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CONTRAT DE SOUS-TRAITANCE

2. Dynamique de l’innovation :

La course vers la compétitivité pousse les acteurs de la relation à se concentrer d‟avantage sur le cœur du métier et de sous-traiter les activités secondaires. Les entreprises se livrent à une course à l‟innovation. Avec le temps, l‟innovation nécessite de plus en plus de financement381, de ressources et de compétences ce qui l‟inscrit dans une dynamique qui s‟accompagne d‟un transfert de risque du sous-traitant vers le donneur d‟ordres causé par l‟augmentation de différentiel d‟informations et de ressources et compétences entre les parties de la relation.

« L’innovation apparaît alors comme un processus d’apprentissage réciproque, souvent continu et simultané, où le prestataire s’adapte constamment aux réactions du client. L’innovation s’y réalise au coup par coup, dans une séquence d’opérations dont le but est de trouver une solution à un problème particulier posé par le client » (CST, 2003, p.33)382.

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ZOUAOUI M., SMIDA A, KHIARI S. et KHELIL N. (2009) : « Conceptions de la performance de la Jeune Entreprise Innovante au travers des perceptions de leurs dirigeants. Approche exploratoire basée sur l‟étude de la cartographie cognitive », Communication : Entreprendre et innover dans une économie de la connaissance, 6ème congrès de l‟Académie de l‟Entrepreuneriat, Sophia Antipolis, pp.1- 27, le 19-20-21 novembre 2009.

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DHIAF M.M. (2007) : Proposition d’un modèle de mesure de l’impact du Total Quality Management sur la performance globale : cas des entreprises tunisiennes de textile habillement, thèse en génie industriel, Ecole Nationale Supérieure d‟Arts et Métiers, 10 juillet 2007.

380 LORINO P. (2001), « Le Balanced Scorecard Revisité : Dynamique Stratégique et Pilotage de Performance : Exemple d‟une Entreprise Energétique », Actes du congrés de l‟AFC, Metz, France, 2001.

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D‟après FREEL M.S., (2000), les besoins financiers de la commercialisation sont estimés à 20 fois les ressources initialement investies en recherche. Les projets novateurs sont de plus en plus absorbants dans le temps, à défauts de ces ressources l‟innovation peut disparaitre. Ces ressources sont difficilement existantes dans les petites et moyennes entreprises (SANCHEZ A.M. et PEREZ M.P., 2003).

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CST Conseil de la science et de la technologie (2003) : « L‟innovation dans les services : pour une stratégie de l‟immatériel », Avis du conseil de la science et de la technologie, QUEBEC, 2003.

2.1. Transfert de risque de l’innovation du sous-traitant vers le donneur d’ordres :

Le transfert de risque de l‟innovation du sous-traitant vers le donneur d‟ordres s‟inscrit au cœur de la problématique de notre recherche. La nature complexe de l‟innovation et son caractère générateur d‟incertitude sont inhérents au fondement de notre approche.

La complexité présente le caractère non maitrisable de l‟innovation qui joue un grand rôle dans la détermination du risque lié au processus d‟innovation (DEROY X., 2004, p.9)383. La complexité se définit selon (GENELOT D., 1992 p.30)384, comme «tout phénomène qui échappe pour partie à notre compréhension et à notre maîtrise». Pour (SMIDA A., 2006, p.13)385, un phénomène est dit complexe s'il n'est jamais totalement compris, expliqué ou maîtrisé quelque soient les efforts fournis, les moyens déployés et le temps consacré. Une organisation complexe est une organisation où l'information spécifique nécessaire à l'accomplissement de la fonction de décision est détenue par de nombreux agents.

L‟incertitude a souvent été considérée comme une variable déterminante de la complexité386. THOMSON (1967, p.159)387 a écrit que « l’incertitude apparaît comme le problème fondamental des organisations complexes, mais aussi la base du processus administratif ». L‟innovation est un facteur générateur d‟incertitude, elle impose cette incertitude auprès de ceux qui prennent en charge sa commercialisation (FREEL M.S., 2000, p.29)388.

L‟incertitude est de plus en plus importante au cours du processus d‟innovation (DAMAPOUR 1996, p.696)389. L‟incertitude technologique est trop élevée, d‟une part, pour couvrir les dépenses des activités de recherche et développement. Et d‟autre part, l‟incertitude commerciale est encore plus forte pour la mise en marché (FREEL M.S., 2000). Dans notre recherche l‟incertitude touche les sous-traitants qui commercialisent le service innovant et les donneurs d‟ordres qui commercialisent le produit innovant fruit de la relation.

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DEROY X. (2004) : « L‟innovation contingente: deux sagas: Zodiac et Salomon », Travaux et Recherches de Prospective, n°22, Juin.

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GENELOT D. (1992) : Manager dans la complexité. Réflexions á l'usage des dirigeants, INSEP-Editions, PARIS.

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SMIDA A. (2006) : « Complexite de L'innovation Technologique », Revista Facultad De Ciencias Economicas, Vol.XIV, n°1, Juin, pp.12-22.

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« La complexité ne comprend pas seulement des quantités d’unités en interactions qui défient nos possibilités de calcul ; elle comprend aussi des incertitudes, des indéterminations, des phénomènes aléatoires. La complexité dans un sens à toujours affaire avec le hasard...Mais la complexité ne se réduit pas à l’incertitude, c’est l’incertitude au sein de systèmes richement organisés. Elle concerne des systèmes semi aléatoires dont l’ordre est inséparable des aléas qui les concernent. La complexité est donc liée à un mélange d’ordre et de désordre »… MORIN (1990, p48-49)

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THOMSON J.D. (1967): Organizations in Action, McGraw-Hill, NY.

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FREEL M.S. (2000): « Strategy and Structure in Innovative Manufacturing SMEs: The Case of an English Region », Small Business Economics, vol.15, pp.27-45.

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DAMANPOUR F. (1996): « Organizational Complexity and Innovation: Developing and Testing Multiple Contingency Models », Management sciences, Vol. 42, n°5, May, pp.693-716.

Dans un environnement incertain, le choix des agents est caractérisé par une rationalité limitée. Il n‟existe pas de base préalable au jugement qui permet de garantir un effet escompté. KEYNES J.M., (1931, p.102)390 distingue les deux notions d‟incertitude et de risque : « Par l’expression connaissance incertaine, il ne s’agit pas tout simplement de distinguer ce qui est su avec certitude de ce qui est seulement probable, il s’agit d’accepter la ligne de partage (incertitude/risque) ce qui signifierait que , dans certaines situations d’incertitude radicale, il faudrait renoncer à la rationalité instrumentale de l’agent en d’autres termes renoncer à la possibilité d’aboutir à un classement cohérent des alternatives possibles». La rentabilité incertaine de l‟innovation peut être liée aux contraintes de réalisation, au cadre institutionnel, aux risques dus au rythme de diffusions des innovations et aux risques liés au financement.

D‟après DUMOULIN R. et al., (2000, p.14)391

, les incertitudes liées à la décision d‟externaliser sont liées à la dépendance du client par rapport à son prestataire. Un premier type d'incertitude est lié à la sélection adverse. L'évaluation doit être faite par le donneur d‟ordres sur la capacité du prestataire à réaliser des innovations individuelles correspondantes à ses demandes spécifiques et à être réactif par rapport à ces demandes. L'incertitude peut aussi s'analyser par l‟aléa moral : en sous-traitant certaines activités, le donneur d‟ordres s'expose à une perte de contrôle (QUELIN B., 2007, p.116)392

. Celle-ci prend de multiples aspects : Perte de contrôle sur la confidentialité des informations transmises et détenues par le prestataire ; Perte de contrôle sur des actions non directement observables par la société cliente ; Perte de contrôle sur les coûts ; Perte de contrôle sur la qualité et le contenu, les délais de transmission de l'information ; Absence de garantie quant à la pérennité du prestataire.

Nous pouvons ainsi conclure que plus le sous-traitant innove, plus l‟incertitude augmente. Il perd ainsi, son contrôle et sa dépendance vis-à-vis du sous-traitant se développe.

L‟innovation agit comme un vecteur qui condamne le donneur d‟ordres à subir un risque redouté depuis la décision d‟externalisation, celui de perdre le contrôle et de développer une dépendance vis-à-vis du sous-traitant.

L‟innovation pose ainsi un vrai dilemme pour les organisations qui l‟adopte « maudites si elles l’adoptent » et « maudites si elle ne l’adopte pas » (Damned if you do, damned if you

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KEYNES J.M. (1931) : Essais de persuasion, Traduction de l'Anglais par Herbert Jacoby.

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DUMOULIN R., De LA VILLARMOIS O. et TONDEUR H. (2000) : « Centre de services partages versus externalisation : solution alternative ou situation intermédiaire le cas de la fonction comptable et financière », pp.1-28.

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QUELIN B. (2007), « L‟externalisation: de l‟opérationnel au stratégique », Revue française de gestion, n°177, pp.113-128.

don‟t). Les entreprises qui n‟innovent pas se trouvent face à une incertitude concurrentielle et sont forcées tôt ou tard à quitter le marché (SMIDA A., 2006, p.16)393. D‟un autre côté, les entreprises qui innovent doivent affronter les risques liés à cette alternative stratégique. Si le donneur d‟ordres n‟externalise pas, il sera incapable de concentrer ses efforts et ses moyens financiers sur le cœur du métier au risque de perdre de sa compétitivité et disparaître. S‟il externalise, il gagne en compétitivité mais se trouve contraint de subir une incertitude inter-organisationelle dissipée dans les frontières de la relation.

Complexité et incertitude se combinent alors à fortes doses dans le cadre d‟une stratégie d‟innovation partagée. Elle demande une gestion particulière et efficace avec une grande concentration du donneur d‟ordres sur le cœur du métier ce qui accentue cette complexité et incertitude en sa défaveur. L‟innovation réalisée par le sous-traitant est commercialisée par le donneur d‟ordres. C‟est au niveau de la commercialisation que le risque est le plus élevé.

Le transfert de risque de l‟innovation du sous-traitant vers le donneur d‟ordres se traduit par l‟augmentation du différentiel d‟informations de ressources et compétences entre les deux parties de la relation.

2.2. Une asymétrie d’information de plus en plus élevée :

L‟approche de la complexité et d‟incertitude de l‟innovation explique le transfert de risque d‟innovation du donneur d‟ordres vers le sous-traitant. En effet, ce transfert de risque d‟innovation du sous-traitant vers le donneur d‟ordres s‟explique par une augmentation de l‟asymétrie d‟information entre le donneur d‟ordre et le prestataire.

Selon la théorie des coûts de transaction, le donneur d‟ordre devient incapable de rédiger un cahier des charges complet qui prend en considération les différentes caractéristiques techniques du produit et qui relève de la compétence du prestataire. Les réajustements fréquents sont très coûteux et ne permettent pas la rédaction de contrat le plus complet possible. Les risques d‟opportunisme sont plus fréquents, surtout lorsque la relation implique des actifs spécifiques (WILLIAMSON O.E., 1996, p.45)394. Le pouvoir de négociation du sous-traitant est alors plus élevé et le donneur d‟ordre est obligé de coopérer avec le prestataire en supportant une partie des risques générés par l‟activité. Au début de la relation, le partenaire qui a le plus fort pouvoir de négociation tente de s'accaparer la totalité de la valeur ajoutée contenue dans le produit. Le prestataire ayant le

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SMIDA A. (2006) : « Complexite de L'innovation Technologique », Revista Facultad De Ciencias Economicas, Vol.XIV, n°1, Juin, pp.12-22.

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plus faible pouvoir de négociation doit supporter seul les risques pour satisfaire son donneur d‟ordre. Ce dernier active la concurrence à chaque renégociation pour avoir les prix les plus bas et menace de changer son sous-traitant.

Au début de la relation, les séries de production sont généralement petites et se font sur une courte durée. Les risques de variations des coûts sont donc quasiment nuls (AOKI 1988, p.211)395. Ainsi, si α est nul, le prix déterminé par le contrat est fixe. Les risques que c>c* qui sont faibles sont entièrement supportés par le sous-traitant. Le degré de la coopération dans la dimension détermination du prix se reflète donc dans la valeur de b qui indique le degré de partage du profit. « Un coût unitaire estimé étant donné, la valeur de b est déterminée par les pouvoirs respectifs de négociation du sous-traitant face à son donneur d'ordres » (AOKI M., 1988, p.213). Les pouvoirs de négociation des deux parties de la relation ne sont pas des variables exogènes ; chacun a la capacité de l'influencer.

En effet, la menace d'un éventuel changement de sous-traitant, au moment du renouvellement du contrat, est un élément du pouvoir de négociation du donneur d'ordres. Ce pouvoir permet d‟agir sur la marge bénéficiaire accordée au sous-traitant (AOKI M., 1988). De manière symétrique, l'acquisition du prestataire de compétences technologiques spécialisées et d'un savoir unique et spécifique augmente son pouvoir de négociation vis à vis de son client. Trouver un produit ou service de qualité similaire sur le marché devient impossible ou très coûteux (les coûts de transferts s'élèvent). De même, le prestataire pourra davantage discuter les conditions imposées par le donneur d'ordres s'il a la possibilité de trouver d'autres clients moins « opportunistes » ou lorsqu'il entretient simultanément des relations contractuelles avec plusieurs donneurs d'ordres.

2.3. Un différentiel de ressources et compétences de plus en plus élevé :

L‟innovation se base sur une logique de scientificité et de pluridisciplinarité lui permettant de collecter les connaissances et les compétences inexistentes à l‟intérieur de ses frontières. A cet effet, la sous-traitance est une stratégie qui nourrit l‟innovation. Elle permet au donneur d‟ordres de se concentrer sur le cœur du métier, de développer et d‟acquérir les compétences à travers un portefeuille de sous-traitants innovants.

Lorsque le sous-traitant innove, l‟incertitude technique est de plus en plus élevée, les actifs deviennent rapidement obsolètes ce qui nécessite des investissements de plus en plus importants. Le transfert de ressources et de compétences est alors de plus en plus élevé ; ce qui favorise le transfert de risque d‟innovation du sous-traitant vers le donneur d‟ordre

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(BALAKRISHNAN S. et al., 1986, p.349)396. Les donneurs d‟ordres sous-traitent de plus en plus d‟activités selon « des cascades d’externalisations » (JAIN A. et THIETART R.A., 2007, p.149)397 dans le but de se concentrer sur des fonctions clés de l‟entreprise (DUHAUTOIS R. et al., 2010, p.109)398. Les décisions de sous-traitance pour améliorer la performance et stimuler l‟innovation sont prises de plus en plus rapidement ; ce qui peut causer la délégation d‟activités « critiques » ou ayant des liens avec les activités cœur du métier dont l‟externalisation impacte négativement l‟entreprise principale. Ces dernières deviennent « creuse» (JAIN A. et al., 2007, p.150)399. La valeur du produit ou du service est alors totalement créée par le prestataire innovant (BROUSSEAU E., 1998, p.6)400.

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