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L’affirmation d’un appareil de production

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 33-37)

« ville émergente »

2. L’espace périurbain : support d’une politique du logement et d’un modèle résidentiel

2.2. L’affirmation d’un appareil de production

La construction de maisons individuelles était majoritairement, à sa naissance, le fait d’initiatives individuelles, ou résultait de l’intervention de petits constructeurs-promoteurs ou de groupements coopératifs pratiquant plus ou moins l’auto-construction.

La naissance d’un appareil de production pavillonnaire spécialisé a été favorisée par l'action du Président Directeur Général de la société Phénix, qui, en 1961, regroupe des

entrepreneurs en vue de développer la maison individuelle. Le regroupement constitué, il se dote d’une structure et d’un outil de représentation, le Syndicat de Constructeurs de Maisons Individuelles (SCMI). La société Phénix, qui, la première, a fait du pavillon un produit industrialisé, a servi « de catalyseur à un pôle de producteur souhaitant faire du logement individuel un objet industriel et de consommation courante »21. C’est avec l’arrivée d’Albin Chalandon, au Ministère du Logement et de l’Equipement en 1968, que le syndicat trouve un relais politique dont l'intervention accélèrera l’entrée du logement individuel dans l’économie de marché et la mise en place d'une politique en faveur des ménages les plus modestes.

Dans la continuité de cette politique, d’autres groupes de constructeurs se constituent : les groupes Bruno Petit, Maison Familiale et Bouygues. Tous vont alors développer une filiale spécialisée dans la construction de maisons individuelles. A côté de cet appareil industriel, des entrepreneurs locaux vont également essayer de se positionner sur ce marché.

Ainsi « la généralisation de la préfabrication des panneaux, le développement de la standardisation des équipements de base, la mise au point de méthodes modernes de montage ont incontestablement joué un rôle décisif dans l’essor de la périurbanisation, en abaissant le prix de revient unitaire tout en laissant aux constructeurs et aux vendeurs, associés ou non, de substantielles marges bénéficiaires »22.

A partir des années soixante et soixante-dix, le pavillon devient un véritable « produit », fabriqué à grande échelle et ouvert à la consommation de masse. Comme le fait remarquer P. BOURDIEU : « il est sans doute peu de marchés qui, autant que la maison, soient non seulement contrôlés, mais véritablement construits par l’Etat, tout spécialement à travers l’aide accordée aux particuliers, qui varie dans son volume et dans les modalités de son attribution, favorisant plus ou moins telle ou telle catégorie de propriétaires et par là de constructeurs »23. Pendant un temps, l’artisanat local s’adapte et résiste assez bien à la concurrence des organismes nationaux spécialisés qui bénéficient du soutien des établissements bancaires et des entreprises de matériaux préfabriqués. Une réactivité qui ne

21 M.C. JAILLET, Les pavillonneurs. La production de la maison individuelle dans la région toulousaine, Paris, éd. CNRS, 1982, p. 36.

22 J. BRUN, « Nouvelles approches », in M. RONCAYOLO (Dir.), La ville aujourd’hui, Histoire de la France urbaine, Paris, Seuil, coll. « Point Histoire », 2001, p. 399.

23 P. BOURDIEU et alii, « Un placement de père de familles », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, L’économie de la maison, n°81-82, 1990, p. 27.

tiendra pas, comme le montre le travail de M.C. JAILLET à propos du marché toulousain et des modalités de sa pénétration par les groupes nationaux spécialisés dans la production pavillonnaire (Phénix, Maison Familiale, …) (1982).

Ce paysage de la construction va se modifier durant les années quatre-vingt.

Le travail de J.R. BARTHELEMY et P. GUYON sur « Le marché de la maison individuelle : acteurs, produits et stratégies » réalisé dans le cadre d’un programme de recherche du PUCA montre qu’« il existe actuellement une diversité plus grande que jamais dans le mode de relations entre le client et ses prestataires »24, principalement en raison d’une forte concurrence par strates :

- des organisations locales, autour de pôles professionnels très divers, qui cherchent à monter en gamme,

- un marché où le droit d’entrée serait finalement faible mais très ciblé en termes de produit, dans lequel les grands groupes ne souhaiteraient pas trop s’impliquer en raison de la lourdeur de leurs structures nationales,

- enfin, un marché où les constructeurs nationaux occuperaient le bas de gamme (créneau dont la croissance est la plus forte depuis la mise en place du prêt à taux zéro en 1996).

Le travail M. CARON25 qui repère aujourd’hui quatre filières d’offre dans le marché de la maison individuelle :

- les constructeurs de maisons individuelles, qui composent environ la moitié du marché.

Ce sont les ensembliers, qui livrent « clé en main » pour des ménages acquéreurs, souvent déjà propriétaires du terrain.

- Les promoteurs qui interviennent à hauteur d’environ 20 % du marché des maisons individuelles.

- Les artisans, dont la part de marché est de l’ordre de 15 %, et qui interviennent sur des surfaces inférieures à 170 m².

- Enfin, les maîtres d’œuvre, en particulier les architectes, sur la part restante.

24 Synthèse de l’intervention de J.R. BARTHELEMY & P. GUYON, « Le marché de la maison individuelle;

acteurs, produits et stratégies », à la journée de présentation du programme PUCA « La maison individuelle, architecture et urbanité », juin 2001, p. 3.

25 Synthèse de l’intervention de M. CARON lors de l’assemblée générale de l’Office National de la Maison Individuelle du 3 juillet 2001, in Les métiers de l’immobilier : les mutations en cours, La lettre de l’observatoire, n° 3, http://www.onmi.org/download/mutation-en-cours.doc

Figure 1 : Evolution de la proportion de maisons individuelles selon l’époque de construction sur l’ensemble du parc immobilier

a ) Période 1950-1996

Source : A.M. FRIBOURG, « Evolution des politiques du logement depuis 1950 », in M. SEGAUD et alii (Dir.), op. cit., p.227

b) Période 1984-2002

Source : METL, Siclone, Sitadel (depuis 1996) – France, Portrait social 2003-2004, Références, INSEE

Pour lui, le cœur de cible du marché, la primo-accession populaire, est en voie d’assèchement et ce malgré la relance de l’accession sociale. Les « traditionnalistes », comme il les appelle, se composent essentiellement de catégories socioprofessionnelles populaires pour lesquelles l’accession à la propriété reste l’outil privilégié d’enracinement social via le symbole de « l’ascension patrimoniale ». Cependant, d’après-lui, s’ils correspondent à la majorité des acheteurs actuels, ils ne représentent, à long terme, que 25 % du marché potentiel.

Dans tous les cas de figure, si le marché de la maison individuelle n’est plus à son apogée, il garde toutefois une part majoritaire dans le total de la construction de logements, en particulier depuis le lancement du PTZ (Figure 1). Une telle conjonction d’éléments et une telle diffusion de ce produit ne vont pas rester sans incidences sur l’inscription spatiale de cet habitat et sur sa force intégratrice.

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 33-37)