de s’éloigner de la ville

En revanche, ces arguments n’apparaissent pas dans les discours des périurbains du groupe PL. En effet, chez eux, la mise à distance de la ville ne se manifeste pas de la même manière.

Peu de ménages admettent avoir volontairement choisi leur commune d’installation indépendamment du prix du foncier et/ou des impôts locaux, même si certains rationalisent et la présente comme un choix. Ils ont tous conscience que le prix du terrain et des taxes diminue avec la distance au centre :

« On préfère se retrouver à la campagne et puis parce que c’est moins cher ici, …, on aurait aimé être plus près de la ville mais comme c’était trop cher pour nous, on est venu jusque là » (S11, H, 38 a, employé, Saint-Sulpice)

« C’est vrai qu’on aurait préféré être sur Aussonne directement, voire Colomiers, quand même, …, même Grenade, ça nous faisait plus cher » (I2, H, 28 a, technicien, Larra),

« Oui, on a regardé plus près, mais quand on s’est renseigné sur les impôts fonciers et les prix des terrains et qu’on a vu que c’était quand même assez cher pour nous, alors on est venu là, bon c’est vrai que ça faisait un peu plus loin pour travailler, mais c’est un choix parce que ça fait plus campagne » (Ll4, H, 42 a, chômage, Lavernose Lacasse).

Un ménage exprime même n’avoir pas vraiment envisagé de quitter la ville de Toulouse, en tout cas pas de manière aussi rapide, c’est le marché du logement à la fois par sa cherté et par son manque de diversité en matière d’habitat qui les a confortés dans le départ en périurbain :

« On avait quand même demandé s’ils pouvaient [l’OPHLM] nous trouver un logement plus grand vu que la famille s’agrandissait, mais les seuls appartements qu’ils nous proposaient c’était du Mirail et il était hors de question d’aller là-bas, alors ensuite on s’est renseigné sur

Blagnac, mais dans ce cas alors pour acheter, mais c’est tellement cher là-bas aussi, même les maisons collées les unes aux autres c’était pas dans nos prix, donc on s’est dit eh bien autant aller un peu plus loin et quitte à s’éloigner autant partir à la campagne, …, ici c’était presque 10 fois moins cher qu’à Blagnac ou Cugnaux pour une vrai maison et un grand jardin … » (I3, F, 36 a, congé maternité, St Julien).

Figure 41 : « … autant aller à la campagne »

Figure 42 : « … ça fait plus campagne »

Pour tous ces ménages modestes, trop d’éléments auraient pu mettre en échec cette acquisition et comme on l’a vu précédemment, ils souhaitaient à tout prix quitter leur lieu de vie précédent ; la ville et l’appartement. L’offre en services ne semble pas avoir été considérée, ou si peu, et leur arrivée dans ce type de commune s’explique essentiellement par le prix du terrain. Leur installation est alors dictée par un ensemble de compromis ; la possibilité de construction, la faiblesse des taxes foncières et l’influence du promoteur. Un compromis si fortement intégré et accepté qu’il permet alors de gommer les contraintes de cet éloignement :

«Parce que c’est moins cher ici, parce que c’est moins cher qu’aux alentours de Toulouse » (Lh7, H, 42 a, ouvrier, Le Lherm),

«Disons qu’on n’a pas vraiment pensé à tout ça, on s’est dit que c’était un petit peu plus loin pour aller au travail mais bon pour avoir un petit coin de campagne et quelque chose à soi, et une fois que ça a été dit, bon on va construire, on s’est dit oui c’est vrai c’est un petit peu plus loin, mais bon au moins le soir on est chez soi, être au calme » (P2, H, 55 a, employé, Poucharramet).

Ces ménages n’ont pas ou n’expriment pas d’attache familiale et sociale dans la prise en compte du choix de localisation. Seul le promoteur ou le constructeur est écouté et finit presque par choisir à leur place :

« En fonction de l’argent qu’on [ils] pouvait y mettre, il [le constructeur] nous a emmené ici » (Ll10, H, 43 a, employé, Lavernose Lacasse),

« C’est le constructeur qui nous a trouvé le terrain, et puis comme lui il est de Noé et moi je suis de Bérat ce qui fait que bon on cherchait dans les environs et on ne voulait pas être trop près de Muret parce qu’on sait que les taxes d’habitation, on sait que ça chiffrait. Alors on est venu voir le terrain et on est parti, après le notaire et hop! » (P2, H, 55 a, employé, Poucharramet),

«Alors, comme par d’autres promoteurs il fallait une fortune, enfin en apport, et bien on s’est retourné vers la Maison Idéale et puis c’est le démarcheur, le représentant qui a tout fait, on a été du côté de Lézat il nous a montré des maisons… l’essentiel c’était de faire construire… il me dit « tu vas voir on va y aller » et puis on est passé par derrière, par Noé et c’était un peu la campagne et on a atterri ici, il y a avait 1, 2, 3 maisons qui étaient construites, 1, 2, 3, 4, oui, nous on était la cinquième, le terrain nous a plu parce qu’il n’était

pas excessif, il faisait 1000 m² et 35000 F, donc 35 F le m² et puis on s’est décidé et puis quand la maison a été finie, on a déménagé et on est venu ici » (P1, H, 56 a, ouvrier, Poucharramet),

« C’est le promoteur qui nous a dit que c’était possible pour nous d’avoir une maison, à cet endroit, que dans cette commune on rentrait dans nos prix, …, c’est vrai qu’à l’époque on n’a pas vraiment pensé à tout » (Lh8, H, 48 a, agent de maîtrise, Le Lherm).

Cette localisation qui se fait dans un contexte de fuite n’a pas permis de bien approfondir toutes les facettes du projet et s’est souvent opérée dans la précipitation : « (Comment vous est venue l’idée de devenir propriétaire ?) Eh bien on a dit, on se lance ! On voulait aller assez vite » (Ll4, H, 42 a, chômage, Lavernose Lacasse).

Ainsi, l’ensemble des termes qui sont utilisés marque davantage le hasard de leur installation plutôt que leur choix: « On est tombé ici par hasard » (Lh7, H, 42 a, ouvrier, Le Lherm), « on a atterri ici complètement par hasard » (Ll4, H, 42a, chômage, Lavernose Lacasse), « c’est vrai qu’on n’a pas cherché à savoir vraiment où c’était situé, le terrain et le prix nous convenaient » (P3, H, 45 a, employé, Poucharramet).

La description que ces ménages modestes font de leur projet d’accession minore leur part dans la prise de décision et sous-estime le facteur économique, cela, malgré un contexte plus défavorable. Pour eux, la contrainte financière a un tel impact que le lieu de l’implantation reste secondaire, parce que la faiblesse des ressources ne permet pas de choisir, mais également parce que contrairement à d’autres ménages au profil parfois équivalent, ceux-là n’ont pas d’attache familiale dans la région et ne cherchent pas à s’installer au centre d’un système de lieux. A défaut, ils s’installent dans le prolongement de leur précédent bassin d’emploi et d’habitat, en s’éloignant davantage selon une logique d’axe.

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 188-194)