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CONTRAT DE SOUS-TRAITANCE

3.3. Décision de sous-traitance :

A l‟éclairage de la théorie néo-institutionnelle, la sous-traitance est une relation d‟agence entre un principal donneur d‟ordres et un agent sous-traitant. La relation est établie à la base dans le but de profiter au donneur d‟ordres (TINEL B. et al., 2008, p.158)266

. Elle peut être perturbée par la divergence d‟intérêts entre les acteurs mais s‟équilibre à travers l‟intensité du pouvoir relatif des parties qui se reflètent dans le partage du profit et de la quasi rente générée par l‟activité (AOKI M., 1988, 1990). Cette relation est concrétisée par un contrat formel ou informel qui précise les termes de la transaction et pérennise l‟avènement de la relation.

Lors de la décision de sous-traitance, le donneur d‟ordres choisit le sous-traitant qu‟il juge capable de satisfaire ses objectifs et fixe des modes de gestion qui protègent ses intérêts. Dans ces choix stratégiques et managériaux, le donneur d‟ordre prend en considération les

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AMIT R. et SCHOEMAKER P. (1993): « Strategic assets and organizational rent », Strategic Management Journal, 14, pp.33- 46.

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SELNES F. et SALLIS J. (2003): «Promoting Relationship Learning », Journal of Marketing, Vol. 67, juillet, pp.80– 95.

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CHANG K-H. et GOTCHER D.F. (2007): « Safegarding investments and creation of transaction value in asymmetric international subcontracting relationship: the role of relationship learning and relational capital », Journal of Business, n°42, pp.477-488.

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TINEL B., PERRAUDIN C.,THÈVENOT N., et VALENTIN J. (2008) : « La sous-traitance comme moyen de subordination réelle de la force de travail »,Corps dominé corps en rupture, pp.153-164.

problèmes organisationnels inhérents à la détention et l‟utilisation de l‟information ainsi que l‟incertitude de l‟environnement (WILLIAMSON O.E., 1996, p.150)267

. Ces choix managériaux évoluent en fonction de la dynamique de l‟incertitude de l‟environnement.

3.3.1. Propension d’évitement de l’incertitude :

La décision de sous-traitance est la première étape de la relation de sous-traitance. Il s‟agit d‟une décision stratégique fédératrice pour le donneur d‟ordres. Dans ses choix, l‟entreprise se base sur une analyse stratégique permettant d‟évaluer les avantages et les risques encourus suite à cette décision ainsi que d‟organiser le mode de gestion de sa relation avec le sous-traitant (QUELIN B., 2007, p.117)268 ; (BROUSSEAU E., 1998, p.7)269.

L‟analyse des opportunités et des risques préalables à la décision de sous-traitance permet de s‟assurer que l‟activité confiée au prestataire n‟entrainerait pas le transfert de savoir faire, de capacité et de compétences, qu‟elle n‟est pas „critique‟ et qu‟elle n‟a pas de liens avec des activités clés qui peuvent être influencées par cette décision (QUELIN B., 2007, p.120). La décision dépend également de l‟absence d‟actifs spécifiques, de la faible incertitude et de la capacité des accords à être exécutés (BROUSSEAU E., 1998, p.10) ;

(GOSSE B., SARGIS-ROUSSEL C. et SPRIMONT P.A., 2002, p.107)270.

Les recherches de QUELIN B., (2007)271 sur les raisons qui poussent les grands groupes français à externaliser leur système de production déterminent les principaux freins ou inhibiteurs à la décision de sous-traitance. Les résultats de cette recherche sont résumés dans le graphique suivant :

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WILLIAMSON O.E. (1996): « Transaction Cost Economics and the Carnegies Connection », Journal Of Economic Behavior & organization, vol.31, pp.149-155.

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QUELIN B. (2007) : « L‟externalisation: de l‟opérationnel au stratégique », Revue française de gestion, n°177, pp.113-128.

269

BROUSSEAU E. (1998) : « Analyse économique des pratiques liées à l‟externalisation », petites affiches, décembre, n°147.

270

GOSSE B, SARGIS-ROUSSEL C. et SPRIMONT P.A (2002) : « Les changements organisationnels liés aux stratégies d‟externalisation : le cas d‟une entreprise industrielle », Finance Contrôle Stratégie, vol 5, n°1, mars, pp.101-128.

271 Une première enquête a été menée en 2001 et 2002 sur les facteurs de décision des grands groupes français en matière d‟externalisation. Résultats de l‟enquête sont détaillés dans les recherches de QUELIN et DUHAMEL (2003). Une seconde enquête a été menée fin 2005-début 2006 en partenariat avec Orange Business Services, par voie électronique, sur la base d‟un fichier d‟environ 200 entreprises françaises. Les résultats de ces travaux sont disponibles sur l‟adresse suivante : http://www.hec.fr/quelin

Graphique n°19: Les freins ou inhibiteurs à une décision d’externalisation :

Source : (QUELIN B., 2007, p.116)272

Les donneurs d‟ordres sous-traitent leur production guidés par deux principaux objectifs : « un recentrage sur le métier » et « la réduction des coûts » (QUELIN B. et DUHAMEL F. 2003, p.652)273.

L‟attitude du donneur d‟ordres vis-à-vis du risque déterminé par cette décision stratégique dépend de la tendance de ce dernier par rapport à l‟évitement de l‟incertitude (JAIN A. et THIETART R.A., 2007, p.152)274. Lors de l‟établissement du contrat, cette propension d‟évitement du risque est élevée d‟autant plus que, l‟entreprise principale se trouve dans une situation de « sélection adverse » et « d‟aléa moral ».

3.3.2. Selection adverse et aléa moral :

Lors de l‟établissement du contrat, le décideur reste contraint de prendre une grande partie de risques liés à la rationalité limitée des estimations de gains et de pertes relatifs à la stratégie envisagée (FIMBEL E., 2003, p.27)275.

Ce n‟est que pendant la phase opérationnelle que les effets stratégiques réels peuvent être constatés. Dans les termes de la relation d‟agence, la phase décisionnelle se base sur la « selection adverse ». Le donneur d‟ordres choisit le sous-traitant qu‟il estime capable de

272 QUELIN B. (2007) : « L‟externalisation: de l‟opérationnel au stratégique », Revue française de gestion, n°177, pp.113-128.

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QUELIN B. et DUHAMEL F. (2003): « Bringing Together Strategic Outsourcing and Corporate Strategy : Motives for outsourcing and the risks involved”, European Management Journal, vol.21, n°5, octobre, pp.647-661.

274

JAIN A. et THIETART R.A. (2007) : « Dynamique concurrentielle et cascades d'externalisations », Revue française de gestion, n°177, pp.149-162.

275

FIMBEL E. (2003) : « Nature et enjeux stratégiques de l‟externalisation », Revue Française de Gestion, n°143, pp.27-42.

satisfaire le mieux ses exigences ; ce n‟est qu‟au cours de la relation qu‟il sera capable d‟évaluer la satisfaction vis-à-vis de ce prestataire. Au cours de la relation, le donneur d‟ordre peut être victime « d’aléa moral », lorsque le sous-traitant bénéficiant d‟informations spécifiques sur le travail peut les cacher ou les retenir pour tirer avantage de la relation. Le sous-traitant étant mieux informé sur l‟évolution de la technologie, ses compétences réelles et sa structure de coûts peut faire preuve d‟opportunisme en miroitant des qualités qu‟il ne possède pas en réalité.

« La rationalité limitée » des donneurs d‟ordres (SIMON H., 1959, p.261)276, lors de la signature du contrat, les empêche de prévoir avec certitude l‟avènement de la relation et de rédiger des contrats complets. Ce qui multiplie le risque que le sous-traitant profite de cette incomplétude contractuelle pour préserver son propre intérêt. Ce comportement génère des « coûts de transaction » (WILLIAMSON O.E., 1985, p.73)277, qui pèsent négativement sur la décision de sous-traitance. A ces différents facteurs transactionnels s‟ajoutent les problèmes d‟apprentissages causés par les transferts de ressources, de compétences et d‟activités du donneur d‟ordre vers le sous-traitant. En effet, la décision de sous-traitance vise, outre la réduction des coûts de transaction (BAUDRY B., 1991, p.49)278, la concentration sur les ressources fondamentales ou « critiques » de l‟entreprise (LECLER Y., 1992, p.145)279, la décision d‟externaliser doit prendre en considération la possibilité de la migration de la valeur ajoutée vers le sous-traitant. Il s‟agit d‟un autre risque auquel s‟expose l‟entreprise donneur d‟ordre et qu‟elle essaye d‟éviter (BROUSSEAU E., 1998, p.6)280 ; (JAIN A. et THIETART R.A., 2007, p.154)281.

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