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Améliorer les conditions d’habitat au prix d’une mobilisation permanente

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 196-200)

Une figure de l’accession en maison individuelle plus contrainte : celle des familles modestes du périurbain lointain

3. Améliorer les conditions d’habitat au prix d’une mobilisation permanente

Pour analyser les situations précédemment décrites, il paraît judicieux de revenir sur le concept de mobilisation développé par F. GODARD et P. CUTURELLO43 qui exprime la mise en avant des réserves et des capacités en argent et en temps pour favoriser l’accession.

Cette mobilisation sera, selon les familles, plus ou moins nécessaire, plus ou moins longue et plus ou moins bien supportée. Nous privilégierons ici la mobilisation financière et la mobilisation physique. Toutes les deux entraînent une mobilisation au quotidien qui se traduit par deux contraintes : l’investissement en temps et en travail dans la maison, c’est la mobilisation active, et la restriction de son niveau de vie pour faire face aux dépenses, c’est la mobilisation passive. Ces éléments sont structurants des pratiques quotidiennes et leurs mises en œuvre dépendantes des capacités économiques et physiques des ménages, tout comme de la valeur qu’ils accordent à leur projet résidentiel.

3.1. Se mobiliser financièrement

L’examen des montages financiers confirme l’analyse faite précédemment, c'est-à-dire l’existence de deux pratiques différentes, face à l’accession. Ainsi, les ménages appartenants au groupe PA présentent des profils financiers globalement mieux préparés et des ressources financières plus élevées. Sans rentrer dans le détail du calcul du montage financier et des taux

d’effort, on peut mettre en avant deux tendances. Pour les périurbains de l’agglomération on observe une majorité de prêt bancaires (c.f. Tableau 7, 1.3 de ce chapitre) et une forte présence d’échéanciers de remboursement inférieurs à quinze ans (onze cas). En comparaison, l’échantillon des ménages rencontrés en périurbain lointain présente un profil financièrement plus modeste et des échéanciers de remboursement supérieurs à quinze ans (trente-trois cas, dont trois cas avec des échéances sur vingt-cinq ans). La mobilisation financière, pour un tiers d’entre eux, engage alors l’avenir durablement.

On retrouve, dans les discours de certains ménages, la prise de risque inhérente à ce type de projets immobiliers :

« On part sans apport » et les conséquences de celle-ci « un terrain pas trop cher…le genre de maison le moins cher aussi…on savait qu’on allait devoir s’éloigner… on fait avec les moyens du bord après on verra si on peut l’améliorer » (I3, F, 36 a, congé maternité, Saint-Julien),

« On part sans apport, donc on peut pas se permettre d’avoir des exigences trop élevées, ni sur le terrain, ni sur la maison, mais comme on ne voulait pas attendre… » (Lh2, H, 37 a, employé, Le Lherm).

Mais les contraintes financières ne permettent pas de faire face aux imprévus et obligent à restreindre le projet initial :

«C’est à dire qu’on devait avoir un garage, un tout petit garage qui était fixé avec la maison, alors ils ont prétendu que le terrain était pas stable et il a fallu surélever d’une marche la maison, ensuite ils nous ont facturé un surplus pour le toit parce qu’il fallait surélever le toit, donc on se trouvait dans l’incapacité d’avoir la maison dans sa globalité, c’est à dire la maison plus le garage, alors on a préféré prendre l’habitation finie, complète et le garage après…une incapacité financière, et avec ces problèmes qui faisaient dépasser le budget ils se sont retrouvés coincés et ils nous ont demandé si on voulait le garage et si on se finissait l’intérieur ou alors s’ils nous finissaient l’intérieur et on abandonnait le garage. Nous on n’a pas voulu qu’ils nous laissent la maison dans cet état et on a préféré sacrifier le garage » (P3, H, 45 a, employé, Poucharramet),

43 F. GODARD & P. CUTURELLO, op. cit.

« Disons qu’on a vraiment pris la plus petite mais avec le garage et puis comme on n’a pas eu assez d’argent suite à une histoire on a décidé de l’enlever et on le fera plus tard si on trouve un petit financement… » (Lh2, H, 37 a, employé, Le Lherm),

« eh bien il a fallu tout faire à l’intérieur, les tapisseries, ce genre de trucs et puis l’extérieur aussi, la clôture, …, c’était par souci d’économie surtout pas par plaisir, ça c’est sûr » (Lh1, H, 45 a, employé, Le Lherm).

Figure 44 : Le résultat d’une construction par étape

Cette contrainte budgétaire, sera d’ailleurs parfois considérée comme la responsable majeure d’une partie des malfaçons liées à la construction :

« À mon point de vue c'est qu'on est petit budget, petite maison et ça ne les intéressent pas forcément donc ils font pas du bon boulot » (I2, H, 28 a, technicien, Larra),

« Le mec il avait une maison dans la tête et il l’a faite comme il en avait envie et comme c’était pas la sienne si il y avait un truc qui « déconnait » eh bien il passait dessus, .. , enfin quand on est arrivé c’était trop tard, le sous-sol il ne l’avait pas fait comme on le voulait, …, on leur avait demandé des placards et on ne les a pas eu, la tuyauterie on leur avait demandé apparente et quand on est arrivé tout était encastré et puis plein de détails… » (S10, H, 48 a, agent de maîtrise, Saint-Sulpice),

« Oui, beaucoup, des travaux à la pelle, il y a d’abord eu la laine de verre et c’est moi qui est dû la payer en plus, ils sont partis et ils m’ont tout laissé en l’état, …, il n’y avait pas les

gouttières, il n’y avait rien, …., et puis alors je vous dit pas la facture de chauffage la première année et encore on était gelé, et oui comme il n’y avait pas la laine de verre… » (Ll3, H, 42 a, ouvrier, Lavernose Lacasse).

La faiblesse budgétaire ne leur donne également pas véritablement le choix de la maison et ils prennent alors la première maison du catalogue :

« Non, tout est fixé, tout est … » (Lh5, F, 28 a, chômage, Le Lherm),

« C’est pas une maison de supermarché mais presque, au bout de 20 ans il y a tout à refaire, le toit, les murs, sans compter l’entretien normal d’une maison et puis en plus ici il y a des mouvements de terrain, alors ! » (P5, H, 29 a, ouvrier, Poucharramet).

L’enveloppe budgétaire disponible ne permet que d’avoir : «ce genre de maison qu’on voit partout… un rectangle » (I2, H, 28 a, technicien, Larra).

Ces restrictions budgétaires ont, dans de nombreux cas, des répercussions sur la qualité des constructions et vont alors demander un investissement supplémentaire, en temps et en matériaux de la part du ménage.

3.2. Se mobiliser physiquement

Cette mobilisation physique peut prendre la forme de l’auto-construction par nécessité économique plus que par choix, comme elle peut prendre la forme d’une amélioration constante de l’habitat pour palier la mauvaise qualité du produit ou de la construction.

Les familles racontent ainsi le cortège des malfaçons et des problèmes liés à la mauvaise construction ou aux défauts du terrain sur lequel la maison a été installée et qui demande du temps en réparation :

« Des malfaçons ! Ça, alors là, il y en a en pagaille, non mais c’est parce que c’est de l’industriel, les plafonds, les gouttières, enfin voilà tout ces trucs (Et au niveau du terrain ?) Oui, aussi, tout le coin là c’est une ancienne décharge, donc ça bouge, ça travaille énormément (Et ça vous gêne ?) Bon ! C’est au niveau de l’esthétique, ce n’est pas joli, c’est des fissures, des tassements » (P1, H, 56 a, ouvrier, Poucharramet),

« Disons que depuis qu’on est ici, la première fois, il y a eu des inondations, et puis l’eau est remontée de plus en plus sur au moins un mètre, et maintenant ça recommence, en fait la

nappe phréatique affleure ici, donc il suffit qu’il pleuve un peu beaucoup et ça repart, il faudrait tout refaire et puis ça sent mauvais tout l’hiver, les draps sont mouillés, venez voir–(

visite des pièces, presque un mètre d’humidité sur les murs, des tapisseries décollées, certains murs noirs) » (S5, F, 53 a, sans profession, Saint-Sulpice),

« Il va falloir quand même qu’on fasse quelque chose parce qu’en hiver on voit même pas l’extérieur tellement il y a de buée, sans compter que certaines plaques du plafond sont en train de se décoller, c’est vraiment des maisons construites à la va-vite, elle a à peine plus de 10 ans et il faudrait déjà tout refaire » (S7, H, 36 a, employé, Saint Sulpice).

Ces vices de construction, ces défauts physiques et architecturaux, se retrouvent également au niveau des lotissements, ou de la zone d’habitat, et ils finissent souvent par avoir des conséquences sur les constructions elles-mêmes :

« Il y a un gros problème, non parce que c’était des maisons qu’ils ont faites, parce que le lotissement il n’a jamais été réceptionné, et ils ont fait des maisons sans viabilisation et donc il n’y a pas de tout-à-l’égout (Mais vous avez des gênes particulières ?) L’été oui, oui, parce que des maisons derrière le cimetière et ça s’écoule vers là-bas, ça redescend et les autres maisons là-bas elles récupèrent tout et c’est gênant quand même ( Et avec le mouvement du terrain ça ne pose pas plus de problème ?) Alors au départ le terrain du fond il est étanche et donc ça reste et ça stagne dans les fossés, mais tout le village c’est comme ça, c’est avec des fosses étanches. On y vit mais c’est des maisons qui ne prennent pas de valeur » (P2, F, 51 a, sans profession, Poucharramet), et l’époux qui rajoute à cette description : «La construction il y a eu juste un petit problème, il y a deux ferrailles là vous voyez en haut qui tiennent le mur mais ça c’est dû à la sécheresse parce que le terrain, il est pas très stable et toutes les maisons ont pratiquement bougé, et le voisin il a dans la salle de séjour un déplacement de 10, 15 centimètres, et donc nous c’est des panneaux, parce que c’est des murs qui sont assemblés par panneaux et donc nous c’est le panneau ouest qui a bougé un peu et on a été obligé de mettre une barre…c’est arrivé … les travaux se sont fais…, disons au moins deux ou trois ans après » (P2, H, 55 a, employé, Poucharramet).

Ou encore, une autre personne du même lotissement qui nous confirme ces problèmes de construction : « C’est-à-dire le problème c’est sur le terrain, sur le terrain on ne l’a pas su au départ que c’était une ancienne décharge et maintenant il se trouve que le terrain il bouge et ce qui fait que la maison elle bouge aussi…déjà le sol il s’affaisse…la moquette elle est déchirée et dessous il y a une fissure…le sol je sais pas si ça vient vraiment du terrain ou de la

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 196-200)