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Limites du contrat formel et problèmes liés à la détention de l’information, des ressources et aux comportements des agents : des ressources et aux comportements des agents :

CONTRAT DE SOUS-TRAITANCE

3.2. Limites du contrat formel et problèmes liés à la détention de l’information, des ressources et aux comportements des agents : des ressources et aux comportements des agents :

La théorie néo-institutionnelle renseigne sur un ensemble de problèmes inhérents à l‟asymétrie d‟information pré et post contractuelle, et qui jouent un rôle majeur dans la prise de décision et la définition des modes managériaux de la relation. La rationalité limitée en tant que mécanisme de prise de décision, l‟incomplétude des contrats qui en résulte, les problèmes d‟opportunisme et la spécificité des actifs mis en jeu par la relation ainsi que les phénomènes de transferts de ressources et des compétences et l‟effet d‟apprentissage sont autant de problèmes qui se placent au cœur des contrats de sous-traitance (BARTHELEMY J., 2006, p.10)239. L‟analyse des contrats proposée par la théorie de l‟agence et des incitations implique que la régulation des relations de sous-traitance est assurée si les parties évaluent correctement le gain d‟une stratégie opportuniste. En d‟autres termes, cette analyse suppose qu‟un contrat bien fait est un dispositif de coordination qui se suffit à lui seul. Ce point de vue serait juste si l‟information circulait librement entre des agents capables de la traiter dans sa totalité, c'est-à-dire, si la rationalité des agents était parfaite et l‟avenir certain ou probabilisable. Dès lors qu‟on suppose que la rationalité des agents est limitée et que la connaissance de l‟avenir est imparfaite, le contrat apparaît comme un moyen insuffisant pour annuler les risques liés à une transaction économique (TANGPONG C. et al., 2010, p.399)240. Ces facteurs, que nous baptiserons « facteurs de relativité », sont relatifs à des facteurs contractuels (rationalité limitée, contrat incomplet, opportunisme et actifs spécifiques) et des facteurs relatifs aux transferts de ressources et compétences. Il s‟agit d‟un ensemble de facteurs qui traduisent un risque expliqué par l‟incertitude inter-organisationnelle.

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JAIN A. et THIETART R.A. (2007) : « Dynamique concurrentielle et cascades d'externalisations », Revue française de gestion, n°177, pp.149-162.

239

BARTHELEMY J. (2006) : « La renégociation des contrats d‟externalisation : une analyse empirique », Finance Contrôle Stratégie, Vol.9, n°2, juin, pp.6-29.

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TANGPONG C., HUNG K.T., YOUNG K.R. (2010): « The interaction effect of relational norms and agent cooperativeness on opportunism in buyer–supplier relationships », Journal of Operations Management, vol.28, pp.398– 414.

3.2.1. Principe de rationalité limitée :

Cette théorie est prônée par Herbert SIMON241 (1937). L‟organisation est analysée à partir des procédures de prises de décision qu‟elle met en place. Ce qui permet de comprendre le mode d‟action des organisations puisque la décision est préalable à toute action. Cette notion de rationalité limitée comporte deux aspects (SIMON H., 1991, p.2)242. D‟une part, elle signifie que les êtres humains sont rationnels puisqu‟ils peuvent expliquer la plupart du temps les décisions qu‟ils prennent243. D‟autre part, cette rationalité est limitée parce que les individus commettent des erreurs de jugement et n‟atteignent pas toujours les buts qu‟ils se sont fixés. Pourvus de cette rationalité limitée, les individus prennent leurs décisions en fonction des buts visés et de l‟analyse de l‟environnement lié à cette décision244.

Cette analyse comporte deux versants, selon AUGIER M. et MARCH J.G., (2004, p.5)245 : Le premier consiste à mettre en évidence les mécanismes de prise de décision et ainsi mesurer l‟efficacité de l‟organisation par sa capacité à prendre les bonnes décisions dans un environnement donné. Le second versant de l‟analyse est d‟expliciter cette efficacité en présentant la manière dont les individus peuvent agir ensemble dans l‟organisation alors même qu‟ils peuvent avoir des visions du monde différentes.

Dans un environnement incertain, les agents à rationalité limitée doivent fournir des efforts d‟adaptation au risque de payer des coûts de mauvaise adaptation (maladaption costs) (WILLIAMSON O.E., 2010, p.230)246. Ainsi, face à l‟incertitude du processus d‟innovation les entreprises sont incapables d‟être parfaitement rationnelles. Une grande part de risque mêlée à une prise de décision rapide doit être envisagée au fur et à mesure que le rythme d‟innovation s‟intensifie, ce qui limite fortement la rationalité des donneurs d‟ordres.

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Depuis ses premiers ouvrages sur la gestion des services municipaux en 1937 jusqu‟à la publication du tome 3 de Models of Bounded Rationality’ en 1997, Simon s‟est intéressé à la manière dont les être humains prennent leurs décisions.

242

SIMON H. (1937): « Can Municipal Activities Be Measured? », pp.281-982, dans: The Municipality, vol.32. - SIMON H. (1991) : Sciences des systémes, sciences de l'artificiel, Dunod, Paris.

243

« Dans une définition large de la rationalité, pratiquement tout comportement humain est rationnel. Les gens ont des raisons pour faire ce qu’ils font, et, si on les interroge, ils peuvent donner leur avis sur ce que sont ces raisons » (SIMON H., 1991, p.1).

244 « Une décision dans la vie réelle comprend quelques buts ou valeurs, quelques faits en ce qui concerne l’environnement, et quelques inférences tirées des valeurs et des faits. Les buts et les valeurs peuvent être simples ou complexes, cohérents ou contradictoires ; les faits peuvent être réels ou supposés, basés sur des observations ou des rapports réalisés par d’autres ; les inférences peuvent être valides ou fausses » (SIMON H., 1959, p.273).

245

AUGIER M. et MARCH J.G. (2004): Models of a Man, Essays in Memory of Herbert Simon, MIT Press. W. Callebaut, Cambridge.

246

WILLIAMSON O.E. (2010): « Transaction cost Economics : The Origin », Journal of Retailing, Vol.86, n°3, pp.227– 231.

3.2.2. Comportements opportunistes :

L‟opportunisme peut être « ex ante ou ex post, actif ou passif » (WILLIAMSON O.E., 1985, p.17)247. Le caractère actif ou passif renvoie au fait que l‟agent peut se contenter de ne pas révéler une information inconnue de son partenaire ou au contraire peut chercher à la manipuler, en fournissant une information erronée.

L‟opportunisme ex ante consiste dans une manipulation ou une non révélation de l‟information privée afin d‟obtenir un accord plus favorable. Il s‟agit ici d‟un cas typique de « sélection adverse ». Une fois engagée par la relation contractuelle, l‟agent peut capter tout ou partie de la rente de son partenaire. Les problèmes de non-exécution des contrats relèvent ainsi de l‟opportunisme ex post. Ils renvoient à des problèmes « d’aléa moral ».

L‟individu opportuniste ne se contente pas de profiter des difficultés d‟observation de son comportement pour minimiser son niveau d‟effort dans une relation existante, il peut plus largement rompre la relation pour s‟accaparer la rente générée par la relation avec son partenaire (dans le cas d‟actifs spécifiques) surtout lorsque celle ci est élevée et

expropriable (GONZALEZ-DIAZ M. et al., 2000, p.169)248, ou bien manipuler

l‟information sur son comportement. Il s‟agit d‟une situation où aléa moral et sélection adverse sont combinés. D‟autant plus que l‟opportunisme ne s‟observe pas obligatoirement dans les faits ; les agents, anticipants les risques d‟opportunisme de leur partenaire, conçoivent ex ante des clauses de sauvegarde pour s‟assurer que les engagements soient crédibles.

L‟hypothèse d‟incertitude radicale de l‟innovation permet de concevoir le fait que des agents clairvoyants ne peuvent pas prévoir initialement toutes les clauses de sauvegarde pour garantir leurs engagements (LIU Y. et al., 2010, p.848)249. Le caractère imprévisible impliqué par certains évênements empêche de se référer au contrat sans renégociation fréquente, ce qui pose le problème de l‟incomplétude contractuelle (MENARD C., 2003, p.3)250.

3.2.3. Incomplétude contractuelle:

Dans le but d‟affronter les problèmes d‟opportunisme, les donneurs d‟ordres ont intérêt à définir à l‟avance les termes de leur accord. Les contrats complets définis à l‟avance

247

WILLIAMSON O.E. (1985): The economic institutions of capitalism, Free Press, New York.

248

GONZALEZ-DIAZ M. ARRUNDA B. et FERNANDEZ A. (2000): « Causes of subcontracting: evidence from panel data on construction firms », Journal of economic behaviour et organization, Vol.42, pp.167-187.

249

LIU Y., SU C., LI Y., LIU T. (2010): « Managing opportunism in a developing interfirm relationship: The interrelationship of calculative and loyalty commitment », Industrial Marketing management, Vol.39, pp.844-852.

250

MENARD C. (2003) : « L‟approche néo-institutionnelle : des concepts, une method, des resultants », Cahiers d’Economie Politique, n°44, l‟HARMATTAN.

évitent la renégociation, évitent que l‟une des parties profite de la renégociation pour faire preuve d‟opportunisme mais aussi minimisent les coûts de transaction. Cependant, les contrats complets posent problèmes : D‟abord, plus un contrat est complet plus son coût augmente. Et ensuite, il est impossible de par la rationalité limitée des agents et l‟incertitude de l‟environnement, d‟envisager à l‟avance tous les futurs possibles (TANGPONG C. et al., 2010, p.410)251. Les contrats restent donc incomplets, quel que soit le soin apporté à leur rédaction. Le caractère incertain et surprenant de l‟innovation justifie l‟impossibilité de prévoir toutes les éventualités futures et limite ainsi la complétude et la clarté contractuelle. Le contrat formel présente alors des failles auxquelles il sera souvent difficile d‟apporter des preuves devant les tribunaux (KIRAT T., 2003, p.19)252. Il est par conséquent facile d‟agir de façon opportuniste sans crainte de représailles.

3.2.4. Spécificité des actifs :

La spécificité d‟un actif se réfère au degré avec lequel un actif peut être redéployé vers des usages alternatifs et des utilisateurs alternatifs sans perte de valeur productive (WILLIAMSON O.E., 1991, p.281)253.De tels investissements ne seraient jamais effectués s‟ils ne contribuaient pas à des réductions possibles dans les coûts de production ou à des

augmentations de revenu (WILLIAMSON O.E., 1996, p.377)254. Une stratégie

d‟innovation suppose la complémentarité entre entreprises innovantes différentes et entre innovations individuelles différentes. Elle nécessite la création d‟actifs spécifiques inhérents à l‟aspect technologique de l‟innovation. Les investissements dans la constitution d‟actifs spécifiques entraînent l‟obtention d‟une quasi-rente favorable collectivement aux partenaires qui gagnent à maintenir leur relation (CAPALDO A. et al., 2011, p.2)255. En contre partie, elle occasionne l‟émergence d‟opportunisme. L‟un des partenaires peut avoir intérêt à exproprier la rente créée lors de la relation ou/et les investissements effectués par le co-transactant (BROUSSEAU E., 1998, p.6)256. En cela, la spécificité s‟accompagne d‟aléas contractuels accrus : risque et opportunités de gains sont augmentés. Williamson

251 TANGPONG C., HUNG K.T., YOUNG K.R. (2010): « The interaction effect of relational norms and agent cooperativeness on opportunism in buyer–supplier relationships », Journal of Operations Management, Vol.28, pp.398– 414.

252

KIRAT T. (2003) : « L‟allocation des risques dans les contrats : de l‟économie des contrats incomplets à la pratique des contrats administratifs », Revue Internationale de Droit Economique, XVII, 1, pp.11-46.

253

WILLIAMSON O.E. (1991): « Comparative Economic Organization: the analysis of Discrete Structural Alternatives », Administrative Science Quaterly, 1991, Vol.36, pp.269-296.

254

WILLIAMSON O.E., (1996): The Mechanisms of Governance, Oxford University Press, New York.

255

CAPALDO A. et PETRUZZELL A.M. (2011): « In search of alliance-level relational capabilities: Balancing innovation value creation and appropriability in R&D alliances », Scandinavian Journal of Management, pp.1-14.

256

BROUSSEAU E. (1998) : « Analyse économique des pratiques liées à l‟externalisation », petites affiches, décembre, n°147.

suggère d'investir, simultanément, dans des actifs spécifiques et les coûts de transaction croissants en fonction du degré de spécificité des actifs, dans la mesure où les aléas sont potentiellement accrus (WILLIAMSON O.E., 1990, p.68)257.

Les sources de la spécificité des actifs sont multiples. WILLIAMSON O.E., (1985, p.55)258 en distingue quatre :

1) La spécificité de site, les stades de production sont rapprochés géographiquement sur un même site pour économiser sur les dépenses de stock et de transport.259

2) La spécificité des actifs physiques, il s‟agit des outils spécialisés requis pour produire un composant.260

3) La spécificité de l‟actif humain, qui émerge lors de l‟apprentissage sur le tas (learning by doing) ou suite à la connaissance des membres de l‟équipe (team element).

4) Les actifs dédiés qui sont des investissements ponctuels effectués pour satisfaire à un client particulier.

A la suite de ces quatre catégories, Williamson a rajouté, par la suite, le capital de marque, et la spécificité temporelle. La spécificité temporelle, désignant tout besoin de flexibilité dans un processus de production. Elle peut être analysée comme une spécificité de site dans laquelle le besoin de réponse en temps réel d‟actifs humains sur place est vital.

3.2.5. Transfert de ressources et de compétences :

La théorie des ressources et compétence met l‟accent sur les phénomènes d‟apprentissage et de transferts de ressources, compétences et activités qui surviennent dans le cadre de relations inter-organisationnelles. Les ressources d‟une entreprise se définissent comme tous les actifs tangibles et intangibles de l‟entreprise qui peuvent être conçus comme une force ou une faiblesse de la firme (GRANT R.W., 1991, p.118)261. Par exemple, il s‟agit de la technologie de production, les brevets, le capital de l‟entreprise, la marque, les employés de par leur savoir faire, qualification et expérience... Les « compétences »262 se définissent comme « les ressources pour atteindre un objectif voulu, habituellement sous forme de combinaison faisant appel à des processus organisationnels » (AMIT R. et

257

WILLIAMSON O.E. (1990): « A Comparison of Alternative Approaches to Economic Organization », Journal of Institutional and Theoretical Economics, 146, pp.61-71.

258 WILLIAMSON O.E. (1985): The economic institutions of capitalism, Free Press, New York.

259

C‟est le cas des districts et des systèmes productifs locaux (SPL), ces entreprises du secteur textile habillement agglomérées en réseau (FERGUENE A. et al., 1998).

260

Dans le textile habillement plus le produit est à haute valeur ajoutée plus il nécessite des actifs spécifiques.

261

GRANT R.W. (1991): « The resource-based theory of competitive advantage: implications for strategy formulation », California Management Review, n°33, pp.114-135.

262

„Compétences‟ par traduction au terme « capabilities » (GRANT, 1991) et « competencies » et « core competences » (PRALAHAD et HAMEL, 1990), qui désigne l‟avantage concurrentiel par « compétences cardinales ».

SCHOEMAKER P., 1993, p.37)263, ou comme « la capacité d’un ensemble de ressources à réaliser une tâche ou activité » (GRANT R.W., 1991, p.119). Le recours aux services de prestataires permet de profiter à l‟entreprise innovante de compétences d‟experts et de se recentrer sur son cœur de métier.

3.2.6. Effet d’apprentissage :

L‟effet d‟apprentissage dans le cadre d‟une relation inter organisationnelle peut être défini comme une activité jointe entre un client et un fournisseur au niveau de laquelle les deux parties échangent des informations interprétées conjointement et intégrées dans une relation de mémoire dominante spécifique partagée qui change probablement le comportement spécifique des deux parties de la relation (SELNES F. et SALLIS J., 2003, p. 80)264.

La relation d‟apprentissage peut concerner les informations échangées entre le client et le prestataire. Les deux parties de la relation travaillent ensemble pour résoudre les éventuels problèmes liés au produit final par consultation mutuelle et en interchangeant les idées et avis réciproques (CHANG K.H. et GOTCHER D.F., 2007, p.478)265.

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