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L’effet du prêt à taux zéro

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 139-144)

La métropole toulousaine : une situation exemplaire

3. La recomposition des ségrégations sociospatiales

3.3. L’effet du prêt à taux zéro

Un travail mené par l’AUAT sur l’impact du PTZ dans l’aire urbaine toulousaine22 montre que plus du tiers des opérations de maisons individuelles bénéficiant d’un financement PTZ ont été réalisées dans la couronne périurbaine. C’est d’ailleurs dans ce territoire que ce type de financement est dominant, puisqu’il représente 50 % de l’activité de la construction neuve. A l’intérieur de la couronne périurbaine, ce type d’accession sociale concerne majoritairement les CSP employés et ouvriers, ce qui fait dire de ce prêt que la géographie qu’il dessine est très proche de celle qu’avaient engendrée les PAP (Figure 18).

Figure 18 : Profils des accédants bénéficiaires d’un PTZ selon le territoire, part des cadres, employés et ouvriers, en %

Selon cette même étude, les ménages bénéficiaires d’un PTZ sont avant tout des couples, le plus souvent avec enfants.

22 AUAT, L’impact du prêt à taux zéro sur l’aire urbaine de Toulouse, DGUHC, 2000, 85 p.

Cette clientèle, familiale donc, se signale par sa jeunesse. L’âge moyen de l’emprunteur dans l’aire urbaine toulousaine est en effet de 35 ans en 1998. Plus de la moitié d’entre eux, 57,2 % exactement, ont entre 26 et 35 ans. Ce dispositif a donc offert des possibilités d’accession précoce à la propriété pour des ménages qui sont en phase de stabilisation familiale et professionnelle, mais qui n’ont pas constitué d’apport personnel important et qui ne disposent pas de revenus très élevés (33,7 % ont des revenus nets imposables inférieurs à 12 637,83 euros). Quand on détaille ces données au seul niveau de la couronne périurbaine, l’âge moyen de l’emprunteur est encore un peu plus jeune (34 ans), 35,4 % des accédants ont des revenus inférieurs à 12 637,83 euros pour l’année de référence retenue (soit n-2) et 15,3 % ont des revenus inférieurs à ces 12 637,83 euros.

66 % de ces bénéficiaires d’un PTZ étaient auparavant locataires du secteur privé sans variation de ce pourcentage selon les territoires concernés. En revanche, sur la part restante, les locataire HLM sont plus nombreux dans les territoires périphériques alors que ce sont les ménages anciens propriétaires qui le sont pour les accédants s’installant à Toulouse (Figure 19).

Figure 19 : Localisation et statut d’occupation précédents des bénéficiaires du PTZ

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Toulouse Banlieue Couronne

périurbaine

Propriétaires

Locataires parc privé Locataires parc HLM

Source : AUAT

Figure 20 : Carte de la répartition des PTZ dans l’aire urbaine (périmètre de 1990)

Ainsi, l’ensemble des études23 reconnaissent qu’il y a bien une localisation des projets d’accession dans des périphéries de plus en plus lointaines (Figure 20), que le profil social de la clientèle s’est resserré sur des ménages d’ouvriers ou petits employés, plus jeunes et moins préparés.

A titre d’exemple, signalons qu’en 2003 dans l’aire toulousaine, le prix moyen d’un pavillon T4 –terrain compris- varie de 183 000 euros minimum jusqu’à 10 kilomètres de Toulouse, à 137 000 euros entre 11 et 30 kilomètres et seulement 116 000 euros à plus de 30 kilomètres de la ville centre (GOFAR, 2003). Les chiffres relatifs au coût du terrain au mètre carré sont encore plus explicites : de 46 à 76 euros dans l’agglomération, le prix du terrain passe à environ 30 euros entre 20 et 30 kilomètres de Toulouse, pour chuter à moins de 15 euros le mètre carré à plus de 30 kilomètres de la ville centre. Ainsi, comme le suggère l’illustration ci-dessous (Figure 21) et pour reprendre les propos d’un article de l’hebdomadaire Le Point dans son numéro spécial « Toulouse » : « les prix des terrains deviennent intéressants dès lors qu’on accepte de s’éloigner : 52 000 euros en moyenne le lot dans le secteur de Muret, 31 700 euros dans celui de Carbonne en 2003. Désormais, c’est à Carbonne, à 60 kilomètres de Toulouse, que les lotisseurs vont chercher de nouveaux terrains »24.

Figure 21 : Prix des terrains à bâtir en 1999

23 Outre les études citées provenant des travaux de l’ANIL voir également ; M. DAUBRESSE, « La reprise de l’accession à la propriété », INSEE Première, n° 913, juillet 2003, 4 p.

24 C. TERDJAN-STREN « Toulouse, jusqu’où aller en périphérie ? », Le Point, n°1650, avril 2004.

Reste que sur un marché tendu, rares sont les pavillons qui, même situés dans des lotissements peu valorisés, ne trouvent pas preneurs au moment de leur revente. A ce titre on peut prendre l’exemple d’un lotissement, dans une commune de deuxième couronne, de construction médiocre et à la situation périphérique par rapport à la commune. « Les pavillons réalisés à La Prairie, sont d’une qualité plutôt médiocre et sans grand esthétisme. Nombre d’entre eux présentent des malfaçons (fissures, branchement du réseau d’écoulement des eaux usées sur celui des eaux pluviales, fil électrique unique au lieu des deux répondant aux normes de sécurité,…) qui sont la conséquence directe d’une recherche drastique de limitation des coûts » 25. Ce type de produit, vendu à l’origine à des ménages modestes bénéficiant de PAP, a connu, du fait de la croissance de l’urbanisation et d’une situation immobilière tendue, un phénomène de revalorisation et une modification des catégories sociales des propriétaires.

« Le renouvellement de la population au sein du groupe d’habitation apparaît important. Il s’explique probablement par les difficultés survenues rapidement chez de nombreux ménages, donc l’obligation de vendre ou victime de saisies. Les nouveaux arrivants apparaissent plus aisés (davantage de cadres), leurs origines géographiques sont plus variés et lointaines »26. Cette nouvelle population plus aisée et extérieure à la région, ne se laisse pas influencer par la mauvaise image du lotissement et trouve ici une localisation pratique à moindre prix dans un contexte de banalisation de « l’objet » maison individuelle.

Faut-il aller jusqu’à conclure que le contexte économique favorable dont bénéficie l’agglomération toulousaine, préserve les zones pavillonnaires des processus de dévalorisation ? Ou s’agit-il d’une relative harmonisation des coûts fonciers avec les autres agglomérations du Sud de la France et en croissance démographiques (Marseille, Montpellier, Bordeaux) ? Dans tous les cas, les prix élevés atteints par des pavillons sans recherche architecturale et/ou situés dans des zones enclavées, attestent du moins l’importance de l’environnement socio-démographique sur la recomposition des parcs immobiliers. Ainsi, il apparaît qu’en matière de fixation des prix, à la revente comme dans le neuf, le poids des contextes locaux s’affirme.

25 M.C. JAILLET et alii, « La maison individuelle comme objet de transaction entre intimité, socialité et urbanité », rapport de recherche pour le PUCA, Toulouse, CIRUS-Cieu, Université Toulouse-Le Mirail, 2003, p.106.

26 Idem, p. 117.

Chapitre VI

Dans le document Les « captifs » du périurbain ? (Page 139-144)