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Chapitre 2. Méthodologie

2.7 Limites et originalité de la recherche

2.7.1 Les limites

Une des principales limites de cette recherche est le recrutement des participants. Le choix des participants dépendait en grande partie des ONG locales (et dans certains cas des shaweesh) impliquées dans la recherche. Je communiquais principalement avec les travailleurs humanitaires via Whatsapp et ceux-ci demandaient des précisions sur le type de participants recherché pour qu’ils puissent organiser les entretiens. Bien entendu, les participants répondaient aux critères spécifiés préalablement et ceux-ci ont toujours été respectés. Cependant, je n’ai eu aucun contrôle quant à la sélection des réfugiés. Il est possible que les participants recrutés fussent des individus ayant des liens avec les ONG par l’entremise de leur participation à différents programmes humanitaires. Ainsi, les participants syriens furent recrutés seulement dans le bassin d’individus ayant des liens avec les travailleurs humanitaires. Un réfugié n’ayant pas de liens avec les ONG avait donc moins de chance de participer à la recherche. Cependant, il est essentiel de mentionner que les travailleurs humanitaires, qui connaissent bien les réfugiés impliqués dans leurs programmes, choisissaient des individus précaires pour que ceux-ci puissent profiter de la compensation monétaire. De plus, puisque le shaweesh représente l’autorité du camp, il est

fort probable que les personnes que j’ai pu rencontrer dans les camps furent choisies par ou avec l’accord de celui-ci. De ce fait, on peut comprendre que le shaweesh contrôle en partie les informations qui m’ont été transmises par rapport à la gestion du camp. Il serait ainsi intéressant de comparer les entretiens réalisés à l’intérieur des centres humanitaires avec ceux réalisés à l’intérieur des camps. Ces limites étaient inévitables, car je n’aurais pas pu entrer dans les camps et avoir accès aux participants autrement.

Une autre limite de cette recherche concerne l’influence du shaweesh sur les informations données par les participants provenant des camps. Possédant un grand pouvoir sur les conditions de vie des réfugiés du camp, il existe une possibilité que les réfugiés modifient leurs propos lorsque vient le temps de discuter du shaweesh. Normalement, plusieurs d’entre eux n’hésitaient pas à critiquer son travail, mais l’on doit rester au fait de l’influence que peut avoir celui-ci sur les informations récoltées. Par exemple, lors d’un entretien réalisé dans un camp, le shaweesh était présent dans la même tente que nous (le chercheur, l’interprète et le participant). Il est donc évident que le participant ne critiquera pas le responsable de camp en sa présence. De la même façon, le shaweesh n’aura probablement pas tendance à peindre un portrait négatif de leur travail ou de celui des autorités, ce qui peut influencer les données.

2.7.2 L’originalité

Une caractéristique importante de la recherche correspond à la participation d’une grande variété d’acteurs impliqués dans la gestion des camps informels au Liban, ce qui permet d’arriver à une meilleure compréhension des phénomènes et processus se déroulant à l’échelle du camp. De plus, la visite des camps constitue une grande originalité de cette étude. Nous sommes allés plusieurs fois, en voyageant à l’aide d’une voiture de location, visiter des camps dans la Bekaa et dans la province d’Akkar. En raison des interventions gouvernementales qui sont fréquentes à l’intérieur des camps informels, il prévaut dans ces espaces une situation sécuritaire particulière. Accéder aux camps n’est pas chose facile et nous avions, pour tous les camps visités, besoin d’une invitation d’un contact interne ou externe. La décision que j’ai prise de toujours me déplacer en voiture a donc permis d’atteindre des endroits qui auraient été inaccessibles, ou du moins plus difficiles d’accès, avec les transports en commun libanais limités. Ainsi, le terrain de recherche était

accessible en tout temps. Les horaires des ONG locales étant plutôt chargés au printemps 2019, pouvoir m’adapter selon leur disponibilité sans avoir à dépendre du transport en commun fut définitivement un aspect avantageux.

2.7.3 Obstacles rencontrés

Le premier obstacle rencontré fut que beaucoup de travailleurs humanitaires étaient très occupés après la crise ayant suivi les inondations dans la vallée de la Bekaa à l’hiver 2019. Durant plus d’un mois, il fut donc très difficile d’obtenir des réponses positives de leur part. En fait, j’obtenais à cette période un taux de réponse très faible, ce qui rendait difficile la réalisation d’entretiens. Par la suite, aux environs du mois de mai, les choses se sont progressivement mises en place et beaucoup d’ONG locales dans la Bekaa m’ont répondu. Parmi celles-ci, trois ONG locales m’ont grandement aidé à accéder aux camps ainsi qu’aux individus habitant à l’intérieur. Le second obstacle fut de trouver un ou une interprète avec beaucoup de disponibilités. Beaucoup de personnes auxquelles j’ai demandé étaient disponibles, mais seulement les jours de fin de semaine. Cette plage horaire n’était pas idéale pour les travailleurs humanitaires, qui sont disponibles principalement durant les jours de semaine. La recherche d’un interprète a finalement duré quelques semaines, ce qui a rendu impossible pendant un moment de s’entretenir avec des participants arabophones. Par la suite, la recherche s’est bien déroulée mises à part les tensions politiques entre Druzes et Chrétiens qui ont pris de l’envergure vers la fin juin/début juillet. Ces tensions localisées dans les montagnes entre Beyrouth et la Bekaa ont rendu incertaine la réalisation de ma dernière journée de terrain. En effet, des pneus incendiés bloquaient l’autoroute à certains endroits. J’ai cependant pu prendre une autre route plus longue pour me rendre dans la Bekaa. Enfin, certaines journées étaient moins propices à la visite de camps pour des raisons sécuritaires. Cependant, les travailleurs humanitaires étaient au fait de ces situations et proposaient souvent des alternatives.

2.8 Conclusion

En somme, beaucoup de données qualitatives ont été recueillies durant le terrain et un stage formateur a également pu être réalisé durant le séjour de recherche. Les différentes méthodes employées ont permis la réalisation d’un terrain de recherche original qui inclut la participation d’une grande variété d’acteurs. La mobilité du chercheur et de l’interprète

a notamment rendu possible la visite de huit camps informels, ce qui a en retour permis la cueillette de données qualitatives in situ. Dans le cadre d’une recherche plus large, il serait intéressant de prendre en compte les variations locales dans la gestion entre les différents cadastres, par exemple ceux d’Aarsal, de Qaa ou de Baalbek. Les camps n’étant pas tous situés près de Barr Elias, il serait fort pertinent d’étendre la recherche à d’autres régions du Liban pour avoir une meilleure vision de la gestion des camps à différentes échelles régionales.

Chapitre 3. Privatisation et informalité dans le