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CONTRAT DE SOUS-TRAITANCE

3. De l’approche contractuelle vers l’approche relationnelle

3.2. Du contrôle à la confiance en fonction de la dynamique de l’innovation

Un client rationnel choisit toujours le contrôle comme mode de gestion pour garantir sa satisfaction. Le contrôle permet au donneur d‟ordres d‟évaluer les qualités miroitées par le prestataire choisi en phase précontractuelle et d‟éviter l‟opportunisme de l‟autre partie. Les examens de contrôle permettent au donneur d‟ordres de mieux comprendre le travail du sous-traitant et ainsi de mieux compléter le contrat.

Une succession de transaction satisfaisante rassure le donneur d‟ordres quant à la bienveillance et l‟intégrité de son prestataire. Il est désormais capable d‟évaluer sa propension à faire confiance à son sous-traitant. L‟interaction personnelle débouche sur la création progressive de « contrats moraux » (NEUVILLE J.P., 1998, p.17)404. Un donneur d‟ordres accorde sa confiance à la suite des périodes d‟essais (ALTERSHON C., 1992)405

qui permettront de juger si un partenaire est « digne de confiance » (KARPIK L., 1996, p.531)406. En effet, « le développement d’une procédure de communication spécifique avec les prestataires nourrit un sentiment de confiance envers eux » (GOSSE B., et al 2002

403

QUELIN B. (2007) : « L‟externalisation: de l‟opérationnel au stratégique », Revue française de gestion, n°177, pp.113-128.

404

NEUVILLE J.P. (1998) : « Figures de la confiance et de la rationalité dans le partenariat industriel », Revue française de gestion, juin-août, pp.15-24.

405

ALTERSHON C. (1992) : De la Sous-Traitance au Partenariat Industriel, Edition L‟Harmattan.

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p.122)407. Le contrôle nourrit ainsi « la propension à faire confiance » et donc la confiance à attribuer au sous-traitant.

OZA N.V. et al., (2006, p.346)408 montre suite à un état de l‟art sur les définitions de la confiance à travers différentes disciplines, que la confiance converge vers deux idées principales : la volonté d‟être vulnérable et une estimation positive du comportement de l‟autre partie. Partant de ces différents critères, la confiance se définit comme la volonté de se fier à un partenaire d‟échange en qui l‟on croit (YUAN W., 2010, p.232)409. Elle est évaluée selon trois dimensions410 liées au « trustee » : la compétence411, l‟intégrité412

et la bienveillance413 et une quatrième composante dépendante du « trustor » : la propension à faire confiance (MAYER R.C. et al., 1995, p.286)414 .

Cette propension à faire confiance est évaluée selon trois dimensions :

- Dimension spatiales relative à l‟appartenace à un groupe ou une région

(MANGEMANTIN V., 1999, p.132)415.

- Dimension temporelle relative à la réputation ou expérience : il s‟agit de « la confiance relationnelle » (process based trust) qui repose sur les échanges passés ou attendus en fonction de la réputation (LORENZ E., 1996, p.107)416.

- Dimension organisationnelle relative à la confiance lors de la signature ex-ante du contrat pour éviter les phénomènes de sélection adverse, pour prévenir l‟aléa moral et

407 GOSSE B, SARGIS-ROUSSEL C. et SPRIMONT P.A (2002) : « Les changements organisationnels liés aux stratégies d‟externalisation : le cas d‟une entreprise industrielle », Finance Contrôle Stratégie, vol 5, n°1, mars, pp.101-128.

408

OZA V.N., HALL T., RAINER A. et GREY S., (2006): « Trust in software outsourcing relationships: An empirical investigation of Indian software companies », Information and Software Technology, n°48, pp.345-354.

409

YUAN W., GUAN D., LEE Y.K., LEE S. et HUR S.J. (2010): « Improved trust-aware recommender system using small-worldness of trust networks », Knowledge-Based Systems, vol.23, pp.232–238.

410

SEPPANEN, BLOMQVIST et SUNDQVIST (2007) dans une comparaison de 15 travaux de recherche sur la confiance dans le milieu industriel, recensent 21 dimensions de la confiance. Les différentes études indiquent entre 1 et 21 caractéristiques amenant le client à percevoir que son partenaire est digne de confiance mais seulement les trois composantes « intégrités, crédibilité et bienveillance » (MAYER et al. 1995), restent les plus importantes et celles qui sont toujours reprises dans la littérature sur la confiance.

411

« La compétence » ou la « capacité » ou « crédibilité » : (« credibility » ou « ability » (SEPPANEN et al. 2007) se définit comme la perception du donneur d‟ordres que le prestataire est capable de remplir son rôle de façon « efficace et fiable» (GANESAN 1994 ; DONEY et CANNON 1997 ; KUMAR et al. 1995). Ce qui inclut les notions de compétences et d‟expertise (GEINDRE, 2002).

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L‟intégrité « integrity », ou aussi Honnêteté, ou encore selon SEPPANEN et al (2007) fiabilité « reliability » et prédictibilité « predictability ». Il s‟agit du sentiment que le partenaire remplira son rôle et sera sincère. (GEYSKENS et al. 1996 ; MORGAN et HUNT, 1994).

413 La bienveillance « benevolence » ou selon WILLIAMS (2001) « goodwill » ou dépendabilité « dependability » selon SEPPANEN et al. (2007). Il s‟agit de l‟attention que peut manifester le prestataire aux intérêts et au bien être de son client. Qu‟il ne fera pas preuve d‟opportunisme.

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MAYER R.C., DAVIS J.H. et SCHOORMAN F.D. (1995): « An Integrative Model of organisational trust », Academy of Management Review, Vol.29, pp.285-292.

415

MANGEMANTIN V. (1999) : « La confiance: un mode de coordination don‟t l‟utilisation depend de ses conditions de production », In Thuderoz et al., La Confiance, Approches économiques et sociologiques, édition Gaëtan Morin.

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s‟assurer de l‟honnêteté des engagements de l‟organisation (SAKO M. et HELPER S., 1998, p.390)417.

Un partie importante de la littérature s‟intéresse au contrôle et à la confiance comme deux modalités de gestion complémentaires et substituables (DE MAN A.P., 2009, p.76)418. La gestion par la confiance est particulièrement efficace lorsque le contrôle est impossible

(DONADA C. et NOGATCHEWSKY G., 2006, p.261)419.

Le rôle de l‟innovation dans le passage du contrôle vers la confiance se justifie par les réflexions théoriques des coûts de transaction et des ressources, de compétences et de flexibilité. Dans un univers incertain d‟innovation, les donneurs d‟ordres sont de plus en plus concentrés sur le cœur du métier. Ils sont de plus en plus irrationels et les contrats sont de plus en plus incomplets. Une gouvernance par le contrôle et la renégociation devient de plus en plus couteuse et inéfficace d‟autant plus qu‟elle génère une situation de méfiance mutuelle qui pèse négativement sur l‟innovation.

En fonction de la dynamique de l‟innovation, le différentiel d‟informations, de ressources, de compétences et d‟activités entre les deux parties est de plus en plus élevé

(BARTHELEMY J. et DONADA C., 2007, p.106)420. Le donneur d‟ordres est dépassé par

les compétences spécifiques du sous-traitant, qu‟il n‟est plus capable de rédiger un cahier des charges précis. Il est alors contraint d‟abondonner le contrôle en faveur d‟une confiance qui autorise le sous-traitant à agir librement.

Cette liberté d‟action n‟est envisagée que lorsque le donneur d‟ordres estime que le sous-traitant ne fera pas preuve d‟opportunisme. Ceci dit « Certains individus sont opportunistes certaines fois qu’il est coûteux d’établir le degré de confiance différentiel à accorder aux individus » (WILLIAMSON O.E., 1996, p48). Le risque d‟abus de confiance est géré par des systèmes de coopération ou coordination mutuelle, qui agissent comme un gage de confiance en optimisant les intérêts du sous-traitant dans le cadre de la relation.

La domination initiale des donneurs d‟ordres est abandonnée pour laisser une plus grande marge au sous-traitant en contre partie d‟un gage d‟honnêteté, d‟implication et de

417 SAKO M. et HELPER S., (1998): « Determinants of trust in supplier relations: Evidence from the automotive industry in Japan and the United States », Journal of Economic Behavior & Organization, Vol.34, pp.387-417.

418

DE MAN A.P. et ROIJAKKERS N. (2009): « Alliance Governance: Balancing Control and Trust in Dealing with Risk », Long Range Planning, 42, pp.75-95.

419

DONADA C. et NOGATCHEWSKY G. (2006): « Vassal or lord buyers: How to exert management control in asymmetric interfirm transactional relationships? », Management Accounting Research, Vol.17, pp.259-287.

420

BARTHELEMY J. et DONADA C. (2007) : « L‟externalisation : un choix stratégique », Revue française de gestion, n°177, pp.97-99.

confiance. Il s‟agit d‟une confiance basée sur le calcul (GOSSE B. et al., 2002, p.120)421

. Les parties sont dissuadées de faire preuve d‟opportunisme car leurs motivations et leurs intérêts sont fortement reliés ou parce qu‟ils sont mutuellement dépendants.

Selon BARTHELEMY J. et al., (2007, p.105)422, il s‟agit d‟un mode de gestion par « le relationalisme » qui correspond à une anticipation sur le fait que les attentes vis-à-vis du partenaire ne seront pas déçues et que son engagement moral sera suffisant, les contrats relationnels remplacent les contrats formels et laissent place à une convention favorable à une coopération informelle.

Le tableau présenté par BARTHELEMY J. et al., (2007, p.109) concernant les décisions d‟externalisation et le choix du mode de gestion en fonction du différentiel de ressources et compétences, du risque d‟opportunisme et du besoin de flexibilité, résume notre approche. La dynamique de la détention d‟information, des comportements des acteurs ainsi que le différentiel de ressources et compétences qui accompagne la dynamique de l‟innovation explique l‟évolution du mode de gestion du contrôle vers la confiance.

Tableau n°20 : Décision et gestion d’une opération d’externalisation

Approches utilisées pour la décision d’externalisation Différentiel de ressources et compétences Risque d’opportunisme Besoin de flexibilité

Faible Fort Faible Fort Faible Fort

Modalités de gestion de la relation Contrôle Adapté Non adapté Adapté Non adapté Adapté Non Adapté Confiance et relationnisme Non adapté Adapté Non Adapté Adapté Non adapté Adapté

Source : BARTHELEMY J. et DONADA C., (2007, p.109)

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